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L’ANNULAIRE

Ce film est, selon une expression à la mode « Un film monde » tiré du livre de Yoko Ogawa. Il faut ici abandonner toute tentative d’explication, pour s’abandonner aux émotions. On comprend vite que les clefs sont inutiles, mais c’est un peu les limites du film. C’est le portrait d’une jeune fille déracinée, perdue dans une zone portuaire – Le film est tourné à Hambourg. Faut-il voir dans ce film, la peur de rentrer dans l’âge adulte ?. Elle est à la recherche d’un travail provisoire, suite à l’amputation d’un petit bout de son annulaire, dans un travail à la chaîne. Elle semble naïve et partage une chambre d’hôtel avec un jeune marin vivant la nuit, qu’elle ne fera que croiser. Le choc du film est la présence d’Olga Kurylenko, on est happé par sa sensualité, et très rares sont les actrices qui ont une telle présence à l’écran, la caméra l’aime et la désire. On suit donc son personnage facilement, et de son entrée chez un curieux naturaliste, composant de curieux spécimens. La réalisatrice Diane Bertrand  – réalisatrice du film choral « Un samedi sur la terre » (1995) – semble consciente de la grâce de son interprète, et manque d’en abuser.

Olga Kurylenko et Marc Barbé dans « L’annulaire »

Son employeur est l’excellent Marc Barbé, décidement abonné aux rôles d’ogres après l’étonnant « Sombre » de Philippe Grandrieux (1999). Comme la Mrs. Danvers du « Rebecca » d’Hitchock, d’après Daphné Du Maurier, on ne l’entend jamais arriver. Protecteur et précis, il dégage l’angoisse, l’opacité de son métier nous intrigant. Il continue donc son parcours singulier avec une belle exigence. Diane Bertrand a donc réussi à rendre une atmosphère oppressante, une moiteur, les variantes d’un climat humide influencent les clients du laboratoire. Reste quelques opacités inutiles – la présence de l’enfant -, mais la ronde des clients est prenante. Il convient de saluer trois comédiens – et non des moindres – du film : Hanns Zischler en hôtelier jovial, Edith Scob qui promène une étrangeté  et une superbe, en locataire mystérieuse et le trop rare Sotigui Kouyaté qui laisse toujours une humanité dans son rôle de cireur de chaussures philosophe, aucun film semble digne d’être à la hauteur du talent de cet ancien griot. Saluons également la  musique de Beth Gibbons, et la photo magnifique d’Alain Duplantier. Laissez vous donc aller à ce climat particulier de ce film, sous peine de rester à la porte…

Fragments d’un dictionnaire amourex : Evelyne Ker

Dominique Besnehard et Evelyne Ker dans « A nos amours »

en 1955. Elle a participé à peu de films, mais elle avait le rôle mémorable de la mère de Sandrine Bonnaire dans le superbe « A nos amours de Maurice Pialat, en 1982. A lire également Maurice-pialat.net.

1953  Les fruits sauvages (Hervé Bromberger) – 1954  La cage aux souris (Jean Gourguet) – La dot de Sylvie (CM) – 1955  Quand vient l’amour (Maurice Cloche) – Tant qu’il y aura des femmes (Edmond T. Gréville) – 1956  Les copains du dimanche (Henri Aisner) – 1958  Péché de jeunesse (Louis Duchesne) – Ramuntcho (Pierre Schoendoerffer) – 1959  Classe tous risques (Claude Sautet) – 1960  La récréation (François Moreuil) – 1961  La gamberge (Norbert Carbonnaux) – Janine (Maurice Pialat & Maurice Pialat) – 1962  Jeanne et Jacques (Alain Cuniot, CM) – 1970 Les amours particulères / Malaise (Gérard Trembasiewicz) – 1973  … Comme un pot de fraises (Jean Aurel) – 1977  Et vive la liberté (Serge Korber) – 1979  À nous deux (Claude Lelouch) – 1980  Les uns et les autres (Claude Lelouch) – 1982  À nos amours (Maurice Pialat) – 1991  Mensonge (François Margolin) – 1995  Faute de soleil (Christophe Blanc, CM) – 1996  Rien que des grandes personnes (Jean-Marc Brondolo, CM) – Scène de lit : Madame (François Ozon, CM). Télévision (notamment) : 1957  C’était un gentleman (François Gir) – 1971  Au théâtre ce soir : Joyeuse pomme (Pierre Sabbagh) – 1972  Au théâtre ce soir : L’école des contribuables (Pierre Sabbagh) – Double assassinat dans la rue Morgue (Jacques Nahum) – 1975  Cher Alec, chère Janet (Youri) –

Remerciements à Yvan Foucart

FRAGMENTS D’UN DICTIONNAIRE AMOUREUX : BERNARD NOEL

Bernard Noël

Quelles traces laissent un comédien mort trop tot ? Pour l’avoir admiré son panache, son visage un peu inquiet, dans Vidocq, un chef d’oeuvre télé de Marcel Bluwal, on peut se poser la question. C’était légitime que Claude Brasseur le remplace après sa maladie, car il y a des accents du père, Pierre Brasseur, chez lui. Le cinéma ne semble pas l’avoir trop gâté, un cow-boy dans « Fernand Cow-Boy » aux côtés de Fernand Raynaud, l’ami de Maurice Ronet dans « Feu follet », etc… Mais on peut apprécier son jeu sur le DVD de « Gaspard des Montagnes » (Jean-Pierre Decourt, 1965), où l’on ressentait sa sensibilité et sa fougue. Il aurait compté énormément, si le destin ne l’avait jugé autrement.

