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Ceux de chez lui ou Le cinéma de Sacha Guitry et ses interprètes

Le théâtre, c’est du présent.
Le cinéma, c’est du passé.
Au théâtre, les acteurs jouent.
Au cinéma, ils ont joué.
Au théâtre, vient le public.
Au cinéma, entre la foule.
Au théâtre, c’est le dessin.
Le cinéma n’en est encore qu’à la lithographie.
Le théâtre, c’est positif.
La pellicule est négative !

(Sacha Guitry en 1942)

Comme le rappelait Guillaume Gallienne dans le beau documentaire de Serge Le Perron, « Sacha Guitry et le cinéma », Guitry n’aura eu de cesse que de médire ce média, le traitant de « théâtre en conserve » ou de « refuge des incapables ». Ce fut donc une histoire singulière, il ne fut consacré grand cinéaste que par la nouvelle vague notamment par François Truffaut et Jacques Rivette. Armel de Lorme a eu la bonne idée de sortir le quatrième volume de « L’@ide-mémoire » – et deuxième volume consacré  aux acteurs – aux interprètes au cinéma de Guitry, voir le bon de commande. Il avait déjà en 1993 rédigé une filmographie exhaustive de « Monsieur Môa », dans un très sérieux ouvrage « Sacha Guitry cinéaste » paru aux éditions Yellow Now, un régal de détails notamment pour les seconds rôles présents dans les distributions pléthoriques de ses films historiques. Cet ouvrage paru à l’occasion d’une rétrospective de ses films au festival de Locarno mériterait une réédition. Ce livre en collaboration avec Raymond Chirat  – notre « maître » – à tous,  et Italo  Manzi, prend pour départ d’évoquer156 interprètes du maître, et de dérouler leurs parcours du plus âgé Anthony Gildès à la plus jeune Odile Rodin. Une occasion de revenir sur une œuvre foisonnante, mise en valeur comme le dit justement de Lorme, par des remakes récents assez décevants.

 Avec ce premier volume – un second devrait suivre au premier semestre -, c’est une mine d’informations, à l’instar du « Tout Guitry » de Jacques Lorcey paru chez Séguier en 2007. Sont évoqués notamment la garde rapprochée de Guity, avec Pauline Carton et Jeanne Fusier-Gir (chapitre titré « les deux font la paire ! ) et ses épouses, Charlotte Lysès, Yvonne Printemps, Jacqueline Delubac, Geneviève Guitry et Lana Marconi. On retrouve aussi les débutants promis à un bel avenir (Jean Poiret et Michel Serrault, Magali Noël, Sophie Desmarets, Howard Vernon, Brigitte Bardot). Les vedettes Jean Marais, Arletty, Danielle Darrieux, Michel Simon côtoient les excentriques du cinéma français chers à Chirat et Barrot (Les « 9 célibataires » d’Aimos à Sinoël , Jean Tissier, Albert Duvaleix, Jacques Baumer, Pierre Bertin ,etc…). Certains comédiens de la Comédie Française figuraient aussi dans cette catégorie (Pierre Bertin, André Brunot, Georges Chamarat, Aimé Clariond, Jean Debucourt, Maurice Escande, Roger Gaillard, Jean Hervé, Denis d’Inès, Robert Manuel, Louis Seigner, Jean Weber). On retrouve des artistes méconnus  (Jacques Berlioz, Siren Adjemova, Marie Sabouret, Roland Bourdin, Anne Carrère, Catherine Érard),  ou parfois par trop mésestimés (Louis Arbessier, Claude Nollier, Janine Darcey, Maurice Teynac, Mona Goya, Sanson Fainsilber – très apprécié d’Alain Resnais -, Maurice Lagrenée, etc…). Une minutie et une exhaustivité vraiment impressionnante, à l’exemple de la comédienne Martine Alexis, repérée dans « Si Versailles m’était conté » grâce à l’arrêt sur image !  Au final cet ouvrage rappelle que ce génie avait une véritable admiration et amour envers les artistes, au contraire d’un Charlie Chaplin qui eut du mal à travailler avec de grands artistes et qui utilisa Buster Keaton d’une manière assez détestable dans « Les feux de la rampe ». Beaucoup de portraits, de découvertes, d’anecdotes pour cette somme de travail considérable, éclairage sur le cinéma français au travers de l’œuvre de Guitry. Même s’ils ne font que passer dans son univers, la présence de ces comédiens est toujours justifiée, on s’amusera des détails, même s’ils devaient comme Françoise Arnoul dans « Napoléon », finir sur la table de montage. Pour revenir à Raymond Chirat le livre « Noir et blanc » écrit en collaboration avec Olivier Barrot ressort sous le titre « Ciné-club : portraits, carrières et destins de 250 acteurs du cinéma français, 1930-1960 », aux éditions Flammarion, sans nouveautés hélas, mais il est indispensable car il reprend les portraits des « excentriques du cinéma français » et « inoubliables » pour ceux qui n’ont pas ces deux précieux ouvrages dans leur bibliothèque. Une impression de recyclage assez curieuse mais l’ouvrage est précieux quelle que soit sa forme.

On lira en parallèle et avec intérêt au sujet de Guitry « L’encinéclopédie » de Paul Vecchiali, analyse acerbe de cet artiste, je reviendrai sur ce formidable dictionnaire en deux volumes. Un début d’année très riche pour les amateurs de dictionnaires pour rappel le Dictionnaire des films français érotiques et pornographiques 16 et 35 mm  sous la direction de Christophe Bier est en toujours en souscription ici.

Armel de Lorme continue aussi avec son site en ligne, loin des habituels recycleurs pompeurs qui sévissent en ce moment sur le web, avec des hommages aux disparus récents (Paulette Bouvet, Charles Charras, Niko Papatakis, Bernard-Pierre Donnadieu, Robert Destain, Georges Staquet, Maria Schneider, Janine Souchon, la kulte Tura Satana). On y retrouvera aussi d’autres portraits comme Yann Gonzales et Sylvie Joly ou Jean Grémillon, et des extraits de son livre sur Guitry (André Lefaur, Betty Stockfeld, Jacqueline Delubac, Claude Dauphin). Louons donc ce chercheur infatigable qui continue une histoire du cinéma parfois iconoclaste – voir sa manière d’égratigner certains artistes -, exhaustif – les filmos complètes feront la joie des monomaniaques qui se dépêcheront de tout rajouter dans wikipédia sans en citer l’auteur bien entendu comme pour le volume 1 –.

Encyclopédie des longs métrages français de fiction 1929-1979 VOLUME 2

La distribution de « L’an 01 »

Avant-dernier texte de ce blog, la devise de Canalblog devant être le titre d’un film de Philippe Clair « Si t’as besoin de rien, fais moi signe », je me vois contraint de m’arrêter… Mais je ne pouvais pas le faire sans saluer une exceptionnelle aventure cinéphilique avec le volume 2 de « Encyclopédie des longs métrages français de fictions 1929 – 1979 ». 345 pages très riches de « L’an 01 » de Jacques Doillon à « Azaïs » de René Hervil, avec Max Dearly. Le volume 1 étant relaté ici.

Donc si vous êtes comme moi amateurs de génériques et que vous vous découragez en voyant celui de « L’an 01 » – disponible en DVD chez MK2 – justement, histoire de rajouter des noms sur IMDB. D’ailleurs il y a une voix off précise que c’est illisible, mais que les comédiens de toute manière se reconnaitront… Il suffit désormais de lire le livre d’Armel de Lorme pour s’amuser à quantifier les toutes premières apparitions de Gérard Depardieu ou de l’équipe du Splendid, tout en vous lançant dans la résolution de l’énigme quant à la participation à ce film de Daniel Prévost en hypothétique « cycliste apostrophant une vieille dame », rare erreur du livre en fait, le rôle étant joué par Martin Lamotte.

Outre la première équipe autour d’Armel De Lorme, Christophe Bier, Stéphane Boudin, Raymond Chirat, Gilles Grandmaire et Italo Manzi, on retrouve trois nouveaux, Jean-Pierre Pecqueriaux , un amateur de petits rôles et de silhouettes, Edgard Balzer et Jean-Pierre Bouyxou – que les auditeurs de « Mauvais genre » sur France Culture connaissent bien.

On ne peut qu’être impressionné par cette masse d’informations, d’anecdotes, de précisions, par les synopsis très détaillés, il y a des découvertes à chaque page, des relectures de films que l’on a visionné (« Les amants » de Louis Malle ou « L’air de Paris »).  Cet ouvrage sera très précieux, si vous êtes comme moi amateurs de silhouettes et de seconds rôles– je tire mon chapeau en passant aux dictionnaires de Raymond Chirat, chez Pygmalion, je ne compte plus les comédiens que j’ai identifié grâce à ce livre -. C’est un vrai travail de bénédictins – au sens non péjoratif du terme -, on pourra ainsi vérifier grâce aux recoupements divers que certains comédiens ne figurent donc plus dans les copies existantes – se rapporter à la notule sur le volume 1 – et vous pourrez désormais reconnaître les éternels non crédités aux génériques, et réussir à mettre un nom sur la quasi-totalité des truands dans la cour des miracles de la série des « Increvable Angélique ». La genèse des films est aussi précisée comme celle du film « Anémone » de Philippe Garrel, premier film d’Anne-Aymone Bourguignon,  future Anémone, confronté à des problèmes avec l’O.R.T.F. Ce livre tord le cou à pas mal de légendes, « Pension Jonas, 1941, de Pierre Caron, ne fut pas interdit sous l’occupation pour imbécilité – dans l’article sur « L’accroche-cœur ». 

Il y a aussi les films méconnus, oubliés des cinémathèques et de la programmation du câble, que l’on aimerait visionner, bien que certains soient perdus tel « L’an 40 » de Fernand Rivers, citons ainsi au hasard « Les anges » de Jean Desville – dont j’ai la V.H.S. trouvée dans un marché mais que je n’ai jamais visionné, « Au revoir, Monsieur Grock », film qu’adorait Michel Serrault, avec le clown Grock, « L’ange gardien » seul film avec en vedette Francis Lemaire – le père de Christophe Lemaire -, « Autopsie d’un complot », film franco-algérien de Mohamed Slimane Riad, etc… . On retrouve certains films cités, tels ceux produits par Eurociné, pour ceux qui n’on pas lu le livre culte de Christophe Bier sur le sujet, « Avortement clandestin ! » ou « Les aventures galantes de Zorro », qui semble un ahurissant « remontage approximatif » autour d’une trentaine de minutes d’un film déjà existant « Les trois épées de Zorro », avec divers inserts, et même une version hard, avec une comédienne fétiche de Jean-Christophe Averty, Louise Petit, dans l’un de ses rares films pour « une ex-préposée des Postes ! ». Il a aussi des pistes, sur des interrogations, les différentes versions étrangères simultanées ou plus tardives, les pseudonymes de chacun, les stock-shots. Pour reprendre le titre d’un livre de Francis Lacassin, il a sous l’égide d’Armel de Lorme, une « contre-culture » du cinéma. Il y déclare « s’affranchir une bonne fois pour toutes des héritages – encombrants ô combien ! – d’un Charles Ford, d’un René Jeanne ou d’un Georges Sadoul, paix à leurs cendres ». Il est donc avec son équipe à contre-courant. Pour lui Romy Schneider est par exemple mieux utilisée par Clive Donner et Woody Allen que Claude Sautet… Si on ne le suit pas forcément, on pourra se réjouir de cette attitude, pour mieux nous faire découvrir des œuvres sous-estimées. Je suis encore loin d’avoir profité de toutes les richesses de ce livre, par expérience avec le volume 1, c’est le type de livre que vous avez à portée de main, dans votre bibliothèque, et que vous ressortez à l’occasion d’un visionnage, sur le câble ou en DVD, ou pour les chanceux qui ont une à proximité, à la cinémathèque. Le bon de commande est ici et les films évoqués sonc ici. L’aide-mémoire, le site, poursuit sa route, avec des notes sur l’actualité, des hommages, des fiches sur des films.

