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ARRÊTES DE RAMER, T’ATTAQUES LE VIEUX PORT

Restons dans l’acrimonie sur le cinéma français, malgré la bouffée d’air frais de la déclaration de Pascale Ferran dans la cérémonie des Césars. On le sait bien que l’on ne doit pas compter sur un Besson – que ce soit Eric et Luc -, mais prenons donc des nouvelles du maquignon du cinéma français. Ce Besson là, dépense beaucoup plus d’énergie à parfaire son image de vieux gamin sincère et citoyen – il est aussi convainquant que Nicolas Dupont-Aignan, quand il essaie de nous faire croire qu’il se sent concerné par la banlieue ou l’écologie -. On attend donc qu’il nous déclare qu’il ne « va pas révolutionner » le cinéma français mais « l’amender » et « l’améliorer » sur un certain nombre de points… On ne peut pas dire qu’il est passé à la quatrième vitesse avec ce « T4XI », en nous livrant sa dernière séquelle. Le seul gag probant du film est la mention du générique « scénario de Luc Besson » ! Il nous annonce que c’est le dernier opus de la série, mais doit-on le croire quand on a vu la fin ouverte de son fadasse « Arthur et les minimoys », quand il annonçait arrêter la réalisation, c’est cruel de nous faire de fausses joies… On retrouve donc l’équipe habituelle des crétins bessonniens, sans Marion Cotillard, heureusement pour elle. Le commissaire Gilbert – Pauvre Bernard Farcy brassant beaucoup d’air, mais on n’a pas tous les jours l’occasion de jouer le rôle de Charles De Gaulle -, doit recevoir à Marseille un grand truand belge pour qu’il soit jugé au Congo… Passons sur le cas de Samy Naceri, qui défraye souvent la chronique et qui n’a d’ailleurs pas grand chose à faire ici, et qui me fait penser à la déclaration du personnage joué par Peter Ustinov dans « Lola Montès » de Max Ophuls : « Si le récit de vos scandales ne suffit pas à emplir une soirée, on en inventera d’autres ». Frédéric Diefenthal, Edouard Montoute doivent meubler comme ils peuvent. Il a aussi deux gamins et Emma Sjöbert-Wyklund, créature bessonnante par excellence qui se partagent les vacuités du scénario. Quant à Jean-Christophe Bouvet en général déjanté, alors qu’il nous avait arraché un sourire ou deux dans les autres versions, est même ici carrément pathétique. Luc Besson qui a abandonné tout espoir de créativité ce dernier temps, nous sert un synopsis proche du vide abyssal. 

François Damiens, Jean-Luc Couchard & Mourade Zeguendi, où comment sauver les meubles

De plus il pille sans vergogne, un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaîîîtttreuuuu, tel « Les ripoux » (1984), – le coup de l’annuaire, les délires d’un commissaire après une prise de coke involontaire, gag que sublimait le génial Julien Guiomar -. Il nous ressert aussi l’idée des « Fugitifs » de Francis Veber, avec le grand Jean Carmet, où un vétérinaire voulant soigner le commissaire Gilbert, s’étant administré un calmant pour grands fauves, trouve qu’il a la truffe un peu chaude (mort de rire !). On connaissait son côté plagiaire, voilà qu’il assume ici sans états d’âmes. On a droit a deux guest stars Djibril Cissé et Patrick Poivre d’Arvor -co-prod avec TF1 oblige -, qui semblent se demander ce qui font là. Ses attaques contre Nicolas S., qui devraient nous être sympathique ne volent pas très haut, Bernard Farcy évoquant le « karcher », un gros sac sur lequel il est écrit « Ministère de l’Intérieur », servant à capturer une femme de ménage, sont plats et très loin d’être corrosives. C’est à la fois démagogue et ridicule. En prime, il fait parler ses silhouettes – car il n’y a aucun second rôle, Frédérique Tirmont ou Marc Andréoni, ne faisant que passer -… avec l’accent méridional, alors que l’on sait à la vision de la série de France 3 « Plus belle la vie », que plus personne ne parle de cette manière à Marseille… à part Michel Cordes bien sûr ! La seule bonne idée du film, est d’avoir repris les interprètes du réjouissant « Dikkenek », produit par « Europacorp » d’ailleurs, de manière assez opportuniste. Jean-Luc Couchard et François Damiens en grands méchants belges ont beaucoup de talent pour nous amuser ici, avec des situations aussi minimalistes, voir la pitoyable parodie du « Scarface » version De Palma.  Ils doivent avoir un talent certain d’improvisation… Retour donc à ses premières amours pour le sieur Besson, qui ne l’oublions pas était assistant réalisateur sur « Les bidasses aux grandes manœuvres » de Raphaël Delpard en 1981. Mais notre « mogulet » roublard et français a finalement raison, à quoi bon faire preuve de dignité quand on méprise son public, puisque cela marche. De la fumisterie hissée jusqu’au niveau des beaux-arts… Mais qui nous en débarrassera ? Passons charitablement sur le rôle de yes-man de Gérard Krawczyk – qui apparaît ici dans la salle des coffres d’une banque de Monaco -. On sait qu’il a beaucoup de talent, voir son film précédent La vie est à nous. Souhaitons qu’il revienne à une veine un peu plus personnel, que son prochain film, remake de « L’auberge rouge ».