Je reprends la consultation d’anciens Téléramas à la principale bibliothéque de mon lieu d’habitation – Ils sont disponibles depuis 1972 -, histoire d’alimenter la base de données du site IMDB en téléfilms, alors nommées dramatiques, histoire de continuer à sauvegarder une mémoire. D’ailleurs si vous avez des fiches Télé, à me suggérer, je peux les rentrer sur la base. En ce moment, parcourant le premier semestre 1983, je tombe sur un hommage de Claude Rich, à l’occasion de la rediffusion de  « La mégère apprivoisée » adaptation de 1964 de Pierre Badel, avec Geneviève Fontanel, Bernard Noël y joue « Petrucchio ». Claude Rich qui a une plume magnifique fut ami et partenaire de Bernard Noël, dans la pièce « Victor et les enfants du pouvoir », je ne résiste pas à vous restituer ce texte :

Quelques mois avant sa mort, nous étions descendus dans le Midi. Tous ses amis devinaient l’issue fatale, lui seul voulait l’ignorer.

Il aimait tellement la vie que la mort n’était pas dans son programme.

Un soir, nous étions étendus sur la terrasse de l’hôtel qui donnait sur la campagne de St-Tropez. Notre radio était branchée sur Alger. Et avec le soleil qui se couchait, nous écoutions les voix qui venaient de la Méditeranée. A travers les monts du Maghreb nous revenaient nos héros de l’enfance ! Mermoz, St-Exupery, Charles de Foucauld. Ces chants lancinants qui berçaient sa souffrance le faisait délirer, et rêver de traversées qu’il n’avait pas faites.

Et aussi, peut-être d’un Dieu, si proche et pourtant si différent de celui de son enfance qu’il avait oublié, délaissé – à cause de la frénésie qui nous entraîne de rôles en rôles, vers des personnages auxquels on donne sa vie, son coeur et qui après s’en vont si vite, en nous laissant démuni – Jusqu’au suivant.

Frénésie qui vous laisse si peu de temps à vivre. Si peu de temps pour vivre.

Ce soir-là, il pensait qu’il faudrait savoir s’arrêter, et partir sur le dos d’un nuage pour réapprendre à vivre.

C’est difficile de s’arrêter quand on entend quelque part en soi l’horloge qui marque les heures !

Combien de rêves sont restés inachevés chez Bernard ? Personne autant que lui n’était si plein de passions de désirs et d’amour !

Sa fougue était provebiale ! Un jour, il montait à cheval dans « La mégère apprivoisée ». Ce n’était pas un cheval très discipliné. Quand on a dit « action » il a couru vers son canasson. Et son désir et sa fougue étaient si grands qu’il a dépassé le cheval et qu’il c’est retrouvé le cul sur l’herbe…

Tout était trop petit pour Bernard ! les canassons, le monde, la vie. Bernard était grand. Il n’était pas fait pour un univers où les hommes mesurent un mètre soixante.

Claude Rich, article « Bernard Noël, si peu de temps pour vivre » Télérama N°1742 du 04/06/1983.

Note du 1 septembre 2006 : Vient de paraître un excellent livre à son sujet « Bernard Noël, prince et Brigand de Comédie » (Patrice Ducher, Éditions Pascal, 2006), mine d’informations sur ce formidable comédien.

LA MAISON SOUS LES ARBRES

L’inénarrable Jean Tulard, bazarde ce film avec sa légèreté habituelle dans son « Guide des films », mais ce film méconnu mérite le détour. L’aspect polar,  est difficile à évoquer, pour ne pas éventer le suspense du film. Le postulat de base est donné par le personnage de « l’homme de l’organisation », campé magistralement par Maurice Ronet, qui démarche Philippe, un scientifique qui se consacre à l’édition . Son rôle est très court, mais il est habile et manipulateur, ce comédien livre une composition inquiétante, qui habite tout le reste du film.

C’est aussi une radiographie assez amère d’un couple d’Américains vivant à Paris, avec deux enfants, le détachement mutuel de chacun, les vérités qui sortent assez librement. Philippe, joué par Frank Langella au jeu nerveux, a épousé Jill (Faye Dunaway, intense), car elle était enceinte. Suit un jeu de piste prenant, à travers le regard de Jill, borderline en difficulté avec la réalité, mais son personnage est actif et cherche des solutions. Elle a des difficultés avec la notion du temps, pouvant amener son fils cadet de longues heures sur une péniche, habitée par une sorte d’irresponsabilité. Sa fascination de la Seine – Lourde symbolique – inquiète, elle vit mal son déracinement.

L’interprétation des autres comédiens est excellente, de Barbara Parkins en amie dévoue, Karen Blanguernon en femme mystérieuse, Raymond Gérôme en commissaire intransigeant mais efficace, Gérard Buhr – appelé Raymond Buhr dans la base IMDB !, j’ai donc un joyeux ménage à faire – est un inquiétant psychiatre, ce comédien trop rare excelle dans les rôles inquiétants.

Il y a peu de personnages clichés parisiens, divergeant un peu par son regard français dans une co-production anglo-saxonne, mais on peut reconnaître Louise Chevalier en fleuriste râleuse, Patrick Dewaere en jeune désinvolte – il faisait déjà une apparition presque subliminale dans « Paris brûle-t’il ? » – Michel Charrel, en agent de la circulation ou Carlo Nell en policier furtif.