On termine avec de bonnes nouvelles, « Le dictionnaire des longs métrages français érotiques et pornographiques » de Christophe Bier se précise pour 2011 – une souscription sera lancée, et Armel de Lorme annonce avec Raymond Chirat, le volume 2 de « L’encyclopédie des comédiens français & francophones », de Pauline Carton à Louis Gauthier, consacré au cinéma de Sacha Guitry en 160 comédiens. De quoi nous réjouir, certainement ailleurs, ou alors sur des forums, je ne sais pas encore.

ENCYCLOPÉDIE DES LONGS MÉTRAGES FRANÇAIS DE FICTION 1929-1979

Ceux qui chérissent « L’histoire du cinéma français 1929-1970 » en 7 volumes de Maurice Bessy, Raymond Chirat et André Bernard, vont pouvoir se réjouir avec la sortie du premier volume d’une incroyable filmographie du cinéma français parlant, 1929 – 1979, établie par Armel de Lorme et toute une série de collaborateurs. Le livre est préfacé par Raymond Chirat. Le résultat est impressionnant, avec la sortie du volume 1, allant des films « À belles dents » à « L’Ampélopède ». C’est une mine d’informations érudites et exhaustives, on trouve des informations inédites sur des grands classiques comme « À bout de souffle », mais aussi de films méconnus, comme « À l’ombre d’un été », film inédit en salles de Jean-Louis Van Belle, avec Maurice Ronet. Je recommande vivement aux amateurs d’acquérir et d’encourager ce travail important, basé sur une documentation impressionnante et le visionnage attentif et minutieux des films disponibles. Sur le site de « L’aide-mémoire », vous trouverez plus d’informations ici. C’était l’occasion de pour s’entretenir avec un cinéphile hors norme, iconoclaste, passionné et passionnant, Armel de Lorme :

– Qu’as-tu fait au cours des quatre ans ayant séparé la sortie du premier volume de « L’@ide-Mémoire – Encyclopédie des Comédiens » évoqué ici, de celui de L’Encyclopédie des Longs Métrages ?

J’ai vécu… poil aux oreilles.

– L’amour c’est gai, l’amour c’est triste ?

Exactement. En fait, avec le recul ces quatre années se sont écoulées de manière extrêmement rapide. J’ai dû voir quelque chose sept cents ou huit cent films que je ne connaissais pas encore, en ai revu à peu près autant, et ai surtout réalisé un projet qui me tenait terriblement à cœur depuis longtemps et consistait à développer un @ide-Mémoire « audiovisuel » sous forme de documentaires ou de films expérimentaux. C’est fait.

– Tu penses au portrait filmé de Nathalie Nattier visible sur « Dailymotion » ?

Oui, mais pas seulement. En fait, cette série de films a été inaugurée par un premier docu sur la comédienne Solange Sicard, qui a été l’un des premiers professeurs d’art dramatique en France à enseigner aux apprentis comédiens à « jouer cinéma », ce que ne faisaient à l’époque ni René Simon ni Pierre Renoir, ni les autres… Sous l’Occupation, elle a littéralement « découvert » Suzanne Flon, qui était alors vaguement démonstratrice (mais déjà secrétaire de Piaf), Simone Signoret qui avait trouvé une planque à la rédaction du journal de Jean Luchaire, et Juliette Gréco qui avait seize ans, sortait à peine de prison et ne savait pas trop quoi faire pour gagner sa vie… Flon, Gréco, Signoret : on peut imaginer pire comme triplette. Donc, avec Gauthier Fages, mon coréalisateur, et avec le soutien de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, que je ne remercierai jamais assez, nous avons commencé à rencontrer et à filmer les anciens élèves de Sicard : Nicolas Bataille, Paul Bisciglia, Jean-Pierre Mocky, Jean Pommier… Nathalie Nattier a accepté de nous recevoir à Narbonne, où elle s’était retiré avec son mari, Robert Willar, qui nous a quittés depuis, et à peine reparti(s) de chez elle, j’ai dit à mon coréalisateur et à l’assistante qu’il fallait mettre le Sicard entre parenthèses… et la gomme sur Nathalie, que j’avais trouvé formidable de classe, d’humour et de présence à l’écran tout au long de l’interview. Ce soir-là, en visionnant les rushes, j’ai eu la confirmation immédiate de cette première intuition, et nous avons effectué le premier montage sitôt rentrés à Paris, Gauthier ayant eu entre temps l’idée de travailler le grain de l’image pour lui donner un aspect « vintage » qui me plaît beaucoup à l’arrivée. Ensuite, grâce à Nicolas Bataille, lui aussi parti depuis, et à Jacques Legré, nous avons eu la possibilité de filmer 75 ou 80 comédiens ayant interprété le « Spectacle Ionesco » sur la scène de la Huchette entre 1957 et 2007 à l’occasion des commémoration du cinquantenaire de La Cantatrice Chauve et de La Leçon. Je crois qu’à part Brigitte Fontaine, que nous n’avons pas réussi à joindre, Dominique Labourier avec laquelle nous ne sommes pas parvenus à poser de dates par téléphone, Bernard Larmande qui devait être occupé à tourner une pub « 3ème âge » genre Phytalgic, parce qu’il n’a jamais rappelé, et Laurent Terzieff (regrets éternels) qui a successivement dit oui, non, pas sûr, peut-être, et finalement non, nous avons eu tout le monde ou presque.

– Des noms ?

Très volontiers. Je ne peux pas tous les citer, tu t’en doutes, mais parmi ceux qui m’ont le plus marqué… Marcel Cuvelier, bien sûr, Andrée Damant, Jacques Nolot, Guy Pierauld, Hélène Rodier, Isabelle Spade… Lucienne Hamon, l’ex-compagne et scénariste de Robert Enrico, qui s’est tapé un aller-retour Saint-Michel-Nanterre pour venir poser trois minutes et demi devant notre objectif… l’espiègle Françoise Bertin, dont j’ai pu apprécier dans un contexte pas forcément évident l’intelligence, l’à-propos et les grandes qualités de cœur… Danièle Lebrun, pour laquelle le mot « photogénie » semble avoir été inventé et qui possède assurément le plus beau regard de tout le cinéma français… Josiane Lévêque et son humour ravageur… Uta Taeger, à laquelle nous avons rappelé entre deux prises l’existence de son premier et unique 45 tours – du punk dix ans avant l’heure – dont nous étions (et sommes encore) tous les deux fans, mon coréalisateur et moi, plein d’autres… Deux filles incroyables, que j’oubliais, Pinok et Matho, qui nous ont gratifié d’un numéro de mime hyper millimétré à décoiffer une armée de chauves… Monique Tarbès, qui ne s’est pas aimée à la projection, c’était son droit, et a demandé – mais avec humour et courtoisie – à ne pas figurer dans le montage définitif (là encore, regrets éternels)… une actrice dont je tairai le nom, mais qui nous a fait un Alzheimer, un vrai, en direct, le genre de truc facile à gérer quand tu n’es pas préparé à…, d’autres qui n’avaient pas fait de cinéma ou de télévision depuis les années 60 et que nous avons en quelque sorte fait redébuter à l’écran, comme l’immense Nell Reymond que j’adore, et qui tient à la fois d’Hortense Schneider, d’Yvonne Printemps et de Mistinguett… À l’arrivée, après un premier montage effectué dans l’urgence et jugé peu probant, Gauthier, toujours lui, a eu l’idée de retravailler entièrement l’image sur un mode plus expérimental, et de commander une mini-BO, expérimentale elle aussi, à l’une de ses amies musiciennes. Du coup, il existe désormais deux versions : celle d’origine, qui fait une heure, et la version « sépia », ramenée à quinze ou seize minutes et davantage conforme à ce que nous voulions. C’est à ce moment là que Christophe Bier m’a appelé en renfort sur le projet CinÉrotica, qui m’a, mine de rien, occupé durant plus de six mois, et dans le même laps de temps, j’ai entamé sur le tard une carrière (quel grand mot !) d’auteur dramatique, en écrivant et publiant à la suite plusieurs pièces, dont certaines ont été ou sont en train d’être mises en lecture. Il paraît d’ailleurs qu’on dit plutôt « séances d’écoute », maintenant. Plus un roman qu’il faut que je reprenne de A à Z : dans l’état actuel des choses, il n’y a guère que le titre – St. Drome de Stockholm – et un chapitre qui me plaisent vraiment, le reste est à entièrement à retravailler, bref… Tout ceci m’a conduit lentement mais sûrement fin 2008, à peu près au moment où est sorti le premier numéro de CinÉrotica.

– On y revient…

Et pour cause… C’est à ce moment-là que j’ai pris la décision de publier sur le mode alphabétique mes 500 premiers comptes rendus de visionnages de films, entièrement remis en forme pour l’occasion… Ensuite, en voyant le projet prendre forme, et sur les conseils de mon imprimeur qui ne trouvait spécialement très judicieuse l’idée d’un pavé de 800 pages, j’ai opté pour deux (premiers) volumes séparés…

– Quelle est la méthodologie de ton travail, recherche d’archives, visionnages, temps passé, etc. ?

Ma méthode rejoint autant que faire se peut le propos et l’intention de départ, et consiste en priorité à tout voir et/ou revoir, ce, tu t’en doutes, dans les limites du « visible ». De ce point de vue-là, c’est vraiment le circuit habituel du cinéphile (ou phage, au choix) : diffusions sur le câble (avec une offre, malheureusement de plus en plus restreinte et de moins en moins intéressante), vhs, dvd, parfois vod… J’imagine que c’est plus simple pour moi que pour Raymond (Chirat) ou Vecchiali, qui ont commencé à tenir leurs fichiers cinéma respectifs à une époque qui ne connaissait rien de tout cela, et surtout pas la fonction « arrêt sur image ». Avec à l’arrivée, tu t’en doutes, l’immense frustration de n’avoir pas avoir accès à tout, pour des questions de droits ou simplement de coûts. Pour ce qui est des archives, je me repose à la fois sur un fichier double (6000 films/8000 comédiens des deux sexes) tenu depuis 1993, finalement assez comparable à ceux tenus depuis 70 ans par Raymond, à cette différence près que les miens sont intégralement informatisés, d’un fonds films de 5000 titres en vhs ou dvd constitué au fil du temps, et d’un fonds iconographique de 4000 photos dont la majeure partie m’a été offerte par l’ex-régisseur général Jean Pieuchot en 2004. En ce qui concerne les visionnages, je tourne à un ou deux films par jour, en sachant que, mine de rien, j’ai commencé – pas au berceau ou presque – il y a 17 ou 18 ans. De fait, ne serait-ce la nécessité de tout revoir, notamment pour rétablir les génériques les plus complets possible et rédiger les résumés, l’intégralité de ce projet pourrait être publié en deux ans. Dans l’état actuel des choses, et compte tenu du fait que je déteste bâcler, je me fixe plutôt l’horizon 2014 ou 2015 pour boucler ce premier inventaire. Après, je m’attaquerai probablement aux années 80… À moins que je ne recommence à tourner des documentaires ou que je ne me décide à me consacrer pleinement à mes activités de jeune auteur dramatique. Une seule chose est certaine, au moment précis ou je te parle, c’est que sauf imprévu ou accident, je bouclerai quoi qu’il arrive l’inventaire 1929-1979… la suite, ce sera en option.

