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J’ATTENDS QUELQU’UN

Avant-première à Bordeaux du film de Jérôme Bonnell, le 16 mars dernier à l’UGC-Ciné cité en présence de son réalisateur et de la comédienne Florence Loiret-Caille, en clôture d’un festival de courts-métrages. Louis – Jean-Pierre Darroussin, toujours aussi formidable -, est patron d’un café dans une petite ville de la banlieue parisienne. Il a un fils dont il ne s’occupe guère, et rend régulièrement visite à une prostituée occasionnelle un peu perdue, Sabine, il semble d’ailleurs être très attaché à elle. Il a instauré un rite en la retrouvant souvent dans un hôtel. Il va voir régulièrement sa mère – Mireille Franchino, très juste –, hospitalisée car elle semble perdre la mémoire, avec sa sœur Agnès– Emmanuelle Devos, épatante et solaire -, avec laquelle il a une grande complicité. Agnès, qui est institutrice, vit en couple avec Jean-Philippe – Éric Caravaca, défendant superbement son rôle -, professeur assez timoré. Le couple est assez solide, même s’il souffre de ne pas avoir d’enfants. Arrive le jeune Stéphane – Sylvain Dieudaide, sans doutes LE regard le plus triste du cinéma français -, qui fut d’ailleurs élève d’Agnès et qui revient dans la région après une longue absence. Il se lie d’amitié avec Tony – Yannick Choirat, très juste également -, chômeur sympathique et qui vit avec Farida – Sabrina Ouazani, un tempérament -. Ce petit monde triste se construit pourtant de petits moments de bonheur. Le film confirme le talent de Jérôme Bonnell – fils de René Bonnell pour la petite histoire – après le très probant « Les yeux clairs », je n’ai hélas pas vu son premier film « Le chignon d’Olga » -. C’est un cinéma qui privilégie ses personnages, prend le temps de le suivre. Il y a chez lui un grand sens de l’observation, une manière très personnelle de capter les émotions.

Florence Loiret-Caille & Jean-Pierre Darroussin

Le cinéaste est très habile pour faire alterner des moments cocasses et pour faire naître des émotions à travers plusieurs portraits de personnes partageant la même mélancolie. Tous les personnages existent, comme la mystérieuse femme aux chiens blancs, passante énigmatique – il m’aura fallu lire le générique pour percuter et enfin reconnaître l’excellente Nathalie Boutefeu, pourtant l’une des meilleures comédiennes de sa génération. C’est une idée ludique, pour celle qui fut présente dans « Le chignon d’Olga » et qui fut attachante dans « Les yeux clairs ». On s’attache à tous les personnages, comme celui de Marc Citti, comédien scandaleusement sous-estimé irrésistible en papetier amateur de bananes – il faut le voir manger sa banane avec un couteau, évoquant l’un des meilleurs épisodes de la série « Seinfeld », celui de la barre chocolatée mangée avec des couverts. Le quotidien est ici rendu avec une étonnante sensibilité, la caméra accompagne les acteurs qui rivalisent de justesse. Il traque l’insolite, les petits riens, à l’exemple d’un chien confié par une zonarde dans un parc. Il s’attendrit sur la lourdeur que démontrent parfois les êtres, à l’image de Louis ayant des gestes déplacés avec son employée. Il y a un lien et une unité dans les caractères, ce qui manquait au pourtant estimable « Ma place au soleil », film choral d’Éric de Montalier. Jérôme Bonnell ressemble à ses films, déterminé, avisé. Il évoquait l’écriture du film, débutant sur les personnages de Louis et de Sabine, avant de faire appel à d’autres personnages coexistant avec ce couple de départ.  Florence Loiret-Caille, une nature révélée dans « Une aventure » notamment, est ici bouleversante dans ce personnage à la fois fort et fragile. La comédienne présente donc au débat était d’une grande timidité, préférant visiblement parler du grand talent d’un Jean-Pierre Darroussin plutôt que de parler de son métier. Jérôme Bonnell est assurément un cinéaste à suivre de très près. Un excellent cinéma qui oscille entre le charme et la gravité.

