Skip to main content

MORT D’EDDIE ALBERT

Eddie Albert

Annonce aussi le 29 mai de la mort également du sympathique Eddie Albert, dont on se souvient de son personnage de paysan ex-citadin dans la série TV, « Les arpents verts » avec l’improbable Eva Gabor. Il était l’acteur fétiche de Robert Aldrich.

Article de Libération : Mort d’Eddie Albert, homme à tout faire d’Hollywood
Tour à tour militaire, fermier, gangster, directeur de prison…, il disparaît à 97 ans.

Par Philippe GARNIER
lundi 30 mai 2005
Los Angeles de notre correspondant

Eddie Albert, figurant d’une centaine de films et émissions de télé, est mort vendredi à 97 ans, chez lui en Californie. Surtout connu comme fermier néophyte du feuilleton Green Acres (les Arpents verts) et pour General Hospital, Albert était né, à Minneapolis, Edward Albert Heimberger ­ nom de ses débuts théâtraux avant de se lasser d’être appelé «Eddie Hamburger». Il fut aussi le premier acteur de télé tout court, pour RCA-NBC en juin 1936. Le système se bornait alors à quelques abonnés à New York. Les caméras «iconoscope» demandaient un maquillage infernal. Juste avant-guerre, Albert, acrobate de cirque, espionna au Mexique les activités nazies. Recruté dans les marines, il a participé à la plus sanglante bataille du Pacifique, Tarawa, en novembre 1943, et a été fait Bronze Star pour avoir sauvé des dizaines de marines sur 26 missions.

Albert jouera d’ailleurs force militaires, mais moins glorieux, tel le capitaine avide de gloire qu’affrontent Jack Palance et Lee Marvin dans Attack !. Eddie Albert était si crédible en ordure qu’Aldrich le reprendra notamment dans son film de prison Plein la gueule, en 1974. Il y joue Warden Hazen, directeur prêt à tout pour un match de foot dans sa cour de prison. Cheveux gris et sourire mielleux, Eddie Albert pouvait tout jouer, des gradés aux missionnaires, comme dans le dernier Ford, Sept femmes, en 1966. Huston l’a emmené, avec Erroll Flynn et Juliette Greco, en Afrique pour le désastreux les Racines du ciel. Don Siegel en a fait le gangster chafouin forçant Audie Murphy à transporter des réfugiés cubains dans l’énième remake de To Have and Have Not (The Gun Runners, 1958), et Aldrich l’a repris sur le tard pour son déprimant la Cité des dangers, avec Burt Reynolds et Deneuve.

NB. : Précision de « Gashade » du 1.06.2005 :  Juste un mot de précision, le film de Ford s’appele « Frontière Chinoise » et non « 7 Femmes » en français, c’est « 7 Women » qui est le titre original.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Jean Négroni

Jean Négroni dans « La colère de Maigret »

Annonce de la mort de Jean Négroni, grand comédien au théâtre, le cinéma l’a boudé, mais il était souvent récitant de courts et longs métrages, on se souvient de son timbre de voix particulier pour « La jetée » de Chris Marker, et ses rôles dans la série « La caméra explore le temps » pour la TV, disponibles chez L.C.J. éditions en DVD. On pouvait le revoir hier dans « Le deuxième souffle » de Jean-Pierre Melville, 1966. Voir également la La gazette du doublage et le portrait d’Yvan Foucart pour Les gens du cinéma.

Filmographie : 1941  Les inconnus dans la maison (Henri Decoin) – Premier rendez-vous (Henri Decoin) – 1942  Les cadets de l’Océan (Jean Dréville) – 1945  Patrie (Louis Daquin) – 1957  Un certain Monsieur Jo (René Jolivet) – 1960  L’enclos (Armand Gatti) – Le sourire (Serge Bourguignon, CM) – 1963  La demoiselle de cœur (Philippe Arthuys, CM) – 1964  La cage de verre (Jean-Louis Lévi Alvares &t Philippe Arthuy) – La journée de Pernette (Alain Saury, CM) –  1965  La dame de pique (Léonard Keigel) – Paris brûle-t-il ? (René Clément) – Delphes (Colette Mary, CM) –  Le dernier matin de Alexandre Pouchkine (Maurice Fasquel, CM) – Evariste Galois ou l’éloge des mathématiques (Alexandre Astruc, CM) – 1966  …Jusqu’au soir ou la ligne des jours… (Tewfik Farès, CM) – Le deuxième souffle (Jean-Pierre Melville) – 1968  Mario Prassinos (Lucien Clergue, CM) – 1970  Un temps pour la mémoire (Georges Pessis, CM) – 1972  Jean Vilar, une belle vie (Jacques Rutman, documentaire) – 1975  L’alpagueur (Philippe Labro) – 1976  Pourquoi ? (Anouk Bernard) – 1979  I… comme Icare  (Henri Verneuil) – Noces de sève (Philippe Arthuys, inédit en salles) 1991  Céleste, court métrage de Laurent Tuel, CM). Voxographie (comme récitant) : 1953  Les statues meurent aussi (Alain Resnais & Chris Marker, CM) – 1956  La passe du diable (Jacques Dupont & Pierre Schoendoerffer, documentaire) – 1960  L’eau et la pierre (Carlos Vilardebo, CM) – La petite cuillère (Carlos Vilardebo, CM) – 1962  La mémoire courte (Henri Torrent & Francine, documentaire) – À la rencontre de Wolfgang Amadeus Mozart (Pierre Viallet, documentaire) – L’image retrouvée (Henri Pialat, documentaire) – Dix Juin 1944 (Maurice Cohen, documentaire) – La jetée (Chris Marker, CM) – 1963  La montagne de fer (André Bureau, CM documentaire) – Illuminations (François Reichenbach & Jonathan Bates, documentaire) – Le pèlerin perdu (Guy Jorré, CM) – Tel un fleuve (Pierre Lary, CM) – 1964  Bassae (Jean-Daniel Pollet, CM) – L’escalier (Édouard Luntz, CM) – 1965  Ohrid Express (Jean Dasque & Robert Legrand, CM) –  Peintres français d’aujourd’hui : Jean Lurçat (Jacques Simonnet, documentaire) – East African Safari (François Reichenbach, Olivier Gendebien & Tresgot, CM documentaire) – Au temps des châtaignes (Jean-Michel Barjol, CM documentaire) – Le rose et le sel (Marc Champion, CM documentaire) – 1966  À Saint-Paul de Vence, la fondation Maeght (Carlos Vilardebo, CM) – 1968  Le pays d’Arles (Jean Leherissey, documentaire) – Les enfants de Néant (Michel Brault, MM documentaire) –  Les roses de Tourlaville (Jean-Paul Bourdeaudicq, CM) – 1969  Dieu a choisi Paris (Philippe Arthuys & Gilbert Prouteau, documentaire) – Charles le Brun (Frédéric Mégret, documentaire) – Claude Lorrain (Frédéric Mégret, documentaire) – Nicolas Poussin (Frédéric Mégret, documentaire) –  La 231 D 735 (Y. Clara, documentaire) – 1970  Voyage chez les vivants (Henry Brandt) – Printemps en cet avril (Louis Soulanes, CM documentaire) – 1978  La nuit transfigurée (Roland Melville, CM) – Papy fait de la résistance (Jean-Marie Poiré) – 1987  Cérémonie d’amour (Walerian Borowczyk). Télévision (notamment) : 1963  La première légion (Gilbert Pineau) – La machine infernale (Claude Loursais) – 1964  Rocambole : Rocambole chez les Thugs (Jean-Pierre Decourt) – La caméra explore le temps : La terreur et la vertu : Danton (Stellio Lorenzi) – La caméra explore le temps : La terreur et la vertu : Robespierre (Stellio Lorenzi) – 1965  Points de mire (Alain Boudet) – 1966  Illusions perdues (Maurice Cazeneuve, série TV) – La caméra explore le temps : Les Cathares – La croisade (Stellio Lorenzi) – En votre âme et conscience : Le secret de la mort de monsieur Rémy (Jean Bertho) – Voxographie TV : 1961  Le petit garçon d’Hiroshima, CM, TV) – 1967  L’Arlésienne (Pierre Badel, récitant).