 

– Comment as-tu identifié les seconds rôles et autres seconds rôles – Raymond Chirat cité dans la préface Marguerite de Morlaye par exemple –, y compris dans les années 30, ce qui n’est pas une mince performance…

Comme je l’explique dans l’avant-propos du Volume 1, Raymond, que je connais depuis le milieu des années 90, m’a branché dès notre première rencontre rue du Colisée, sur ces seconds et troisièmes couteaux qu’il affectionne entre tous, les Brizard, Francomme, Marceau, Vissières, Yvernès, les trois Albert (Broquin, Brouett, Malbert), Geo Forster, Anna Lefeuvrier, Marie-Jacqueline Chantal, Marguerite de Morlaye… Pour la plupart d’entre eux, il m’a indiqué le ou les film(s) dans le(s)quel(s) il était impossible de les rater (Malbert dans Les Dégourdis de la 11ème et Le Corbeau, Mme de Morlaye dans Remontons les Champs-Élysées et Le Roi, Marie-Jacqueline Chantal dans L’Habit vert…), ensuite, la fréquence des apparitions à l’écran de la plupart d’entre eux a fait le reste. Par la suite, Christophe Bier (encore lui) m’a permis de familiariser avec bon nombre d’incontournables Eurociné, comme Étienne Jaumillot, Robert Leray (déjà doublure de Gabin dans les années 30) ou Pierre Taylou, et c’est en grande partie grâce à Gilles Grandmaire que je suis peu ou prou incollable, depuis douze ou treize ans, sur Madeleine Bouchez, Yvonne Dany, Édith Ker ou Raymonde Vattier. Depuis, j’ai découvert d’autres comédiens, dont je ne soupçonnais pas l’existence, venus pour certains d’entre eux de la figuration mondaine, ou du roman-photos, pour ne rien dire des doublures lumière d’artistes de premier plan, que l’on retrouve parfois, voire souvent, devant la caméra, à l’image de Georges Fabre et de Jacques Pisias, doublures respectives, dans la durée, de Louis de Funès et d’Alain Delon ou de Dany Jacquet qui, entre deux petits rôles, doublait à la fois Brigitte Bardot, Romy Schneider et, je crois, Mireille Darc. Ajoute à cela le fait d’avoir réuni, notamment grâce à Jean Pieuchot dont il a été question plus haut, un fond iconographique conséquent sur lequel je continue de m’appuyer, et une mémoire cinéphilique visuelle plutôt solide. Ce qui est plutôt drôle, lorsqu’on me connaît et que l’on sait que dans la vraie vie, je suis absolument incapable de reconnaître ou de resituer la plupart des gens que je croise, même si je les ai rencontrés la veille. À part les comédiens… bizarrement… Cela étant, ça peut être bien, éventuellement, de rappeler que ce projet encyclopédique n’est pas seulement un inventaire de dix-huitièmes couteaux connus de moi seul. Je parle de films et de réalisateurs, quand même… J’insiste.

 

– Justement, tu mentionnes avec beaucoup de précision, les « copies actuellement visibles », tel l’exemple de Maurice Baquet qui disparaît dans la diffusion du ciné-club de « France 2 » de « Gueule d’Amour ». Les films diffusés actuellement le ne sont pas forcément dans les versions d’origine. Peux-tu nous en parler et notamment la notion des copies d’exploitations ?

C’est un peu compliqué, il n’y a pas de véritable règle. Il m’arrive simplement très souvent de revoir un film que j’ai déjà vu ou revu et de me dire « Tiens, il manque une scène ». Dans le cas précis de Gueule d’Amour, j’étais au téléphone au moment du début de la diffusion sur France 2, dont pas tout à fait disponible. Je n’ai véritablement revu que les deux derniers tiers, et, le film terminé, j’ai réalisé que Maurice Baquet, dont je me rappelais très bien la scène, vue plusieurs fois, et le rôle (un soldat se faisant poser des ventouses dans le dos par René Lefebvre), était passée à la trappe. Je me suis repassé en accéléré le dvd que je venais de graver – toujours pas de Maurice Baquet ni de ventouses – et ai fini par ressortir ma vhs du commerce, où la séquence en question figurait bel et bien, ainsi qu’une autre scène (Gabin se faisant draguer par une midinette dans la rue) y faisant immédiatement suite dans le montage initial. Maintenant, te dire précisément pourquoi il existe des différences d’une version à l’autre dans le cas de ce titre précis… J’imagine que l’actuel ayant-droit a récupéré une copie d’exploitation incomplète sans savoir qu’une version longue existait, cela arrive tout le temps… C’est vrai pour Gueule d’Amour, ça l’est aussi pour Les Jumeaux de Brighton, dont la version intégrale, assez longue, du prologue, ne semble figurer que dans la copie présentée par la Cinémathèque en 1993 (j’ignore même si elle figure dans le dvd, le métrage donné laissant plutôt penser que c’est la version écourtée qui vient d’être commercialisée), ou La Reine Margot de Dréville, dont la version longue est quasiment invisible depuis 1955. Pour d’autres films, en revanche, on connaît un peu mieux les raisons faisant qu’il existe des versions alternatives ou de durée variable. Les Vacances de Monsieur Hulot, par exemple, vient de ressortir dans sa version d’origine, invisible depuis 1953. Dans ce cas précis, on sait que Jacques Tati a entièrement remonté son film en 1978, tournant à cette occasion une séquence clin d’œil aux Dents de la mer (le bateau se transformant en requin) tellement raccord que tout le monde la croyait contemporaine du reste du film, mais supprimant dans le même temps quatre scènes jugées superflues a posteriori. Sinon, je pourrais te parler pendant des heures des films de l’ex-Catalogue Télédis, dont un bon tiers n’est visible aujourd’hui – je ne saurais te dire s’il faut attribuer les coupes en question à feu Maurice Bessy – que dans des copies mutilées, parfois en dépit du bon sens : Les Perles de la Couronne, dont vingt minutes sont passées à la trappe mais pour lequel un négatif d’origine – 120 mn contre 100 actuellement – subsiste(rait) à Bois-d’Arcy ; La Maison du Maltais, dont l’intrigue devient presque incompréhensible lorsqu’on ignore qu’initialement, à mi-film, le personnage joué par Dalio expédiait dans l’autre monde, afin de prendre sa place à la tête du gang, le chef de bande qui l’avait recruté dès son arrivée de Sfax ; De Mayerling à Sarajevo, où Raymond Chirat conserve un souvenir très précis d’une apparition-éclair de Louis Florencie, disparue depuis… Dans un tout autre ordre d’idée, il est également arrivé que des films multidiffusés par l’ex-bouquet TPS Cinéma l’aient été dans des versions sensiblement différentes que celles programmées quelques années auparavant sur Cinéclassic. Je pense au Défroqué de Léo Joannon, où une scène de conseil de famille, figure bien dans la version Classic mais pas dans la version Cinétoile, ou, ce qui est encore plus curieux, aux deux montages différents de Souvenirs perdus, permutant d’une version à l’autre, l’ordre et la place des sketches interprétés par Yves Montand et par François Périer, l’actrice Gaby Basset, interprète furtive du premier sketch, n’apparaissant quant à elle que dans la seule version « Cinétoile ». La liste est longue, comme tu peux le constater…

 

– Jacques Prévert avait inventé la formule « menteur comme un générique », reprise souvent par Bertrand Tavernier, l’as-tu souvent vérifié ?

Pas tout le temps, mais presque… Je plaisante… En fait, oui, ça arrive parfois, cela va du nom mal orthographié ou du prénom erroné – Germaine Clasis au générique de La Bête humaine, au lieu de Charlotte Clasis, Madeleine Ducouret (elle se prénommait Marguerite) dans Les Inconnus dans la maison – à l’omission pure et simple. Au générique des fresques historiques de Guitry, par exemple, seul Pierre Montazel est crédité au poste de directeur de la photographie, alors que l’on sait de façon formelle que c’est Roger Dormoy qui a dirigé les éclairages de la deuxième époque de Si Versailles m’était conté… et ceux de la première époque de Napoléon. Dont les génériques artistiques sur copie sont eux-mêmes partiellement erronés : Georges Chamarat joue bien La Fontaine, et non Boileau, dans Versailles, contrairement à ce qu’annonce le générique « copie ». Dans Napoléon, Louis Arbessier figure le maréchal Berthier et Jean Marchat le grand-maréchal Bertrand, alors que le générique et les distributions mentionnent généralement le premier en tant que maréchal Bertrand et le second comme général Bertrand. Donc, ne pas systématiquement tenir pour acquises les infos « première main » et se fier plutôt à sa mémoire visuelle… Je pense à deux autres films aussi, revus récemment, dont les distributions quasi complètes données par les génériques de fin sont erronées en ce qui concerne la majeure partie des petits rôles : Copie conforme et Le Dernier Tournant. Il y a tellement d’erreurs à l’arrivée qu’on pourrait croire que les crédits acteurs ont été placés dans un chapeau avant d’être tirés au sort… Il arrive parfois aussi que des comédiens intégralement coupés au montage, voire remplacés à la dernière minute, figurent quand même au générique parce que les contrats signés avec la production le leur garantissaient noir sur blanc. Or, quel que soit le cas de figure, le problème avec les erreurs, c’est bien qu’elles restent… Enfin, pour ne pas faire mentir Prévert, il existe une autre forme de mensonge, elle nettement plus grave, qui a conduit la France de Vichy, à « nettoyer » certains génériques de films, non rétablis depuis pour la plupart d’entre eux, d’artistes jugés indésirables au nom de lois de triste mémoire. Soixante ans plus tard, tu peux toujours chercher le nom de Jean Témerson au générique de Volpone (Maurice Tourneur, 1940) ou celui de Claude Dauphin sur celui des Petits Riens (Raymond Leboursier & Yves Mirande, 1940), le nom de Jules Berry, affiché sur le même carton que celui de Dauphin, ayant disparu par la même occasion. Le seul éditeur à avoir fait, dernièrement, un effort méritoire en ce sens, est René Château, qui a fait figurer sur le dvd de Grisou, sorti il y a quelques mois, les deux génériques, celui d’origine et celui expurgé des acteurs et techniciens d’origine juive. Ce qui nous conduit à une autre forme de mensonge, elle beaucoup plus légitime dans un contexte qui ne l’était pas, puisqu’elle a permis à des artistes mis à l’index de continuer à exercer leur profession : je pense en particulier aux fameux prête-noms de Trauner et Kosma au générique des Carné-Prévert tournés sous l’Occupation, ou au fait que Jean-Paul Dreyfus-Le Chanois ait pu exercer, à la même époque, ses activités à la Continental sous un pseudonyme dûment aryanisé… qui a fini par lui rester.

– Internet est une mine d’informations, par exemple j’avais rajouté une ébauche de fiche sur IMDB de « Aimez-vous les uns, les autres », resté inédit, trouvé dans un Ciné-Revue de 1972, qui te permet de le faire figurer dans ton livre. Mais tu évoques aussi les erreurs telles qu’Armande Navarre qui est dans IMDB citée comme pseudo de l’actrice Amarande, alors que c’est une actrice bien distincte. Quel crédit alors donner dans cette jungle d’informations et de hoax.

En ce qui concerne Aimez-vous…, dont j’ai retrouvé le titre, et donc appris l’existence, une semaine exactement avant le bouclage du Volume 1, autant dire que c’était moins une, j’ai immédiatement vérifié l’info sur les CV professionnels de plusieurs interprètes toujours en activité, où ce titre méconnu apparaissait bel et bien. J’ai également cherché, sans succès, à retrouver le réalisateur, Daniel Moosmann, afin d’obtenir par lui un complément d’informations, et au final, ne sachant pas d’où pouvait provenir la fiche IMDB, j’en ai parlé à Gilles Grandmaire qui m’a confirmé, le fameux numéro de Ciné-Revue à l’appui, que ce film inédit avait bel et bien été tourné en 1972. Pour ce qui est de la confusion Armande Navarre/ Amarande, j’ai mis du temps à comprendre le pourquoi du comment. Armande Navarre a tenu vers 1968 un rôle récurrent, pour la Télévision, dans un feuilleton intitulé La Prunelle, aux côtés de Claude Jade. Pour des raisons que j’ignore, le catalogue des fictions télé volume 1 édité pat Dixit a attribué le rôle en question à Amarande, ce qui a vraisemblablement conduit un petit malin à supposer qu’il s’agissait, sous deux pseudonymes différents, d’une seule et même actrice. Ensuite, l’info ayant été mise en ligne sur IMDB, elle a, comme c’est toujours le cas, été reprise absolument partout. Sur ce coup-là, je dois être l’un des rares, avec Gilles Grandmaire, à ne pas avoir donné dans le panneau. Au final, j’ai quand même pris la peine de téléphoner à Amarande, qui m’a avec beaucoup d’humour laissé entendre qu’elle avait eu vent de cette confusion, qui commençait du reste à l’agacer prodigieusement, et a demandé au cours des semaines suivantes à l’un de ses proches de faire le nécessaire auprès de Wikipedia. Qui a depuis novembre 2009 rendu à Armande Navarre ce qui appartenait à Armande Navarre et à Amarande ce qui revenait à Amarande. En revanche, l’erreur perdure à ma connaissance sur de nombreux autres sites spécialisés… Donc, pour revenir à ta question, toujours prendre les informations avec des pincettes, essayer d’apprendre à discerner ce qui est crédible ou pas, et ne pas hésiter à faire appel aux souvenirs des principaux intéressés aussi souvent que faire se peut. Pour l’anecdote, la semaine dernière, j’ai passé une demi-heure au téléphone avec Jacqueline Caurat, afin de faire le point avec elle sur la filmographie de son époux disparu, Jacques Mancier, qu’Encyclociné créditait depuis peu d’une demi-douzaine de courts métrages dans lesquels il n’a, à ma connaissance, jamais figuré. J’ai eu la chance de tomber une personne délicieuse, disponible, parfaitement au fait de la carrière de son mari en ses moindres détails et qui a démenti la totalité des informations « douteuses » que je lui soumettais. D’après ce que j’en sais, la photo d’un comédien indûment présenté comme Jacques Mancier aurait quelque temps circulé sur Internet, et serait à l’origine de cette erreur vite passée aux pertes et profits. Cela posé, Internet m’a, dans le même temps, permis de lier virtuellement connaissance, avec les responsables de plusieurs sites spécialisés, presque aussi maniaques que moi (c’est dire…) dans leur recherche de l’exactitude, et avec lesquels les échanges de courriels s’avèrent particulièrement fructueux. Là, c’est un véritable plaisir…
 

– Quel est l’apport de Raymond Chirat dans ton livre, qui fait suite aux formidables informations de ses dictionnaires, parus dans les années 80 ?