Le film est présenté en VF uniquement, dans la chaîne Cinétoile, ce qui est assez dommage, malgré un doublage soigné : Sylvie Moreau – nom trouvé le site de La gazette du doublage -, Pierre Vaneck, François Chaumette, Pierre Vernier… et l’insupportable Jackie Berger, femme qui doublait les enfants – je n’ai jamais entendu un enfant parler comme ça -, ce qui est assez gênant. Un film à voir cependant, par son regard désenchanté de Paris, une habile réalisation et le jeu de Faye Dunaway, à la porte de la folie.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Suzanne Flon

   

Suzanne Flon

« – Écoute ma bonne Suzanne. Tu es une épouse modèle.
– Oh…
– Mais si, t’as que des qualités et physiquement, t’es restée comme je pouvais l’espérer. C’est le bonheur rangé dans une armoire. Et tu vois, même si c’était à refaire, je crois que je t’épouserai de nouveau. Mais tu m’emmerdes.
– Albert!
– Tu m’emmerdes gentiment, affectueusement, avec amour mais tu m’emmerdes ».
Dialogue de Michel Audiard entre Jean Gabin et Suzanne Flon pour « Un singe en hiver ».

Le qualificatif qui va revenir le plus souvent est « attachante », avec près de 60 ans de carrière Suzanne Flon, vient de nous quitter à l’âge de 87 ans. Les médias racontent qu’elle était la secrétaire d’Édith Piaf en 1938, qui la saluait dans sa chanson les « flonflons du bal ». Elle devait faire sa rentrée théâtrale à « L’atelier », la saison prochaine à Paris.

(Photo S. Soriano/Le Figaro)

Au cinéma, son parcours est sans fautes, le modèle de Toulouse Lautrec « Moulin rouge » (John Huston, 1952), la logeuse suspicieuse « Le procès » (Orson Welles, 1962), l’épouse dévouée de Jean Gabin « Un singe en hiver » (Henri Verneuil, 1962) – elle jouera son épouse également dans « Le soleil des voyous » (1966) et « Sous le signe du taureau », une malade atteinte d’un cancer « Docteur Françoise Gailland » (Jean-Louis Bertuccelli, 1975), la vieille sourde surnommée « Sono cassée », « L’été meutrier » (Jean Becker, 1982), la servante que l’on devine secrètement amoureuse de Michel Serrault dans « En toute innocence » (Alain Jessua, 1987), la grand-mère abandonnée, « Gaspard et Robinson » (Tony Gatilf, 1990), la locataire dont la gazinière explose dans « Mille millièmes, fantaisie immobilière » (Rémi Watherhouse, 2002), la tante Line, dissimulant un lourd secret : « La fleur du mal » (Claude Chabrol, 2003), etc…

Mais l’actrice accorte, peut donner également des rôles de femmes revêches ou aigries, une mystérieuse baronne « Mr. Arkadin (Orson Welles, 1954), la concierge inquiétante dans « Monsieur Klein » (Joseph Losey, 1975), l’hôtelière dans « Quartet » (1980), ou la cliente exigeante de Benoît Magimel dans « La demoiselle d’honneur » (Claude Chabrol, 2004). Elle était l’héroïne de « La porteuse de pain », incroyable mélo réalisé par Maurice Cloche en 1963, où elle donnait la réplique aux formidables Jean Rochefort et Philippe Noiret.

Yvan Foucart, venait de lui rendre un hommage pour Les gens du cinéma. Sa mort est pour nous un grand pincement au coeur, son sourire nous manque déjà.

Filmographie : 1942  L’ange de la nuit (André Berthomieu) – 1947  Capitaine Blomet (Andrée Feix) – 1948  Suzanne et ses brigands (Yves Ciampi) – 1949  Dernier amour (Jean Stelli) – Rendez-vous avec la chance (Emil-Edwin Reinert) – La cage aux filles (Maurice Cloche) – 1950  La belle image (Claude Heynemann) – 1951  Procès au Vatican (André Haguet) – 1952  Moulin-Rouge (Id) (John Huston) – 1954  Confidential Report / Mr. Arkadin (Mr. Arkadin) (Orson Welles) – 1960  Tu ne tueras point (Claude Autant-Lara) – 1961  Les amours célèbres [épisode « Agnès Bernauer »] (Michel Boisrond) – 1962  Un singe en hiver (Michel Audiard) – Le procès / The trial (Orson Welles) – 1963  La porteuse de pain (Maurice Cloche) – Château en Suède (Roger Vadim) – The train (Le train) (John Frankenheimer & Bernard Farrel) – 1966  Si j’étais un espion (Bertrand Blier) – Le soleil des voyous (Jean Delannoy) – 1967  Tante Zita (Robert Enrico) – Le franciscain de Bourges (Claude Autant-Lara) – 1968  La chasse royale (François Leterrier) – Jeff (Jean Herman) – Sous le signe du taureau (Gilles Grangier) – 1970  Aussi loin que l’amour (Frédéric Rossif) – Térésa (Gérard Vergez) – 1972  Les volets clos (Jean-Claude Brialy) – Le silencieux (Claude Pinoteau) – 1973  Un amour de pluie (Jean-Claude Brialy) – 1975  Docteur Françoise Gailland (Jean-Louis Bertuccelli) – Monsieur Albert (Jacques Renard) – Black-out (Philippe Mordacq, inédit) – M. Klein (Joseph Losey) – 1976  Comme un boomerang (José Giovanni) – 1980  Quartet (Id) (James Ivory) – Une voix (Dominique Crévecoeur, CM) – 1982  L’été meutrier (Jean Becker) – 1986  Triple sec (Yves Thomas, CM) – Diary of a mad old man (Journal d’un vieux fou) (Lili Rademakers) – 1987  Noyade interdite (Pierre Granier-Deferre) – En toute innocence (Alain Jessua) – 1988  La vouivre (Georges Wilson) – 1990  Gaspard et Robinson (Tony Gatlif) – 1992  Voyage à Rome (Michel Lengliney) – 1998  Les enfants du marais (Jean Becker) – Je suis né d’une cigogne (Tony Gatlif) – 2000  Un crime au paradis (Jean Becker) – 2001  Mille millièmes (Rémi Waterhouse) – 2002  La fleur du mal (Claude Chabrol) – Effroyables jardins (Jean Becker) – 2003  La demoiselle d’honneur (Claude Chabrol) – 2004  Joyeux Noël (Christian Carion) – 2005  Fauteuils d’orchestre (Danièle Thompson). Voxographie (Récitante de documentaires) : 1961 Madame se meurt (Jean Cayrol & Claude Durand, CM) – 1962  Mourir à Madrid (Frédéric Rossif) – 1967  La révolution d’Octobre (Frédéric Rossif) – 1970  La route romane (Yvan Butler & Frédéric Rossif, CM) – 1974  Georges Braque ou le temps différent (Frédéric Rossif) – 1979  Pablo Picasso (Frédéric Rossif).