MORT DE FREDDIE FRANCIS

Annonce de la mort de Freddie Francis, très grand chef opérateur et qui fut à l’instar de Jack Cardiff, cinéaste. Il fut d’abord cameraman avant de signer des images inoubliables comme dans le chef d’oeuvre du cinéma gothique « Les innocents » ou dans les films de David Lynch qui le fit travailler après des années d’absences après une carrière non négligeable comme réalisateur de films d’horreurs pour la firme anglaise « Amicus », notamment. Ses films sont parfois inégaux, mais teintés d’humour noir, citons « Dracula et les femmes » avec Christopher Lee, en 1969, où le battant d’une cloche n’est autre qu’un cadavre de femme, saigné à blanc… Il se spécialise également dans le film à sketche horrifique (« Le train des épouvantes », « Le jardin des tortures »,  « Histoires d’outre-tombe »…). Il signe en 1985, une sorte d’hommage crépusculaire aux films de la Hammer, avec « Le docteur et les assassins », avec Timothy Dalton en anatomiste du début du XIXème siècle, ravitaillé en cadavres par un ivrogne campé par Jonathan Pryce. Il était surtout reconnu pour ses qualités de ses images, il avait reçu l’oscar du meilleur chef opérateur en 1960 pour « Amant et fils » et en 1990 pour « Glory » et fut consacré à 4 reprises par la prestigieuse « British Society of Cinematographers », qui l’honora également du « BSC Lifetime Achievement Award » en 1997. Son CV complet est consultable dans l’indispensable Internet Encylopedia of Cinematographers . A lire également des hommages de Cinéartistes et de L’AFC.

Christopher Lee dans « Dracula et les femmes »

Filmographie : Comme réalisateur : 1962  The Day of the Triffids (L’invasion des triffids) (Co-réalisateur Steve Sekely) – Two and Two Make Six – Ein Toter sucht seinen Mörder / A Dead Man Seeks His Murderer – 1963  Paranoiac (Paranoïaque) – Nightmare / Here’s the knife, dear : Now use it (Meurtre par procuration) –  The Evil of Frankenstein (L’empreinte de Frankenstein) – 1964  Hysteria –  Dr. Terror’s house of horrors (Le train des épouvantes) – Tratior’s gate – 1965  The skull (Le crâne maléfigue) – 1966  The pyschopath (Poupée de cendres) – They came beyond space – The deadly bees (Le dard mortel) – 1967  Torture garden (Le jardin des tortures) – 1968  Dracula has risen from the grave (Dracula et les femmes) – 1969  Mumsy, Nanny, Sonny and Girly – 1970  Trog (Trog / L’abominable homme des cavernes) – 1971  The vampire happening / Gebissen wird nur nachts – 1972  Tales from the Crypt (Histoires d’outre-tombe) – The creeping flesh (La chair du diable) –1973  Craze (Vidéo : Le tueur sous influence) – Tales that witness madness – 1974  Son of Dracula – The ghoul – Legend of the Werewolf (Vidéo : La légende du loup-garou) – 1985 The doctor and the devils (Le docteur et les assassins) – 1987 Dark Tower (Vidéo : La tour de l’angoisse) (Co-réalisation avec Ken Wiederham) – Comme chef opérateur : 1956  A Hill in Korea (Les échappés du désert / Commando en Corée) (Julian Amyes) –  Time without pity (Temps sans pitié) (Joseph Losey) – 1957  The scamp / Strange affection (Wolf Rilla) – 1958  Virgin Island (Pat Jackson) – 1959  The battle of the sexes (La bataille des sexes) (Charles Crichton) – Room at the top (Les chemins de la haute ville) (Jack Clayton) – Next to no time (Henry Cornelius) – 1960  Never take sweets from a stranger / Never take candy from a stranger (Cyril Frankel) – Son and Lovers (Amants et fils) – Saturday night and Sunday morning (Samedi soir, dimanche matin) (Karel Reisz) – 1961  The innocents (Les innocents) (Jack Clayton) – 1964  Night must fall (La force des ténèbres) (Karel Reisz) –1980  The Elephant man (Elephant man) (David Lynch) – 1981  The french lieutenant’s woman (La maîtresse du lieutenant français) (Karek Reisz) – 1983  The Jigsaw Man (Vidéo : Double jeu) (Terence Young) – 1984  Memed my hawk (Peter Ustinov) – Dune (Id) (David Lynch) – 1985  Return of oz (Walter Murch) – Code name : Emerald (Vidéo : Nom de code : Émeraude) (Jonathan Sanger) – 1988  Clara’s heart (Le secret de Clara) (Robert Mulligan) – Her Alibi (Son alibi) (Bruce Beresford) – 1989  Brenda Starr (Robert Ellis Miller) – Glory (Id) (Edward Zwick) – 1991  The man in the moon (Un été en Louisiane) (Robert Mulligan) – Cape fear (Les nerfs à vifs) (Martin Scorsese) – 1993  A life in the theater (Gregory Mosher) – 1994  Princess Caraboo (Princesse Caraboo) (Michael Austin) – 1996  Rainbow (Les voyageurs arc-en-ciel) (Bob Hoskins) – 1999  The straight story (Une histoire vraie) (David Lynch) – Comme scénariste : 1964  Diary of a bachelor (Sandy Howard).

