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DEADLINES

Ce film, petit cousin du « Faussaire » de Volker Schlöndorff (1981), étonne au départ par son réalisme – on retrouve donc la touche du chef opérateur de « Bloody sunday » : Ivan Strasburg » -, il y a d’ailleurs la caution morale de l’ancien journaliste Michael Lerner, devenu co-cinéaste avec Ludi Boeken, et la figuration intelligente de Patrick Chauvel, grand reporter bien connu. Le mélange documentaire, la reconstitution des années 80, est assez habile, le portrait d’un jeune loup assez falot – assez fade Stephen Moyer -, prêt à tout pour un scoop dans le Liban en guerre. Cet arriviste qui méconnaît totalement Beyrouth, est assez plausible, et l’on suit la situation de guerre à travers ses yeux.  Hélas, une histoire d’amour convenue et quelques clichés, enlève à la rigueur de l’ensemble. A vouloir trop concilier, toutes sortes de public, la cible visée s’égare – j’étais dans une salle où nus étions 5 personnes, pour terminer à 2 ! » -. La prise de conscience du personnage principal, fait presque penser à un happy-ending facile.

Le romantisme convenu ne saurait pourtant trop nuire à l’ensemble, de plus Anne Parillaud, rend superbement les ambiguïtés de son métier de photographe et de son addiction à l’adrénaline, le film lui doit beaucoup. Au final, c’est un film rendant la difficulté de rendre compte d’une guerre, de ses manipulations, certains journalistes ne voyant la situation qu’à travers une bulle – On retrouvait ce schéma dans le superbe film de Peter Weir « L’année de tous les dangers » -. La vision des Libanais – Le chauffeur, le journaliste manipulateur, sorte de Sydney Greenstreet – me semble également digne d’intérêt. Il est dommage que le film bascule dans les clichés, mais il reste à voir, pour la réflexion qu’il soulève et l’approche assez frontale du métier de journaliste et de son rapport avec la notion de danger.  L’impression reste un peu mitigée au final, hélas.

CARD PLAYER

Un collègue me prête le dernier Dario Argento, sorti directement en DVD, « Card Player » – ce qui n’est pas bon signe -. A la mou qu’il me fait, je m’attends au pire, en plus de lire dans l’incontournable hors-série de Mad Movies consacré à « L’âge d’or du cinéma italien », la réflexion de Pascal Laugier : « … Le dernier opus de Dario Argento ressemble à un téléfilm berlinois : lumière verte-vomi qui ferait passer n’importe quel épisode de Navarro pour du Barry Lyndon, suspens inexistant, découpage plan-plan exécuté (c’est le mot entièrement au 50 mm, focale unique, circulez, y’a rien a voir !… ». Le DVD propose une VO anglaise et un making-off anémique. Qu’est-il arrivé au maître ? est-ce la reconnaissance ?, qu’il mérite tout de même – A lire le livre de Jean-Baptiste Thoret « Dario Argento, le magicien de la peur » – un cynisme redoutable, vivre sur son acquis par un dernier bâclage. Ses derniers films présentent parfois des fulgurances – « Le sang des innocents » – et son film « Le syndrome de Stendhal » me semble un film à reconsidérer. Mais ici, le niveau est encore plus bas que dans « Le fantôme de l’Opéra », c’est dire l’étendue du désastre. Tout ici est plat, l’histoire de départ assez improbable, un serial-killer joueur de poker virtuel, jouant la vie de ses victimes avec la police, assez sadique pour laisser les meurtres hors champ, ne flattant même pas nos vils instincts…

Stefania Rocca

Comme d’habitude, l’interprétation n’est pas le fort des films d’Argento, si je sauve personnellement Stefania Rocca, étonnante déjà en victime du web dans le film italien « Viol@ », mélange d’inquiétude et de grâce, avec un côté assez caméléon. Elle donne un peu d’humanité à se rôle de fliquette dévouée à son travail, composant avec un lourd vécu. Le reste de la distribution est assez banal, mais on s’amuse à reconnaître Adalberto Maria Merli en chef de la police – il était Minos dans « Peur sur la ville » (Henri Verneuil, 1975) -, mais on compatit avec l’Irlandais Liam Cunningham, en policier en exil à Rome, noyant ses démons dans l’alcool. Le scénario est assez ridicule, on n’échappe pas au cliché du médecin légiste original – sorte de Danny de Vito, chantant et faisant des claquettes ! ». Les lieux sont ici impersonnels, et Argento s’auto cite à outrance – Le pollen faisant penser aux insectes de « Phenoména ». Il semble même qu’il ait pillé le réalisme des cadavres au film de Frédéric Schoendoerffer dans « Scènes de crimes », la subtilité en moins. Un achat à éviter, le film est à voir, seulement si l’on est un fan absolu du maître, et encore uniquement pour se poser des questions, sur comment peut-on tomber si bas. On peut lui concéder cependant une volonté de renouvellement. Attendez donc la diffusion TV. Le film ressemble à l’oeuvre d’un tâcheron, copiant maladroitement les films précédents d’Argento, rajoutant ordinateurs et portables pour faire moderne.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Mike Marshall

Mike Marshall dans « L’alphomega »

Annonce la mort de Mike Marshall, fils unique de Michèle Morgan, qui n’a pas beaucoup marqué, il faut bien le dire, par ses interprétations, sinon le pilote anglais de « La grande vadrouille » de Gérard Oury (1966), Le falot Roger de Vaudray dans « Les deux orphelines » (Riccardo Freda, 1964) ou le mystérieux commanditaire d’Henri Virlojeux et André Weber dans la série TV « L’alphomega, 1973). Il est la vedette du méconnu « La fille de la mer morte » (1966), où il est un ingénieur catholique, qui ne parvenant pas à épouser une jeune fille juive, fille de Pierre Brasseur, parce qu’ils n’ont pas la même religion. On le vit aussi régulièrement dans les années 90, dans les séries produites par A.B. Productions. Son dernier rôle au cinéma, est celui d’un policier américain à la frontière dans « L’américain » de Patrick Timsit, questionnant Lorànt Deutsch. Il est le fils du metteur en scène William Marshall et le demi-frère de Tonie Marshall. Bibiographie : Yvan Foucart : « Dictionnaire des comédiens français disparus » (Mormoiron : Éditions cinéma, 2008).