LA COMÉDIE DU POUVOIR

Grâce à l’amabilité coutumière de François Berléand, j’ai assisté aujourd’hui à une journée de tournage du dernier Claude Chabrol « La comédie du pouvoir ». Un rêve quoi !

Il y a une distribution de luxe, pour ce film dont le sujet est un scandale financier, outre François Berléand, on retrouve les habitués, Isabelle Huppert, Robin Renucci, Jean-François Balmer, Yves Verhoeven, Thomas Chabrol, Roger Dumas, Pierre Vernier…  Et il y a Pierre-François Dumeniaud qui a commencé, me confiait Chabrol, dans le ventre de sa mère enceinte dans « Le beau serge » !

Il y a aussi les nouveaux : Marilyne  Canto, Patrick Bruel, Jacques Boudet, Michèle Goddet, Jean-Christophe Bouvet, Jean-Marie Winling, Hubert Saint-Macary, etc…

Ce jour, seul François Berléand tournait son arrivée et sa sortie à la prison de la « Santé », et deux scènes d’arrivées en prison, dans une école voisine, adaptée en mini-studio pour l’occasion. Claude Chabrol, n’avait pas tourné à Paris, depuis « Rien ne va plus » en 1997.

L’atmosphère du tournage peut paraître étonnement sereine pour un néophyte comme moi – J’avais vu quelques jours de tournage de « Mon idole », et du premier film de Stéphan Guérin-Tillié grâce à François, ainsi que « Bon voyage ».

Chacha, au travail…

Aidé par ses deux anges gardiens, sa femme Aurore Chabrol et sa belle-fille, Cécile Maistre, et par la précision et le calme du chef opérateur Eduardo Serra, Chabrol s’évertue à donner une bonne ambiance, tout en faisant preuve de maîtrise. Il s’occupait autant des figurants, impose le respect aux passants, tout en distillant une ironie sur lui même constante.

La rue « Messier » même écrasée de soleil, est impressionnante et très surveillée. L’ambiance bon enfant détonnait donc sous ces hautes grilles. Grâce à un maquillage subtil et la formidable interprétation de François Berléand, son personnage nommé Humeau, d’arrogant se révèle seul et blessé à la sortie, souffrant d’un eczéma gênant. François a plaisanté comme à la coutumée, surtout dans la rituelle scène d’arrivée dans la prison, contournant ainsi l’incongruité de se retrouver à enlever son pantalon plusieurs fois de suites !

C’était donc un grand privilège de voir Claude Chabrol au travail, très abordable et de goûter à son humour, son érudition, son goûts pour les nanars – il m’a recommandé « De l’autre côté de Minuit » actuellement sur le câble avec Marie-France Pisier -. Il n’a d’ailleurs aucune indulgence sur lui-même, il déplorait avoir le sentiment de réussir le dernier plan de « Folies bourgeoises » – film qu’il dénigre allégrement -, avant de dire qu’à la récente vision du film sur le câble, il pense aujourd’hui le contraire.

J’ai eu la chance d’apprécier ses anecdotes, son côté subversif, entre deux prises, un grand moment de bonheur ! Merci M. Chabrol, merci François de m’avoir toléré auprès d’eux.

Note du 23/06/2005 :

France Inter a donné comme information ce jour que le film est basé sur l’affaire « Elf » et que le rôle inspiré par Roland Dumas est joué par… Roger Dumas. Par discrétion je n’avais pas donné cette information qui est désormais publique…

LITAN

Ce film de Jean-Pierre Mocky, tourné en 1981, est une des rares tentatives réussies de faire du fantastique dans le cinéma français. Une galerie de personnages tétanisés hantent cet univers montagnard brumeux, une folie inexpliquée s’emparant des villageois (Jean-Claude Rémoleux immobile, Roger Lumont en commissaire borné, Dominique Zardi en chef des fous…).

Mocky a toujours un sens des décors hallucinants, ou du contre-emploi (Nino Ferrer en scientifique fou). Il faut saluer ce climat d’angoisse (les cercueils flottants, le carnaval des fous) accompagnant les deux fugitifs joués par Marie-José Nat et Mocky en personne. Une réussite du genre.

IMPOSTURE

On attendait depuis 1991, après le cultissime « Lune Froide », la nouvelle réalisation de Patrick Bouchitey.  On frémit quand on voit le logo d’ »Europacorp », question d’habitude, mais ce film est à nouveau une belle surprise. Patrick Bouchitey prend un parti pris anti-naturaliste, ce qui peut déstabiliser, l’idée de base du roman de José Ángel Mañas est assez classique, pas c’est un terrain propice pour un univers original, évitant les écueils psychologiques. On est finalement assez proche du film « L’obsédé » de William Wyler (1965).

Isabelle Renauld est remarquable en épouse délaissée, et on retrouve Patrick Catalifo en écrivain dépassé par un  rôle qui ne le correspond pas, Pierre Diot en inspecteur routinier et Ariane Ascaride en amie trahie. Didier Flamand est halluciné en éditeur manipulateur, cynique et excentrique, il est vrai qu’il est toujours à l’aise dans ce type de rôle. A noter quelques apparitions de « potes », telle celle de Jackie Berroyer en moine sentencieux.