Et même le milieu des années 70 en ce qui concerne la période 1929-1950 ! Ce sont effectivement ses travaux, dans leur apport (indéniable) comme dans les lacunes (inévitables) qui m’ont permis de poser les premiers jalons de ma ligne éditoriale : élargir aux coproductions avec l’étranger (l’ouverture s’imposait, je crois, en ces temps de questionnement pas du tout opportuniste, mais alors pas du tout, sur l’identité nationale), aux versions multiples tournées aux débuts du Parlant, aux films partiellement français tournés à l’étranger, aux années 70, surtout, pour lesquelles tout restait encore à faire en terme d’inventaire, au cinéma érotique aussi… Pour en revenir aux seuls génériques artistiques des films mis en chantier entre 1929 et 1970, je me suis évidemment appuyé sur les travaux publiés de Raymond (quitte, parfois, à le contredire), mais également sur la correspondance suivie que nous avons échangée, lui et moi, tout au long des années 90, sachant que je suis devenu moi-même, avec le temps, un « familier » des comédiens qu’il m’a permis de découvrir il y a dix ou quinze ans. Pour le reste, je continue de faire appel à lui, de façon ponctuelle, sur les points pour lesquels je ne suis pas tout à fait sûr de moi, et de son côté, il m’a promis de m’envoyer une série d’ajouts et corrections inédits afin de compléter au mieux les génériques du premier volume que nous n’avions pas eu le temps de pointer avant publication. Mais, au-delà des seules informations d’ordre factuel, le plus beau cadeau que Raymond m’ait fait, sur ce projet, reste quand même d’avoir immédiatement accepté d’en signer la préface. Comme il a été l’initiateur de ce type de travaux, en France, et qu’il est aussi celui, avec Philippe Arnaud, à m’avoir le plus soutenu et encouragé lors mes premiers pas dans la profession, et dans la durée, je tenais vraiment à ce que ce soit lui, et personne d’autre… Prière exaucée !

 

– Comment as-tu travaillé avec ton équipe composée de Christophe Bier, Italo Manzi, Gilles Grandmaire, etc… ?

Plutôt bien, comme pour L’@ide-Mémoire, dont j’ai pu reconstituer à quatre ans d’intervalle – et une exception près – le noyau dur, augmenté pour l’occasion de Gilles Grandmaire que je connais et apprécie depuis 1996. Tous, au-delà de cinéphilies comportant chacune sa part de spécificité, sont des êtres généreux (j’insiste sur ce vocable), disponibles, éclectiques et précis, avec pour point commun supplémentaire le fait de  ne pas du tout se prendre au sérieux et même de détester, d’une manière générale, les historiens, spécialistes et chercheurs pétant notoirement plus haut que leur cul. De ce point de vue-là, nous nous sommes tous plutôt bien trouvés. Christophe a eu un rôle ultra-déterminant dans ce projet, puisque c’est, je ne le dirai jamais assez, la parution du premier volet de son Dictionnaire des Longs Métrages érotiques et pornographiques en supplément dans CinÉrotica, qui m’a servi de déclic : je rêvais de mon Encyclopédie depuis quinze ans, mais c’est après avoir eu ce premier fascicule entre les mains que j’ai commencé à « visualiser » mon propre projet dans sa totalité… et dans la durée. Pour le reste, comme il savait que je tenais à ce que la production érotique et pornographique française mise en chantier jusqu’au 31 décembre 1979 figure en bonne et due place dans cette encyclopédie, Christophe m’a généreusement permis d’utiliser la matière première des notules établies par lui et par d’autres, sur son propre projet, sachant que je ne toucherai en aucune manière à l’aspect « critique » de ce travail, qui resterait ainsi une sorte d’exclusivité. Dans un deuxième temps, son apport a été d’ordre ponctuel : il m’a sigalé quelques films peu connus manquants dans la première liste que je lui avais soumise, comme À bride abattue, coproduction franco-vénézuélienne peut-être diffusée dans le Bordelais, ou une production franco-ivoirienne de Désiré Écaré, qui vient de disparaître, intitulée À nous deux, France. D’autre part, la dernière fois que nous nous sommes parlé lui et moi, Christophe m’a dit vouloir rapatrier de province des « films racontés » retrouvés dans des cartons, qui permettront de fournir des résumés plus précis d’œuvres totalement invisibles et, éventuellement, d’identifier des comédiens supplémentaires sur photos. Je suis assez impatient de découvrir tout ça. En ce qui concerne Italo, son apport s’est borné, si l’on peut dire, à compléter à partir de ses archives les génériques techniques et artistiques de quelques productions franco-italiennes, comme Accroche-toi, y’a du vent !, dernier film, entièrement tourné à Rome, de Bernard-Roland. Il m’a par ailleurs été d’un apport infiniment précieux en ce qui concerne les productions tournées en double, triple ou quadruple versions au cours des premières années du Parlant, comme Les Amours de minuit ou Les Amours de Pergolèse. Quant à Gilles Grandmaire, il m’a très généreusement fourni ses comptes-rendus de visionnage sur une douzaine de films auxquels je ne suis pas encore parvenu, à ce jour, à avoir accès, comme Aimez-vous les femmes ?, L’Amant de cinq jours ou L’Amour à la chaîne. D’autre part, tous les trois, à l’instar de Raymond, continuent, depuis la parution du Volume 1, à me signaler des incomplétudes détectées ça et là… Il est une dernière personne dont je tiens absolument à parler, c’est Stéphane Boudin, déjà présent, plus discrètement, sur L’@ide-Mémoire et qui cumule sur ce premier opus consacré aux films les fonctions (bénévoles) de maquettiste et d’intendant. C’est lui aussi qui, en marge d’une activité professionnelle plutôt prenante, s’occupe de la conception, de l’habillage et du lancement de mon site Internet, au fur et à mesure de l’arrivée des textes que je lui livre. Comme nous venons à peine de démarrer et que je tiens à initier en même temps les cinq ou six principales rubriques, notamment un hommage aux disparus récents et un Dictionnaire critique des Films destiné à compléter la publication papier, il n’a quasiment plus le temps de dormir, ni même de s’alimenter, c’est une horreur… Je plaisante… Pour être plus sérieux, au moins trente secondes, je crois que sans lui, tous ces projets ou presque seraient demeurés des vœux pieux, et rien de plus. Ils ne le savent pas forcément, mais les cinéphiles lui doivent beaucoup…

– Tu as choisi de ne pas mettre d’illustrations et de ne pas passer par la diffusion en librairie, pour quelle raison ?

Dans les deux cas, pour de simples questions de coût de fabrication. En ce qui concerne ce premier tirage du Volume 1, la moitié du budget de départ a servi à régler l’imprimeur, l’autre à acquérir le maximum de films, que ce soit en dvd, en vhs d’occasion ou en vod, puisque l’idée initiale était de voir ou de revoir tout ce qui est ou avait été visible à moment donné. Acheter des droits photos, ou avoir recours à un relecteur professionnel, aurait nécessairement impliqué le fait ou bien de traiter certains titres « en diagonale », ce que je ne souhaitais pas, ou alors d’augmenter le prix de vente du livre d’une quinzaine d’euros, ce que je ne souhaitais pas non plus. Pour le reste, ce seront les ventes des premiers volumes qui me conduiront (ou pas) à réviser les choix adoptés au démarrage. Au-delà d’un nombre stable de 500 lecteurs « réguliers » – encore faut-il pouvoir les toucher –, je devrais pouvoir envisager à la fois la possibilité de faire appel à un correcteur et une présentation moins austère. Encore que cette idée de mur de titres, initialement motivée par le manque de moyens, me plaît bien à l’arrivée. En fait, plus j’y repense, plus je me dis que l’absence d’iconographie donnera davantage au lecteur le désir de voir ou de revoir les films… J’ai envie de faire le parallèle avec les pièces de théâtre que l’on met en lecture : moins on en montre, plus les décideurs ayant pris la peine de venir ont envie de reprendre le projet à leur compte, et ce n’est finalement pas plus mal. Pour ce qui est de la diffusion confidentielle, c’est un peu pareil : je respecte profondément les libraires, tous les libraires – sauf peut-être le directeur de la librairie Contacts qui ne s’est pas spécialement bien comporté au moment de la sortie de L’@ide-Mémoire en 2006 – mais il m’est, dans l’état actuel des choses, impossible de faire face à la fois aux marges exigées par la plupart d’entre eux, mêmes si elles m’apparaissent légitimes en soi, et au coût de fabrication des premiers tirages. L’équation est très simple au fond : le coût de chaque livre fabriqué est inversement proportionnel au nombre d’exemplaires tirés. Sur des tirages en petites quantités, une fois l’imprimeur réglé et la marge libraire habituelle défalquée du prix de vente, il te reste en théorie à peine de quoi acheter un kébab – même pas un paquet de cigarettes par trente – et encore moins de quoi rémunérer, fût-ce symboliquement, les contributeurs réguliers. Donc, à ce stade initial du projet, je préfère vendre en plus faible quantité, mais engranger dans le même temps suffisamment d’argent pour financer la suite dans des conditions décentes : l’impression du Volume 2, dont la rédaction est quasiment achevée, l’accès à la soixantaine de films restant à visionner pour les Volumes 3 et 4… En même temps, à l’heure où je te parle, les choses sont en train de changer et il semble qu’un partenariat privilégié avec une grande librairie spécialisée, sur Paris, soit sur le point de se mettre en place au cours des mois à venir. Tout est question de patience, au fond… hélas…

 

– Quelles sont les premières réactions depuis la sortie de ton livre ?

Écoute, plutôt bonnes dans l’ensemble… C’est le gros avantage des ouvrages fabriqués de façon… on va dire artisanale : les lecteurs ont eu affaire à toi, donc ils se manifestent plus volontiers que lorsqu’ils ont se sont procuré leur exemplaire via la FNAC ou Amazon. Sur L’@ide-Mémoire, j’avais eu, si mes souvenirs sont bons, quelque chose comme deux tiers de retours – généralement élogieux – sous forme de courriers, de mails, d’appels téléphoniques et même de textos. Pour ce qui est de L’Encyclopédie des Longs Métrages, il est encore trop tôt pour tirer un premier bilan, mais je sais que Carole Aurouet, Gérard Lenne, Lucien Logette (Jeune Cinéma), Jean-Claude Romer et quelques autres ont aimé et me font d’ores et déjà une très bonne presse auprès de leur entourage professionnel et/ou amical. Il faudra absolument que d’autres sommités prennent le relai, si je veux pouvoir mener la totalité ce projet à terme, mais ça a l’air bien parti pour… Inch Allah… De toute façon, on se retrouve d’ici deux mois pour le Volume 2, non ?