Filmographie : 1961  The Phantom Planet (William Marshall) – 1963  The courtship of Eddie’s father (Il faut marier papa) (Vincente Minnelli) – 1964  Patate (Robert Thomas) – Déclic et… des claques (Philippe Clair) – 1965  Le due orfanelle (Les deux orphelines) (Riccardo Freda) – Paris brûle-t-il ? (René Clément) – 1966  La grande vadrouille (Gérard Oury) – Fortuna (La fille de la mer morte) (Menahem Golan) – 1967  Suzanne, die wirtin von der lahn / Mieux vaut faire l’amour (François Legrand [Franz Antel]) – 1968  Con lui cavalca la morte (Joseph Warren [Giuseppe Vari]) – Vendo cara la pelle (Je vends cher ma peau) (Ettore Maria Fizzarotti) – 1969  Les chemins de Katmandou (André Cayatte) – Hello goodbye (Id) (Jean Negulesco) – 1972  Quelques messieurs trop tranquilles (Georges Lautner) – Le serpent (Henri Verneuil) – 1973  L’histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse-Chemise (Nina Companeez) – 1978  A little romance (I love you, je t’aime) (George Roy Hill) – Lady Oscar (Jacques Demy) – 1979  Moonraker (Id) (Lewis Gilbert) – The hostage tower (La Tour Eiffel en otage) (Claudio Guzman, téléfilm distribué en salles en Europe) – 1980  Le coup du parapluie (Gérard Oury) – Téhéran 43 nid d’espions (Alexandre Alov & Vladimir Naoumov) – 1981  Sezona mira u Parizu / Une saison de paix à Paris (Predrag Golubovic) – 1982  La morte vivante (Jean Rollin) – Ça va pas être triste (Pierre Sisser) – 1983  Until September (French lover) (Richard Marquand) – 1985  Maine Océan (Jacques Rozier) – 1986  Club de rencontres (Michel Lang) – Je hais les acteurs (Gérard Krawczyk) – Johann Strauss, der König ohne Krone / Johann Strauss, le roi sans couronne (Franz Antel) – 1989  Mister Frost (Id) (Philippe Setbon) – Eye of the widow (S.A.S., l’oeil de la veuve) (Andrew V. McLaglen) – La Révolution française : Les années terribles (Richard T. Heffron) – 1993  Neuf mois (Patrick Braoudé) – 2000  Fifi Martingale (Jacques Rozier, inédit en salles) – 2003  L’Américain (Patrick Timsit). Voxographie succincte : 1992  Sur les traces de gengis khan (Gilles Combet, documentaire TV, récitant) – 2003  Les aventures extraordinaires de Michel Strogoff (Bruno-René Huchez & Alexandre Huchez, animation). Télévision (notamment) : 1967  La parisienne (Jean Kerchbron) – 1972  Frédéric II (Olivier Ricard) – Les cinq dernières minutes : Meurtre par la bande (Claude Loursais) – 1973  L’Alphoméga (Lazare Iglèsis, série TV) – Vie et mort du roi Jean (Daniel Georgeot, captation) – 1974  À trois temps (Jean Kerchbron) -1976  Le cheval évanoui (Alain Dhénaut) – 1979  La lumière des justes (Yannick Andréi, série TV) – Les dames de la cote (Nina Companeez) – 1980  Petit déjeuner compris (Michel Berny, série TV) – 1983  Les enquêtes du commissaire Maigret : La tête d’un homme (Louis Grospierre) – 1984  Image interdite (Jean-Daniel Simon) – 1986  Lili, petit à petit (Philippe Galardi, séreie TV) – Le tiroir secret (Édouard Molinaro, Roger Gillioz, Michel Boisrond & Nadine Trintignant, série TV) – Un métier de seigneur (Édouard Molinaro) – 1987  Les enquêtes du commissaire Maigret : Les caves du Majestic (Maurice Frydland) – 1988  Hemingway (Bernhard Sinkel, série TV) – 1991  La grande dune (Bernard Stora) – 1993  Les noces de Lolita (Philippe Stebon) – Commissaire Dumas D’Orgheuil : John (Philippe Stebon) – 1995/1996  Les nouvelles filles d’à côté (série TV) – 1996  Jamais 2 sans toi (série TV) – 1997  Mission : protection rapprochée (Nicolas Ribowski) – 1997/1999  Les vacances de l’amour (série TV) – 2000  Relic Hunter (Sydney Fox l’aventurière) : Nothing But the Truth (John Bell) – Avocats & associés : Le bébé de la finale (Denis Amar) – Commissaire Moulin : Protection rapprochée (Gilles Béhat) – 2003  Navarro : Police racket (Patrick Jamain) – 2005  Sometimes in April (Quelques jours en Avril) (Raoul Peck). P.S. : Annonce aussi de la mort du réalisateur cubain Pastor Vega.

LE COIN DU NANAR : LE PONT DU ROI SAINT-LOUIS

Coup de chapeau à Mary McGuckian pour « Le pont du roi Saint-Louis », rater un film de la sorte, avec un grand sujet – le roman de Thornton Wilder – et une telle distribution, ça tient du grand art. Dieu, dans une réplique redondante de la voix off, s’amuse avec les humains comme un enfant arrachant les pattes d’une mouche – something like that -, on regarde donc sans empathie les intervenants de ce film choral chloroformé. Du petit jeu – très subjectif – de qui l’on doit sauver dans une grande distribution, on peut retenir F. Murray Abraham – car il en fait des tonnes, c’est assez jubilatoire et ça trompe un peu notre ennui -, Kathy Bates d’une bouffonnerie pathétique et le jeu très « underplaying » de Harvey Keitel et Geraldine Chaplin.

Kathy Bates & Harvey Keitel

L’académisme est ici roi, la caméra ne se fait jamais oublier, la crédibilité est assez limite. Le gros « miscasting » du film n’est pas comme l’on dit Samuel Le Bihan – ni pire, ni meilleur que le reste de la distribution -, mais la mignonne mais peu charismatique Pilar Lopez de Ayala peu crédible dans le rôle de la Périchole. Dominique Pinon fait ce qu’il peut en bouffon, Robert de Niro est assez peu crédible en grand Inquisiteur, John Lynch est ectoplasmique, Emilie Dequenne ne fait que passer et Gabriel Byrne est décidément en petite forme ces derniers temps. La critique du clergé ou de la noblesse est assez vaine, même si certaines scènes éveillent un peu l’intérêt – La scène de l’humiliation de la marquise par La Périchole -, la détresse des jumeaux Manuel et Esteban touche un peu. Mais la joliesse de l’image ne sauve pas le film. Répondre aux grandes questions par un vide abyssal – avec ou sans pont – c’est assez vertigineux finalement.

TRAVAUX, ON SAIT QUAND CA COMMENCE…

L’affiche belge de Travaux…

L’œuvre de réalisatrice de Brigitte Roüan est attachante, de l’amusant court-métrage »Grosse » (1985) où une comédienne enceinte – elle est éconduite par Maurice Pialat – cherche du travail, d’ « Outremer » (1989), itinéraire nostalgique de trois sœurs, de « Post coïtum, animal triste » (1997),  récit d’une femme amoureuse d’un homme plus jeune qu’elle, et « Sa mère, la pute » (2001) sur Arte, portrait d’une vengeance de femme, il y a une gravité, une cohérence, et elle mérite plus que de figurer dans des petits rôles de femmes « fofolles, » ces derniers temps. Même s’il y a un petit problème de rythme parfois, me semble-t’il, Brigitte Roüan réussit parfaitement à mélanger des scènes oniriques – les plaidoiries de Carole Bouquet – et un certain réalisme social – les sans-papier et le petit monde des ouvriers colombiens -. J’entends ici ou là, parler de démagogie à propos de ce film, gageons que si ce même film était une réalisation anglaise tout le monde s’enthousiasmerait sans réserves.

