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Si les bonnes résolutions se font en janvier, nous sommes en mars, les temps sont certes difficiles comme le chantait Léo Ferré. Nous avons donc 9 mois pour en avoir des mauvaises. L’incivilité et les petites agressions sont très tendances en ce moment. Voici des trucs et astuces pour pourrir la vision d’un film aux cinéphiles, voire cinéphages si cas pathologiques. Ils se croient à la messe pour communier, n’aiment pas la vie c’est normal ils vont au cinéma, contrairement à ce que disait François Truffaut. C’est une proie facile pour se défouler, et ricaner en attendant le retour de Godzilla…
I l y a l’arme imparable : le pop-corn… « Cass-toi pop’corn ! » titre très justement Adrien Gombeaud dans son éditorial du Positif de ce mois. C’est certes la solution de facilité, mais pourquoi s’en priver… Ce n’est pas très bon et le rapport qualité-prix n’est pas fameux, mais il y a beaucoup d’avantages. L’odeur d’abord qui est proche de celle de l’urine de chat n’est pas à négliger. Il faut ensuite acquérir une certaine technique de l’empoignement de ce maïs calciné, qui en matière de décibels peut s’avérer efficace. Essayez aussi de lui joindre une boisson, que vous poserez par terre, et livrez vous à un numéro proche de celui de Linda Blair dans l’exorciste, c’est imparable. Evidemment n’en mangez pas lors d’un film de Paul Greengrass, vos voisins seront trop préoccupés à ne pas vomir, suite aux mouvements de caméras, pour être agacé par votre baffrage. Visez plutôt un film du type de ceux réalisés par Jacques Rivette. D’autres confiseries peuvent convenir, tout est une histoire de doigté… Evitez de faire tomber la totalité de votre popcorn par terre – vous pouvez cependant opter pour l’option de tout cochonner – car le cinéphage aura son petit moment de jouissance…
Soyez footeux, filez des coups de pied avec entrain dans le siège avant. Mettez le spectateur devant vous sur le mode vibromasseur et amusez-vous à le voir se retourner. Regardez ailleurs sur le mode impassible ou dans le vague le temps qu’il localise l’agresseur. S’il proteste n’hésitez pas à l’engueuler, en disant qu’il n’y pas de quoi se plaindre, il sera ainsi déstabilisé. Pour toute remarque, menacez et n’hésitez pas à montrer un poignet vengeur.
Pensez « salon »… Faites un effort et visualisez votre habitation. Vous vous conduisez ainsi comme devant votre télé et comme si vous étiez chez vous. Commentez allégrement le film… Montrez par exemple votre sens de l’observation en disant « ah, elle ouvre une porte » ou le « coup de vieux » pour un acteur, marche aussi pour les adeptes du scalpel. Jacassez, ignorez les « chuts », continuez durant tout le film. Vous pouvez opter soit pour le mode « murmureur » – atrocement gênant -, ou carrément gueuleur… N’hésitez pas à insulter les personnes qui vous font une remarque qui lâchement ne vous répondrons que par un « trop aimable » plaintif. S’il y a déjà un emmerdeur, ne vous dissuadez pas, soyez mimétique cela fera un effet stéréo à votre entourage du meilleur effet. Soyez un peu cuistre, en décortiquant une adaptation cinématographique, histoire de bien monter les différences entre le film et le livre au spectateur qui ne l’a pas lu. Osez aussi pour les polars, et lancez « je ne pensais pas que le notaire était l’assassin » aux spectateurs de la séance suivante qui commencent à s’installer.
Il y a les accessoires sadomasochistes de type aïe-Phone, et autre « geekeries » qui seront largement utile pour élaborer un second spectacle type son et lumière de quoi faire pâlir Jean-Michel Jarre de jalousie. Osez le désormais classique « tu ne me déranges pas, je suis au cinéma » – en répondant sur votre mobile en plein film. Utilisez largement l’écran lumineux et allez jusqu’à répondre « vous n’avez qu’à regarder ailleurs » si l’on vous réprimande. Il faut montrer avec ostentation que vous n’êtes pas venus pour voir le film.