Au final c’est un film assez angoissant, surprenant,  halluciné, même si le dernier plan surligne un peu l’ensemble.

ARTICLE LE FIGARO :

CINÉMA Il joue dans «Imposture», un suspense sur la difficulté de créer, son deuxième long métrage
Patrick Bouchitey, le voleur de mots par
Brigitte Baudin [25 mai 2005]

Patrick Bouchitey

On connaît l’humoriste qui donne la parole aux animaux avec tant de drôlerie et de dérision. On n’oublie pas l’autre facette, plus sombre, mystérieuse, souterraine, presque dérangeante de ce comédien scénariste-réalisateur. Patrick Bouchitey aime détourner les situations pour en montrer le grotesque, l’absurde. Il se plaît aussi à flirter avec le glauque sans toutefois se départir jamais de son sourire sympathique, de sa désinvolture et de son anticonformisme insolent. Lune froide, sa première réalisation, la morbide histoire de deux marginaux amoureux d’une morte, inspirée d’une nouvelle de Charles Bukowski, avait ému et choqué, en 1991, les festivaliers cannois avant de remporter le césar de la meilleure première oeuvre. Quatorze ans plus tard il est revenu sur la Croisette et a présenté, dans le cadre de la Semaine de la critique, Imposture, son deuxième long métrage qui sort aujourd’hui. C’est un suspense, une réflexion sur l’écriture et la création, d’après Je suis un écrivain frustré, le roman de José Angel Manas (Ed Métailié ).

Critique redouté, professeur de littérature à l’Université, Serge Pommier (Patrick Bouchitey) aimerait publier un livre. Mais il est en panne d’inspiration. Il ne parvient pas à écrire le premier mot. Et voilà que Jeanne (Laetitia Chardonnet), une de ses plus brillantes élèves, lui confie le manuscrit d’un roman. Il correspond à tout ce que Serge a envie de dire et qu’il ne peut formuler. Une idée folle germe alors dans son esprit : kidnapper Jeanne, s’approprier son texte et en assurer la paternité.

«Lorsque j’ai lu le bouquin de José Angel Manas, je n’ai pas tout de suite accroché, explique Patrick Bouchitey. Il me permettait de plonger dans l’univers mystérieux de la création littéraire et d’explorer le monde de l’édition. Je ne me sentais, par contre, pas concerné, de prime abord, par ce psychopathe en mal d’inspiration qui disjoncte et tue tout monde y compris la fille qu’il a enlevée. J’avais plutôt envie de montrer un homme «normal» que l’orgueil, la jalousie, poussent à commettre l’irréparable et met le doigt dans un terrible engrenage. J’aime les histoires d’amour impossibles. J’ai donc axé mon intrigue sur l’ambiguïté des relations qui naissent inévitablement entre un ravisseur et sa victime : l’amour haine, la dépendance, l’esprit de vengeance.» Après mûres réflexions, Patrick Bouchitey se lance donc dans l’aventure. Il adapte librement le livre de José Angel Manas avec Gaëlle Mace et Jackie Berroyer, son complice sur Lune froide.

«Nous avons gommé le côté serial killer du personnage originel pour le rendre plus humain, plus paradoxal, précise Patrick Bouchitey. Serge Pommier devait se montrer tout à la fois révoltant par ses actes et fragile, attachant, imprévisible. Il devait être capable de tout casser dans un moment de fureur et de gestes de tendresse, de compassion, comme sauver un oiseau blessé. Là, résidait notre plus grande difficulté. Il fallait sans cesse jouer sur les situations, les sentiments. Passer rapidement d’une émotion à l’autre sans sombrer dans le pathos.»

Patrick Bouchitey imagine, face à un Serge Pommier volubile et toujours en mouvement, une Jeanne murée dans son mutisme. «Le silence est sa force, son arme, sa façon de résister et de le piéger, renchérit-il. Elle pousse ainsi son kidnappeur dans ses retranchements. C’est une espèce de jeu du chat et de la souris. La rencontre de deux solitudes, la confrontation entre deux handicapés de l’amour qui vont se révéler l’un à l’autre. Ce n’est pas une histoire réaliste mais un conte : celui d’un arroseur arrosé.»

Patrick Bouchitey a suivi les conseils de son producteur Luc Besson en incarnant Serge Pommier. Il lui fallait par contre trouver une comédienne assez expressive et sensible pour camper Jeanne, muette la plupart du temps.

«J’ai vu beaucoup de lauréates, affirme-t-il. Aucune ne me plaisait vraiment. Elle n’avait pas assez de charisme. Ma première image de Jeanne est celle d’une jeune fille agile, fluette qui peut se glisser dans un soupirail. Il me fallait surtout quelqu’un d’intense, avec un regard exprimant des émotions sans l’appui des mots. J’ai rencontré Laetitia Chardonnet par hasard. Etudiante dans une école de commerce, elle n’avait jamais joué devant une caméra. Sa présence éclate sur l’écran.»

Dans l’univers ouaté du studio qu’il s’est installé chez lui, Patrick Bouchitey s’est déjà remis au travail. A sa passion du détournement de l’image en s’appuyant cette fois non sur les animaux mais sur les figures de l’histoire du XXe siècle, sans souci de jugement : de Gaulle, Mussolini, Churchill, Staline, Hitler, Kennedy, Pol Pot… Il prépare aussi Paroles de singe, une comédie burlesque sur «le fascisme au quotidien dans le couple»…

Dans Imposture, Serge Pommier (Patrick Bouchitey), un écrivain en panne d’inspiration, kidnappe Jeanne (Laetitia Chardonnet), une de ses plus brillantes élèves, pour s’approprier un roman qu’elle a écrit. (DR.)

Laetitia Chardonnet

Patrick Bouchitey, dont la folie anémise tout son entourage, gagne en épaisseur avec un personnage borderline, installé et amer. Laetitia Chardonnet sa victime, est remarquable, même dans ses scènes mutiques. Son regard très intense, nous aide à comprendre son jeu masochiste avec son bourreau. Les lieux sont habités et inquiétants, Bouchitey dynamite le milieu littéraire en flirtant avec le fantastique.

LES GRANDS SENTIMENTS FONT LES BONS GUEULETONS

« Les grands sentiments font les bons gueuletons » (1971, sortie française 1973). « Ce n’est sans doute pas un hasard si Jean Carmet et Michel Bouquet pensent que « Les grands sentiments… », leur a procuré un des meilleurs rôles comiques de leur abondante filmographie, l’un des seuls en ce qui concerne Bouquet et, sur ce titre, on peut le regretter. C’était une bonne idée d’associer ainsi l’impertubable Bouquet et l’émotif Carmet, et Berny avait su tirer le meilleur profit d’une situation fort réjouissante… » (Dominique Rabourdin, « Cinéma 80 » N°262, octobre 1980).