Carole Bouquet

Venue avec Jean-Pierre Castaldi, présenter ce film avec enthousiasme, Brigitte Roüan montrait chaleur et conviction. Elle insistait sur l’importance des décors de Guy-Claude François – La seconde star du film, construit dans un entrepôt, selon le producteur Humbert Balsan, qui s’est donné la mort depuis et qui apparaît ici en banquier – . On se réconcilie ici avec Jean-Pierre Castaldi, qui était sur scène comme un lion dans une cage, et on finit même par oublier son image très dégradée de « premièrecompagnisé », son personnage jouant de son statut d’amant encombrant de la belle Chantal. Le film doit beaucoup à sa distribution hétérogène, – elle avait déjà dirigé un inattendu Pierre Doris, en grand-père dans « Outremer » – dominée la belle énergie de Carole Bouquet, montrant ici, après « Nordeste », l’étendue de son registre. Aldo Maccione – perdu de vue depuis le peu mémorable « La femme de chambre du Titanic » – est hilarant, en entrepreneur caractériel, c’est une figure poétique selon la réalisatrice, l’acteur avait tendance à faire comme son personnage, sortant du film, se faisant prier, avant de revenir rattrapé par Carole Bouquet. Les interprètes jouant les ouvriers colombiens sont tous formidables, avec une belle humanité, on se réjouit de revoir Françoise Brion, en mère fantasque de Chantal,  Gisèle Casadesus en voisine complice, Marcial Di Fonzo Bo en architecte colombien maladroit mais enthousiaste, Bernard Menez en commissaire décalé, Éric Laugérias en directeur de centre commercial conciliant, l’excellent Sotigui Kouyaté et son incroyable présence en sans-papier, Jean-Paul Bonnaire en consommateur de bistrot nonchalant, Philippe Ambrosini en inspecteur speedé, Rona Hartner en locataire volubile . N’oublions pas l’impeccable Didier Flamand en ancien mari de Chantal, toujours présent dans les mauvais moments, et la surprise finale du film. Au final, c’est un film très chaleureux, dont le souvenir perdure après sa vision, un film qui réchauffe l’âme, ce qui n’est pas si fréquent.

Aldo Maccione & Carole Bouquet

Article : Libération : Mes dates clés par Brigitte Roüan

« Juin 1947. Mon père se noie. Je suis posthume, mon biberon sous le bras. Eclipse du soleil, les brumes matinales auront toujours du mal à se dissiper.

Novembre 1954. Ma mère meurt de mélancolie. Je vis à Toulon, petite fille dans le noir, le deuil. On m’envoie en Algérie, chez mes oncles et tantes. Une grande maison blanche, pleine de lumière, de cris et de rires d’enfants. La joie, la beauté, les parfums, la chaleur des femmes algériennes, et les couleurs sur fond blanc. L’Algérie, qui entre en guerre, est désormais ma mère fantasmée, ma résilience.

1960. Ça chauffe en Algérie. On me réexpédie en France, pensionnaire chez les Dames de Sion, rue Notre-Dame-des-Champs à Paris. Jupes plissées, mines contrites, pupille de la nation, le noir revient. Silence et chahut, adolescente je m’ennuie. J’ai honte d’être roturière, orpheline, boursière fauchée. Je m’invente une vie où je serais riche et fameuse. Les seules dames en couleur sont les putes de la rue Quentin-Bauchart, qui me donnent des bonbons. Je ne sais pas trop ce qu’elles font là tous les lundis matin.

1966. Hypokhâgne au lycée Camille-Sée, autre caserne. Dernière de la classe : sacrée claque et des complexes pour la vie. Il ne m’en reste qu’un poème de Valéry : «O combles d’or, ô mille tuiles toits…»

Mai 1968. Je découvre la liberté. Avec quelques copines à Saint-Eustache pour un concert de musique sacrée, on décide d’aller rue Gay-Lussac. Sur les robes de soirée et les escarpins, on enfile des pulls, des jeans. On part faire la révolution sur les barricades. Quand les CRS ont chargé, je n’ai pas couru assez vite, mais lorsqu’ils voient les escarpins, la belle robe, ils me relâchent sur-le-champ. Mai 68, c’est la naissance de tous les sens et je ne veux qu’une chose : ne plus être vierge. Comme la révolution est très érotique, ça n’a pas traîné. Je rencontre mon premier ouvrier, de chez Renault : pour moi, c’est Mick Jagger.

1972. Thérèse est triste parce qu’elle rit quand on la b…, pièce de Coluche, que je joue au grand dam de ma famille. Je n’avais pas conscience que je pouvais faire rire, c’est venu petit à petit. Je joue une petite fille qui fait pipi au cinéma, submergée d’émotions. Il fallait que tout soit chronométré au millimètre. Quand ça ne marchait pas, Coluche était furieux. Il m’a appris le tempo. Je voulais être danseuse, mais j’avais une jambe plus courte que l’autre. Alors… va pour le théâtre. Mais du théâtre de rue pour changer le monde. Je me suis rendu compte que c’était le contraire : faire du théâtre pour être aimée.

1976. Les Amoureux de Goldoni, à la Gaîté-Montparnasse, avec Patrick Chesnais, mis en scène par Caroline Huppert. C’était hilarant : on a fait un tabac. Je me shoote à l’amour : les troupes, les metteurs en scène, les grands théâtres.

1977. Je joue Ophélie dans la Cour d’honneur d’Avignon, dans le Hamlet de Benno Besson. Un battement de cil et 2 000 personnes qui rient : un orgasme géant.

Juillet 1983. Naissance de mon fils, Félix. Enceinte, je venais de commencer Grosse, mon court métrage, où je joue face à Maurice Pialat, et je l’ai fini après la naissance. Félix est le seul acteur au monde qui, dans un même film, est à la fois dedans et dehors : il est dans mon ventre de comédienne et figurant bébé.

1987. Repérages pour Outremer, mon premier long. Je retrouve en Algérie les sensations de mon enfance. Je vais voir cette grande maison où j’ai vécu, la ferme des quatre chemins. Les arbres ont été coupés, c’est devenu moche, ça ressemble à un bidonville. La pauvreté est venue. Mais les Algériens, libres, marchent le plexus vers le soleil.

Cannes 1990. Outremer à la Semaine de la critique. Un festival à bicyclette. Je faisais tout, du Palm Beach au Palais, pour répondre aux interviews. On a le prix de la Semaine, joyeuses Cannes.