LE COIN DU NANAR : ODETTE TOULEMONDE

Tout fout le camp, mon brave M. E.E. Schmitt, François Berléand vire à droite et soutient François Bayrou, après avoir évoqué son « charisme de nouille »… dans « Voici » ! – il est vrai « Politic circus » confine au grotesque ces derniers temps, mais tout de même… – le couple Chazal/Torreton bat de l’aile, Patrick Le Lay quitte TF1 – mais qui va nous vendre désormais du cerveau disponible ? -, Maurice Papon même mort, continue à être indigne, Jean-Luc Delarue mord un steward – encore un mythe qui s’effondre -. Bref, le moral général est en berne comme dit l’insupportable publicité « Ikéa » – que celui qui a réalisé cette pub, se dénonce -, pourquoi ne pas tenter une overdose de rose, un petit bain rafraîchissant de cuculterie, que vous nous proposez avec ce « film »,  « Odette Toulemonde » ! Il est tout même élu « Coup de foudre du public » (sic), comme vous l’annoncez avec grande modestie dans votre site officiel. A l’instar des ineffables « écrivains » Alexandre Jardin avec « Fanfan » et Didier Van Cauwelaert avec « Les amis de ma femme », passés à la réalisation, tout en atteignant des sommets dans le style des films gravissimes, on attendait donc beaucoup de vous comme réalisateur. De plus, un auteur qui a massacré l’œuvre de Dumas pour Josée Dayan, ne peut que ravir les amateurs de nanars, dont je suis. Attendant, la fin de la séance précédente, je commence à m’inquiéter, le public est content, trouve le film… rafraîchissant… Hein ? Le naufrage annoncé serait-il évité, le film convenable, j’en frémis d’avance…  Je suis très vite rassuré, c’est bien un naveton : Odette Toulemonde – Catherine Frot qui reprend son personnage d’ »Un air de famille », en plus gnangnan -, est une vendeuse modeste d’un grand magasin en Belgique. Mais elle semble avoir le don du bonheur, ce qui l’aide à subsister dans la « mornitude » comme dirait Ségolène, en compagnie de sa fille, une adolescente ingrate flanquée d’un jeune beauf aux pieds sales et son fils, un coiffeur homosexuel. Elle doit son optimisme béat à la lecture d’un écrivain populaire qui n’aspire qu’à la reconnaissance critique, – Albert Dupontel qui fait ici le grand écart, qui d’autre peut se targuer de passer d’ »Irréversible » de Gaspar Noé à ce type de film ? -. Odette est une fan maladroite, qui perd ses moyens à la vue de son idole. L’écrivain qui tente de se suicider après bien des malheurs – il s’appelle Balhazar Balsan, ce qui du meilleur goût quand on pense au suicide du producteur Humbert Balsan -. Il trouve du réconfort auprès d’Odette, après bien des péripéties ineptes. Le film est porté par ses deux interprètes, qui n’ont pas l’air d’y croire beaucoup, et les décors de Belgique – pour cause de co-prod – apportent une consistance, face à une absence de scénario et d’idées.

Catherine Frot, il faut que tu lévites ? non, il faut que tu l’évites !

Il faut voir Catherine Frot léviter à la moindre émotion, et voir comment vous répétez à l’envi la moindre de vous « trouvailles » – Pôôôvre personnage de Jésus -. Vous assumez vos clichés, mais on n’est pas obligé de vous suivre dans le premier degré. Grande première, Jacques Weber s’échappe du film de Catherine Corsini, « Les ambitieux » pour atterrir chez vous. Est-ce un effet secondaire d’abus de Danacol, mais il retrouve exactement le même rôle de critique infatué de lui-même – un rôle de composition de toute évidence… -. Mais bonne nouvelle, il ne fait que passer, vous avez eu pitié de nous… Vous transformez la pétulante et trop rare Camille Japy en nunuche intégrale, ce qui tient de l’exploit. Le sympathique Alain Doutey est réduit à l’état d’ectoplasme et les autres comédiens font ce qu’ils peuvent. On attend un peu d’ironie, mais il est en rien, vous essayez de faire rire avec le cancer du sein, de manière irresponsable, mais n’est pas Pierre Desproges qui veut. Vous lorgnez allégrement sur l’œuvre de Jacques Demy ou de Jaco Van Dormael, mais « roséifier » un film ne signifie pas avoir leurs talents. Nicolas Piovani fait ce qu’il peut pour sauver les meubles avec son talent habituel de musicien. Il faut saluer aussi votre exploit de transformer la légèreté de Joséphine Baker en balourdise absolue. Il faut vous concéder que vous osez aller ici, très loin dans la mièvrerie, sans peur du ridicule, ce qui est courageux. Mais même le lénifiant « Pretty woman », c’est du Zola en comparaison…. On attend une « unhappy ending », qui semble venir et qui sauverait l’ensemble, mais non ! vous sombrez sans états d’âmes dans la guimauve. Il faut voir comment vous essayer de contrer les critiques du film, en mettant le public dans « votre poche ». Votre film est idéal pour nous refourguer du cerveau disponible. La mémoire de Patrick Le Lay perdure, je prends rendez-vous pour me faire une lobotomie générale, mes congénères spectateurs ayant « la banane », mon côté pisse-froid ne va pas me permettre de survivre ici-bas… J’abandonne toute espérance, me désolant de ne voir rien de propant à cette nouvelle mode de films de peoples… Je cours voir Taxi 4, histoire de me donner le coup de grâce…

JE CROIS QUE JE L’AIME

Avant-première, jeudi 8 février à l’UGC-Cité Ciné, du film de Pierre Jolivet « Je crois que je l’aime » en sa présence et celle de Vincent Lindon. On peut remarquer de plus en plus de comédies « auteuristes », comme par exemple Catherine Corsini, qui vient d’en alterner deux, faute de pouvoir sans doute alterner les genres. Pierre Jolivet avait signé un film plus personnel avec « Zim & co » qui n’a hélas pas eu le succès escompté. Il s’entoure donc ici de fidèle, comme avec François Berléand – c’est leur neuvième signe ensemble -, Albert Dray et donc Vincent Lindon. Le scénario co-écrit avec Simon Michaël est habile. Un riche et suspicieux industriel, tombe amoureux d’Elsa, une céramiste au caractère bien trempé, qui réalise une fresque dans le hall de son entreprise. Lucas est très blasé depuis sa dernière rupture sentimentale. Il lutte contre son ancienne femme partie aux États-Unis, pour récupérer la garde de son fils. L’entourage de Lucas – un œil sur les actions de la société – ne souhaite pas retrouver ce type de situation, car ils ont beaucoup à perdre en cas de déprime. Sa société peut péricliter très vite si le propriétaire des lieux se laisse envahir par la morosité qui le neutralise complètement. Lucas décide alors de faire suivre la jeune femme par son responsable de la sécurité, Roland Christin joué par François Berléand. Il est excellent comme à l’accoutumée, je pense ne plus trop être objectif, mais les rires du public qu’il déclenche couvrent même certaines répliques du film. Christin, tendance pervers-pépère, a un système d’écoute très perfectionné, Simon Michaël ayant appartenu aux Renseignements généraux, a dû se servir de son expérience, pour l’écriture de ce personnage. Le moindre détail est ainsi décortiqué, par cet espion qui se vante d’avoir fait ses armes sous François Mitterrand – allusion des Irlandais de Vincennes, un cadre de l’ancien président est sous son bureau -. Pierre Jolivet signe ici une charmante comédie, montrant très justement la rencontre de deux êtres et la peur de tomber amoureux très dans l’air du temps. Il égratigne les arcanes du pouvoir, et la tendance au repli sur soi bien dans l’air du temps. Sandrine Bonnaire rayonne particulièrement, il est vrai que mis à part « Mademoiselle » de Philippe Lioret, on  ne l’a que très peu vue dans le registre de la comédie. Il y a une évidence que son talent et son tempérament sont idéals pour s’épanouir dans ce type de films. Lindon au jeu inquiet arrive à nous rendre son personnage, peu sympathique, finalement attachant.

