Coup de chapeau à Mary McGuckian pour « Le pont du roi Saint-Louis », rater un film de la sorte, avec un grand sujet – le roman de Thornton Wilder – et une telle distribution, ça tient du grand art. Dieu, dans une réplique redondante de la voix off, s’amuse avec les humains comme un enfant arrachant les pattes d’une mouche – something like that -, on regarde donc sans empathie les intervenants de ce film choral chloroformé. Du petit jeu – très subjectif – de qui l’on doit sauver dans une grande distribution, on peut retenir F. Murray Abraham – car il en fait des tonnes, c’est assez jubilatoire et ça trompe un peu notre ennui -, Kathy Bates d’une bouffonnerie pathétique et le jeu très « underplaying » de Harvey Keitel et Geraldine Chaplin.
Kathy Bates & Harvey Keitel
L’académisme est ici roi, la caméra ne se fait jamais oublier, la crédibilité est assez limite. Le gros « miscasting » du film n’est pas comme l’on dit Samuel Le Bihan – ni pire, ni meilleur que le reste de la distribution -, mais la mignonne mais peu charismatique Pilar Lopez de Ayala peu crédible dans le rôle de la Périchole. Dominique Pinon fait ce qu’il peut en bouffon, Robert de Niro est assez peu crédible en grand Inquisiteur, John Lynch est ectoplasmique, Emilie Dequenne ne fait que passer et Gabriel Byrne est décidément en petite forme ces derniers temps. La critique du clergé ou de la noblesse est assez vaine, même si certaines scènes éveillent un peu l’intérêt – La scène de l’humiliation de la marquise par La Périchole -, la détresse des jumeaux Manuel et Esteban touche un peu. Mais la joliesse de l’image ne sauve pas le film. Répondre aux grandes questions par un vide abyssal – avec ou sans pont – c’est assez vertigineux finalement.