Télévision (notamment) : 1954  Your favorite story : Face of Paris – 1960  Un beau dimanche de septembre (Marcel Cravenne) – 1962  Le mal court (Alain Boudet) – 1967  Le complexe de Philémon (Jacques Pierre) – 1698  Délire à deux (Michel Mitrani) – 1973  Au théâtre se soir : Le complexe de Philémon (Georges Folgoas) – 1974  Le tour de l’écrou (Raymond Rouleau) – 1975  Le voyage en province (Jacques Tréfouel) – Le renard dans l’île (Leila Senati) – 1976  Hôtel Baltimore (Arcady) – 1977  La vérité sur Madame Langlois (Claude Santelli) – 1979  Les héritiers : Silencio (Jacques Trébouta) – 1980  Le noeud de vipères (Jacques Trébouta) – Le curé de Tours (Gabriel Axel) – 1981  Mon meilleur Noël : L’oiseau bleu (Gabriel Axel) – 1983  Le dernier civil (Laurent Heynemann) – 1984  Le dialogue des Carmélites (Pierre Cardinal) – Emmenez-moi au théâtre : Le coeur sur la main (Hervé Baslé) – Mademoiselle Clarisse (Ange Casta) – 1985  Emmenez-moi au théâtre : La robe mauve de Valentine (Patrick Bureau) – 1986  Le cadeau de Sébastien (Franck Apprederis) – 1987  Série noire : 1996 (Marcel Bluwal) – Gigi (Jeannette Hubert, captation) – Chacun sa vérité (Jean-Daniel Verhaeghe, captation) – 2002  Le miroir d’Alice (Marc Rivière).

Bibliographie : Jacques Valot & Gilles Grandmaire « Stars deuxième » (Edilig, 1989).

Mise à jour du 1/06/2009

RETOUR A YUMA

Conscient de mes limites et de la futilité de ce blog, salmigondis peu digeste et support idéal quand on n’a pas de prétention littéraire, j’ai au moins la petite satisfaction d’être le petit catalyseur d’un site prometteur : RETOUR A YUMA. Son créateur, Jean-Louis Sauger veillant très tard, il a dû trouvé ce titre à 3h10 (arf ! arf !). On causait beaucoup sur le forum des SecondsCouteaux.com, j’avais pris le pseudo du Compilateur, à cause de mon temps passé à alimenter la base de données d’IMDB et lui, celui de Gashade, en hommage à Warren Oates, l’un de ses comédiens de prédilection. 

A l’affiche Mes dates clés par Monte Hellman dans Libération mercredi 15 juin 2005

« 1937. A 5 ans, je suis si peureux et timide que mes parents décident de m’inscrire dans une classe d’initiation d’un cours d’art dramatique de Los Angeles. Ce qui était destiné à me donner un peu de courage et d’assurance m’a mis, en fait, le théâtre dans le sang. Je me suis senti comme mon héros de l’époque, W.C. Field, qui répétait à l’envi dans un de ses films : «Je suis marié à une superbe blonde…»

1952. Je finis mes études d’art dramatique et d’art visuel à UCLA, l’université de Los Angeles, quand je décide de faire un tour d’Europe. Six mois de bonheur et de découvertes : le cinéma en Angleterre, les intellectuels en France, l’art en Italie.

1953. Je rejoins comme acteur une petite troupe de théâtre à Greenville, en Californie, la Stump Town Company. A 21 ans, j’y joue, puis bientôt j’y dirige mes premiers spectacles.

1956. Un des membres de la troupe dégote un travail de monteur à Hollywood, pour les Artistes associés, mais il ne peut pas l’honorer, au dernier moment, à cause d’un autre engagement. Il m’offre sa place, que j’accepte avec l’enthousiasme du néophyte et la crainte de me faire dévorer tout cru par le système. Je travaille quelques mois comme un damné, sur des films dont j’ai tout oublié, même le titre, mais dans le laboratoire même où avaient été enregistrés les premiers sons du cinéma, pour le Chanteur de jazz.