Cannes 1997. Post coïtum, animal triste à Un certain regard. C’est le plus petit budget de la sélection avec Marius et Jeannette de Guédiguian, mais ce seront les deux succès cannois de l’année : le rapport qualité/prix est excellent ! Les Américains disaient : «Ce n’est pas un low budget, mais un no budget…» Humbert Balsan, mon producteur, me lance au moment de monter sur scène : «Quand on montre un film qui s’appelle Post coïtum, animal triste, on n’a pas peur !» C’était très gai.

2001. Sa mère, la pute, pour Arte. Un film dur, qui s’est fait vite et dans la joie.

10 février 2005. Humbert se pend, mon film posthume sous le bras. Je suis KO, et tout le cinéma indépendant avec moi.

Cannes 2005. Travaux, à la Quinzaine. Cannes à tâtons, j’entends à peine les rires qui sont énormes. Les gens applaudissent comme à Guignol. Je suis cannée. Heureusement, Carole est là, avec son énergie, son appétit du bonheur. »

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Anne Bancroft

 

Mort des suites d’un cancer de l’admirable Anne Bancroft, inoubliable Annie Sullivan, éducatrice d’une jeune handicapée dans « Le miracle en Alabama » d’Arthur Penn en 1962, et la mythique Mrs. Robinson du « Lauréat » de Mike Nichols, en femme désoeuvrée qui déniaisait Dustin Hoffman. Avec Mel Brooks, elle formait l’un des couples les plus long d’Hollywood (41 années). Femme de caractère, elle marquait durablement ses rôles, même les plus courts de ces dernières années. En 1980, elle avait réalisé « Fatso » avec Dom de Luise, où elle « …réussit moins dans le comique que dans la description des personnages et de leurs rapports, en des scènes parfois de grande tendresse… » (Guy Gauthier, La saison cinématographique 1981).

Filmographie : 1951  Don’t bother to knock (Troublez-moi ce soir) (Roy Baker) – 1952  Treasure of the golden condor (Le trésor du Guatemala) (Delmer Daves) – Tonight we swing (Belgique : Les plus grandes vedettes du monde) (Mitchell Leisen) – 1953  The kid from left field (Harmon Jones) – Demetrius and the gladiators (Les gladiateurs) (Delmer Daves) – 1954  Gorilla at lage (Belgique : Panique sur la ville) – 1954  The raid (Hugo Fregonese) – New York confidential (New York confidentiel) (Russell Rousse) – A life in balance (Belgique : La sixième victime) (Harry Horner) – 1955  The naked street (Le roi du racket) (Maxwell Shane) – The last frontier (La charge des tuniques bleues) (Anthony Mann) – 1956  The last hunt (La dernière chasse) (Richard Brooks, apparition non créditée) – Nightfall (Jacques Tourneur) – Walk the proud land (L’homme de San Carlos) (Jesse Hibbs) – The restless breed (La ville de la vengeance) (Alan Dwan) – 1962  The miracle worker (Miracle en Alabama) (Arthur Penn) – 1964  The pumpkin eater (Le mangeur de citrouilles) (Jack Clayton) – 1965  The slender thread (30 minutes de surcis) (Sydney Pollack) – Seven women (Frontière chinoise) (John Ford) – 1967  The graduate (Le lauréat) (Mike Nichols) – 1971  Young Winston (Les griffes du lion) (Richard Attenborough= – 1974  The prisoner of Second Avenue (Le prisonnier de la 2e avenue) (Melvin Frank) – 1975  The Hindenburg (L’odyssée du Hindenburg) (Robert Wise) – 1976  Lipstick (Viol et châtiment) (Lamont Johnson) – Jesus of Nazareth (Jésus de Nazareth) (Franco Zeffirelli) – Silent movie (La dernière folie de Mel Brooks) (Mel Brooks) – 1977  The turning point (Le tournant de la vie) (Herbert Ross) – 1979  Fatso (+ réalisation) – 1980  The elephant man (Elephant man) (David Lynch) – 1983  To be or not to be (Id) (Alan Johson) – 1984  Garbo talks (À la recherche de Garbo) (Sidney Lumet) – 1985  Agnes of God (Agnès de Dieu) (Norman Jewison) – 1986  ‘Night mother (Goodnight, mother) (Tom Moore) – 84 Charing Cross Road (Tom Moore) – 1988  Bert Rigby, you’re a fool (Carl Reiner) – Torch song trilogy (Id) (Paul Bogart) – 1991  Honeymoon in Vegas (Lune de miel à Las Vegas) (Andrew Bergman) – Mr. Jones (Id) (Mike Figgis) – Neil Simon’s Broadway bound (En route pour Manhathan) (Paul Bogart, téléfilm diffusé en salles en France) – 1992  Love position n°9 (Dale Launer) – Point of no return (Non de code : Nina) (John Badham) – 1993  Malice (Id) (Harold Becker) – 1995  How to make an American quilt (Le patchwork de la vie) (Jocelyn Moorhouse) – Home for the Holidays (Week-end en famille) (Jodie Foster) – 1996  The sunchaser (Sunchaser) (Michael Cimino) – 1997  G.I. Jane (À armes égales (Ridley Scott) – The great expectations (De grandes espérances) (Alfonso Cuarón) – Critical care (Sidney Pollack) –  1999  Up the villa (Il suffit d’une nuit) (Philip Haas) – 2000  Keeping the faith (Au nom d’Anna) (Edward Norton) –  Heartbreakers (Beautés empoisonnées) (David Meerkin). Voxographie : 1998  Mark Twain’s America in 3D (Stephen Low, voix de la récitante) – Antz (Fourmiz) (Eric Darnell & Tim Johnson, voix seulement) – 2001 In search of peace (Richard Trank, voix de la récitante) – 2004 Delgo (Marc F. Adler & Jason Maurer, voix de la récitante).  Télévision (notamment) : 1994  Oldest living confederate widow tells all (Ken Cameron) – 1996  Homecoming (Les enfants perdus) (Mark Jean) – 1999  Deep in my heart (Anita W. Addison) -2001  Haven (John Gray) – 2003  The Roman Spring of Mrs. Stone (Robert Allan Ackerman).

PHILIPPE GARREL

 Demain, c’est la première diffusion du beau film de Philippe Garrel « La naissance de l’amour », sur Cinéculte à 22h20, avec l’admirable Lou Castel.

J’apprécie beaucoup l’univers de Philippe Garrel dont je ne connais que quelques films : « Le révélateur « , »J’entends plus la guitare », « Le cœur fantôme »,  » Le vent de la nuit », notamment en collaboration avec Marc Cholodenko. « J’entends plus la guitare » m’a beaucoup marqué, l’admirable Benoît Régent y était prodigieux et c’est un de mes films de chevet. La beauté esthétique de ses films est étonnante…

J’ai une anecdote sur Philippe Garrel, c’était lors d’une avant-première du film « La naissance de l’amour », justement en 1993 au cinéma « L’Arlequin » présenté par Claude-Jean Philippe. Il y avait beaucoup de monde ce dimanche matin là, à « l’heure de la messe », Jean-Pierre Léaud présent ce jour là, avait disparu très vite, fidèle à sa réputation…

Malchance pour moi, arrivé au niveau de la caisse, il n’y avait plus de place. C’est alors que M. Garrel a décidé de me faire rentrer et de ce fait de rester debout durant tout le film pour laisser un cinéphile de plus voir son film. Je me souviens de sa silhouette dans l’obscurité de la projection, culpabilisant de le voir debout… J’ai discuté ensuite un peu avec lui, appréciant son humilité et la richesse de ses propos. Le souvenir de cette projection reste pour moi inoubliable, et ce blog me donne ici l’occasion de saluer sa générosité et son talent.