Loin d’être le « nanar » annoncé par Denis Parent, lors de sa présentation sur la chaine câblée française « Ciné Succés ». Comédie de moeurs noire et féroce, ce film laisse la part belle aux comédiens, outre Bouquet et Carmet, citons Anouk Ferjac et Micheline Luccioni, dans le rôle de leurs épouses respectives, dépassées par les événements, l’excellent Michael Lonsdale, en frère de Carmet !, amoureux transis de la belle Anicée Alvina qui se prépare à se marier avec Jean- Jacques Moreau. Jacques Dynam en cousin goguenard, Gabrielle Doulcet en tante fielleuse, Jacques Canselier, en handicapé touchant et malmené, etc…

Sans oublier Henri Guybet, il faut le voir se démener comme un beau diable dans une atmosphère de marbre (son personnage est payé pour animer le mariage), vitupérer contre les invités, et de se désoler de cette situation inédite pour lui, une belle performance…  J’avais rajouté la distribution complète sur : IMDB.

On ne retrouvera Michel Berny au cinéma (outre quelques comédies érotiques), que pour « Pourquoi pas nous? » (1981), l’un des rares rôles en vedette de Dominique Lavanant, dommage…

LEMMING

 La difficulté majeure est de parler sur ce film, sans en dévoiler le contenu, l’histoire, pour ne pas gâcher le plaisir des spectateurs – à moins de le commenter à grand renfort de « Spoilers » -. Disons qu’après le « Sitcom » de François Ozon, il faut donc se méfier définitivement des rongeurs. Après le très abouti « Harry… » on attendait très légitimement, beaucoup du film de Dominik Moll. Il est finalement très à l’aise pour distiller l’angoisse dans des scènes du quotidien, et l’utilisation de lieux, un décor idyllique, une entreprise ou une cuisine, plus d’ailleurs que dans des scènes semi-fantastiques, à l’image de l’habituel cliché de la montée d’escaliers, si l’on compare avec la maîtrise d’un Roman Polanski. 

Le scénario suffisamment riche pour que l’on puisse se perdre dans ses propres interprétations, névroses, fantasmes, rêves et réalités. On peut ainsi s’amuser sur les fausses incohérences – une télécommande de porte de garage, par exemple -. Hélas le film déçoit au final, malgré un humour corrosif.

Laurent Lucas & Charlotte Rampling

Si Laurent Lucas, reprend un rôle qu’il maîtrise parfaitement, Charlotte Gainsbourg se révèle à l’aise avec l’ambiguïté, et André Dussollier, nous sert un personnage assez retord et surprenant. Il fait preuve d’humour – sa manière de dire « Vous voulez un bonbon ? »-, passant de la sympathie à la veulerie en une fraction de secondes. Jacques Bonnaffé, nous régale à nouveau, avec un personnage décalé, ne sachant pas comment réagir pour ne pas gêner, il continue ici, une veine ludique, tant son registre est large.

Mais l’atout majeur de ce film reste la formidable performance de Charlotte Rampling. Dès sa première apparition dans l’obscurité d’une voiture, on se doute que le film va basculer. Son talent est tel, que même affublée de lunettes noires, son jeu est unique. Magistrale, séductrice, victime d’un mari odieux, manipulatrice, elle imprègne et domine durablement le film, et véhicule sur son passage un mystère et un danger permanent.

Je me souviens de son arrivée lors d’une avant-première du film « Sous le sable » de François Ozon. Le film avait eu beaucoup de difficultés lors du tournage – une partie était tournée en DV -. Je me suis retrouvé devant elle, après une sorte de mini conférence de presse dans le hall de l’UGC, fortement impressionné par son aura, son élégance et son charme. Elle était assez inquiète, mais pour ne pas focaliser l’attention sur elle, elle avait laissé le devant de la scène à François Ozon,. Cette remarquable comédienne n’a pas fini de nous impréssionner.

ARTICLE LIBÉRATION :   

ARTICLE LIBÉRATION :   Charlotte Rampling dit jouer de ses expériences pour inventer des personnages qui lui ressemblent :
«Je cherche des rôles qui vont me réveiller» – Par Philippe AZOURY – mercredi 11 mai 2005

Dans Lemming, Charlotte Rampling joue un fantôme, une morsure, une menace. Elle semble venir d’ailleurs, en même temps qu’Alice, le personnage qu’elle incarne, continue de se rattacher naturellement à la suite de ces portraits de femme dangereuse/en danger. Ceux qui lui ont toujours collé comme un gant, depuis Visconti (les Damnés), Cavani (Portier de nuit), Oshima (Max mon amour), ou depuis Sous le sable de François Ozon, le film de sa résurrection cinématographique.

Elle peut s’amuser, comme durant la conversation, de ceux qui abusent des téléphones portables dans les cafés pour couvrir leur solitude. La solitude, elle n’a jamais joué que ça. Sweet Charlotte.

Votre arrivée dans le film a quelque chose de saisissant. D’emblée, on sent une existence, un passé…

Dominik m’a envoyé un scénario incroyablement abouti. Au cinéma, on s’est habitué à ce que les choses se transforment durant le tournage. Là, tout ce que j’ai lu, on l’a filmé. Un acteur, passé un certain âge, emmène beaucoup de bagages avec lui. Avoir existé depuis un bon nombre d’années permet d’atteindre cette impression.

Au tournage, l’acteur ne connaît pas encore son personnage, là ce n’était pas le cas, avec cette merveille de scénario. Dans Lemming, Alice arrive avec une attitude totalement figée, on ne sait pas, dans le malaise qu’elle diffuse, ce qui va se passer, ce qu’elle va provoquer. Ça, c’est le personnage inventé. Il faut lui ajouter un peu d’un personnage réel. Prénom Charlotte, nom Rampling.

Vous concevez la vie imaginaire du personnage, son passé ?

On peut toujours. Je l’ai fait. Cela permet d’habiter plus aisément le personnage. Un acteur n’a plus beaucoup de temps pour se préparer. Il doit le faire lui-même un peu seul, au-delà des précisions qu’il a eues en discutant avec le metteur en scène.

Pourquoi ?

Parce que l’acte de jouer, ça se passe sur le moment. Et, à ce moment-là, on capte sa propre réflexion sur le rôle. C’est un travail inconscient.

La première scène dans laquelle vous apparaissez correspondait-elle à votre premier jour de plateau ?

(Sourire) Oui. Comme par hasard.

Les lunettes ?