Sandrine Bonnaire & Vincent Lindon

Kad Mérad – qui forme un couple très probant quoi qu’inattendu avec la belle Hélène de Saint-Père -, en ami confident est toujours aussi réjouissant. On retrouve aussi quelques seconds rôles, comme le fidèle Albert Dray, chauffeur – alors qu’il ne lui reste que 3 points – particulièrement dévoué et observateur, Mar Sodupe et Guilaine Londez sont excellentes en employées dévouées de Lucas et succombant à son charme. Le vétéran Venantino Venantini dans le rôle de « Della Ponte », en créateur amoureux de son art de la céramique, nous offre aussi un joli moment de sensibilité, loin de ses rôles habituels. Liane Foly est assez inattendue en garce à l’accent du Canada, Pierre Diot en conseiller et Brian Bigg en sumotori apportent également un décalage proverbial. Le débat était intéressant, retrouver Pierre Jolivet et son humour perpétuel, était passionnant et passionné, parlant de son amour pour écrire pour ses fidèles interprètes. Il fallait l’entendre évoquer sa rencontre avec un assureur – sa confrérie ayant été égratigné dans « Ma petite entreprise » -, venant après le cambriolage de son logis, lui reprocher dans ce film, qu’un des personnages casse la fenêtre de gauche, alors que tous les professionnels savent bien que c’est bien celle de droite qu’il faut fracasser pour tout types de forfaits. Vincent Lindon, toujours un peu sur la défensive, semblait cependant plus détendu que lors de l’avant-première du « Fils du guerrier » par exemple -, mais il continue à parfaire son petit côté écorché vif, tout en étant très enthousiasme. Il est plus détendu, quand je l’ai félicité ensuite directement, sur ces choix et sa manière de défendre des rôles sortant du tout venant du cinéma français – « Chaos », « La moustache » -. La rencontre entre Sandrine Bonnaire et Vincent Lindon – des retrouvailles après le film de Claude Sautet, « Quelques jours avec moi » -, elle solaire et indépendante, lui plus fébrile, fonctionne parfaitement. Le premier titre « Irrésistible » du film, non retenu finalement, correspond assez bien à la vision de cette charmante comédie. Saluons le talent de Pierre Jolivet, qui semble toujours faire un film en se démarquant du précédent.

MORT DE MICHEL COURNOT

Michel Cournot à Paris, le 21 janvier 1958

En réaction à l’intervention d’un internaute qui déplore ici l’absence d’hommage concernant la mort d’Anne-Nicole Smith – alors qu’il ne fait aucune mention à celle d’André Bézu, qui ne l’oublions pas joua son propre rôle dans le film « Grève (party ) » -, évoquons donc celle de Michel Cournot, le 8 février dernier des suites d’un cancer. Il fut un critique connu pour son admiration avec l’œuvre de Jean-Luc Godard, et ses écrits parfois féroce. Il écrivit pour « Le nouvel observateur  » de 1963 à 1996, « France Soir » de 1950 à 1960. Il fut l’auteur de quelques livres « Le premier spectateur » (Gallimard, 1957), « Enfants de la justice » (Gallimard, 1959), « Histoire de vivre » (Maeght, 1955). Lorsqu’il passa à la réalisation, avec « Les gauloises bleues »  tourné en 1968 avec Annie Girardot, Jean-Pierre Kalfon et Bruno Cremer. Il fut à son tour raillé, Citons la saison cinématographique 1969, par Hubert Arnault qui évoque son auto-dérision : « Michel Cournot n’est pas certes « le premier cinéaste français qui tue le public par le rire ». Ouvrir une brève analyse de son film par cette boutade qu’il lui plut de dédier à une médiocrité du cinéma français est bien fait pour donner la dimension d’un artiste écrivain-critique-cinéaste qui prend les autres moins au sérieux que lui-même. Son goût pour le canular-critique agressif, entêté, et contradictoire est bien connu sinon apprécié… » Pour évoquer ensuite « Parmi le fatras des choses faciles qui meublent l’écran (le simplicinéma du bric-à-brac règne puissamment dans le renouveau), on reconnaît les hommages-emprunts aux idoles encensées… » (…) « …Un coeur sensible à la douleur qui bat fort à la vie ». Mais le critique reste brillant, à la lecture de ses chroniques parues en 2003, aux éditions Melville « Au cinéma » – qu’ironie du sort je viens d’emprunter en bibliothèque -. Il rend des hommages probants à Jean-Luc Godard, et y dresse des portraits acerbes, comme ceux sur Michel Simon ou Véra Clouzot sur le tournage des « Espions », film d’Henri-Georges Clouzot, en 1957. L’excellent livre « La critique de cinéma français », évoquait qu’il continuait à défendre, sa carrière de critique terminée, des films qu’il aimait comme « Pullman Paradis » de Michèle Rosier. Il fut, assurément, l’une des plus grandes plumes de la critique française. Bibiographie : « La critique de cinéma en France »  sous la direction de Michel Ciment & Jacques Zimmer (Ramsay cinéma, 1997).

NOUVEL OBSERVATEUR du 10/02/2007

Le journaliste et écrivain Michel Cournot, qui fut critique de cinéma, littéraire puis dramatique et a réalisé en 1968 un film, « Les Gauloises bleues », est décédé jeudi à Paris à l’âge de 84 ans d’un cancer, annonce vendredi 9 février le quotidien Le Monde, auquel il a collaboré durant plus de 30 ans. Né le 1er mai 1922 à Paris, élève au lycée Louis-le-Grand puis étudiant en lettres, Michel Cournot s’est lancé dans le journalisme après la Libération, d’abord comme reporter à France Soir, à L’Express et de nouveau pour le quotidien de Pierre Lazareff. Il a collaré au Nouvel Observateur dès le lancement de l’hebdomadaire en 1964 comme critique cinématographique. Après avoir signé les dialogues de « 20.000 lieues sur la terre » (1960) de Marcel Pagliero et des « Amoureux de France » (1964) de François Reichenbach, il s’était essayé à la réalisation avec « Les Gauloises bleues », interprété par Annie Girardot et Bruno Crémer. Après ce film sans lendemain, raillé par un Michel Audiard avec lequel Cournot avait croisé le fer, ce « fou des livres et de la lecture », comme il se définissait lui-même, abandonne la rubrique cinéma du « Nouvel Obs » pour la critique littéraire de l’hebdomadaire. Marié à la comédienne Martine Pascal, Michel Cournot a suivi pour Le Monde, à partir de 1973, plus de trente ans de vie théâtrale. Il portait un regard exigeant, attesté par des critiques redoutées.