… En bonus « Le communiqué de presse » :

Après une mise en sommeil de près de quatre ans et le tournage de trois documentaires, le site Internet de L’@ide-Mémoire (www.aide-memoire.org), consacré au cinéma français patrimonial, renaît dans une mise en scène flambant neuve, au moment même où paraissent les deux premiers volumes d’une Encyclopédie des Longs Métrages de fiction produits et/ou tournés en France entre 1929 et 1979.

La démarche se veut exhaustive, qui nous a conduits à – et par la même occasion permis de – voir ou revoir quasiment tous les films diffusés sur les supports les plus divers (diffusion hertzienne, câble, VHS, DVD, VOD…) entre 1996 et aujourd’hui.

Cet inventaire se voulant exhaustif reprend le principe même des célèbres Catalogues de Raymond Chirat (qui en a signé la préface), dûment revisités, étendus aux années 70 et augmentés de la présentation des productions érotiques et pornographiques sur la période retenue, des œuvres à diffusion restreinte ou inédites, ainsi que des coproductions étrangères « délocalisées » en France (Hollywood, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne…).

Au final, près de 6.000 titres couvrant l’intégralité des cinquante premières années du parlant en France seront traités in extenso sur une quinzaine de volumes, dont un peu plus des deux tiers à partir de visionnages effectués sur copie, les informations fournies étant autant que faire se peut complétées par le dépouillement méthodique des sources écrites à notre disposition, elles-mêmes agrémentées de sources orales et des réminiscences cinématographiques des divers contributeurs.

Le premier tome (346 pages / 24 x 16 cm) , recensant les 262 premiers films (d’À belles dents à L’Ampélopède) ainsi qu’une sélection de courts métrages, est paru le jeudi 17 décembre (nous mettons à votre disposition un bon de commande via le site www.aide-memoire.org), et sera suivi d’un deuxième volume courant mars 2010, la sortie du troisième étant prévue pour septembre 2010. En outre, un second tome de L’@ide-Mémoire – Encyclopédie des Comédiens, consacré aux interprètes de Sacha Guitry, est prévu pour juin prochain, dont le site se fera peu à peu la vitrine au cours des mois à venir.

Afin de fournir aux cinéphiles et aux professionnels un aperçu de ce premier volume, les notules des dix premiers films présentés ont été mise en ligne au format PDF (www.aide-memoire.org/notules%2010%20films.pdf) sur notre site, ainsi que l’index alphabétique des longs et courts métrages présentés (www.aide-memoire.org/index%20films.pdf).

Pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à nous contacter via l’adresse qui suit : aide-memoire@club.internet.fr

Cordialement,

Armel de Lorme, Christophe Bier, Stéphane Boudin, Raymond Chirat, Gilles Grandmaire, Italo Manzi.

Trois extraits du premier en date des films coproduits par l’@ide-Mémoire et Homeworks
(Nathalie Nattier, la plus belle fille du monde) sont accessibles en ligne via les liens suivants :
http://www.marcel-carne.com/equipecarne/nattier/nattier-biographie.html

www.dailymotion.com/video/x8zqk7_nathalie-nattier-les-portes-de-la-n_shortfilms

Natalie Perey, muse rollienne

Armel de Lorme nous propose son troisième hommage après ceux de Nicole Régnault et  Marie-France : Nathalie Perrey, que les amateurs de Jean Rollin connaissent bien, avec son érudition habituelle. Son indispensable ouvrage « http://www.aide-memoire.org/ » coucourt au prix du Syndicat du Livre de Cinéma. C’est aussi lui qui nous apprend sa mort dans une grande discrétion le 25 mars 2012. A lire son entretien chez Medusa.

NATALIE PERREY PAR ARMEL DE LORME.

Depuis bientôt quarante ans et presque autant de films, le parcours professionnel de Natalie Perrey se confond pour l’essentiel avec celui de Jean Rollin, dont elle est la complice de prédilection plus encore que l’égérie. Tantôt première assistante, tantôt script-girl, tantôt monteuse, tantôt costumière, et parfois les quatre à la fois (1), parfaite incarnation au final du concept d’éminence grise mais préférant de très loin l’expression – moins connotée – de « travailleuse de l’ombre », elle reste paradoxalement, devançant d’une courte tête Brigitte Lahaie, la comédienne que le « cinéaste bis » par excellence a le plus fréquemment utilisée face à la caméra. Les apparitions se suivent et ne se ressemblent pas, qui vont du plan quasi subliminal (Fascination, 1979) aux grands seconds (Les Deux Orphelines vampires, 1995) et troisièmes (La Nuit des Traquées, 1979) rôles, de la silhouette furtive (La Rose de fer, 1972) à la composition de tout premier plan (Lèvres de sang, dont elle est, bien plus que la « tête d’affiche » Annie Brilland, future Annie Belle, la véritable vedette, 1974). Lorsque pour les besoins du scénario, le port de la voilette ou de la cornette dissimule son visage, on peut toujours la reconnaître au seul son de sa voix, à la fois douce et légèrement voilée, évoquant par instants celle de Suzanne Flon. La pureté de ses traits, la grande sérénité qui émanent d’elle la vouent d’emblée aux personnages rassurants, tour à tour gardienne du temple (La Vampire nue, 1969) et religieuse dévouée (Les Deux Orphelines vampires). De temps à autre, en bonne actrice de composition qu’elle est, elle met les mêmes caractéristiques physiques et vocales au service de créatures nettement plus redoutables, interprétées avec la même économie de moyens. Le calme se fait alors trompeur, la voix, chant des Sirènes, le malaise peut s’installer : dès sa première apparition dans Lèvres de sang, on devine les zones d’ombre derrière l’apparente gentillesse qu’elle ne cesse pourtant de manifester tout au long du film. Enfin, jusqu’au moment où, après avoir fait interner (pour son bien) le grand fils adoré qu’elle a élevé toute seule (forcément), elle se met à exhumer les cadavres des cimetières, qu’elle fait ensuite brûler sur de grands bûchers. Sans se départir un instant de son doux sourire. De tels dons pour la composition peuvent sembler inattendus de la part d’une actrice dont l’activité s’est à ce jour quasiment limitée à la série B et qu’en définitive, la profession connaît et reconnaît davantage comme technicienne que comme comédienne. C’est oublier (mais peu le savent) qu’après s’être initialement destinée à la danse, elle a fait ses classes, il y a près d’un demi-siècle, chez Raymond Girard, et que seule la limite d’âge l’a empêchée – de même que son exact contemporain Guy Delorme – de suivre ses petits camarades de cours (Belmondo, Marielle, Rochefort, Michel Beaune, Pierre Vernier, Françoise Fabian et Annie Girardot) sur les bancs du Conservatoire. Faute d’avoir pu suivre la voie royale, elle n’a cessé, depuis, de travailler au coup de cœur, une rencontre en amenant une autre et l’amitié faisant le reste. C’est R.J. Chauffard, ex-créateur de Huis clos (dans le rôle du garçon d’étage) et anar authentique, qui lui a présenté Mocky, Rollin et Lapoujade – l’auteur et metteur en scène de ce Sourire vertical aujourd’hui invisible qui reste, de son propre aveu, son plus beau titre de gloire cinématographique (« J’ai adoré, j’adore toujours tourner avec Jean, je suis ravie de récupérer au débotté le personnage de la Nuit des Horloges initialement prévu pour Bernadette Lafont (2), mais si je ne devais garder qu’un rôle parmi les quelques-uns qu’il m’ait été donné d’interpréter, ce serait celui de Mère Jeanne des Anges du Sourire… et pas un autre »). C’est par Rollin, pourtant, qu’elle fait la connaissance, plus tard, de Michel Patient (« il a fait débuter ma fille à l’écran ») (3) et de Pierre Unia… L’amitié toujours, qu’elle pratique avec autant d’intensité que d’autres font l’amour. Des moments privilégiés sans cesse renouvelés (« après le Lapoujade, il y a eu ce film avec Jean-Louis Jorge, Mélodrame, une parodie seventies de l’âge d’or hollywoodien, Maud Molyneux qui ne voulait que moi pour lui épiler les sourcils, la fête de fin de tournage dans l’atelier de mon compagnon d’alors, Jean-Noël Delamarre, et les « filles » du film, transgenre dans la plupart des cas et ravies d’être traitées en femmes à part entière… pour une fois – je te parle de ce qui était encore la France de Giscard… »). Prise en flagrant délit de passéisme, Natalie Perrey ? Voire… Dès que l’on creuse un peu, le film le plus important est toujours celui en cours (« Nous reprenons le Rollin fin novembre, le plan de travail est réduit de moitié, mais au moins, ça va se faire »), le projet le plus excitant encore à venir (« l’Afrique du Nord en décembre/janvier, une coproduction franco-marocaine sur la mort de Pasolini vécue du point de vue d’un de ses amants maghrébins qui a passé des années à attendre son retour, l’histoire est superbe »).  Si l’on se prend à regretter in fine que Doillon ne l’ait employée que le temps d’un court métrage (On ne se dit pas tout entre époux, 1970), que Mocky ne l’ait jamais utilisée autrement que comme script, que Lapoujade, après lui avoir confié son rôle de cinéma le plus important à ce jour, ait disparu avant d’avoir pu la refaire travailler, si on se plaît volontiers à imaginer le parti qu’auraient pu tirer de sa sensibilité, de son sens aigu de la nuance, de sa voix de fumeuse –plus troublante encore que celle de Jeanne Moreau – et de l’imperceptible poésie émanant de toute sa personne un Biette, un Guy Gilles, un Demy, il y a toujours un moment où l’on réalise qu’il n’est rien de plus vain que les regrets de cinéphiles. De regrets, Natalie Perrey n’en a pas : comme les sages du temps jadis, il a bien longtemps qu’elle a compris que seuls comptent l’instant présent et le futur proche. La fille de militaire de carrière qui transportait, à treize ans, des messages de la Résistance dans les anglaises de sa poupée… et dans les siennes (« c’était formidable, j’en paraissais dix, je pouvais faire passer tout et n’importe quoi au nez à la barbe des Allemands »), l’adolescente de province qui faisait la « quatrième au bridge » lors des visites hebdomadaires du général de Gaulle à ses parents, la passionaria des mythiques (et antigaullistes s’il en fût) États Généraux du Cinéma de 1968, la monteuse fidèle et acharnée qui travaillait de nuit à la mise en forme des premiers essais cinématographiques de F.J. Ossang (« Mon seul vrai bon élève durant l’année où j’ai enseigné le montage à l’IDHEC. Il faut absolument que quelqu’un se décide à ressortir des placards l’Affaire des Divisions Morituri et le Trésor des îles Chiennes, tu sais, c’est tellement rare, la véritable subversion au cinéma… ») ont fait place à une jeune vieille dame de 77 ans, aussi à l’aise dans ses cheveux gris que dans ses rides (« On s’en fout des marques de l’âge, moi, ma crème, ce sont mes familles de cœur et de travail, mes cinq enfants et mes neuf petits-enfants, les virées nocturnes dans Paris, à pied de préférence, les coups de rouge entre copains et les brunes sans filtre »). N’en déplaise aux bien-pensants de tout poil, c’est peut-être derrière ce credo a priori très politiquement incorrect (« aimer, boire, fumer… et, surtout, bosser tant qu’on est en état de pouvoir le faire ») que réside, in fine, le secret de son éternelle jeunesse… ADL

1.        Elle est alors souvent créditée sous le nom de Nathalie Perrey.

2.        Commencé en août/septembre 2004, La Nuit des Horloges se veut le testament cinématographique (rien n’empêchant de fait l’ajout de codicilles tardifs) de Jean Rollin , l’affiche mêlant habilement comédiens fétiches du cinéaste (Natalie Perrey, Jean-Loup Philippe), « revenants » (le cinéaste expérimental Maurice Lemaître, absent des écrans depuis La Vampire nue en 1969) et nouvelles venues (Ovidie, marilynmansonienne)… ou presque (Sabine Lenoël, beauté diaphane déjà repérée dans La Fiancée de Dracula et actrice impérativement à suivre).