1957. Avec ma troupe, je monte En attendant Godot, de Beckett, mais comme un western : Pozzo est un cow-boy du Texas et Lucky, un Indien. C’est un gros succès et un beau scandale.

1958. Toujours du montage, mais pour des cinéastes qui commencent à me marquer, autant par leur métier et leur amitié chaleureuse que par leur talent : Roger Corman, le pape de la série B, Harvey Hart, Phil Karlson, Sam Peckinpah.

1959. Roger Corman me propose de tourner moi-même mon premier film, bien évidemment une série B d’horreur, The Beast from Haunted Cave. A Hollywood, faire un film d’horreur est définitivement un péché et j’en suis très fier. J’ai la chance de travailler avec des acteurs géniaux. Cette expérience m’a profondément transformé : les films se font d’abord pour les acteurs que l’on dirige. Et c’est quand ils deviennent des amis que le film a le plus de chances d’être bon.

Eté 1960. C’est une coïncidence, mais elle est à la fois extraordinaire dans ma vie et productive pour mon travail : à quelques semaines d’intervalle, je lis Camus, l’Etranger, et je rencontre un jeune acteur inconnu sur le tournage d’un film de Corman, The Wild Ride : Jack Nicholson. Albert Camus, c’est une vision du monde qui m’explique soudain la manière dont je vois moi-même les choses. Nicholson, c’est une longue collaboration sur cinq films, dont mes deux westerns tournés coup sur coup dans l’Utah, The Shooting et l’Ouragan de la vengeance, où il donne aux films sa tension nerveuse.

1963. Naissance de ma fille, Melissa. A la clinique, dix minutes après l’accouchement, quand on me la confie dans les bras, le médecin lance, en comparant nos deux têtes : «Difficile de dire lequel est le bébé, lequel est le père…» L’expérience qui m’a le plus impressionné dans la vie.

1964. Au Player’s Ring Theater de Los Angeles, je remarque un acteur formidable dans une pièce prenante, Vol au-dessus d’un nid de coucou. C’est Warren Oates, qui va bientôt travailler avec Sam Peckinpah, puis avec moi : nous ferons quatre films ensemble. Avec Nicholson et lui, nous avions l’impression de former un trio irrésistible : être les rois du monde.

1966. Naissance de mon fils, Gerry. A ce moment-là, je tournais The Shooting. Il est très vite venu sur le tournage. Agé de quelques jours, il s’est tourné vers la caméra et lui a fait un signe.

1968. Rencontre avec Rudy Wurlitzer, l’écrivain de Nog et le scénariste qui me manquait pour aller plus loin. Nous écrivons tous les deux Macadam à deux voies, avec l’idée de croiser plusieurs choses : le paysage américain, les habitudes des jeunes gens, une course de voitures et l’esprit d’En attendant Godot. Comment faire une course où il ne se passe rien, une course la plus ralentie possible ?

1971. Tournage de Macadam à deux voies, dans une continuité absolue : l’histoire, c’est la durée d’un film. L’expérience la plus intéressante de ma vie. Les acteurs n’avaient pas lu le scénario et c’est comme si, sur le tournage, ils avaient été dans la vie. Ils ne savaient rien de ce qui allait se passer le lendemain. Je leur donnais les pages et les dialogues juste avant la nuit, mais ils ne les lisaient même pas. Car ils se sont mis à jouer le jeu au-delà de ce que j’espérais. Ce film reste pour moi comme une aventure, même s’il a été complètement sacrifié à sa sortie par le studio Universal. Soit le début et la fin immédiate de mon âge d’or hollywoodien !

1978. Je tourne en Espagne China 9, Liberty 37, mon «paella western» avec Warren Oates. C’est pour moi la découverte d’un pays et d’une culture : après la mort de Franco, il y eut là un clash inédit entre l’histoire et la modernité politique, et j’ai eu la chance d’en être le témoin. C’est un conflit fascinant et un pays que je continue d’aimer plus que les autres.

1991. Un jeune homme, fou de cinéma et qui a vu tous mes films, propose au studio un scénario qu’il aimerait que je tourne. Le cinéphile, c’est Quentin Tarantino et le scénario, Reservoir Dogs. Je le rencontre et je suis très impressionné par sa volonté, son savoir sur le cinéma et la vitesse hallucinante de sa parole. Il lui faudra quelques semaines, et un premier succès comme scénariste, pour prendre confiance et s’apercevoir qu’il veut diriger lui-même Reservoir Dogs. Même si j’ai été déçu de ne pouvoir travailler sur ce film, j’ai compris la décision de Tarantino. Nous sommes restés amis.

2005. Travail sur mon prochain film, Trapped Ashes, un film d’horreur à sketches que je dois mettre en scène aux côtés de Dario Argento et de Tobe Hooper. J’espère qu’il s’agit du début d’un nouveau chapitre dans ma vie de cinéaste. »

Il est bizarre de sentir des affinités, via la virtualité du web, une espèce d’amour commun du cinéma, du nanar décalé, des seconds rôles… Je finis donc par le rencontrer, via une visite à la capitale, magie du web… On commence rapidement une conversation, avec l’impression de continuer celle de la veille, alors que l’on ne se connaissait pas. Je finit par voir son grand oeuvre, un dictionnaire des grands seconds rôles américains, illustré par des captures d’écrans, je jubile à l’entendre parler de sa correspondance avec Jean-Patrick Manchette – « Les yeux de la momie » fait partie désormais de mes livres de chevets – ou des rôles de chacun, du – selon sa formule – « … type qui se gratte le nez au fond de la pièce, et vole la scène » .