Prix Fénéon et Deux-Magots

Homme de lettres, il avait obtenu en 1950 le Prix Fénéon pour « Martinique » et celui des Deux-Magots huit ans plus tard avec « Le premier spectateur », consacré au tournage des « Espions » d’Henri-Georges Clouzot. Le Prix Italia lui sera attribué en 1963 pour « Enfants de la justice », fruit de reportages consacrés aux jeunes délinquants. Il était à nouveau revenu à l’écriture en 1994 avec « Histoire de vivre », et « Au cinéma » (2003), témoin de sa passion pour le 7e art, qui était pour lui « une drogue, douce si l’on veut, mais combien pénétrante ». Le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, a rendu hommage à « une personnalité très forte qui aura marqué la vie intellectuelle française de ces quarante dernières années », dans un communiqué.

LIBÉRATION du 10/02/2007

Cournot, calme bleu, par Mathilde La Bardonnie

Tôt le matin, Michel Cournot passait au journal le Monde, qui se trouvait rue des Italiens, c’était dans les années 70-80, on imprimait au plomb. En veste de coutil semblable à celle que portait Braque, démarche rapide, Cournot entrait furtif dans le bureau d’Yvonne Baby, lui apportant regard souriant sous ses cheveux sombres épais, quelques feuilles d’un papier tramé coquille d’oeuf, lourd et rugueux. Nulle rature, larges marges. Son article pour le quotidien du soir : «presque un parchemin et déjà page de livre», se rappelle l’ancienne responsable du service culture. Le jour où elle avait confié à Cournot la charge d’écrire sur le théâtre, il lui avait dit : «Je te préparerai des petits pains, tu n’auras plus qu’à les mettre au four.»

Des «petits pains» consacrés à l’art dit dramatique, Michel Cournot en aura concocté des centaines, des milliers, au fil des semaines, des décennies avec étés en Avignon. Encore en septembre dernier, il prenait le métro, comme toujours, pour aller voir une pièce. «Le théâtre, ces paroles que l’on s’envoie, se renvoie, c’est en même temps tout et rien, disait-il. C’est le petit fil blanc de l’électrocardiogramme.» Claudel ayant résumé : «Le théâtre, c’est ce qui arrive», Cournot en déduisait que «dans la vie rien ne se passe». Il n’en pensait pas un mot. Sa vie à lui a été bien remplie.

Or voilà. Commencée le 1er mai 1922 à Paris, la vie de Michel Cournot s’est arrêté jeudi ; après quatre mois de souffrance ; et avec, tout près, la douceur de sa compagne, l’actrice Martine Pascal. Jamais on ne voulait croire qu’imperceptiblement cet homme juvénile d’apparence, ce sismographe, était devenu octogénaire. S’amusant à répéter que le «grand reportage mène à tout à condition d’y rester», Cournot avait fini par accepter en 2003 que soient publiées en recueil ses chroniques du temps où, à France Observateur au début des années 60, il réinventa la critique cinématographique, au point d’enthousiasmer Louis Aragon, fou des mots de Cournot louant Godard, son «Pierrot le fou» : «II faisait dévier les habitudes de lecture ; pratiquait le collage en maître, moujik royal et fils du Sud-Ouest. Digression. Fiction. Diction. Des thèmes secondaires amorcent, développent, divaguent.» C’est Baby, encore elle, qui a su décrire l’apesanteur où, si souvent, s’est située l’écriture du poète Cournot, maître des illusions joueuses, avec ses phrases de phénoménologue pétri de Husserl, ses images de ravisseur de songes plongeant à la façon d’un Jean Genet vers des sources barbares, puis soudain revenant, consciencieux, à ses devoirs de lettré, près de Paul Valéry qui le parraina. «…mer, mort, amer, amour, cinéma tu sers à quoi, pourriture, Pierrot qui s’est peint en bleu, cinéma tout à tes couleurs tu vas le laisser se faire sauter la caisse, les femmes et les hommes ressentent un calme blanc, matinal, quand ils sont sur le point de mourir par eux-mêmes, l’écran ralentit. S’agrandit. Blanchit. Un bruit noir. Le soleil entre dans la toile. C’est la mort.»

Michel Cournot est mort, mais chacun sait et saura qu’il reste aussi l’auteur des Gauloises bleues, son film unique, simple et loufoque comme un paysage rose qu’habitaient de grands acteurs, vu par très peu de gens car sorti un mois de mai 1968 où le Festival de Cannes ferma, produit par Claude Lelouch.

Avant tout cela, il y avait eu bien d’autres vies de Michel Cournot. Celle de l’artiste en jeune homme de famille nombreuse, celle de l’éphémère gratte-papier dans un ministère qui, à la Libération, rencontre par hasard le patron de France Soir, Pierre Lazareff. Ils deviennent immédiatement amis. Il a 23 ans : début des reportages, autant de voyages. Michel Cournot publiait en 1949 un livre, Martinique, poème. En 1957, le Premier spectateur, où il suit le tournage des Espions de Clouzot. Ensuite, un passage à l’Express au moment de la guerre d’Algérie ; plus tard, quelques années, il devint un éditeur inspiré au Mercure de France (son attention aux autres écrivains était inouïe). Toujours, tout du long, il pratiqua le journalisme, «activité particulière de l’écriture» à laquelle il croyait. Et par quoi tout recommence.

LE MONDE du 10/02/2007

Michel Cournot, critique et écrivain, par Brigitte Salino

Michel Cournot avait dit : « J’entre à l’hôpital, et après, je pourrai aller en maison de repos. » Ce fut son ultime élégance. Il faisait ainsi savoir que c’en était fini. Il est mort, jeudi 8 février à Paris, usé par le cancer, qui, depuis de longs mois, l’affaiblissait inexorablement. Il était âgé de 84 ans. Ce n’est pas seulement un grand journaliste et un critique incomparable qui part. C’est un écrivain et un ami du journal, où, en ce jour d’infinie tristesse, on n’arrive pas à imaginer qu’il faut continuer sans lui.