3.        Natalie Perrey est la mère de la comédienne de théâtre (et de caractère) Cyrille Gaudin, révélée à la toute fin des années 80 lors de reprises sur les planches de deux pièces de Jean Cocteau respectivement mises en scène par Jean Marais (Bacchus, Théâtre des Bouffes-Parisiens) et Nicolas Briançon (Les Chevaliers de la Table Ronde, en tournée). Ayant depuis poursuivi ses activités scéniques sous la direction de Claude Régy (Le Criminel, Chutes) et Jean-Paul Lucet (Le Pain dur, Le Roi Pêcheur), elle s’est est en outre illustrée dans une poignée de longs métrages (Jeans Tonic, Michel Patient, 1983 ; La Fracture du myocarde, Jacques Fansten, 1990), avant d’interpréter, sous le nom de Cyrille Isté, le rôle-titre de La Fiancée de Dracula (Jean Rollin, 1999).

Photo © Jean-François Caudière

FILMOGRAPHIE (COMÉDIENNE SEULEMENT) : 1969 : La Débauche ou les Amours buissonnières (Jean-François Davy). La Vampire nue (Jean Rollin). 1970 : On ne se dit pas tout entre époux (Jacques Doillon, CM). 1971 : Le Seuil du vide (Jean-François Davy). Le Sourire vertical (Robert Lapoujade). 1972 : La Rose de fer (Jean Rollin). 1974 : Lèvres de sang (Jean Rollin). 1976 : Le Fou de mai (Philippe Defrance). 1979 : Fascination (Jean Rollin). La Nuit des Traquées (Jean Rollin). Le Piège à cons (Jean-Pierre Mocky). 1980 : Les Échappées/Fugues mineures/Les Paumées du petit matin (Jean Rollin). 1981 : Agathe et Martha (Reine Pirau/Pierre Unia). 1983 : Baby Cat (Pierre Unia). Jeans Tonic (Michel Patient). 1989 : Perdues dans New York/Lost in New York (Jean Rollin). 1995 : Les Deux Orphelines vampires (Jean Rollin). 1999 : La Fiancée de Dracula (Jean Rollin). 2003  : Retrouvailles (Reza Serkanian, CM). 2004 : Quelque Chose de mal (Namir Abdel Messeeh, CM). 2006 : La Nuit des Horloges (Jean Rollin).

DIVERS :  1970: Le Frisson du vampire (Jean Rollin, assistante de production). 1971: Requiem pour un vampire/Vierges et Vampires (Jean Rollin, scripte). Le Seuil du vide (Jean-François Davy, script et costumes). 1973: Q (Le Gros Lot) (Jean-François Davy, supervision du script). 1974 : Bacchanales sexuelles/Tout le monde il en a deux (Michael Gentle/Jean Rollin, scénariste). 1975: Candice Candy (Renaud Pieri/pierre Unia, script). 1976: Jouissances (Frédérid Lansac/Claude Mulot, supervision du script). Le Roi des bricoleurs (Jean-Pierre Mocky, assistante réal., script, montage). 1979: Le Piège à cons (Jean-Pierre Mocky, script). 1980: Les Echappées/Fugues mineures/Les Paumées du petit matin (Jean Rollin, script). 1981 : Agathe et Martha (Reine Pirau/ Pierre Unia, supervision du script). 1983: Baby Cat (Pierre Unia, script). 1985 : L’Affaire des Divisions Morituri (François- Jacques Ossang, supervision du montage). 1989 : Le Trésor des îles Chiennes (François-Jacques Ossang, montage). 1991: Hammam (Florence Miailhe, montage). La Plage des enfants perdus (Jillali Ferhati, montage). 1992: Coyote (Richard Ciupka, montage). Jonathan (François-Xavier Lecauchois, montage). 1995: Schéhérazade (Florence Miailhe, CM d’animation, montage). 1998: Adieu forain/Bye-bye Souirty (Daoud Aoulad-Syad, montage). 1999: Banco (Patrick Bossard, CM). La Fiancée de Dracula (Jean Rollin, script et costumes). 2000: Au premier dimanche d’août (Florence Miailhe, CM d’animation, montage). Ma sexualité de A à X (Brigitte Lahaie, supervision du script). 2001: Le Miroir du fou (Narjiss Najjar, montage et supervision du script). Le Septième Ciel (Narjiss Najjar, CM, montage et supervision du script). 2003: Julie Meyer (Anne Huet, CM, supervision du script). 2006: La Nuit des Horloges (Jean Rollin, script, costumes + supervision du tournage).

Marie-France par Armel de Lorme

Second portrait après Nicole Régnaut, d’Armel de Lorme, Marie-France, une artiste hors norme, qu’il serait vain de réduire au rang de phénomène à l’instar d’un Marc-Olivier Fogiel la recevant dans son talk-show. Une version précédente figure dans l’indispensable « @ide-mémoire ».

Photo copyright Pierre & Gilles

MARIE FRANCE (de Paris)

Par Armel de Lorme

Le mot « égérie » semble avoir été inventé pour elle, qui a su inspirer pêle-mêle, en quelques 35 ans de carrière, Marguerite Duras – « impossible de ne pas être troublé(e) par elle, les hommes comme les femmes » – et André Téchiné, Fernando Arrabal et A(do)lfo Arrieta, Jacques Robiolles et Jean-Marie Rivière, Alain Pacadis et Marc’O, Charles Matton et Frédéric Botton, Jacques Duvall et Jay Alanski, Pierre & Gilles et les membres du groupe rock Bijou… (liste non exhaustive !). Mi-pétroleuse, mi-femme-enfant, tour à tour meneuse de revue, chanteuse, performeuse, et même modèle à ses moments perdus, Marie France (Garcia) n’en est pas moins une comédienne assez unique en son genre, capable de glisser sans transition – juchée sur ses escarpins Christian Louboutin – de l’univers intello-chic d’une Sophie Perez (Détail sur la marche arrière, Théâtre National de Chaillot, janvier 2001) aux comédies hip-hop d’une Blanca Li passée de l’autre côté de la caméra (Le Défi, 2000). Rappel : Marie France a vu le jour à Oran, sous le signe du Verseau, en l’an de grâce 1946 (plus exactement le 9 février). Quelques années après avoir quitté, comme beaucoup d’autres, son Algérie natale, elle découvre le Paris interlope des Sixties naissantes, et là où ses contemporaines transitent par les bancs du Cours Simon ou du Conservatoire, fait ses classes à l’École des Femmes, véritable vivier transgenre dont sortiront notamment Cobra (futur modèle et amour impossible du romancier Severo Sarduy), la sculpturale Gaëtane Gaël et la future reine de la nuit (et chroniqueuse télé ) Galia Salimo. Présente sur scène, entre deux passages à l’Alcazar de Jean-Marie Rivière, dans des créations underground (Maggy Moon, Jean-Louis Jorge, l’Olympic, 1972 ; La Barre, Geneviève Hervé, le Nashville, 1975) ou résolument durassiennes (Le Navire Night, Théâtre Édouard-VII, 1979) tout au long des années 70, c’est grâce au subversif Arrieta qu’elle effectue, après une ou deux semi-figurations (Les Chemins de Katmandou, André Cayatte, 1969), ses véritables débuts à l’écran. Protagoniste des cultissimes Intrigues de Sylvia Couski (1972-1974) aux côtés d’Howard Vernon, de Michèle Moretti et de quelques non-professionnels (parmi lesquels ses amis, Gaëtane Gaël, Hélène Hazera et Michel Cressole), celle qu’on surnomme à l’époque « l’Impératrice des Gazolines » se voit très vite confier d’autres rôles plus ou moins importants par des cinéastes « à la marge », tels qu’Arrabal (J’irai comme un cheval fou, 1973), Jacques Robiolles (Le Jardin des Hespérides, 1974), Joaquin Noessi-Lledo (Le Sujet ou le Secrétaire aux mille et un tiroirs, id.) et surtout le peintre Charles Matton, qui lui fait reprendre à l’écran, dans Spermula (1975), le rôle de clone de Marilyn Monroe qu’elle promène, de théâtres en cabarets, depuis le début des Seventies. Vers la même époque, dans un registre moins révolutionnaire (donc moins confidentiel), André Téchiné fait appel à elle pour interpréter, à l’écran, la chanson par lui écrite du film Barocco (1976), qu’elle reprend quasi systématiquement, depuis, à la fin de ses récitals. Scène culte et queer, s’il en est, dans la filmographie du cinéaste, que celle montrant Marie France, dietrichienne en diable, susurrer On se voit se voir… devant une Hélène Surgère séduite et attendrie, un Gérard Depardieu conquis sans effort apparent et une Isabelle Adjani déversant à gros bouillon larmes et rimmel dans sa flûte à champagne (parce que, oui, l’eau, bon, ça va cinq minutes). D’autres prennent la relève dès le milieu de la décennie suivante : Gérard Mordillat, d’abord, sous la direction duquel elle roule de formidables patins à un Francis Perrin tout émoustillé, ce qui se comprend (Billy-Ze-Kick, 1985), Josiane Balasko, ensuite, rencontrée par l’intermédiaire de Coluche, qui fait d’elle la plus savoureuse des pensionnaires du bistrot à putes tenu par Dora Doll dans Les Keufs (1987). Toi, ma chérie, tu t’es pris une porte assenne-t’elle, mutine et enjôleuse, après avoir examiné sous toutes les coutures le cocard de circonstance arboré par sa partenaire (et réalisatrice) au bar de Madame Lou : grand moment de glamour à la sauce bitchy ! La même année, Téchiné lui redemande de chanter, cette fois entourée d’une demi-douzaine de boys, dans une séquence mi-glamour, mi-torride, des Innocents (1987) visiblement conçue spécialement pour elle. Plus discrète – cinématographiquement parlant – à partir des années 90, qu’elle consacre essentiellement aux planches, aux récitals chantés et à l’enregistrement d’albums (l’un avec le chanteur britannique Marc Almond, l’autre avec le guitariste Yan Péchin), elle n’en reprend pas moins le chemin des studios à l’aube du nouveau millénaire, tour à tour tapineuse adorablement vulgaire chez Gabriel Aghion (Belle Maman, 1998) et grande bourgeoise – une première (!) – courant les boutiques de prêt-à-porter de luxe chez Blanca Li (Le Défi, 2000). Le temps a beau passer, Marie France, qui a, entre temps repris son véritable patronyme en hommage à une autre Oranaise célèbre, Nicole Garcia, et publié une autobiographie aussi pertinente que réjouissante (Elle était une fois, X-Trême/Denoël, 2003), n’a rien perdu de sa blondeur, de sa verve, de son sex-appeal et, surtout, de la sensibilité extrême qui la caractérise depuis ses débuts. Tous les espoirs restent donc permis à celle qui, confiant à la fin des années 90 rêver de travailler sous la direction de Chéreau, Almódovar et Bob Wilson, vient d’être mise en scène par Philippe Decouflé (Paris secret, Printemps de Bourges, 2005) et de publier un premier best of agrémenté de chansons inédites portant la griffe de Frédéric Botton – autant dire du cousu main. En attendant le prochain film, la prochaine  pièce ou le prochain happening (voire les trois… ), Marie France s’apprête à investir, du 15 au 17 juin, la scène du Théâtre de l’Archipel (larchipel.net) pour une série de concerts mêlant chic, classe et rock and roll – prolongement logique d’un Trianon à guichets fermés en février dernier. Bel été en perspective ! Armel de Lorme

1969 : Les Chemins de Katmandou (André Cayatte). 1972 : Les Intrigues de Sylvia Couski (Adolfo Arrieta). 1973 : J’irai comme un cheval fou (Fernando Arrabal). 1974 : Le Jardin des Hespérides (Jacques Robiolles). Le Sujet ou le Secrétaire aux mille et un tiroirs (Joaquin Noessi/Joaquin Lledo). 1975 : Spermula (Charles Matton). 1976 : Barocco (André Téchiné ). 1985 : Billy-Ze-Kick (Gérard Mordillat). 1987 : Cinématon #949 (Gérard Courant, CM). Les Innocents (André Téchiné ). Les Keufs (Josiane Balasko). 1991 : La Gamine (Hervé Palud). 1993 : Une expérience d’hypnose télévisuelle (Gaspar Noé, CM). 1998 : Belle Maman (Gabriel Aghion). 2000 : Le Défi (Blanca Li).