EURO BIS

A recommander chaudement les 9 premiers numéros du fanzine « Euro Bis » mine d’informations, sur le cinéma bis Européen, avec des dossiers épatants sur le « Western spaghetti », avec également des hommages (Léon Klimovsky, Emilio Salgari, Fernando di Léon), dossiers sérieux (OSS 117, Le guide des acteurs du western spaghetti), et des filmos des disparus récents (Wolfgang Preiss, Charles Rénier).

Les 9 premiers numéros sont toujours disponibles, voir lien EUROBIS. Précipitez-vous, c’est de la belle ouvrage.

Ce blog « portnawack » n’est finalement pas complétement vain, puisque j’ai rencontré un cinéphile formidable Jean-Louis, dit Gashade, qui a dans ses tablettes un bel ouvrage concernant les seconds couteaux américains, d’où de passionnantes conversations il y a peu sur Warren Oates, ou le formidable Timothy Carey, voir site officiel TimothyCarey.com, acteur fétiche de John Cassavetes et Stanley Kubrick, notamment.

Grâce à lui, j’ai pu découvrir un livre épatant, « Les yeux de la momie » (Rivages/Écrits noirs, 1997), recueil d’articles de Jean-Patrick Manchette, publiés dans « Charlie Hebdo » de 1979 à 1982. Manchette a une grande ouverture d’esprit, passant des grands classiques au cinéma bis (Lucio Fulci, notamment, désormais reconnu). Le ton est drôle, le style excellent, on se régale dès la préface d’Alain Carbonnier (l’anecdote sur Robert Bresson). C’est un livre indispensable, ludique, en avance sur son époque et oeuvre de précurseur.

ONCQUES NE M’EMMERDE

Dernier saut, à Paris, hier vendredi, toujours grâce à François Berléand, sur le tournage de « La comédie du pouvoir ». Archaïque comme je suis, n’ayant pas de portable, je me perds joyeusement deux bonnes heures, et arrive pour l’heure du repas. Là suit une belle conversation avec un François Berléand, très en verve et drôlissime, ainsi que la lumineuse Marilyne Canto et l’indispensable Yves Verhoeven, habitué des tournages de Claude Chabrol (« Madame Bovary », « Betty », « L’enfer », « La cérémonie », « Rien ne va plus ». Tous rivalisent de sympathie…

François Berléand reprend son rôle de grand patron mis en examen, Isabelle Huppert joue Jeanne, une femme juge, Marilyne Canto une juge également, Yves Verhoeven, un greffier nommé Janus ! et en plus il y a un de mes acteurs préférés Jean-François Balmer, barbu, venu par amitié, jouer un financier, nommé Baldi,  interrogé par Jeanne, ce dernier vous plonge dans son propre univers par sa seule présence.

Jean-François Balmer

Balmer a eu une longue collaboration avec Chabrol depuis « Le sang des autres » (1983), il a tourné « Madame Bovary » – où il était un formidable Charles Bovary,, « Rien ne va plus » et il l’a même eu comme partenaire dans « Polar » de Jacques Bral, ils formaient un couple homosexuel dans « Sam suffit » de Virginie Thévenet. Dernièrement dans un film de Jacques Grand-Jouan  – qui est passé ce jour lors du tournage, apportant trois bonnes bouteilles de vin à Claude Chabrol – : « Lucifer et moi », Claude Chabrol, qui joue l’homme de la rue, étrangle Balmer qui joue Lucifer ! Ce film en noir et blanc et caméra légère qui vient d’être terminé est assez incroyable, on y retrouve Pierre Etaix, mais aussi Orson Welles, Eugène Ionesco, Roland Dubillard, dans des images non montées tournées précédemment.

Jean-François Balmer a un beau dialogue face à Isabelle Huppert en juge stoïque, c’est un beau morceau de comédie sur la noirceur des affaires. Le chef opérateur Eduardo Serra impressionne toujours par sa discrétion et son professionnalisme. Et Claude  Chabrol aidé de la bonne humeur d’Aurore Chabrol et de Cécile Maistre. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui poser la question stupidissime, du pourquoi du surnom de « Chacha » que donne l’équipe à M. Chabrol. Cécile Maistre enfant, ne pouvant l’appeler « papa » – son père  étant François Maistre », vint le sobriquet de « Chacha » et qui reste désormais. François Berléand ayant terminé ses scènes du jour hélas – il va tourner ensuite « Le dernier harnais » film de Florence Moncorgé-Gabin. 

j’ai pu discuter avec Yves Verhoeven, formidable comédien, d’une grande modestie. Je lui parle de son portrait dans secondscouteaux.com et ses infos me permettent de lui faire une fiche pour Les gens du cinéma.

Yves Verhoeven

J’ai eu donc une belle discussion avec lui, je l’avais croisé avec son premier enfant et je n’avais pas osé l’aborder, et j’aurais pu le croiser sur le tournage d' »Edy » où il joue un inspecteur, ce qui est assez curieux finalement. Il me parle des vicissitudes de son métier, des belles rencontres comme Claude Miller, Guillaume Nicloux, Jacques Audiard et bien sûr « Chacha » que lui avait présenté Cécile Maistre, cette dernière l’ayant dirigé également  sur le court-métrage « L’acrobate » en 1997. Yves Verhoeven est lucide, très « bosseur » et humainement quelqu’un de bien en plus. Souhaitons-lui plein de beaux rôles, son registre le lui permettant, le moniteur de « La classe de neige » par exemple.

Seconde rencontre avec Jean-François Balmer, stature impressionnante et très abordable, on parle un peu de tout, en vrac, de son goût pour le théâtre et des comédiens – il était épatant en animateur de radio libre dans « Le quart d’heure américain », de ses rôles coupés de Napoléon dans « Le radeau de la méduse » – La même année que son Louis XVI dans « La Révolution française »,qui a connu un tournage difficile sur plusieurs années et sa scène avec Jacques Villeret dans « La gueule ouverte », une scène de beuverie coupée donc, mais que l’on retrouve dans la version DVD dont Jean-François a fait le commentaire. Il continue ses épisodes de « Boulevard du Palais », tant qu’il peut y apporter des répliques et des touches personnelles, un grand monsieur, exigeant, passionné et très abordable.