Michel Cournot était né à Paris, le 1er mai 1922, dans le 17e arrondissement, en face du Luna Park qui existait alors, et il avait grandi au flanc de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, entouré de huit frères et soeurs. Il n’aimait pas se souvenir de son enfance, marquée par un père polytechnicien très dur et par une mère lointaine, comme on pouvait l’être alors dans les familles bourgeoises. Mais il aimait se rappeler que cette mère aimée l’emmenait au théâtre.

Quand les Allemands entrent dans Paris, en juin 1940, Michel a 18 ans. En novembre, il participe à la manifestation spontanée d’étudiants qui défilent sur les Champs-Elysées pour soutenir de Gaulle. Arrêté, il passe plusieurs semaines en prison, où, chaque matin, on le met en joue. De cela, il parlait peu. Comme de sa vie, d’ailleurs. Sa pudeur lui faisait préférer écouter celle des autres. On sait que, après des études de lettres, il a été professeur de latin-grec à l’Ecole alsacienne, en 1943-1944. Puis il a travaillé au ministère de l’agriculture, comme « rédacteur d’ordonnances », et à la Compagnie générale transatlantique. Là, il était chargé d’imaginer des activités pour que les équipages ne dépriment pas sur les cargos au long cours.

A la Libération, Michel a 23 ans. Il ne sait pas ce qu’il va faire. Il ne veut pas d’un métier où il ait à écrire, parce qu’il aime trop la littérature. Le hasard décide pour lui. Un jour où il est « dans une mouise incroyable », comme il le disait, il rencontre dans la rue un ami d’enfance, qui connaît Pierre Lazareff, le patron de France Soir. Michel rencontre Lazareff, avec qui il s’entend merveilleusement. A partir de ce moment, il devient journaliste, d’abord à France Soir, puis au Nouvel Observateur et au Monde, où il est entré en 1963 pour ne jamais en partir.

Outre les innombrables feuilles de journaux, il reste deux livres qui témoignent d’un Cournot méconnu : celui qui fut reporter avant d’être critique de littérature, de cinéma et de théâtre. L’un, Le Premier Spectateur, est consacré au tournage des Espions, le film d’Henri-Georges Clouzot, que Michel a suivi de janvier à avril 1957. C’est une mine sur la fabrication d’un film, l’art et la névrose. L’autre, Enfants de la justice, a été publié en 1959 dans la collection « L’air du temps », chez Gallimard. Il est consacré aux tout jeunes délinquants. Hors reportages, il y a Martinique (Gallimard, 1949, dans la collection « Métamorphoses »), beau comme un long poème sur l’île tant aimée.

Il faudra attendre presque quarante ans pour que d’autres livres paraissent, où Michel est l’écrivain qu’il refusait de voir en lui : Histoire de vivre (Maeght, 1994), Au cinéma (coll. « Melville », éd. Léo Scheer, 2003).

Et puis il y a ce film, Les Gauloises bleues, qu’il avait tellement aimé réaliser, au tournant de 1968, et que l’on a tant aimé voir. « J’étais à mon affaire quand je l’ai fait, disait Michel. Je voulais tourner un deuxième film, dans lequel j’aurais voulu montrer, à travers une femme, comment on est aliéné, au jour le jour, par de toutes petites choses. Je le sentais, ce film, je l’entendais, c’est une question de voix. Mais je n’ai pas trouvé l’argent. »

Après Les Gauloises bleues, Michel n’a pas repris la chronique cinéma qu’il tenait au Nouvel Observateur, avec l’insolence d’une liberté qui a nourri des générations de lecteurs.

Dans ses chroniques du Monde, Michel a parcouru plus de quarante ans de théâtre. Il disait qu’on devrait attendre d’être vieux, d’avoir beaucoup vécu, avant de devenir critique dramatique, et il avait sans doute raison. Pour lui, le théâtre était avant tout la représentation d’un lecteur du temps. Quelque chose d’on ne peut plus intime, vital dans le va-et-vient entre le livre et la scène, l’écrit et le corps, l’imagination et l’incarnation. C’est ce qui rendait ses critiques inégalées : personne n’a su comme lui parler de l’art du théâtre.

Bien sûr, il faudrait dire son amour pour la scène de la Russie, où il avait vécu, et pour les comédiens dont il ne s’est jamais lassé de restituer le mystère. Il faudrait suivre les lignes de crête et de fuite de ses chroniques, qui resteront entre celles de Colette, pour la beauté du style, et celles de Paul Léautaud, pour les divagations magnifiques qu’il s’offrait. Michel pouvait consacrer un article entier à décrire sa chambre, la cicatrice d’un comédien ou les feuillages hurlant sous le mistral, à Avignon. La pièce à critiquer était oubliée, mais il y avait mieux : la vie, sans quoi le théâtre n’est rien.

Mais laissons sécher l’encre : Michel est encore là, tout près, dans le quotidien du journal, avec ses sublimes 80 ans, ses pantalons blancs, sa beauté de vieil arbre fragile et ses sourires jamais loin de l’ironie. S’il ne devait rester qu’un souvenir de lui, ce serait celui-ci, radieux.

Cela se passait en juin 2003, à Alloue, en Charente limousine, dans la maison de Maria Casarès devenue la Maison des comédiens. Michel était venu avec la comédienne Martine Pascal, l’amour de sa vie depuis plus de trente ans, qui donnait une lecture dans le vaste parc enserré comme un bout d’éternité aux méandres de la Charente. Après, dans la nuit chaude, il y eut un dîner sous les arbres immenses parcourus de lampions. C’était simple et gai comme peuvent l’être les rendez-vous imprévus où la vie se mêle au théâtre. Michel parlait de René Char, de Jean Vilar et de Gérard Philipe. Il riait de la bonne humeur de Martine. Puis il a disparu dans la nuit avec elle. A son bras, il y avait un petit pansement blanc.

Michel n’est plus là, et cela fait mal. Il y a quelques années, après la mort d’un de ses frères, il s’insurgeait contre « cette idiotie du travail de deuil dont on nous rebat les oreilles ». On l’entend encore dire, au cours de ces conversations au téléphone qui faisaient se lever le jour : « Les morts sont morts et ils nous manquent. » Nous en sommes là. N’est-ce pas, Michel ? Cher Michel.