C’est une idée de Dominik. Une femme qui s’est bâti un écran entre elle et le monde. Les lunettes teintées dessinent une attitude sans équivoque : «Je ne veux pas que vous me voyiez, je ne veux pas vous voir. Ce que je vois, c’est à moi. Mais ce que vous allez voir, vous n’allez pas le comprendre.» Je ne donne rien (rires). Acteur, on est tenu dans ses vêtements. Les lunettes, le tailleur, ce sont des indices. Là : raideur.

On dit que vous êtes une «beauté froide». Ici, on est passé du froid au dur…

Des amis ont vu la bande-annonce. Mon personnage leur a fait peur : «pas très accueillante». Oui, mais c’est très drôle à jouer… Je cherche des rôles qui vont me réveiller. Ce métier est une exploration, des traits du visage, de ce qu’on ressent. Il ne faut pas en avoir peur. Quand j’ai commencé, je refusais beaucoup de films, ils étaient… sympathiques. Tellement, que suis allée dans d’autres pays, en Italie surtout, pour faire autre chose. Mon attitude n’a pas changé : je suis à la recherche de quelque chose qui me corresponde. L’acteur est comme un peintre, il cherche, presque toute sa vie, il retourne sur les mêmes sentiers, il malaxe et, à travers la vie, la maturité, les blessures que l’expérience lui donne, il forge sa marque.

Une marque Rampling ?

Je sais au moins que mon envie d’un rôle nécessite certains critères, une affinité avec le personnage, sinon j’ai l’impression que je ne travaille pas, que je n’évolue pas et que je me répète. Un rôle, c’est un engagement que je prends très au sérieux. Je dois incarner à la fois ce que je suis et ce que je peux inventer.

Un rôle aide-t-il un acteur à exister, à comprendre la vie hors plateau…

Uniquement si on considère ce métier comme un investissement. A ce moment-là, ça vous nourrit, ça vous accompagne, ça vit en vous.

Le cinéma vous a-t-il appris à vous connaître ?

Oui, mais ce n’est pas à force de se voir. Ce qui est révélateur, c’est le travail que l’on fait à l’intérieur de soi. Le travail d’un acteur serait même mieux si l’acteur ne se voyait pas. Se voir, se désirer soi-même, c’est dangereux : on s’enferme dans des tics, on quitte son propre mystère pour des habitudes, des pièges…

Alice Pollock, c’est un personnage désespéré, aliéné ?

Une femme traquée par elle-même. Avec Alice, il n’y a plus de convenances sociales, plus de dialogue possible. L’aliénation, elle vit avec, elle part avec. Dominik est quelqu’un de très aigu, qui cherche une image de plus en plus épurée. J’ai travaillé Alice dans ce sens.

Vous l’incarnez comme un animal. C’est Max mon amour mais à l’envers, l’animal c’est vous…

Oui. Je suis le lemming. Tout petit, mais très déstabilisant.

Les films de François Ozon, maintenant ceux de Dominik Moll, Laurent Cantet bientôt, les photos de Juergen Teller… Vous êtes dans un moment passionnant de votre carrière…

Ça vient après un travail sur moi. La vie des acteurs ce sont des cycles. Un acteur, c’est un animal. On tombe les peaux, comme un serpent. On joue avec les différents stades de la maturité. On a toujours été soi-même mais on s’ouvre différemment. Sous le sable, c’était comme un autoportrait, un documentaire sur moi.

Quelqu’un m’a vue, il y a eu rencontre. C’est arrivé, même à moi qui n’ai pas une facilité à aller vers les gens. J’attendais. Il fallait avoir une certaine patience. Des fois, on ne sait plus si on est toujours vivante.

Quand vous jouez, il vous arrive de penser à des actrices mortes ?

Non. Je pense à la situation.

Vos scènes dans Lemming tiennent quasiment du monologue…

Peut-être parce que j’ai joué Alice avec mes propres résonances. Tout m’est familier, maintenant : le plus grand désespoir, le plus grand bonheur. Je reconnais les sensations. Charlotte Gainsbourg, je la regarde et je me vois moi à son âge. C’est ça qui est beau avec le temps, c’est que ça n’existe pas. Il est diffusé différemment. On se reconnaît dans les autres. Charlotte (Gainsbourg), cette jeunesse-là, je connais bien…

Etre sur les tournages avec des bébés, se reprocher de trop tourner, s’en vouloir d’être fatiguée… Regarder ceux qui nous entourent, c’est une compagnie. C’est peut-être là qu’on prend le sens d’avoir existé.

LES POUPÉES RUSSES

Restons en compagnie de la charmante Cécile de France avec l’avant-première euphorisante – première de la tournée Province – à l’UGC Ciné Cité Bordeaux, du film de Cédric Klapisch « Les poupées russes », qu’elle présentait avec Cédric Klapisch et Romain Duris. Dans la série des – rares – suites réussies, ce film, succédant à « L’auberge espagnole » est digne d’ y figurer, à la manière du « Parrain II », « La fiancée de Frankenstein » ou « Nous irons tous au Paradis ». L’univers de Cédric Klapisch y est toujours aussi foisonnant, et on ne peut que louer son aptitude à se renouveler à chaque nouveau film. Il étonne par son inventivité constante, sa manière lumineuse de filmer « Paris », « Londres » et « Saint-Petersbourg », comme trois personnages à part entière du film. On retrouve les personnages quatre ans après, à travers le regard de Xavier – fantastique Romain Duris -, personnage central de ce film choral. Il vivote écrivant pour une bluette télévisée qui s’avère être une version ridicule de son propre parcours amoureux. Les clichés volent en éclats, Klapisch mettant un recul burlesque sur les difficultés de notre quotidien. Duris confirmait l’exigence de  Klapisch, qui avait refusé de tourner « Astérix ». C’est une scène de la vie quotidienne qui a été le catalyseur de cette suite. Un jeune marié, un peu ivre et pris de panique,  pleurait dans les toilettes d’un restaurant… On retrouve cette scène emblématique du film. C’est un grand plaisir de découvrir un film, sans en avoir aucun écho au préalable. Le film est à la hauteur de l’attente, visible ce soir là du public, qui salua par une « standing-ovation » méritée ce film jubilatoire. Le réalisateur, a 43 ans a bien évalué l’inquiétude – il disait « j’ai eu 13 ans pour réfléchir sur mes 30 ans », l’air du temps de jeunes trentenaires inquiets devant les incertitudes de la vie. Il analyse subtilement  – en vrac – les relations amoureuses, la précarité d’un travail subi, la mondialisation, l’état de la planète laissé en héritage par les post-soixantuitards désabusés. C’est donc un premier semestre déterminant pour lui, après avoir été à l’auteur d’un très grand rôle dans « De battre son cœur s’est arrêté » de Jacques Audiard, il confirme son assurance mêlée de légèreté, il était un peu dépassé, hier soir de son nouveau statut d’idole, face à des fans empressés. Acteur fétiche et complice de Klapisch, il avait retrouvé facilement son personnage, par la force de la mise en scène, puisqu’il n’avait pas le temps de se préparer entre deux tournages. Petite anecdote, le réalisateur aimant à donner des indications de dernières minutes, Romain lui a gardé une petite rancune. Il avait une longue blague à apprendre la veille pour le ledemain, en espagnol !, pour finir sur la table de montage. Audrey Tautou, mutine, amuse par son statut d’ex, qui garde toujours une importance – vaste programme pour une situation pas toujours facile à vivre – . Elle passe de l’inquiétude à l’amusement et se retrouve perdue lorsque le père de son jeune fils le récupère le temps d’un week-end. Kevin Bishop amoureux d’une danseuse russe, effrayé des perspectives de sa nouvelle vie en Russie, et Kelly Reilly en amoureuse transie et sensible participent à la réussite du film.