Il y a aussi une ruse brevetée en Gironde mais largement exportée, dit le rituel « quart d’heure bordelais ». Arrivez donc alors que le film est déjà commencé depuis 15 minutes. L’amateur de cinéma se détend, pas d’emmerdeurs, il baisse la garde. Il se détend, après l’épreuve du tunnel des pubs stupides – il doit y avoir un casting dans les multiplex – de type assureur débilitant. Il faut savoir qu’il finit par développer un sixième sens, et reconnaît un emmerdeur dès son arrivée. Là infligez-lui le coup de grâce, il ne bougera pas. Evidemment demandez à être au milieu – il y a pourtant de la place ailleurs – faites déplacer le monde et installez-vous comme si vous prépariez le débarquement. Petite ruse, faite vous suivre d’une seconde personne encore plus retardataire et avec votre portable faites donc des signaux lumineux sur le mode GPS. Piaffez, faites à nouveau déplacer tout de même, en glissant tout fort que vous abusez tout de même… Lancez-vous dans les désagréments cités précédemment, histoire de prouver l’adage qu’un retardataire se relève toujours comme un casse-pied de compétition.
Soyez « Kazou » (private joke). Il est assez difficile de savoir véritablement ce qu’est cette communauté de type v.i.p. On ne les voit qu’aux avant-premières ou les manifestations particulières. Là les consignes sont de garder des places aux « kazous », soit par les ouvreuses, voire même les habitués qui ne pourront pas refuser, abusez de leur éducation. Ce type d’individu peut-être une personnalité très importante de type amis de stars du bassin d’Arcachon et notables du crus. Ils arrivent systématiquement en retard, ils n’arrivent jamais au complet, ils restent des places mais elles sont défendues avec ferveur, bref c’est du brutal. Il reste bien entendu des places inoccupées, les spectateurs arrivés à l’heure s’en prendront aux ouvreuses. C’est une méthode plus ardue, il faut avoir des relations… Parfois le « kazou » se révèle une victime quand un patron réserve les 4/5 de la salle à ses employés pour voir le film de sa fille de type catastrophe industrielle, sur un pauvre hère passionné par les actrices, on peut dire que c’est d’une grande cruauté, limite harcèlement moral.
Soyez plus malins que tout le monde. Des spectateurs attendent nombreux devant la salle, ils attendent sagement la fin du film. Venez en couple, et passez devant tout le monde, histoire de bien montrer qu’ils sont très bêtes, et dérangez les spectateurs de la séance suivante, le film n’est bien entendu pas terminé. Deux options, soit vous vous installez d’office – faites bien sûr du bruit -, ou faites demi-tour, mais vous vous retrouverez devant tout le monde, et vous pouvez ainsi choisir votre place. N’hésitez pas à succomber au syndrome de la queue aux caisses ou aux bornes, doublez votre petit monde, et si l’on vous fait une remarque, hurlez « il n’y a pas de quoi vous énerver » à une remarque de type olympien.
Votre enfant est un hyperactif, et la mode est passée des émissions sur TF1 pour l’exhiber et tenter de canaliser sa nervosité. Lâchez-le dans la nature, amenez-le voir un film qui n’est pas pour son âge, il sera ainsi traumatisé et sabotera un visionnage de film avec rage. Ne mouftez pas devant le regard courroucé de vos voisins, ça vaut le coup de les faire profiter des délires de votre progéniture.
La mode est à la « génération Y », la petite vingtaine qui ne respecte rien… Mails il y a mieux. Comme chantait Brel, quand je serai vieux, je serai insupportable, allez voir les films le week-end… Vous êtes âgés restez dans le mouvement vous vous sentirez plus vivants. Si vous appartenez au 6ème âge, agissez en comploteurs comme dans un sketch fameux de l’équipe de Grosland, commentez, encocottez vous – le cinéphage a toujours l’odorat délicat -, faites votre petit numéro, comme à la caisse des supermarchés le samedi, vous vous sentirez revivre.
Gluez ! Le cinéphile aime son petit périmètre de protection composé de sièges vides, où il se sentira moins menacé. Asseyez-vous à côté, surtout s’il y a de la place partout. Virez sa veste s’il ne se décide pas assez vite, vous êtes grand, mettez vous devant, idem si vous êtes secoués de tics. Il faut lui apporter un malaise maximum. Posez aussi votre veste sur le siège avant, et observez la mine confuse de celui qui se place devant vous et restez stoïque.
Vous pouvez faire la synthèse de tout ces réjouissance, et observez vos contemporains raseurs qui ne manqueront pas de vous réjouir. Merci donc aux anonymes qui m’ont régalé au fil du temps de mesquineries. C’est une manière au final, de rendre hommage aux « casse-pieds » de Noël-Noël et Jean Dréville.