LA MÔME

Avant-première lundi 5 février, à l’UGC-Cité Ciné Bordeaux, du film d’Olivier Dahan, « La môme » en présence de Marion Cotillard et Pascal Greggory. Les plus avisés étaient ceux qui avaient réservé tôt, les deux plus grandes salles du lieu, étant archi-comble, et plusieurs spectateurs se sont vus refuser l’entrée. Il est vrai que l’attente était forte, et les 7 minutes du film diffusées dans l’émission « + Clair »  étaient du meilleur présage. On ressort du film le ventre noué par l’émotion, l’accueil du public fut d’une chaleur exceptionnel avec une longue standing ovation ce qui était le minimum vu la reconnaissance du public. Jetons un voile pudique sur « Édith et Marcel », réalisé en 1982, avec Évelyne Bouix dans le rôle d’Édith Piaf – mais il est vrai que la mort de Patrick Dewaere avait obligé son réalisateur Claude Lelouch de rajouter d’autres histoires satellites -, mais nos amis masochistes se régaleront car il est rediffusé sur France 2 ce mardi… 13 ! – ce qui devrait convenir à son superstitieux réalisateur -. Il y eut un autre film, en 1973, « Piaf » réalisé par Guy Casaril, avec Brigitte Ariel, mais le film semble être rarement diffusé. Si vous entendez à Bordeaux, un couillon qui s’englue dans des digressions interminables quand il prend la parole, ne cherchez plus c’est moi… J’ai sorti mon petit compliment, étant d’autant plus reconnaissant qu’elle avait traversé de manière lumineuse un tragique nanar, avec le monolithique Russel Crowe, et le comédien français qui visiblement tente n’importe quoi pour avoir sa page dans le site « Nanarland », c’est Didier Bourdon, dans « Une grande année » de Ridley Scott en petite forme. J’ai donc débité l’observation suivante. J’avais vu, il y a peu, un drôle de petit film, « Étoiles sans lumière », amusant petit film avec Edith Piaf, son protégé Yves Montand – période « Les portes de la nuit » donc pas vraiment inspiré -, Serge Reggiani et Jules Berry. Loin d’être déshonorant on retrouvait une Edith Piaf, avec une aura incroyable, un côté espiègle, loin des dernières images que l’on pouvait avoir de la chanteuse réaliste, tout de noir vêtu. Je l’ai retrouvé incroyablement dans ce film d’Olivier Dahan, et Marion Cotillard, je ne l’ai pas vue. Sa performance est proprement sidérante. Attitudes, gestes, regards : on est à plusieurs reprises saisi par l’intensité de son jeu. Elle transcende le maquillage, de par sa manière de se tenir, d’arriver à nous figurer les 1m47 de la célèbre interprète. A aucun moment, par un détail du grimage, ou de son jeu, on songe à chercher une trace de son travail. C’est une évidence absolue, Marion Cotillard fait plus qu’incarner Piaf, elle EST Piaf. Qu’elle figure sa prime jeunesse, ou son corps meurtri de vieillarde, alors qu’elle n’avait que 47 ans, elle a trouvé le charisme de son personnage, ses petits côtés cyclothymiques, passant avec fulgurance dans la gamme des émotions de son personnage.

Marion Cotillard

Même les plus jeunes spectateurs méconnaissant le parcours de la « Môme » étaient sensibles par l’incroyable performance de la comédienne. Interrogée sur son travail, Marion Cotillard a brillamment répondu, loin de répéter les postures et le phrasé, elle a préféré s’immerger dans la vie de Piaf, pour mieux restituer son personnage au moment du tournage. Elle racontait avoir eu du mal à se détacher du personnage, elle citait le témoignage de l’excellent Thierry Frémont, qui témoignait à la télévision, sur les mimiques qui lui revenait de son personnage de Francis Heaulmes, elle s’apprêtait alors de partir sur le tournage à Prague et confiait qu’elle avait ainsi appréhendé cette difficulté. Avec beaucoup de subtilité, elle témoignait des scènes tournées dans l’Olympia, avec quelques familiers de la chanteuse, venu la retrouver. Elle nous racontait sa petite défiance au départ, alors que son metteur en scène ne voyait qu’elle dans ce rôle. Elle probante jusque dans les scènes de play-back – « casse-gueules » par excellence -, elle nous fait retrouver l’univers et la force de son personnage. C’est du grand art, on ne voit personne d’autre désormais pour rééditer cet exploit. Olivier Dahan qui avait déjà montré qu’il avait un univers, mais peut être un manque d’ « affect » dans ses films, le plus intéressant me semblant être « La vie promise » avec Isabelle Huppert. Il était difficile d’évoquer l’incroyable vie, le metteur en scène a supprimé 100 pages de son scénario. Il évite les morceaux de bravoures, à la Lelouch, pour aller dans l’émotion, le récit d’une femme qui brûle sa vie, certes, mais vit pour son art.  On la découvre de son enfance meurtrie à son agonie, il y a deux nombreuses scènes touchées par la grâce comme celle où sur une plage elle répond à une journaliste, ou ses rencontres avec ses grandes chansons, comme sa manière de revenir à la vie par celles de Charles Dumont ou Michel Emmer. Le réalisateur fait des allers-retours entre les différents moments de la vie d’Edith Piaf, évoquant son parcours comme des rêves dans un sommeil agité, pour mieux entrer dans la psychologie de son héroïne. Prenons l’exemple de l’annonce de Marcel Cerdan, qui nous avait valu un formidable moment d’un grotesque achevé chez Lelouch, Edith Piaf prépare le petit déjeuner pour son amant, étonnée de voir les mines pathétiques de son entourage, elle occulte son absence pour être percutée par la terrible vérité de la découverte de sa mort  dans le crash de son avion. S’il respecte les grandes lignes de sa vie, c’est aussi pour privilégier certains aspects méconnus, – il pioche dans son répertoire avec quelques-uns unes de ses chansons moins célèbres.