Cécile de France et Romain Duris dans « Les poupées russes ».

Cécile de France retrouve son rôle – pour lequel elle avait gagné un César de la meilleure révélation, en lesbienne complice, et brûlant la vie, elle retrouve ce rôle fort de femme libre et maladroite quant il s’agit de figurer en fiancée pour faire plaisir au grand-père, un grand moment cocasse.  Le reste de la distribution est à l’avenant de Carole Franck – la prof de « L ’esquive » -, en productrice qui prend Xavier en sympathie, Pierre Gérald en grand-père attachant de Xavier en harmonie avec son grand âge, la magnifique Aïsa Maïga – « L’un reste, l’autre part – en vendeuse amusée, Bernard Haller en éditeur efficace, Olivier Saladin en bourgeois bohème amoureux de la mère de Xavier, jouée par Martine Demaret, Lucy Gordon en mannequin entre fascination et étrangeté, etc… Et il y a le fidèle Zinedine Soualem, personnifiant « Monsieur tout le monde », inspirant des situations de comédie à Xavier. Saluons ce comédien, toujours drôle et efficace quelle que soit la durée de ses rôles. C’était un bonheur pour moi de pouvoir rediscuter un peu, une troisième fois avec le modeste Cédric Klapisch et de retrouver après « La confiance règne » la charmante et souriante Cécile de France, après sa performance cannoise, elle voit cette tournée promotionnelle comme des vacances !. Nous nous reconnaissons dans ces personnages encombrés mais bien vivants, et l’on ressort de ce film avec une énergie formidable, qui parle superbement d’amour, exercice périlleux par excellence. Un grand et beau moment de cinéma !

LA CONFIANCE RÈGNE

C’est un film à ne pas sous-estimer, malgré l’accueil assez hostile de la critique, lors de sa sortie. Étienne Chatiliez et Laurent Chouchan – réalisateur de l’acerbe « Vertige de l’amour » – ne me semblent pas porter pas de jugements sur ses personnages.  Ils observent ces électrons libres que sont Christophe et Chrystèle, deux paumés campés sur leur faculté de survivre le jour le jour, comme le plaisir immédiat de « boire une mousse »  – une réplique de Chrystèle promide à devenir culte – Chatiliez n’a pas un regard condescendant  – ce qui n’était pas l’avis de l’équipe du « Masque et la plume » sur France Inter – mais acerbe, il n’épargne les travers de personne ni des grands bourgeois, ni de ces petits malfrats.  Son film n’est pas « aimable » et nous tend un miroir peu flatteur de notre société, en appuyant où ça fait mal et dérange visiblement. Il ose jouer sans cesse sur le fil du rasoir, voir la scène des parents, joués formidablement par un couple véritable, André Wilms et Evelyne Didi en parents de Cécile de France, qui explique bien des choses sans s’appesantir. Comme toujours chez ce perfectionniste de Chatiliez, le moindre détail est juste, et les situations sont crédibles.  Cécile de France et Vincent Lindon nous offrent une poignante et drôle composition. Ils se mettent en danger et en n’essayent pas d’être plus malins que leurs personnages, ils apportent une humanité. On ressent de l’empathie pour ces deux personnages, finalement très travailleurs, au-delà d’une composition formidable.

Jacques Boudet, Martine Chevallier, Cécile de France & Vincent Lindon

Chatiliez sait laisser sa chance aux acteurs comme le couple de Jacques Boudet et Martine Chevallier, il faut voir ces personnages de notables englués dans leur médiocrité et travers. Il convient de saluer particulièrement ces deux comédiens ;  Boudet , un fidèle à l’univers de Guédiguian, était déjà chez Chatiliez en magistrat qui sort de son rôle pour proposer à André Dussollier de corriger son « têtard » dans « Tanguy ». Il  est attachant dans son rôle de mari peu dupe de la mesquinerie de sa femme. Martine Chevallier – grande carrière à la comédie Française et syndicaliste touchante dans « Violence des échanges en milieu tempéré » – nous touche par son personnage plein de faiblesses.  Le reste de la distribution est à l’avenant, Eric Berger prouve qu’il ne faut pas le cloisonner à son rôle de « Tanguy », Anne Brochet qui marque durablement des rôles désormais trop courts pour son talent – « Histoire de Marie et Julien », « Je suis un assassin » – rayonne en bourgeoise humaniste.  Il faut citer également dans les seconds rôles, Jean-Luc Porraz en banquier dépité, Erick Desmaretz en exploiteur, Pierre Vernier en mari volage ou Catherine Hosmalin en prostituée, etc… Malgré quelques faiblesses de rythme – la séquence nouveaux riches -, le ton de ce film est digne de la tradition de l’âge d’or de la comédie italienne et montre qu’Étienne Chatiliez sait se renouveler et nous surprendre toujours.

Le lien du jour :

Il convient de signaler un nouveau site et l’excellent travail de Philippe Pelletier, collaborateur des « Gens du cinéma », pour le site CinéArtiste, c’est d’autant plus remarquable qu’il est difficile de trouver des informations en Français sur le cinéma Allemand. La maquette est lumineuse et attractive. Un site à suivre de près.

Bon vent !

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Dominique Marcas

Dominique Marcas

Dominique Marcas dans un épisode de « Sur le fil »

Sa frêle silhouette – 1m48, selon son CV – a hanté plusieurs films depuis les années 50. Elle joue souvent de malchance, dans « Mortel transfert » (1999) elle est la femme revêche du libraire – André Chaumeau -, et elle est carrément hors champs, et dans la « Jeanne d’Arc » (1999), elle joue un ecclesiastique, un rôle d’homme !