Jean-Patrick Manchette en 1966 par son fils Doug Headline

source : Mollat

Suit une énorme frustration, de ne pas avoir son livre, dans ma bibliothèque, qui figurerait dans les incunables, mais oh joie, l’ami Jean-Louis a élaboré ce site, et désormais vous pouvez tous goûter à de l’humour de ce fils spirituel de Jean-Patrick Manchette, son excellente analyse des mauvais films. Vous pouvez donc désormais le mettre dans vos favoris, vous ne le regretterez pas !

Deux films de Monte Hellman, sortent à Paris et en province – Utopia à Bordeaux par exemple -, c’est l’occasion d’illustrer l’ouverture du site de l’ami Jean-Louis. Bon vent !

CAVALCADE

Dans le flot continu des témoignages télévisés, certains restent en mémoire comme celui de Bruno de Stabenrath, poignant et digne, à l’occasion de la sortie de son livre. Sur le plateau de « Tout le monde en parle » de Thierry Ardisson, il montrait son élégance et sa verve, parlant de son état de paraplégique avec beaucoup d’humour. On pouvait avoir beaucoup d’apriorismes de savoir son personnage incarné par Titoff, comique « gros rouge qui tâche », pas vraiment probant sur des comédies comme « Gomez & Tavares » et « L’incruste ». Autant voir l’intelligence ou la probité incarnées par Alexia Laroche-Joubert !  Grave erreur, Mea Culpa…, les étiquettes ont la vie dure, mais Titoff est tout à fait crédible dans ce rôle – même déguisé en Basque ! -, pour peu que l’on occulte un peu le modèle original. Moins abouti et énergique que « L’envol » et surtout « Le grand rôle », précédents films de Steve Suissa, ce film pêche beaucoup par ses maladresses – ralentis sirupeux, ombre titanesque d’une perche dans la scène du retour de Léo de l’hôpital -. Mais la sincérité de l’œuvre fait oublier les défauts de  l’ensemble. Il y a deux grandes forces, dans ce film, d’une part le traitement des difficultés et contraintes du quotidien, pour un nouveau handicapé – Les frais que causent une invalidité, le regard des autres, les choses bénignes qui semblent devenir insurmontables, certains tabous – et l’interprétation, formidable, comme dans les autres films de Steve Suissa.

 

Titoff

La fiche d’IMDB, semble assez complète – mais il manque au moins Valérie Steffen, en handicapée du gang des ciseaux -, beaucoup de comédiens sont venus faire un petit tour – Jean-Claude Bouillon et Béatrice Agenin, en parents chaleureux, Lionel Abelanski en vendeur de chaises roulantes, Pierre-Olivier Mornas, en sadique aux ciseaux, Elodie Navarre en infirmière compréhensive, etc… -. Marion Cottillard, Bérénice Béjo en femmes aimantes ou mal aimées, sont touchantes, de même que le trop rare Richard Bohringer, en médecin désabusé, Bruno Todeschini et Stéphan Guérin-Tillé en bons copains – ce dernier est touchant de la scène où il tente d’ironiser sur les avantages de vivre en banlieue -, Marianne Groves en soignante musclée avec lequel le courant ne passe pas – encore une grande sous-utilisée depuis son beau premier rôle dans « Mado, poste restante », et Laurent Bateau, en passe de devenir un indispensable, dans le rôle du frère rabat-joie et terre à terre, mais sur lequel on peut toujours compter, même s’il a des difficultés à dire les joies d’un instant présent. A saluer également la musique de Michel Legrand – pour les nostalgiques -, et la reprise de la musique d’Ennio Moriconne, ritournelle de « Et pour quelques dollars de plus », remixée par Claude Challe, tiré de l’album « 60 seconds », d’une redoutable efficacité. Ce film, certes maladroit par la forme, touche par son absence de pathos, c’est une belle leçon de vie, si vous avez l’occasion de voir les deux premiers films de Steve Suissa, n’hésitez pas, son parcours est à suivre de près.

UN HOMME À ABATTRE

Cet étonnant, et habile, film noir de 1967, réalisé par Philippe Condroyer  – Trois longs-métrages seulement pour le cinéma, avec « Tintin et les oranges bleues » (1964) et « La coupe à dix francs » (1974) – narre la traque à Barcelone, d’un mystérieux ingénieur nommé Fromm, qui pourrait être l’ancien S.S. Schmidt. Cette opération est commanditée par Julius – Luis Prendes, un corps meurtri, doublé par Michel Etcheverry ? -. L’ingénieur est surveillé par une équipe rodée, dominée par Raphaël – admirable Jean-Louis Trintignant -, dont la motivation semble l’argent et Georges – André Oumansky, qui posséde une forte présence – venu par conviction.