Marilyne Canto

Troisième rencontre avec Marilyne Canto, qui a attendu toute l’après-midi, pour une scène repoussée finalement, je lui parle de son exigence – elle m’a beaucoup touché dans « Le lait de la tendresse humaine » de Dominique Cabrera -, elle a des retours de ce fait par les metteurs en scènes désormais. Elle prépare un moyen métrage avec Antoine Chappey, comme réalisatrice après « Nouilles ». C’est une femme très attachante.

Le tournage se termine, Aurore et Claude Chabrol, s’éloignent, je serai bien resté à regarder la totalité du tournage, mais le clivage cinéphilie-réalité n’a qu’un temps. La figure sympathique de Claude Chabrol ne fait que me faire encore plus aimer son oeuvre, et j’ai envie de prendre la même devise qu’il citait dans son livre « Et pourtant je tourne » que je lui ai fait signer : « Oncques ne m’emmerde ». Bon vent à toute cette formidable équipe.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Henri Attal

Henri Attal et Jean-Pierre Mocky dans « Le glandeur »

Cet éternel abonné aux rôles de tueurs et de bagnards – à l’image de « L’affreux » dans « Elle cause plus… elle flingue » de Michel Audiard en 1972, sorte de rôle étalon de sa carrière – est un grand oublié des dictionnaires. Second couteau par excellence et figure singulière du cinéma français, il semble impossible de dresser sa filmographie exhaustive. Brun, ténébreux, le sourcil épais, trucider son prochain semble pour lui une seconde nature. Il est souvent en tandem avec Dominique Zardi : « …Attal, je l’ai rencontré par hasard dans un studio. Je le connaissais vaguement de vue, et je me suis aperçu très vite que tout le monde disait Attal et Zardi, Attal et Zardi! Alors que je n’ai rien en commun avec lui. J’étais petit, blond, timide, réservé, avec une nature assez profonde et entière, et lui c’est un personnage très flou, très pittoresque, c’est un elfe, un mec qui n’existe pas. A 60 ans, il n’a toujours pas de domicile, c’est un homme très étrange! On a constitué sans s’en rendre compte un couple atypique. On était tellement différents, opposés, « in conflitto » comme disent les Italiens, en conflit, parce que Attal, dans les films est bohème, « voleur », fou et faux… exactement ce que je ne suis pas ! En France on ne sait pas travailler avec des gens atypiques ! Enfin pas encore ! Peut-être que de nouveaux cinéastes le verront avec des visions plus grandes ! » Travelling avant N°10–1997). On les retrouve souvent à la limite de la figuration : dans une bagarre face à Fernandel dans « L’assassin est dans l’annuaire » (1961), spectateurs à la boxe dans « Les petits matins » (1961) et même en smoking (un contre-emploi!), allant au concert et croisant Ingrid Bergman et Yves Montand dans « Goodbye again (Aimez-vous Brahms) » (1961). Quand on les voit en apaches, roder autour de petites filles dans « Paradiso, hôtel du libre échange » (1965), on en frémit d’avance. Dans des rôles plus conséquents, Attal et Zardi sont hommes de main de Fantômas dans la trilogie d’André Hunebelle. Tué dans le premier épisode, Attal « ressuscite » dans le suivant !, pour devenir un Écossais édenté et idiot dans « Fantômas contre Scotland Yard » (André Hubelle, 1966). Ils sont tueurs à la solde de Robert Hossein dans « Le vice et la vertu » (Roger Vadim, 1962), tueurs – again !- dans « Mort d’un tueur » (Robert Hossein, 1963), truands terrorisants un troupeau de vaches dans « La horse » (Pierre Granier-Deferre, 1969) ou habitués des castings à la recherche d’un rôle dans « Le cinéma de Papa » (Claude Berri, 1970). Mais ils sont souvent amusants, même en sbires anglais (!) d’Edward Meeks dans « Pleins feux sur Stanislas » (Jean-Charles Dudrumet, 1965). Il faut les voir dans cette parodie de films d’espionnages, batailler avec Billy Kearns et Clément Harari, ils ont pour seule réplique un « Yes sir ! », clin d’oeil sans doute à la réplique de Robert Dalban dans « Les tontons flingueurs ».

Avec Dominique Zardi dans « Les plus grandes escroqueries du monde »

Ils étaient assez violents au début de leur carrière à l’image d’un mémorable témoignage dans « Cinéma Cinémas » en 1990 où ils racontent avoir jeté à l’eau la caméra de l’équipe de tournage du film « Saint-Tropez Blues » (1960) suite à une promesse non tenue d’y participer. Les témoignages par téléphone de Jean Becker, Claude de Givray, Claude Chabrol et Jean-Pierre Mocky, y sont riches d’anecdotes. Résultat : ils sont dans le film dans des rôles de marins bagarreurs ! Claude Chabrol les prend en sympathie en 1959, pour « Les bonnes femmes ». : « Ils cassaient la gueule à ceux qui ne voulaient pas les engager. Je les avais prévenus dès le départ. Je voulais bien les engager, et le fait que leurs noms commencent par A et Z m’amusait. Mais je leur avais dit « Il ne faut pas me menacer, parce que le jour où vous me faites chier, je vous envoie foutre. Si vous voulez qu’on se bagarre, on le fera, mais je ne suis pas du tout sûr que vous allez y gagner, parce que je suis vicieux comme le diable, vous aussi, et ça risque de mal se terminer ». Avec moi, ils ont toujours été très convenables. Je les aime bien. » – Conversation avec Claude Chabrol, un jardin bien à moi (François Guérif, Editions Denoël, 1999). Il leur offre leurs meilleurs rôles comme celui de Robègue pour Attal et de Riais pour Zardi (jeu de mot avec Alain Robbe-Grillet) dans “Les Biches” (1967), un tandem pédant (« Je montre deux emmerdeurs…, deux faux artistes qui font de la peinture bidon et de la musique à l’aide de trois tam-tams, d’un piston à coulisse et d’une machine à écrire. En un mot l’art qui emmerde tout le monde… » – Claude Chabrol dans « Claude Chabrol par Guy Braucourt » (Editions Seghers, 1971). Toujours chez Chabrol, ils sont gardes : « Ophélia » (1961), gendarmes :  « Landru » (1962), vigiles de la Tour Eiffel aux prises avec Francis Blanche qui se croit propriétaire des lieux suite à une escroquerie : « Les plus grandes escroqueries du monde : L’homme qui vendit la Tour Eiffel » (1963), tueurs dans un aéroport : « Le tigre se parfume à la dynamite » (1964), agresseurs de Maurice Ronet : « Le scandale » (1966), etc…. Il est à noter qu’Attal trouve souvent chez Chabrol – qui m’avait témoigné son estime envers lui – l’occasion d’essayer d’autres emplois, tel un « pilier de comptoir » halluciné, dans « Une femme infidèle » (1968), amusant Michel Bouquet par son comportement, l’officier de police précautionneux face à François Périer dans « Juste avant la nuit » (1970), la vieille sourde (sic) dans “Docteur Popaul” (1972), personnification inattendue du « destin », le policier qui essaie en vain de raisonner Michel Aumont dans ses pulsions sadiques dans « Nada » (1973), spectateur passionné du procès de « Violette Nozière » (1977), ou encore l’huissier courtois (nommé Me Hareng ! » dans « Madame Bovary » (1991). 