Marion Cotillard & Pascal Greggory

Il évoque ainsi dans un article de journal Paul Meurisse, ou Yves Montand dans une conversation, sans tomber dans l’écueil d’une sorte de musée Grévin mobile, ne nous donnant qu’une apparition de Marlene Dietrich campée avec conviction par Caroline Sihol. Au-delà de l’incroyable performance de Marion Cotillard, il y a une formidable distribution, de Sylvie Testud en Mômone garçonne, amie jalouse d’Édith, Emmanuelle Seigner dans le rôle d’une prostituée maternelle – seul personnage inventé selon Pascal Greggory -, Marc Barbé dans le rôle de Raymond Asso – pour la petite histoire, il était le frère du comédien Pierre Asso -, parolier Pygmalion, Jean-Paul Rouve en père bourru et contorsionniste, Marie-Armelle Deguy dans le rôle de Marguerite Monnot, la fidèle pianiste, Jean-Pierre Martins – qui a fait un régime draconien – nous fait oublier la prestation de Marcel Cerdan junior, chez Lelouch, André Penvern en jovial Jacques Canetti ou Jean-Paul Muel en débonnaire Bruno Coquatrix, sans oublier Catherine Allégret et Clotilde Coureau en figures maternelles revêches. Même Gérard Depardieu en Louis Leplée, l’homme qui donna sa chance – et son nom – à la « Môme », a l’air d’y croire, et est – pour une fois – au meilleur de sa forme. Nous avions la chance aussi d’avoir le témoignage de Pascal Greggory, prodigieux dans son rôle de Louis Barrier. Il joue le manager qui supporte tous les caprices de la star, mais que l’on devine amoureux transi. Dans son silence respectueux, comme dans son côté respectueux son talent éclate avec justesse. Il avouait être content d’avoir à jouer pour une fois un personnage positif. Il avait déjà eu Olivier Dahan comme réalisateur pour « La vie promise » et au courant du projet a demandé à y figurer. Il a parlé également de son travail de comédien, de sa manière de se servir de ses émotions et son vécu, et paraphrasant Samuel Beckett, il disait que tout le monde en fait né acteur, mais seuls quelques-uns uns le restent.  Les « biopics » ne donnent que très rarement de bons films, le résultat est formidable. Sans le jeu de Marion Cotillard ce film était une pure réussite, grâce à elle c’est un joyau. Un film inoubliable, à voir absolument.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Giselle Pascal

Annonce de la mort de la comédienne Giselle Pascal – et non Gisèle -, décédée à Nîmes à l’âge de 83 ans. L’agence de manière un peu condescendante déclare « Elle se fit connaître comme fiancée du prince Rainier de Monaco mais sa filmographie compte peu d’oeuvres marquantes ». Elle était pourtant une des plus grandes vedettes françaises, souvent associée à son époux Raymond Pellegrin, depuis 51 ans. Ils furent partenaires sur 4 films et au moins un téléfilm. Mais il est vrai que le cinéma est parfois ingrat avec ses vedettes, comme dans le film « Les compères » (1983) de Francis Veber, où elle figurait la mère du personnage joué par Anny Duperey, elle ne figurait plus qu’au générique de fin, par liste alphabétique. Andrzej Zulawski avait proposé à cette sympathique comédienne un curieux contre-emploi en personnage revêche qui accueille Valérie Kaprisky dans un studio photo dans « La femme publique » en 1983 également. Elle instille le malaise qui va continuer avec le personnage du photographe joué par Roger Dumas, interpellé par la grande sensualité de la jeune femme. Yvan Foucart lui avait rendu un superbe hommage pour le site des « Gens du cinéma », nous démontrant qu’elle valait mieux que quelques lignes au sujet de sa mort dans une dépêche.

Dans « Les cinq dernières minutes », épisode « Un cœur sur mesure »

Filmographie : 1941  Les deux timides (Yves Allégret) – L’Arlésienne (Marc Allégret) – 1942   La belle aventure (Marc Allégret) – La vie de bohème (Marcel L’Herbier) – 1944   Lunegarde (Marc Allégret) – 1943  Madame et son flirt (Jean de Marguenat) – Les J 3 (Roger Richebé) – 1946   Tombé du ciel (Emile-Edwin Reinert) – Amours, délices et orgues (André Berthomieu) – Dernier refuge (Marc Maurette) – 1947   Après l’amour (Maurice Tourneur) – Mademoiselle s’amuse (Jean Boyer) – 1949  La femme nue (André Berthomieu) – La petite chocolatière (André Berthomieu) – Véronique (Robert Vernay) – 1950   Bel amour / Le calvaire d’une mère (François Campaux) – 1952  Horizons sans fin (Jean Dréville) – 1953 Si Versailles m’était conté (Sacha Guitry) – Boum sur Paris (Maurice de Canonge, cameo) – 1954  Marchandes d’illusions (Raoul André) – Le feu dans la peau (Marcel Blistène) – 1955   La madone des sleepings (Henri Diamant-Berger) – Mademoiselle de Paris (Walter Kapps) – Si Paris nous était conté (Sacha Guitry) – Pitié pour les vamps (Jean Josipovici) – 1957  Sylviane de mes nuits (Marcel Blistène) – 1958   Ça n’arrive qu’aux vivants (Tony Saytor) – 1961   Seul… à corps perdu (Jean Maley & Raymond Bailly) – 1962  Le masque de fer (Henri Decoin) – 1968  La promesse / L’échelle blanche (Paul Feyder & Robert Freeman) – 1969   Un caso di conscienza (Un cas de conscience) (Giovanni Grimaldi) – 1982  En haut des marches (Paul Vecchiali) – 1983   La femme publique (Andrzej Zulawski) – Les compères (Francis Veber) – 1988   Juillet en septembre, (Sébastien Japrisot). Télévision (notamment) : 1960  La princesse de Cadignan (Jean-Paul Carrère) – 1962  La caméra explore le temps : L’affaire du collier de la reine (Guy Lessertisseur) – 1963  Et sur toute la gamme (Jean Kerchbron) – 1964  Le coeur oublié (Abder Isker) – 1971  La mort des capucines (Agnès Delarive) – 1972  La mort d’un champion (Abder Isker) – 1976  La vérité tient à un fil (Pierre Goutas, série TV) – 1978  Les amours sous la Révolution : André Chénier et la jeune captive (Jean-Paul Carrère) – 1980  La vie des autres : La croix dans le cœur (Pierre Goutas, série TV) – 1981  Les cinq dernières minutes : Un cœur sur mesure (Claude Loursais) – 1983  Emmenez-moi au théâtre : L’exil (Alexandre Tarta, captation) – Madame S.O.S. : Trois tuteurs pour un géranium (Alain Dhénaut) – 1985  Les enquêtes du commissaire Maigret : Maigret au Picaratt’s (Philippe Laïk) – Médecins de nuit : Happy birthday (Jean-Pierre Prévost) – 1987  Symphonie (Jean-Pierre Desagnat, série TV) – 1987/1990  Fest im Sattel (Tous en selle) (Christine Kabisch, série TV) – 1988  Nick chasseur de têtes (Jacques Doniol-Valcroze, pilote).