La mise en scène est habile, tourné un dans un inhabituel Barcelone non touristique, la formidable musique d’Antoine Duhamel installe un climat inquiet. Le plus passionnant du film est l’observation du suspect, l’équipe guette ses moindres gestes, le moindre signe pouvant prouver son identité, comme la manière d’écraser une cigarette, habitude venue pour ne pas laisser un mégot aux prisonniers. Julius, ne reconnaît pas immédiatement son bourreau, qui a de plus tué son frère, « Le temps est, semble t-il, le meilleur chirurgien… », déclare t-il, mais ses motivations semblent plus ambigüe qu’une simple vengeance. On assiste donc à une opération voyeuriste, qui dévie pour Raphaël, sur une belle inconnue – Valérie Lagrange, décalée – pour tromper son ennui, montrant les dérives et les limites de ce type de comportement. Le rythme de ce polar est sans faiblesse. Il est dominé par un Jean-Louis Trintignant désabusé, montrant un humour et un détachement salvateur, est un bel exercice de style, complexe et maîtrisé. On peut déplorer pour Philippe Condroyer, à l’aise sur plusieurs registre, que son parcours soit si court.

L’INTERPRETE

En voyant ce dernier Sydney Pollack, nous sommes un peu sur un terrain acquis d’avance, solidité des interprètes, métier d’un grand cinéaste humaniste, un traitement connu de la passion « à froid », une longueur hollywoodienne mais supportable.

D’où vient donc ce petit sentiment de recul sur ce film ? Des invraisemblances – un des personnages clés donnant son itinéraire dans un journal – ?,  de Sean Penn, toujours un peu dans le même registre – ici en policier largué par la mort de sa femme volage, dévoué à son job -, ou de l’opacité des traits de Nicole Kidman – pourtant le grand atout du film, il faut souligner combien c’est une formidable actrice – ou de voir Sydney Pollack, lui-même jouant un rôle, histoire dit-il d’économiser un cachet ?, reconnaître un Yvan Attal pas très à l’aise, ou des clichés d’une rencontre de deux solitudes ?.

Reste l’efficacité et la maîtrise de Sydney Pollack, faisant toujours exister les personnages et la situation – une interprète surdouée et sud-africaine témoin d’une sombre machination -,  ou une interprète, voir Catherine Keener, exceptionnelle en collègue amoureuse transie de Sean Penn, et rigoureuse dans son travail, une présence étonnante. Il est à l’aise dans un traitement romantique. Il y a de très belles scènes, dans l’organisation interne de l’ONU, filmés sur les lieux mêmes – Alfred Hitchock n’avait pas eu cette autorisation pour « La mort aux trousses » -, la rencontre du bus ou la première scène dans un stade de football. A voir donc, même si ce n’est pas le meilleur film de son auteur, et reste sans surprises.

ARTICLE – LE FIGARO

 Sydney pollack : «Je ne fais pas un cinéma aussi politiquement intense que je le souhaiterais parfois.» (Photo Lilo/Sipa.)

Sydney Pollack : «Je dois divertir»  – Propos recueillis par Marie-Noëlle Tranchant
[08 juin 2005]

LE FIGARO. – Vous revenez de temps à autre au thriller politique. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce genre ?

SYDNEY POLLACK. – C’est une très bonne discipline pour moi, tout comme la comédie. Dans un drame, j’ai tendance à me laisser envahir par une humeur trop mélancolique. Quand je fais une comédie comme Tootsie ou des thrillers comme Les Trois Jours du condor, Absence de malice ou La Firme, cela demande une précision, une rigueur dans les détails, qui empêche les excès de lyrisme. Il faut résoudre des problèmes très concrets de logique et de rythme. Dans un thriller, vous devez semer la confusion un moment, pour que le spectateur se demande ce qui va arriver, mais ensuite, il faut donner les clefs. Et j’aime bien ce travail.

Cela correspond-t-il à un engagement politique de votre part ?

Il y a des thèmes politiques qui m’intéressent, mais je ne parlerai pas d’engagement, parce que j’appartiens au système hollywoodien, et que je dois être prudent : je fais des films qui coûtent cher, avec des stars, et je suis tenu de divertir. Il faut tenir à la fois le drame avec de grandes scènes entre des personnages romantiques et le thriller avec des implications politiques. Mais je ne pourrais pas tourner un film comme Z, de Costa-Gavras. Je ne fais pas un cinéma aussi intense politiquement que je le souhaiterais parfois.

Vous êtes-vous inspiré de personnages ou de situations réels ?

Je parle d’un Etat africain imaginaire, et le langage lui-même est inventé, mais le personnage du dictateur est presque un archétype. Presque tous les dictateurs ont commencé par être des idéalistes convaincus d’oeuvrer à la libération de leur pays. Et quand ils sont arrivés au sommet, ils n’ont plus que l’obsession de garder le pouvoir, ils sont totalement corrompus par lui. J’ai souvent rêvé à leurs face-à-face avec eux-mêmes. Ce n’est pas possible qu’ils ne mesurent pas à quel point ils sont loin de leur jeunesse. Je revois Castro acclamé à New York à ses débuts. Dans le fond de son coeur, ne sait-il pas à quel point il est corrompu, ne voit-il pas tout ce qu’il a trahi ?

Vous êtes le premier à avoir tourné dans les bâtiments de l’ONU. Comment avez-vous obtenu l’autorisation ?

En fait, je croyais que la production avait l’autorisation. Mais quand je suis allé visiter les lieux, pendant l’écriture du scénario, on m’a dit : vous ne pourrez jamais tourner là. Il n’était pas question d’arrêter le film, alors j’ai fait des recherches à Toronto pour traiter le décor en images de synthèse, mais j’étais déprimé. L’ONU était l’élément organique du film.