Ils intègrent le « Mocky Circus » (selon la formule d’Éric Le Roy), Attal est un policier blâmant Zardi, voyeur espionnant un couple d’amoureux caché sous une voiture dans « Les vierges » (1962). Jean-Pierre Mocky les utilise souvent depuis, ensemble ou séparés, tel pour Henri Attal, le passager d’un train, manquant de se faire voler son panier à chat par Jean Poiret dans “La bourse et la vie” (1965).

Henri Attal & Dominique Zardi – en arrière plan – dans « Topaz – L’étau »

Ils tournent un temps avec Jean-Luc Godard, en faux aveugles dans “Une femme est une femme” (1960), ne reconnaissant pas Jean-Paul Belmondo, pourtant ancien ami indicateur puis déclarant « avec ses lunettes noires, on n’y voit rien du tout! », pompistes agressés violemment (pour une fois !) par le tandem Anna Karina-Belmondo dans “Pierrot le fou” (1965) et en consommateurs de café égrillards dans “Masculin Féminin” (1965), lisant un texte érotique à haute voix (effet décalé obligatoire). Attal et Zardi manquent même d’obtenir le rôle titre des Carabiniers, projet annulé suite à une brouille avec le producteur Georges de Beauregard. Ils participent même au film d’Alfred Hitchcock, « Topaz (L’étau) » en 1969, en tueurs au stade « Charlety », mais la scène est coupée au montage final. On retrouve Attal, cavalier seul, en apache, montrant à d’autres truands comment se comporter dans le grand monde, lors de l’enterrement d’Arsène Lupin (mais en tenant le goupillon à l’envers, il perturbe avec drôlerie la cérémonie), dans « Arsène Lupin contre Arsène Lupin »  (1962), en ouvrier harangué par les nazis dans “Le vampire de Düsseldorf” (1964), inspecteur à la morgue dans « Galia » (1965)… Dans les années 70-80, il est un onaniste dans « Sex-Shop » (1972), un truand priant à genoux (avec ses codétenus Henri Virlojeux et Carlo Nell) … pour la réussite d’un cambriolage dans “Trop jolies pour être honnêtes” (1972), un concierge suspicieux dans “Gross Paris” (1973), un gardien de prison qui joue nerveusement aux cartes dans « Bartleby » (1976), un huissier au tribunal dans « L’autrichienne » (1989) ou encore un quidam se désolant, dans un hôpital, que l’on vienne agoniser sur son paillasson dans « Trois hommes à abattre » (1980). Enfin, il figure souvent dans les films de Claude Zidi tel le terroriste à la couscoussière, dans « Les sous-doués » (1979) ou le personnage à la gâchette facile de « Dédé La Mitraille » que provoque délibérément Philippe Noiret,  pour créer un carnage dans “Les Ripoux” (1984).



Avec Stéphane Audran & Dominique Zardi dans « Les biches »

Plus récemment, on le retrouve en figurant dans le film de Bertrand Tavernier “Laissez-passer” (2001), et chez Claude Chabrol, en vendeur de rue insistant pour offrir un sandwich grec à Michel Serrault dans “Rien ne va plus” (1997) et en beau-père impotent que visite Nathalie Baye dans « La fleur du mal » (2002). Chez Jean-Pierre Mocky, il est un ouvrier algérien dévoué dans « Le roi des bricoleurs » (1976), chômeur proposant un verre à Jacqueline Maillan – qu’elle refuse en lui déclarant un ironique « Il est charmant ! » – dans “Ville à vendre” (1991), un amateur du vin Iroulégui dans « Alliance cherche doit » (1997), un mystérieux « pestiféré », comparse de Noël Godin dans « Tout est calme » (1999), ou un badaud complètement fou, coiffé d’un journal, qui surveille des ouvriers – il pense qu’en les regardant, il les motive ! – dans « Le glandeur » (1999). Le sbire de Don Salvatore – campé savoureusement par un Michael Lonsdale « Wellesien » – dans “Le Furet” (2003) est sa dernière composition. Visiblement fatigué, le bras gauche dans le plâtre, il fait preuve d’une belle énergie face aux facéties téléphoniques de Jacques Villeret. Ces dernières années il vivait à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), grâce à la comédienne Marie-France Boyer, qui lui avait trouvé un logement. Il meurt dans le dénuement et une grande discrétion, dans des conditions dramatiques, laissant son grand ami Dominique Zardi triste devant le silence sur ce fidèle serviteur du cinéma français. Pour avoir rentré souvent son nom sur le site IMDB afin de compléter sa filmographie, gageons que nous retrouverons encore d’autres rôles non répertoriés de Henri Attal, petite manière pour nous de continuer de rendre hommage à ce fidèle serviteur du cinéma français mort le 24 juillet 2003 des suites d’une violente crise d’asthme.

Avec Perrette Pradier & Dominique Zardi dans « Furia à Bahia pour OSS 117 »