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Michel Roux

Annonce de la mort de Michel Roux, ce vendredi 2 février. Il reste associé à l’enfance de beaucoup d’entre nous, de par sa très riche voxographie – « Mary Poppins », « Pinocchio », la voix française de Cary Grant dans « La mort aux trousses » -, par exemple -, voir la liste de sa fiche Wikipédia. Son doublage de Tony Curtis, avec Claude Bertrand qui doublait Roger Moore, dans « Amicalement vôtre reste un modèle du genre, d’invention et d’humour. C’est le théâtre qu’il avait popularisé, citons notamment « L’hôtel du libre échange » (1973), « Féfé de Broadway » (1976), « La cage aux folles » – où il succédait à Jean Poiret en 1978 -, « Domino » (1981), « Le vison voyageur » (1983), « Le canard à l’orange » (1985), repris de 1992 à 1993, « Au secours elle me veut » (1986), « Monsieur Mazure » (1987), « Un Suédois ou rien » (1989), « Bon week-end Monsieur Bennett » (1990), « Le dîner de cons » – où il succédait à Claude Brasseur en 1995 -, « Tromper n’est pas jouer » (1997), « Max et Charly » (1998), « Face à face » (1999), « Faut-il tuer le clown » (2001), et « Le charlatan » de Robert Lamoureux en 2002, repris en 2005 . On le revoyait souvent dans des captations, mais si elles étaient tardives – notamment les soirs d’été sur France 2 -, et il avait participé à l’émission « Au théâtre ce soir », 25 fois, et il y faisait plusieurs représentations. C’étaient des performances originales, car il n’y avait qu’une seule représentation pour le public, filmée par Pierre Sabbagh ou Georges Folgoas. Le cinéma l’aura délaissé, même s’il avait des débuts précoces dans des rôles d’enfants sous l’occupation. Mais il tourne dans l’un des meilleurs films de Julien Duvivier, l’original « La fête à Henriette », où il joue le fiancé sympathique de Dany Robin. Après un long silence sur le grand écran, Tonie Marshall qui fut sa partenaire pour l’engager dans « Pas très catholique » en 1993, où il jouait le responsable d’une agence de détective, doté d’une improbable « moumoute » et qui devait supporter le tempérament du personnage joué par Anémone. Il ne devait ensuite retrouver qu’un petit rôle d’un responsable du loto face à Jacques Villeret dans le médiocre « Golden boy ». Nous lui devons bien des éclats de rires, et une gratitude face à ses divertissements de qualités.

Bibliographie : « L’ABC du cinéma ».

Photo : Denis Charmot

Filmographie : 1943  La cavalcade des heures (Yvan Noé) – Le carrefour des enfants perdus (Léo Joannon) – 1947  J’ai 17 ans (André Berthomieu) – 1947  Blanc comme neige (André Berthomieu) – 1948  Roulons (court-métrage) – L’impeccable Henri (Charles-Félix Tavano) – 1949  Interdit au public (Alfred Pasquali) – La petite chocolatière (André Berthomieu) – Tire-au-flanc (Fernand Rivers) – 1952  La fête à Henriette (Julien Duvivier) – 1953  Piédalu député (Jean Loubignac) – Maternité clandestine (Jean Gourguet) – 1953  Le secret d’Hélène Marimon (Henri Cerf) – 1954  Leguignon guérisseur (Maurice Labro) – 1956  La joyeuse prison (André Berthomieu) – 1957  En liberté sur les routes d’U.R.S.S. (documentaire, voix du récitant) – 1958  La femme et le pantin (Julien Duvivier) – Croquemitoufle / La femme des autres (Claude Barma) – 1959  Détournement de mineures (Walter Kapps) – 1964  Soleil (Roland Bacri, CM, voix du récitant) – 1965  Souvenir d’Épinal (Jean Image, CM, voix du récitant) – 1973  Le crayon magique (Jean Image, CM, voix du récitant) – 1984  Le bon roi Dagobert (Dino Risi, voix du récitant, version française) – 1993  Pas très catholique (Tonie Marshall) – 1995  Golden boy (Jean-Pierre Vergne). Télévision (notamment) :  1954  La chambre bleue (Stellio Lorenzi) – 1957  Le plus heureux des trois (Marcel Bluwal) – 1958  Le voyage de Monsieur Perrichon (Stellio Lorenzi) – Le canari (Claude Dagues) – Misère et noblesse (Marcel Bluwal) – 1959  Madame Aïcha voyante (Jean Faurez) – 1964  Assurance des mes sentiments les meilleurs (Marcel Bluwal) – 1965  Les cinq dernières minutes : Le bonheur à tout prix (Claude Loursais) – 1966  L’effet Glapion (Georges Vitaly) – 1967  Laure et les Jacques / Ève et les hommes (Henri Spade) – 1970  Don César de Bazan (Guy Lessertisseur) – 1973  Au théâtre ce soir : Maître Bolbec et son mari (Pierre Sabbagh)) – Au théâtre ce soir : Folie douce (Georges Folgoas) – 1975  L’effet Glapion (Alain Quercy, seconde version, captation) – 1977  Au théâtre ce soir : Attends-moi pour commencer (Pierre Sabbagh) –  Recherche dans l’intêrêt des familles (Philippe Arnal, feuilleton 35×13 minutes) – Les folies d’Offenbach : Monsieur Choufleuri restera chez lui (Michel Boisrond) – 1979  Féfé de Broadway (Jeannette Hubert, captation) – Monsieur Masure (Jean Cohen, captation) – Au théâtre ce soir : Monsieur Amilcar (Pierre Sabbagh) – Au théâtre ce soir : La plume (Pierre Sabbagh) – 1980  La grande duchesse de de Gerolstein (Claude Dagues, captation) – Cabrioles (Yves-André Hubert, captation) – Les amours des années folles : Prince ou pitre (Philippe Galardi) – 1981  À nous de jouer (André Flédérick) – 1988  Au secours ! Elle me veut (Bernard Deflandre, captation) – 1998  Face à face (Jean-Philippe Viaud, captation) – 2004  Faut-il tuer le clown (Jean-Philippe Viaud, captation) – 2005  Le charlatan (Stéphane Bertin, captation). Au théâtre ce soir : Détails de ses participations disponibles sur le site de Fred Kiriloff.

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