Les décors comptent beaucoup, pour vous…

Oui, les décors sont des éléments de mise en scène très importants, autant pour ce qu’ils contiennent d’histoire réelle que pour ce qu’ils disent de l’histoire fictive que je raconte. Dans L’Interprète, l’ONU est un véritable personnage. C’est un lieu sobre et puissant, un peu ténébreux, étouffé, comme s’il y avait du brouillage dans les ondes, et qui contraste avec l’énergie désordonnée des rues de New York. Je ne voyais pas comment renoncer à ce haut lieu de la vie politique internationale.

Qu’avez-vous fait alors ?

J’ai essayé de rencontrer Kofi Annan. En même temps, j’ai contacté plusieurs ambassadeurs à l’ONU pour obtenir leur soutien et faire du lobbying. Si j’ai eu gain de cause, ce n’est pas que je me sois montré particulièrement brillant et convaincant ! Kofi Annan a dit : «Pollack a gagné parce qu’il a refusé de prendre «non» pour une réponse.» Il m’a dit : «Vous êtes passionné, obstiné. De quoi avez-vous besoin ?» J’ai répondu : «Je prendrai tout ce que vous m’accorderez, si peu que ce soit.» En fait, il connaissait assez mes films pour savoir qu’il n’y aurait pas de surprise embarrassante. C’est un homme plein de courtoisie et de sagesse, et je pense que c’est un homme bon, ce qui ne l’empêche pas d’être un rude interlocuteur. En tout cas, il met beaucoup d’énergie à donner tout son poids à l’ONU. Et le film va dans ce sens : c’est le triomphe de la diplomatie, donc du dialogue, sur la violence armée.

LES 19EME JOUTES CINEMATOGRAPHIQUES

The idle class / La classe oisive

Imaginez un petit groupe d’une quinzaine de personnes, traverser la France, venir à Grenoble, ville superbe, riante de soleil, pour aller s’enfermer une journée entière dans une grande salle assez sombre…

Est-ce un petit groupe obscur fomentant quelques complots, comme le retour de Danièle Gilbert sur le petit écran ? une mystérieuse secte adorant un gourou, acteur charismatique américain ?, des politiques préparant un coup d’état militaire à l’aide de trombones, Alexia Laroche-Joubert, préparant sa prochaine immondice pour Endémol ?. Et non, c’est pire, ce sont des cinéphiles en goguette.

Avec mes camarades, nous avons donc participé aux 19ème joutes du cinéma. L’esprit, retrouver l’esprit du jeu de Pierre Tchernia, « Monsieur cinéma », chacun prépare un questionnaire de 15 réponses, il a souvent un thème précis – la cécité au cinéma, en ce qui me concerne, les boissons, Les heures, les insectes, les villes, Jules Verne, les membres d’une famille, Marie-Antoinette, les enfants vedettes d’Hollywood, années 30/40, etc…- .

Le premier invité, en 1986 était Dominique Zardi, de mémoire – ne connaissant les joutes que depuis 2002 – il y a eu Blanchette Brunoy – dont le chaleureux souvenir a été évoqué -, Pierre Tchernia, bien sûr, Marcel Bluwal, Denys de la Patellière, Jean Parédés, Françoise Brion, Jacques Dumesnil, Alexandra Stewart, Howard Vernon, Jean Marais etc… Cette année, c’était Bertille Noël-Bruneau, touchante et souriante, héroïne de « La petite chartreuse » de Jean-Pierre Denis, venue avec sa mère.

C’est une initiative du chaleureux Joël Attard, personnalité bien connue des cinéphiles toulousains. La grande force des « Joutes », c’est d’exister en petit comité, loin des spots médiatiques, retrouver la même langage et un esprit bon enfant, sans subir un mauvais esprit de compétition. Les grands gagnants cette année sont Claude Baugée, suivi de prés de David Salfati – deux pointures !- , les questions se posent dont toute la journée – donc ici ce samedi 11 juin 2005 -, histoire de sonder votre érudition. C’est assez amusant de ne pas retrouver un titre que l’on a vu, alors que l’inverse…

Pour terminer la soirée, grâce à un invitation du directeur de la cinémathèque de Grenoble, précédant le film sénégalais « Mossane », film de Safi Faye de 1996, nous avons vu « The Idle class / La classe oisive » de Charles Chaplin. Force est de constater, que ce chef d’oeuvre de Charlot, a gardé sa drôlerie – il fallait entendre le rire de quatre enfants, présent ce jour là, c’est absolument indémodable -.

Je termine, en rendant hommage à Éric Moreau, l’un des joueurs, passionné par le cinéma américain, ancien garde républicain, il a traversé « Le miroir », pour vivre sa passion, en devenant intermittent du spectacle. Il est capable de discuter avec Quentin Tarantino, venu voir deux films d’Hugo Fregonese à la Cinémathèque, et de dédicacer un livre parlant de Charles Vanel à un Jean-Paul Belmondo ébaubi, sur le tournage de « L’aîné des Ferchaux ». C’est un passionné survolté, venu hier avec son fils, on pourra le voir dans « The pink panther », « Enfermés dehors », « Grabuge », « Fauteuil d’orchestre », etc…, en silhouettes et rôles parlants.

Cet esprit ludique perdure donc, c’est agréable de se narrer diverses histoires, on se sent moins seul d’avoir une passion réservée pour des happy-fews. L’année prochaine, il y aura le vingtième anniversaire à Toulouse, c’est une institution de discrétion, un pur bonheur, si vous êtes intéressé pour nous rejoindre, n’hésitez donc pas en juin 2006.