Marie France (ou toute autre comédienne homonyme) serait en outre apparue dans le long métrage d’Éric Barbier, Toreros (1998), cette information n’ayant pu être vérifiée sur copie à l’heure où cet article est mis en ligne.

Addenda du 01/09/2006 :

Notre ami et collaborateur zélé Armel de Lorme est heureux de nous annoncer le lancement du site www.aide-memoire.org et de son « frère jumeau musical », au titre encore classé confidentiel, pour début octobre. Au sommaire des premiers numéros sont d’ores et prévues, comme autant de mises en bouche, la mise en ligne de galeries photos, les échos de tournages en cours et quelques exclus relatives à l’@ide-Mémoire : Encyclopédie des Comédiens Volume 2, toujours en phase rédactionnelle et dont la sortie est reportée au début 2007. Armel en profite pour rappeler que la sublime Marie France donne rendez-vous à son public du Trianon et de l’Archipel sur la scène du théâtre Le Méry, le 15 septembre à 20 heures. Tous les compléments d’infos requis sont accessibles via les liens suivants :

www.lalalala.org (la formidable et classieuse revue virtuelle pop, music-hall et chanson française de Didier Dahon et Jérôme Reybaud), lire l’article suivant : Marie-France au théâtre Le Méry.

Nicole Régnault par Armel de Lorme

Création d’une nouvelle rubrique, l’@ide-mémoire, avec un hôte de marque Armel de Lorme, dont la passion communicative n’égale que son érudition. C’est avec grand plaisir que l’on retrouve ci-joint le texte réactualisé de son portrait de Nicole Régnault paru dans son livre homonyme à son site, un parcours étonnant, il y a donc au moins un point commun entre le « Mon oncle » de Jacques Tati et « Brice de Nice » !

NICOLE REGNAULT : ENTRE CHARME ET ACIDITE

Par Armel de Lorme


S’efforcer de coller au plus près à l’actu télé, entre câble, satellite et chaînes hertziennes, offre parfois le prétexte idéal à un retour sur le parcours de comédiens sous-représentés dans la plupart des dictionnaires usuels. Comment voir ou revoir un Guy Lefranc (même mauvais) sans avoir envie de tirer illico le portrait à Florence Blot ou Dominique Marcas, un Lautner (même daté ) sans se repencher sur la filmo de Jean Luisi, un Mocky, toutes époques confondues, sans vouloir pondre aussitôt quelques lignes sur Henri Attal, Antoine Mayor ou Jean-Claude Rémoleux ? Ainsi en est-il des diffusions multiples de l’inutile Brice de Nice sur Canal. Que retenir d’un tel mastodonte ? La finesse du scénario, le soin extrême apporté à la réalisation, la qualité non moins exceptionnelle du montage, la pertinence souveraine des dialogues ou l’incommensurable sentiment de légèreté procuré par la somme d’autant de talents conjugués ? Ben… euh… si, quand même… au moins quelques acteurs : Clovis Cornillac, fidèle à lui-même (donc bien), Alexandra Lamy, trop peu présente au final mais n’en faisant pas moins un sort à chacune de ses (maigres) répliques, et puis, bizarrement omise au générique (il y a des chargés de postproduction qu’on a fusillés pour moins que ça), la délicieuse Nicole Régnault, 80 printemps au moment du tournage et déjà une sacrée brochette de films au compteur. La rencontre improbable-mais-jubilatoire de Nicole Régnault et de Brice de Nice, c’est l’histoire d’une comédienne ayant jadis tourné sous la direction de Bresson, Ophuls, Carné, Tati et Minnelli, mais que les hasards de l’existence ont prématurément conduite à quitter la région parisienne pour la Côte-d’Azur. Un jour, elle répondit à l’annonce d’une société de production à la recherche de figurants. Un rôle restait à pourvoir, celui de la vieille domestique attachée au service d’un escroc richissime et de son grand benêt de fils. La comédienne plut aux casting directors, passa des essais, enleva le morceau et, à la veille du premier tour de manivelle, se vit parer des fonctions de gouvernante auprès de Jean Dujardin et de François Chattot. D’un rôle assez long au départ restent trois scènes, montrant une Nicole tour à tour revêche, attendrissante et malicieuse, ainsi qu’une quatrième séquence particulièrement émouvante, présente sur les seuls boni DVD. James Huth – qui eût été encore plus inspiré encore en supervisant aussi le générique de fin, mais bon… – en a du reste profité pour rendre un hommage discret mais sincère à son interprète… ce qui constitue peut-être au final la seule véritable bonne idée de tout Brice de Nice. Rappel des faits :


Née dans le 20ème arrondissement de Paris le 19 mai 1924, c’est à l’âge de huit ans que la petite Nicole Emma Sasserath effectue ses premiers pas sur les planches en interprétant… une sorcière lors d’un spectacle scolaire : pour décrocher le rôle (elle n’en convoitait pas d’autre), elle va jusqu’à supplier son institutrice. Sa famille comprenant rapidement qu’il serait inutile de chercher à contrôler sa vocation, elle s’inscrit à la fin de l’Occupation aux cours alors très prisés de la célèbre (en ce temps) Andrée Bauer-Thérond et de Maurice Escande, y côtoie quelques débutants en devenir, dont Michel Piccoli, adopte rapidement le pseudonyme de Régnault (parce que Sasserath, ça sonne « Ça se rate »… pas terrible pour une comédienne » et aussi en hommage à la grande tragédienne Julia Bartet, dont Régnault était le véritable patronyme), effectuant dans la foulée ses premiers pas à l’écran via une apparition furtive dans l’une des séquences finales des Dames du bois de Boulogne (Robert Bresson, 1944). Oscillant dès lors entre silhouettes et petits rôles de composition, par ailleurs comédienne mascotte du cinéaste Jean Loubignac, sous la direction duquel elle tourne six films entre 1950 et 1955 (dont quatre, tous de la série des Piédalu, aux côtés du comique vite démodé Ded Rysel), elle est notamment la cliente « coiffée à la cracra » par Fernandel dans Coiffeur pour dames (Jean Boyer, 1952), la mère de famille nombreuse plaquée par son mari dans Crainquebille (Ralph Habib, 1953), la sèche geôlière des Compagnes de la Nuit (Ralph Habib, id.), la Parisienne-au-long-nez provoquant les commentaires ironiques de Maurice Chevalier – retour au bois de Boulogne de ses débuts cinématographiques – dans la séquence d’ouverture de Gigi (Vincente Minnelli, 1957) et, surtout, l’automobiliste binoclarde et revêche croisée au début de Mon Oncle (Jacques Tati, 1956). Des raisons familiales l’obligeant à prendre un emploi plus stable, elle quitte la profession, à la fin des années 50, s’installe dans la région cannoise, et, la proximité de la Victorine aidant, effectue un premier come-back cinématographique en 1979, via l’ineffable Drôles de gendarmes, comédie mi-merguez, mi-aïoli, réjouissante et bâclée, portant l’estampille de Bernard Launois et dont le générique, tous en stars deuxièmes, rassemble quelques glorieux transfuges des Jeux de Vingt Heures, d’Alors, raconte ! et du Petit Rapporteur. Qu’on en juge : le brigadier, c’est Sim, les trois dégourdis de la Maréchaussée, Daniel Prévost, Jacques Balutin et Robert Castel, le curé, Henri Génès, l’épicière, Jeannette Batti (logique !), la postière, Florence Blot… tandis que Nicole Régnault y silhouette une fureteuse Tatie Danielle d’avant la lettre, collectionnant avec malice les cochonnets de pétanquistes comme d’autres les bouchons de champagne, les timbres-poste ou les amants. Puis, c’est silence radio durant plus de vingt ans : la Victorine met de moins en moins de films en chantier, et oublie peu à peu Nicole. Début 2001, elle se voit cependant proposer la tête d’affiche d’un court métrage de fin d’études, Chambres d’hôte, qui, en dépit d’une diffusion confidentielle, lui offre ce qui  probablement à ce jour le rôle de sa vie. Dans cette variation sur le thème bien connu de L’Auberge rouge, elle campe avec brio une hôtelière sanglante dégommant un à un ses pensionnaires, ce évidemment dans l’impunité la plus totale (ce serait sinon beaucoup moins drôle). Trois ans plus tard, à peine sortie du tournage de Brice de Nice, les Films de Mon Oncle lui proposent, en même temps qu’à Nicolas Bataille et Betty Schneider-Raffaelli (seuls survivants avec Nicole – si l’on excepte Pierre Étaix – de l’équipe artistique de Mon Oncle) d’évoquer face à la caméra de Thomas Rio ses souvenirs liés au chef-d’œuvre tatiesque. Des trois comédiens ainsi interviewés, elle est peut-être la plus touchante, dont le réalisateur parvient à saisir l’émotion alors même qu’elle se découvre à l’écran, pour la première fois, dans la version anglaise de Mon Oncle, alors invisible et qu’elle ne connaissait pas. Quelques mois plus tard, Pierre Étaix lui rend à son tour hommage lors d’une interview partiellement publiée dans le premier volume de l’@ide-Mémoire, encyclopédie des comédiens (reprise in www.aide-memoire.org): Elle a parfaitement compris dès le départ ce que Tati attendait d’elle, et lui a donné avec intelligence et précision exactement ce qu’il voulait. Par conséquent, il y a eu très peu de prises du plan dans lequel elle figurait, ce qui s’est avéré assez exceptionnel tout au long cours du tournage de Mon Oncle. J’ai également été frappé par la poésie qui émanait de sa personne, et par l’humour avec lequel elle a abordé son rôle, humour qui lui a permis de transcender sans difficulté ni effort apparents un personnage à la fois ingrat et caricatural sur le papier. C’est probablement l’une des comédiennes les plus étonnamment justes qu’il m’ait jamais été donné de rencontrer. Ces qualités mises en avant par l’unique représentant (avec feu Darry Cowl) du burlesque à la française se retrouvent intactes dans le dernier rôle en date que Nicole Régnault ait interprété à ce jour, religieuse cocasse et malicieuse d’un spot publicitaire pour la marque Citroën tourné au printemps 2005 et multidiffusé sur les chaînes hertziennes en septembre de la même année : cornette nonnale au vent, regard perçant et lèvres pincées, sa vis comica y fonctionne, une fois de plus, à merveille. Depuis, toujours aussi classe et rigolote à un peu plus de 82 ans, Nicole Régnault appelle de tous ses vœux le prochain rôle qui, de toute évidence, .ne saurait tarder. Cet article pour rappeler que la région PACA a trouvé sa Renée Le Calm depuis belle lurette, qu’elle se prénomme Nicole, qu’elle n’est absolument pas rivée, loin s’en faut, aux studios de la Victorine et que quelques journées de tournage à Paris ou ailleurs ne seraient pas forcément pour lui déplaire. À bon entendeur…

Armel de Lorme

FILMOGRAPHIE :
 

  

1944 : Les Dames du bois de Boulogne (Robert Bresson). 1945 : Le Père Serge (Lucien Gasnier-Raymond). 1948 : Bonheur en location (Jean Wall). 1949 : L’Homme aux mains d’argile (Léon Mathot). Le Gang des Tractions Arrière (Jean Loubignac). 1950 : Piédalu voyage (Jean Loubignac, CM). Le Roi des camelots (André Berthomieu). La Ronde (Max Ophuls). La Vie chantée – sk. Les Départs (Noël-Noël). 1951 : Le Crime du Bouif (André Cerf). La Maison dans la dune (Georges Lampin). Les Neiges du Kilimandjaro/The Snows of Kilimanjaro (Henry King). Piédalu à Paris (Jean Loubignac). Le Plaisir (Max Ophuls). Les Sept Péchés capitaux (Georges Lacombe). 1952 : L’amour n’est pas un péché (Claude Cariven). Coiffeur pour dames (Jean Boyer). Les Détectives du dimanche (Claude Orval). Elle & Moi (Guy Lefranc). L’Île aux Femmes nues (Henry Lepage). Nous sommes tous des assassins (André Cayatte). Piédalu fait des miracles (Jean Loubignac). Week-end à Paris/ Innocents in Paris (Gordon Parry). 1953 : Les Compagnes de la Nuit (Ralph Habib). Crainquebille (Ralph Habib). Piédalu député (Jean Loubignac). La rafle est pour ce soir (Maurice Dekobra). 1954 : L’Air de paris (Marcel Carné ). Fantaisie d’un jour (Pierre Cardinal). 1955 : Coup dur chez les mous (Jean Loubignac). Les Hommes en blanc (Ralph Habib). 1956 : Mon Oncle (Jacques Tati). My Uncle (Jacques Tati). 1957 : Gigi/idem (Vincente Minnelli). Mission diabolique/Der Fuchs von Paris (Paul May). Vive les vacances ! (Jean-Marc Thibault et Jean Laviron). 1958 : Les Motards (Jean Laviron). 1979 : Drôles de gendarmes/Sacrés Gendarmes (Bernard Launois). 2001 : Chambres d’hôte (Marc Garetto, CM). Trio (CM). 2004 : Brice de Nice (James Huth).