Son physique particulier en fait l’interprète idéale pour des rôles de concierge voyeuse « La marge » (1975), d’employée timide dans « Papa, maman, la bonne et moi » (1954), d’austère directrice d’un collège de jeunes filles émoustillée à l’idée de voir un champion de tennis dans « Les bricoleurs » (1962), quelle voit en « Don Juan des temps modernes » – elle y est créditée sous le nom de Markas -, de pompiste tétanisée par la fureur d’un Louis de Funès dans « Les grandes vacances » (1967), d’une austère secrétaire dans « L’Auvergnat et l’autobus » (1969),ou d’ une femme pilier de comptoir dans « Zig zig » (1974). On la retrouve aussi en religieuse dévouée aux pauvres de Hong-Kong, quelque peu malmenée par Christian Clavier dans « Les anges gardiens » (1995), ou en vieille servante de Mélanie Thierry qui secoue avec énergie un Benoît Poelvoorde trempé de pluie dans « L’autre Dumas » (1999). Elle est idéale dans un cadre fantastique, comme l’une des soeurs Archignat dans la série « L’ile aux trente cercueils » et dans des rôles de femme acariâtres ou mourantes après un repas copieux comme la Mme Catherine dans « Les mains vides » (2002).

 

Elle trouve finalement le rôle de sa vie en 2000, en répondant à une petite annonce de Libération ! René Féret a connu plusieurs revers pour tourner « Rue du retrait » d’après l’oeuvre de Doris Lessing. Il décide donc de lui confier ce rôle de Mado, femme de soixante-quinze ans. Face à Marion Held, elle compose une remarquable Mado Bibois, femme aigrie, seule et dans la précarité, mais finalement touchante, ces deux femmes se retrouveront amies. Elle retrouvera Féret dans « Nannerl, la Soeur de Mozart », en 1999, en austère Mère Abbesse chez qui la famille Mozart trouve refuge, suite à un problème d’essieu de leur calèche. Elle et touchante en aïeule sympathique et entourée de sa famille, toujours prompte à s’assoupir dans un coin dans « Main dans la main » (2011). Dans ce rôle elle a élevé Jérémie Elkaïm et Valérie Donzelli dans la Meuse, suite au décès de leurs parents dans un accident d’avion.

Une filmographie exhaustive semble impossible, d’autant plus que dans la liste de ses films sur « L’annuaire biographique du cinéma » (1962), on retrouve une liste de film, mais quand on en visionne certains sur le câble- « Gunman in the streets (Le traqué ) (Boris Lewin & Frank Tuttle) (1950) » ou « Adorables créatures (Christian-Jaque) (1952) » -, on ne la retrouve pas, alors que je rajoute régulièrement plusieurs de ses participations sur sa fiche IMDB. Les précisions apportées à la filmographie qui suit par Armel de Lorme, sont d’autant plus précieuses.

Jean-Jacques Jouve avait dressé son portrait dans le dernier numéro – hélas – de la formidable « lettre des comédiens »  N°22 de novembre 1999, « Dominique Marcas, comédienne inspirée ». Il rappelle ses participations à d’autres « Jeanne D’Arc » (Version Jean Delannoy, en 1952, dans un téléfilm de Pierre Badel, en 1989), et ses emplois ancillaires, depuis son rôle de femme de chambre dans « Rue de l’Estrapade » (1952), ou de secrétaires  » quatre fois au service de Noël Roquevert « .

Il précise également qu’elle doit son pseudonyme à deux de ses marraines de théâtre, Arletty : « Dominique, emprunté à celui de l’envoyée du diable qu’Arletty incarnait dans « Les visiteurs du soir » & Maria Casarés « A la seconde, le pseudonyme de Marcas, constitué par les initiales MARia CASarès. Il faut lire à ce propos les très belles pages que la grande actrice, disparue en 1996, a consacrée à sa petite protégée dans don livre de souvenirs « Résidente privilégiée ».

Saluons le parcours de cette touchante comédienne qui régale les cinéphiles à chacune de ses apparitions ! Deux liens la concernant Cinéthéa & Objectif cinéma.

Filmographie : Établie avec Armel de Lorme : 1950  Gunman in the streets (Le traqué) (Frank Tuttle & Borys Lewin, + version française, à confirmer) – Justice est faite (André Cayatte, invisible à l’écran) – 1951  Un grand patron (Yves Ciampi, invisible à l’écran) – Gibier de potence (Roger Richebé, invisible à l’écran) – Le crime du Bouif (André Cerf) – L’amour, Madame (Gilles Grangier) – 1952  Les belles de nuit (René Clair, apparition subliminale) – Le plus heureux des hommes (Yves Ciampi) – Elle et moi (Guy Lefranc) – L’appel du destin (Georges Lacombe, invisible à l’écran) – La loterie du bonheur (Jean Gehret) – Les dents longues (Daniel Gélin) – Les détectives du dimanche (Claude Orval) –  Destinées [épisode « Jeanne »] (Jean Delannoy) – Rue de l’Estrapade (Jacques Becker) – Femmes de Paris (Jean Boyer, invisible à l’écran) – 1953   Jeunes mariés (Gilles Grangier) – Les amoureux de Marianne (Jean Stelli) – Le guérisseur (Yves Ciampi) –  Acte of love (Un acte d’amour) (Anatol Litvak) – 1954   Les fruits de l’été (Raymond Bernard, invisible à l’écran mais de nombreux rôles ont été coupés) – Papa, maman, la bonne et moi (Jean-Paul Le Chanois) – 1955   Chantage (Guy Lefranc) – Papa, maman, ma femme et moi (Jean-Paul Le Chanois) – 1956   Miss Catastrophe (Dimitri Kirsanov) –  Notre-Dame de Paris (Jean Delannoy) – 1957   Donnez-moi ma chance / Pièges à filles (Léonide Moguy) – La peau de l’ours (Claude Boissol) – 1958   Suivez-moi, jeune homme (Guy Lefranc) – Et ta soeur (Maurice Delbez) – 1959  Le baron de l’écluse (Jean Delannoy) – 1962  Les bricoleurs (Jean Girault) – 1963   La difficulté d’être infidèle / Le bonheur conjugal (Bernard Toublanc-Michel) – Du grabuge chez les veuves (Jacques Poitrenaud) – Faites sauter la banque (Jean Girault) – 1967   Les grandes vacances (Jean Girault) – 1968 L’Auvergnat et l’autobus (Guy Lefranc) – 1969   La maison de campagne (Jean Girault) – 1970   Un beau monstre (Sergio Gobbi) – Juste avant la nuit (Claude Chabrol) – 1971   Liza (Marco Ferreri) – 1973   Le mouton enragé (Michel Deville) – 1974   Aloïse (Liliane De Kermadec) – Une partie de plaisir (Claude Chabrol) – Zig Zig (Laszlo Szabo) – 1975   Monsieur Albert (Jacques Renard) – La marge (Walerian  Borowczyk) – 1981   La gueule du loup (Michel Léviant) – 1983   Gwendoline (Just Jaeckin) –  La femme publique (Andrzej Zulawski, rôle coupé au montage) – 1984   Liste noire (Alain Bonnot) –  1985   La consultation (Radovan Tadic, court-métrage)- 1987   Si le soleil ne revenait pas (Claude Goretta) – 1988   Erreur de jeunesse (Radovan Tadic) – 1989   La putain du roi (Axel Corti) – Docteur Petiot (Christian De Chalonge) – La passion de Bernadette (Jean Delannoy, inédit en salles) – 1989  A star for two (Jim Kaufman, inédit) – 1990  Lacenaire (Francis Girod) – 1991  Albert souffre (Bruno Nuytten) –  La vie de bohème (Aki Kaurismaki) – 1992   Roulez jeunesse ! (Jacques Fansten) – 1993   Grosse fatigue (Michel Blanc) – 1994   Élisa (Jean Becker) – Muriel fait le désespoir de ses parents (Philippe Faucon) – 1994  Les anges gardiens (Jean-Marie Poiré ) – 1995  Ma femme me quitte (Didier Kaminka) – 1997   Cantique de la racaille (Vincent Ravalec) – 1998   Jeanne d’Arc (Luc Besson) – 1999   C’était là depuis l’après-midi (Stéphane Metge, CM) – 2000   Mortel transfert (Jean-Jacques Beineix) – Rue du retrait (René Féret) – 2001   Traces invisibles (Charlotte Trench, CM) – Le pharmacien de garde (Jean Veber) – 2002   Bloody Mallory (Julien Magnat) – L’enfant du pays (René Féret) –  A l’abri des regards indiscrets (Ruben Alves & Hugo Gélin, CM) – Les mains vides (Marc Recha) –  Le papillon (Philippe Muyl) – 2005  Hélas et hourra (Benoît Cohen) –  Nocturnes (Henry Colomer) – Nos amis les terriens (Bernard Werber) – 2007  Un si beau voyage (Khaled Ghordal) – Gaga… ils n’ont plus toute leur tête (Grégory Morin, pré-film) – Camille (Julie Granier, CM) – 2009  L’autre Dumas (Safy Nebbou) – Nannerl, la Soeur de Mozart (René Féret) – 2011  Main dans la main (Valérie Donzelli) – 2012  Pas très normales activités (Maurice Barthélémy).