Filmographie : 1958  Asphalte (Hervé Bromberger) – 1959  Les bonnes femmes (Claude Chabrol) – 1960  Les godelureaux (Claude Chabrol) – Goodbye Again (Aimez-vous Brahms ?) (Anatole Litvak) – Une femme est une femme (Jean-Luc Godard) – Saint Tropez Blues (Marcel Moussy) – 1961  L’assassin est dans l’annuaire (Léo Joannon) – Les parisiennes [épisode «Sophie »] (Marc Allégret) – Les petits matins (Jacqueline Audry) – Auguste (Pierre Chevalier) – Le monte-charge (Marcel Bluwal)Ophélia (Claude Chabrol) -1962  Vivre sa vie (Jean-Luc Godard) – Le vice et la vertu (Roger Vadim) – Mélodie en sous-sol (Henri Verneuil) – Landru (Claude Chabrol) – Arsène Lupin contre Arsène Lupin (Édouard Molinaro) – Les vierges (Jean-Pierre Mocky) – 1963  O.S.S. 117 se déchaîne (André Hunebelle) – Méfiez-vous Mesdames ! (André Hunebelle) – Faites sauter la banque (Jean Girault) – Les plus belles escroqueries du monde [épisode « L’homme qui vendit La Tour Eiffel »] (Claude Chabrol) – L’assassin connaît la musique… (Pierre Chenal) – La mort d’un tueur (Robert Hossein) – Hardi Pardaillan (Bernard Borderie) – Du grabuge chez les veuves (Jacques Poitrenaud) – Château en Suède (Roger Vadim) – 1964  Échappement libre (Jean Becker) – Fantômas (André Hunebelle) – Le tigre aime la chair fraîche (Claude Chabrol) – Les gorilles (Jean Girault) – Le vampire de Düsseldorf (Robert Hossein) – La chasse à l’homme (Jean Girault) – 1965  Furia à Bahia pour OSS 117 (André Hunebelle) – Paris au mois d’Août (Pierre Granier-Deferre) – Galia (Georges Lautner) – Marie-Chantal contre le docteur Kha (Claude Chabrol) – Pleins feux sur Stanislas (Jean-Charles Dudrumet) – Fantômas se déchaîne (André Hunebelle) – Masculin Féminin (Claude Chabrol) – La bourse et la vie (Jean-Pierre Mocky) – Hotel Paradiso (Paradiso, hôtel du libre-échange) (Peter Glenville) – 1966  La ligne de démarcation (Claude Chabrol) – Roger la Honte (Riccardo Freda) – Le scandale (Claude Chabrol) – Fantômas contre Scotland Yard (André Hunebelle) – Brigade anti-gangs (Bernard Borderie) – 1967  Mise à sac (Alain Cavalier) – Les biches (Claude Chabrol) – Les grandes vacances (Jean Girault) – Le pacha (Georges Lautner) – 1968  La femme infidèle (Claude Chabrol) – Le cerveau (Gérard Oury) – 1969  Une veuve en or (Michel Audiard) – Horse, La (Pierre Granier-Deferre) – Borsalino (Édouard Molinaro) – Topaz (L’étau)  (Alfred Hitchcock, rôle coupé au montage) – 1970  Le cinéma de papa (Claude Berri) – Le gendarme en balade (Jean Girault) – Juste avant la nuit (Claude Chabrol) – 1971  Jo (Jean Girault) – La grande maffia… (Philippe Clair) – 1972  Sex-Shop (Claude Berri) – Docteur Popaul (Claude Chabrol) – Elle cause plus…, elle flingue (Michel Audiard) – Don Juan ou si Don Juan était une femme (Roger Vadim) – Trop jolies pour être honnêtes (Richard Balducci) – Moi y’en a vouloir des sous (Jean Yanne) – 1973  Ursule et Grelu (Serge Korber) – Le train (Pierre Granier-Deferre) – Nada (Claude Chabrol) – Gross Paris (Gilles Grangier) – Les quatre Charlots mousquetaires (André Hunebelle) – 1974  Borsalino & Co (Jacques Deray) – Une partie de plaisir (Claude Chabrol) – Les innocents aux mains sales (Claude Chabrol) – 1975  La course à l’échalote (Claude Zidi) – Adieu, poulet (Pierre Granier-Deferre) – Folies bourgeoises (Claude Chabrol) – 1976  Le corps de mon ennemi (Henri Verneuil) – Bartleby (Maurice Ronet, téléfilm diffusé en salles) – Le gang (Jacques Deray) – Le roi des bricoleurs (Jean-Pierre Mocky) – 1977  L’homme pressé (Édouard Molinaro) – Le point de mire (Jean-Claude Tramont) – L’animal (Claude Zidi) – Et vive la liberté! (Serge Korber) – Comment se faire réformer (Philippe Clair) – La zizanie (Claude Zidi) – Violette Nozière (Claude Chabrol) – 1978  Le témoin (Jean-Pierre Mocky) – Les réformés se portent bien (Philippe Clair) – Plein les poches pour pas un rond… (Daniel Daert) – Once in Paris (Frank D. Gilroy) – La carapate (Gérard Oury) – Je vous ferai aimer la vie (Serge Korber) – Flic ou voyou (Georges Lautner) – 1979  Le piège à cons (Jean-Pierre Mocky) – Le toubib (Pierre Granier-Deferre) – 1980  Trois hommes à abattre (Jacques Deray) – Le coup de parapluie (Gérard Oury) – Cherchez l’erreur (Serge Korber) – Les sous-doués (Claude Zidi) – Pour la peau d’un flic (Alain Delon) – 1981  Litan, la cité des spectres verts (Jean-Pierre Mocky) – 1982  Les misérables (Robert Hossein) – Pour 100 briques t’as plus rien… (Édouard Molinaro) – 1983  Le marginal (Jacques Deray) – À mort l’arbitre (Jean-Pierre Mocky, rôle coupé au montage final) – 1984  Les ripoux (Claude Zidi) – Le vengeance du serpent à plumes (Gérard Oury) – Par où t’es rentré ? on t’as pas vu sortir (Philippe Clair) – Poulet au vinaigre (Claude Chabrol) – 1986  Masques (Claude Chabrol) – Le solitaire (Jacques Deray) – 1987  Le cri du hibou (Claude Chabrol) – 1988  Une affaire de femmes (Claude Chabrol) – 1989  L’autrichienne (Pierre Granier-Deferre) – Jours tranquilles à Clichy (Claude Chabrol) – 1990  Madame Bovary (Claude Chabrol) – 1991  La totale! (Claude Chabrol) – Betty (Claude Chabrol) – Ville à vendre (Jean-Pierre Mocky)1992  L’inconnu dans la maison (Claude Chabrol) – Bonsoir (Jean-Pierre Mocky) – 1996  Alliance cherche doigt (Jean-Pierre Mocky) – 1997  Rien ne va plus (Claude Chabrol) –  Vidange (Jean-Pierre Mocky) – 1998  Tout est calme (Jean-Pierre Mocky) -1999  La candide Madame Duff (Jean-Pierre Mocky) – Le glandeur (Jean-Pierre Mocky) – 2000  Laissez-passer (Bertrand Tavernier) – 2002  La fleur du mal (Claude Chabrol) – Le furet (Jean-Pierre Mocky). Télévision : (notamment) : 1967  Lagardère (Jean-Pierre Decourt) – 1974  Histoires insolites : Une invitation à la chasse (Claude Chabrol) – 1975  Jo Gaillard : Cargaison dangereuse (Christian-Jaque) – 1977  Emmenez-moi au Ritz (Pierre Grimblat) – Les enquêtes du commissaire Maigret : Au rendez-vous des Terre-Neuvas (Jean-Paul Sassy) – 1978  Claudine à l’école (Édouard Molinaro) – 1979  Le roi qui vient du sud (Marcel Camus, série TV) – 1980  Les dossiers de l’écran : Le grand fossé (Yves Ciampi) – Arsène Lupin joue et perd (Alexandre Astruc) – Fantômas : l’échafaud magique (Claude Chabrol) – 1981  Le système du docteur Goudron et du professeur Plume (Claude Chabrol) – 1991  Le gang des tractions : Saint-Germain (Josée Dayan) – 1996  La nouvelle tribu (Roger Vadim).

Remerciements à Claude Chabrol, Dominique Zardi et à l’équipe de « secondscouteaux.com ». (Mise à jour du 11/02/2011). Nota (private joke) : attention aux « suceurs de roues », pillant allègrement le travail des autres, ils sont priés de ne pas recopier bêtement cette note, surtout quand je me trompe de film ! On saluera donc la réactivité pour rectifier l’erreur suite à cette petite remarque !