 

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Stuart Rosenberg

Annonce de la mort du réalisateur Stuart Rosenberg, à l’âge de 79 ans, d’une crise cardiaque, jeudi dernier à Beverly Hills. Cet ancien enseignant de littérature à l’université de New York, fit une carrière prolifique à la télévision, à l’instar d’un Robert Altman, en réalisant des séries à la télévision (« La quatrième dimension », « Alfred Hitchcock présente », « Les incorruptibles », etc..). Il commence en 1959, le tournage de « Crime société anonyme », interrompu par une grève des acteurs, solidaire avec eux, il fut remplacé par Burt Balaban. La critique était parfois rude avec cet habile artisan, pourtant toujours soucieux de faire exister une atmosphère et un décors.  Michel Grisolia dans Cinéma 73 N°178-1979, évoquait « le tape à l’œil de très mauvais goût dans lequel baignent aussi bien « Les indésirables » que « Move » », mais louait par contre ses « deux réquisitoires désespérés sur l’Amérique contemporaine : les forçats de « Luke la main froide » et les paumés de « W.u.s.a. » ». Il offre donc des rôles forts à Paul Newman, comme dans « Luke, la main froide » – qui valu l’oscar du meilleur second rôle à George Kennedy. Il le retrouve pour « W.u.s.a. » – nom d’une station de radio ouvertement fasciste – avec sa femme Joan Woodward, « Les indésirables » démythification du western hollywoodien, avec comme partenaire Lee Marvin et « La toile d’araignée » mettant en scène un privé aux prises avec les habituels clichés du polar dans une Floride écrasée de soleil. S’il est efficace dans les films de dénonciation, il semble cependant moins à l’aise dans la comédie comme dans « Folie d’Avril », malgré le tandem Jack Lemmon et Catherine Deneuve, et avec des grands sujets, tel l’exil des juifs expulsés d’Allemagne en 1976, malgré un impressionnant casting all-stars, – Orson Welles, Max Von Sydow, Faye Dunaway, etc… -. Il signa un curieux film en 1973, « Le flic ricanant », mettant en vedette Walter Matthau qui incarnait un policier sans histoire traquant un criminel sadique. Il connaît une consécration avec « Amityville, la maison du diable » victime de l’actuelle mode des remakes, mais le film a cependant mal vieilli et déçoit désormais malgré l’impact qu’il pouvait avoir dans les années 80. Il signe deux très bons films dans les années 80, tel « Brubaker » – il avait remplacé Bob Rafelson, réalisateur initalement prévu pour ce film -, où Robert Redford personnifie un nouveau directeur d’un pénitentier, voulant réformer les lieux, et « Le pape de Greenwich village » qui offrit l’un de ses meilleurs rôles à Mickey Rourke. Ce dernier était le partenaire d’Eric Roberts et Darryl Hannah, dans cette histoire de petits malfrats désoeuvrés. La dernière partie de sa carrière marquait le pas notamment avec « Six hommes pour tuer Harry », film d’action reaganien qu’il désavoua en signant « Alan Smithee » au générique. Son dernier film, « My heroes have always been cow-boy » datait de 1991, avec Scott Glenn et Ben Johnson, et est resté inédit en France. Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, lui avait consacré un article dans l’indispensable « 50 ans de cinéma américain », excellente approche sur ce réalisateur. 

Filmographie : 1960  Murder, Inc. (Crime société anonyme) (Film terminé par Burt Balaban) – Question 7 / Frage 7 – 1964  The black list (documentaire) – 1967  Cool Hand Luke (Luke la main froide) – 1969  The April Fools (Folies d’Avril) – 1970  Move (+ producteur exécutif) – WUSA (W.u.s.a.) – 1971  Pockey Money (Les indésirables) – 1973  The laughing policeman (Le flic ricanant) – 1975  The Drowning Pool (La toile d’araignée) – 1976  Voyage of the Damned (Le voyage des damnés) – 1979  Love and Bullets (Avec les compliments de Charlie) – The Amityville Horror (Amityville, la maison du diable) –  1980  Brubaker (Id) – 1984 Village Dreams (Le pape de Greenwich Village) – 1986  Let’s Get Harry (Six hommes pour tuer Harry) – 1991  My heroes have always been cowboys.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Nicole Stéphane