Nota : elle ne semble jamais avoir participé à Opération Lady Marlène (Robert Lamoureux, 1974), bien que ce titre figure dans son CV.

Télévision (notamment) : 1961  Le théâtre de la jeunesse : Cosette (1ère et 2ème partie) (Alain Boudet) – 1966  Le théâtre de la jeunesse : Les deux nigauds (1ère partie) (René Lucot) – 1970  Le théâtre de la jeunesse : Un mystère contemporain (Alain Boudet) – 1971  Les cent livres : Le petit chose (Jean Archimbaud) – Sous le soleil de Satan (Pierre Cardinal) – 1972  La lumière noire (Pierre Viallet) – Pot-Bouille (Yves-André Hubert, série) – La mare au diable (Pierre Cardinal) – 1973  Témoignages : Marcel ou Paul ? (Bernard Toublanc-Michel) – L’enlèvement (Jean L’Hôte) – Karatekas and Co : Le club de l’eau plate (Edmond Tyborowski) – 1974  Étranger d’où viens-tu ?  (Bernard Toublanc-Michel, série) – 1975  Les brigades du Tigre : Le défi (Victor Vicas) – Le secret des Dieux (Guy-André Lefranc, série) – Les enquêtes du commissaire Maigret : La Guinguette à deux sous (René Lucot) – 1976  François le Ciampi (Lazare Iglésis) – 1977  Un amour de jeunesse (Raymond Rouleau) – 1978  Les Eygletières (René Lucot, série) – La filière (Guy-André Lefranc, série) – 1979  La petite Fadette (Lazare Iglésis) – Désiré Lafarge suit le mouvement Une fille seule (René Lucot) – L’éblouissement (Jean-Paul Carrère) – L’île au trente cercueils (Marcel Cravenne, série) – 1980  Histoires étranges : La loupe du diable (Pierre Badel) – L’enterrement de Monsieur Bouvet (Guy-André Lefranc) – 1981  Les héritiers : Les brus (Juan Luis Buñuel) – La vie des autres : L’autre femme (Gérard Clément, série) – Anthelme Collet ou le brigand gentilhomme (Jean-Paul Carrère, série) – 1982  Le retour d’Elisabeth Wolff (Josée Dayan) – 1983  Capitaine X (Bruno Gantillon) – Dans la citadelle (Peter Kassovitz) – 1984  Le dialogue des Carmélites (Pierre Cardinal) – L’âge vermeil (Roger Kahane) – 1985  Les amours des années 50 : Les scorpionnes (Jean-Paul Carrère) – L’énigme blanche (Peter Kassovitz) – La sonate pathétique (Jean-Paul Carrère) – 1988  Lundi noir (Jean-François Delassus) – 1991  L’huissier (Pierre Tchernia) – 1992  Maigret : Maigret et les plaisirs de la nuit (José Pinheiro) – Papa et rien d’autre (Jacques Cortal) – 1993  Ferbac : Le crime de Ferbac (Bruno Gantillon) – 1994  Le clandestin (Jean-Louis Bertucelli) – 1995  Pour une vie ou deux (Marc Angelo) – 1996  J’ai rendez-vous avec vous (Laurent Heynemann) – 1997  Madame Dubois : Hôtel Bellevue (Jean-Pierre Améris) – Le surdoué (Alain Bonnot) – 1998  Revient le jour (Jean-Louis Lorenzi) – 1999  P.J. : Casting (Frédéric Krivine) – Une femme d’honneur : Mort clinique (Alain Bonnot) – 2000  Avocats & Associés : L’enfant battu (Philippe Triboit) – Marc Eliot (Édouard Niermans) – 2001  H : Une histoire de dentiste (Frédéric Berthe) – Madame de… (Jean-Daniel Verhaeghe) – 2003  Quai N°1 : Amie-amie (Patrick Jamain) – 2004  Milady (Josée Dayan) – 2006  Sur le fil : Tuyau percé (Frédéric Berthe) – 2009  Folie douce (Josée Dayan).

Remerciements à Alain Plège et Jean-Jacques Jouve – Mise à jour du 23/12/2012