OMBRES ET LUMIÈRES

    

« … On aime les seconds rôles parce qu’ils nous ressemblent. Plus que les héros eux-mêmes, auxquels on aimerait ressembler, et qui dont donc plutôt des projections idéales. Par essence, le second rôle figure l’homme de la rue, le stylise, le personnalise, lui donne relief et singularité, mais ne le sublime pas. L’identification du spectateur opère donc de manière plus directe et plus immédiate – à la rigueur si le trait est trop rude ou trop peu flatteur, décidera-t-on d’y reconnaître son voisin de palier… » (Jacques Valot et Gilles Grandmaire « Stars deuxième », Édilig, 1989). Si on retrouve dans l’édition anglo-saxonne, plusieurs livres consacrés aux « heavies », « seconds couteaux », ou comédiens de seconds plan, on ne pouvait jusqu’à présent retrouver concernant les français quatre livres exemplaires, mais malheureusement épuisés – « Les excentriques du cinéma français » d’Olivier Barrot et Raymond Chirat, portraits de 250 comédiens, et livre de chevet pour moi, déclencheur d’un grand amour pour ce type de  comédiens, heureusement réédité dans « Noir & Blanc » (Flammarion, 2000), « Les grands seconds rôles du cinéma français » par Jacques Mazeau et Didier Thouart (Pac, 1984), « Stars deuxième » cité en exergue, « Le dictionnaire des comédiens français disparus » d’Yvan Foucart (Éditions Grand Angle, 2000), mine d’informations, largement reprises partout et dont on peut lire quelques portraits inédites dans www.lesgensducinema.com, en attendant une prochaine réédition. Par un hasard salutaire, deux livres sur ce sujet viennent de sortir en ce début d’année, comblant un manque évident, et proprement enthousiasmants.  

Christophe Bier avait fait une brillante chronique, il y a quinze jours, dans « Mauvais genre » sur France Culture, concernant L’aide-mémoire, encyclopédie des comédiens français et francophones de cinéma, théâtre et télévision, sous la direction d’Armel de Lorme, avec des textes de Christophe Bier, Raymond Chirat, Armel de Lorme, Tgabory Fernatos, Italo Manzi, Alain Petit et Jean Pieuchot. Ce brillant volume 1, nous permet enfin de retrouver et de découvrir, outre les vedettes d’hier et d’aujourd’hui – Jean Marais, Danielle Darrieux, Sacha Guitry, Marcel Herrand, Anouk Aimée, Jean-Paul Rouve, etc… -nombre de comédiens à la carrière régulière ou chaotiques, cantonnés dans des rôles d’officiers allemands, emplois ancillaires, gouailleurs, silhouettes, etc…. Ce livre est une mine d’informations, d’érudition, de sérieux, réalisés par des chercheurs passionnés et non par des compilateurs myopes qui se dépêchent à recopier des erreurs, suite à une lecture hâtive du site IMDB. L’auteur Armel de Lorme – il a signé un remarquable bonus hélas tronqué dans le DVD de « Mon oncle » -en signalant d’ailleurs quelques petits malins, vendant au prix fort des filmos parus dans des bonus DVD, simples copiés-collés ne faisant même pas la distinction avec la télé – je vois d’où ça vient, je retrouvé d’ailleurs quelques téléfilms des années 70 que j’avais mis sur IMDB, ce qui m’amusait beaucoup d’ailleurs -. J’ai découvert ainsi avoir colporté des erreurs récurrentes, en confondant Jacqueline Chambord avec Judith Magre, – elle se nommait Simone Chambord, à ses débuts -. Les auteurs tordent le cou aux erreurs habituelles, sachant bien que comme disait Bertrand Tavernier, rien n’est plus « menteur qu’un générique » ! Les rôles coupés au montage final sont signalés ici. On apprend que certains comédiens identifiés par Raymond Chirat à la sortie des films, ont proprement disparus dans les copies que nous pouvons voir, à l’exemple de Rudy Lenoir absent des « Portes de la nuit » dont « il manque une vingtaine de minutes par rapport à la durée d’origine » !

On se régale à retrouver les acteurs fétiches de Jean-Pierre Mocky – Jean-Claude Rémoleux, Jean Abeillé, Gaby Agoston, Rudy Lenoir, Antoine Mayor le « Rondo Hatton » français  -, les personnages hantant les films de Jacques Tati, et choisis avec minutie- Nicole Régnault, faisant un come-back tardif dans « Brice de Nice » ! -, Rémoleux à nouveau, Louis Jojot, Jean-Pierre Zola, Nicolas Bataille, Betty Schneider, Yvonne Claudie, Lucien Frégis, Edouard Francomme -, de destins tragiques – Pascale Ogier, Jean-Marc Tennberg -, des cascadeurs-comédiens – André Cagnard, Guy Delorme, Michel Berreur -, stars de cinéma bis – Véronique Vendell, Sabine Sun -, de comédiens truculents jouant les utilités dans les comédies françaises, souvent avec Louis de Funès – France Rumilly, Micheline Bourday, Max Montavon -, retrouver les excentriques du cinéma français chers à Chirat – Marcel Pérès, Jean Ozenne, Gabrielle Fontan, Jean Témerson, Aimos, Marguerite Pierry, Édouard Delmont, Alfred Adam -, et le retour des excentriques du cinéma français, pour la génération suivante – Georges Adet, Jacques Rispal, Jean Ozenne, Charlotte Barbier-Krauss, la sympathique Madeleine Barbulée, Florence Blot, nombre de comédiens attachants –Gabriel Jabbour, Darling Légitimus, la grand-mère de Pascal, Marc Mazza, Michel Peyrelon dont je déplorais, ici même,  le silence à sa mort, etc…- , les actrices fétiches de Paul Vecchiali – l’incroyable Paulette Bouvet, mère de Jean-Christophe, Germaine de France, Denise Farchy -, des sympathiques « Madeleine » : Bouchez, Cheminat, Clervanne, Damien, Marie, femmes menues, que l’on confond parfois -, de femmes confinées dans des emplois acariâtres ou autoritaires – Helena Manson, Marianne Borgo, Jeanne Herviale -, des comédiens souvent sous-utilisés – Jacques Herlin, Edith Scob, Catherine Lachens -, de destins « avant-garde et grands voyageurs » – Kiki de Montparnasse, Gina Manès, Florence Marly, Conchita Montenegro, Reggie Nalder, Enrique de Rivero, et Howard Vernon, avec cerise sur le gâteau une interview « long-drink » très mordante de ce dernier -, et de beaux hommage aux disparus récents, certains évoqués ici-même – Suzanne Flon, Maurice Baquet, Henri Génès, Paul Le Person, Pierre Trabaud, etc… -.

Ces visages vous les connaissez tous, sans pouvoir toujours les identifier. Cet une magnifique hommage pour ces comédiens, éternels non crédités, où figurant au générique de fin, que l’on ne peut désormais même plus lire dans un passage télé tant il est minuscule, tronqué ou passant à la vitesse « grand V ». Même si le cinéma d’hier et d’aujourd’hui ne vous intéresse que modérément, c’est aussi l’occasion de retrouver des destins tragiques, romanesques, singuliers, une masse d’informations inédites, vous saurez par exemple à quel occasion Jean Abeillé a été le dernier partenaire de Brigitte Bardot. Difficile de citer tous le monde, tellement ce livre est foisonnant, vous pouvez retrouver la table des matières via le forum de Dvdclassik. Personnellement je rêvais pouvoir avoir un livre tel que celui-ci dans ma bibliothèque, sans trop y croire d’ailleurs, c’est fait désormais. Il sera un compagnon idéal, à portée de main c’est obligatoire, lors de vos visionnages de films câblés, du patrimoine sur France 3 ou des DVD, quel meilleur hommage à « Mon oncle » peut-on trouver à ce livre. Les filmos sont en plus d’une exhaustivité inédite, difficile de les prendre en défauts, j’ai cherché une erreur pour ne trouver qu’une coquille confondant Bernard Lavalette avec Bernard Lajarrige, et encore pour une scène coupée au montage dans « Violette Nozière » de Chabrol, c’est dire si je suis vicelard, mais il n’y a rien à faire, c’est du sérieux. Entre cohérence éditoriale, une passion pour sauvegarder la mémoire du cinéma français, ce livre est sans forfanterie aucune, un absolu régal. Il n’y a peu d’échos hélas des médias, car c’est un livre auto-édité, mais vous pouvez avoir des renseignements pour l’obtenir via l’adresse aide-memoire@club-internet.net. Pour un livre qui fait du bien, surtout quand on voit la liste des disparus de l’année défiler de manière subliminale dans la cérémonie des Césars, et encore avec des coquilles, François pour Françoise Vatel, c’est pathétique. Heureusement il reste quelques amoureux enflammés.

  

Sorti du même moule, mais sans filmographies, c’est un peu dommage, pour rappel, il convient également d’acquérir « Caractères, moindres lumières à Hollywood » (Éditions Grasset, 2006), de Philippe Garnier, que les lecteurs de « Libération » connaissent bien. Ce sont des hommages flamboyants aux « characters actors », de la confrérie de la redingote – Eric Blore , Francklin Pangborn -, Edward Everett Horton, figurant en couverture, des visages singuliers du formidable « En quatrième vitesse », film culte de Robert Aldrich, « de Nick Dennis « Va Va Voum » à « Albert Dekker », d’individualités fracassantes de Simone Simon – évoquée aussi dans « l’@ide-mémoire -, mais aussi Frank Morgan, Arthur Kennedy, Thema Ritter, une sorte de Pauline Carton américaine, Eugene Pallette, une joyeuse rondeur, Edmond O’Brien, Jack Elam, présenté comme « L’homme qui a dit merde à Hollywood », Walter Brennan, etc…,  à l’ultime caractère Timothy Carey déjà évoqué dans le site « Retour à Yuma », formidable gueule passant de l’œuvre de Stanley Kubrick à John Cassavetes. A noter pour les éditeurs que l’ami Jean-Louis Sauger, a déjà un dictionnaire sur le même mode, qui ne demande qu’à être publié. Philippe Garnier, dresse ici un superbe hommage aux acteurs de « composition » de l’âge d’or du cinéma hollywoodien, souvent cantonnés dans des rôles stéréotypes, contraints à suivre l’exigence des studios, mais donnant aussi un suppléments d’âme à des figures imposées.   Deux hommages magnifiques aux sans-grade ! Il y a d’ailleurs deux cahiers photos centraux, permettant d’identifier, J’en ai découvert beaucoup ainsi. 

 

  

Je profite de cette chronique, pour présenter le premier roman d’un autre grand amoureux des seconds rôles, leur vouant un culte, c’est Jean-Marcel Erre pour son livre « Prenez soin du chien ». Avec un sens aigu de l’observation, on retrouve tout un voisinage assez déjanté autour d’un écrivain pour la radio Max Corneloup. C’est à la fois un solide polar, un livre inventif et haletant, habité par des personnages hauts en couleurs, et par un humour ravageur. On peut d’ailleurs s’amuser à distribuer les rôles avec nos amis seconds rôles. Hautement recommandable, aux éditions Buchet-Chastel.