Annonce de la mort de Nicole Stéphane actrice et productrice française. Elle est très active durant la seconde guerre mondiale, confère sa fiche Wikipédia. Issue de la célèbre famille des de Rothschild, elle est choisie par Jean-Pierre Melville qui est un de ses amis pour incarner la mutique nièce de Jean-Marie Robain dans « Le silence de la mer », adaptation du célèbre roman de Vercors, tourné en 1947 sans avoir l’autorisation de ce dernier. Melville l’évoque dans le livre de « Rui Nogueira », « Le cinéma de Jean-Pierre Melville » (Éditions Seghers – Cinéma 2000, 1974, réédité par « Les cahiers du cinéma » : «  …Un jour qu’elle me confiait son désir de devenir réalisateur, je lui avais répondu : « Je vous prendrai comme assistante le jour où je ferai un film, mais permettez-moi de vous dire que j’aimerais mieux que vous y participiez comme comédienne ». Son profil très pur et ses yeux très clair convenaient parfaitement au rôle de la nièce ». Elle est excellente dans son attitude butée face à Howard Vernon incarnant un officier allemand cultivé. Elle retrouve Melville, dans l’adaptation de Jean Cocteau, « Les enfants terribles », où elle incarne une échevelée Élisabeth, elle y est excellente face au piètre Edouard Dhermite imposé par Cocteau. Elle abandonne très vite sa carrière d’actrice – elle figurait Marie Curie dans un court-métrage de Georges Franju », suite à un accident de la route pour se lancer dans la production pour des projets ambitieux. Elle produit « La vie de château » qui est un petit bijou de la comédie et est le premier film de Jean-Paul Rappeneau, Le site Artepix évoquait ses difficultés sur le financement de « Mourir à Madrid », évoqué dans le bonus du DVD du film : « Cette entrevue avec la productrice du film, Nicole Stéphane, permet de revenir sur son engagement sur le projet et les difficultés qu’elle a rencontrées avec Frédéric Rossif pour le mener à bien. Elle explique, entre autres choses, comment le gouvernement espagnol lui a proposé de racheter son film, pour l’empêcher d’être projeté en Espagne… ». A partir de 1969, elle avait pour projet d’adapter Marcel Proust dans une adaptation de Suso Cecchi d’Amico pour Luchino Visconti, la préparation fut évoquée dans deux livres « Proust à l’écran » de Peter Kranvanja » éditions « La lettre volée » et dans un livre de Suso Cecchi D’Amico paru aux éditions Personna. L’adaptation, finit par aboutir en 1983, pour le film honorable de Wolker Schlöndorff. Il convenait de saluer ce parcours exceptionnel. Annonce également, ces derniers jours du décès de la comédienne Betty Hutton et du réalisateur Jeff Musso.

Filmographie : Comme actrice : Le silence de la mer (Jean-Pierre Melville) – 1949  Les enfants terribles (Jean-Pierre Melville) La dernière nouvelle (Rune Hagberg &  Georges Patrix, CM) – 1950  Né de père inconnu (Maurice Cloche) – 1953  Le défroqué (Léo Joannon) – Monsieur et Madame Curie (Georges Franju, CM) – 1957  (Carve har name with pride (Agent secret S.Z.) (Lewis Gilbert) – 1984  Libération, libération : Le cinéma de l’ombre (Pierre Beuchot, documentaire TV). Comme réalisatrice : 1956  Les Hydrocéphales (CM) – 1958  La génération du désert (CM) – 1967  Une guerre pour une paix (CM) – 1993 En attendant Godot à Sarajevo (CM) – Comme productrice : 1961  Vel d’hiv (Frédéric Rossif & Guy Blanc, CM) – 1962  Mourir à Madrid (Frédéric Rossif) – 1965  La vie de château (Jean-Paul Rappeneau) – 1967  L’une et l’autre (René Allio) – 1968  Phèdre (Pierre Jourdan) – 1969  Détruire, dit-elle  (Marguerite Duras) – 1974  Promised lands (Susan Sontag, documentaire) –  1988  Sarah (Edgardo Cozarinsky, CM) –  Divers : Montage du générique : 1963  Behold a pale horse (Et vint le jour de la vengeance) (Fred Zinnemann). Comme assistante réalisatrice : 1957  Mon chien (Georges Franju, CM).

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Colette Brosset

Robert Dhéry & Colette Brosset

Les mouettes ne gueuleront plus… Annonce de la mort de Colette Brosset, à l’âge de 85 ans. Sa gouaille participait à un grand talent novateur dans la comédie française pour des films cultes, réalisé par son mari Robert Dhéry, décédé en 2004. Ce dernier ne me semble pas avoir la place qu’il mérite dans le panthéon des auteurs du cinéma français, mais ses films restent chers à nos coeurs. C’était un grand metteur en scéne, il suffit de comparer ses films avec la captation d' »Ah! Les belles bacchantes » par Jean Loubignac. Sa bande de comédiens autour de son couple, Christian Duvaleix, Robert Rollis ou Louis de Funès faisait merveilles. Dhéry lui-même jouait des personnages lunaires comme celui du supporter, tenu de rester muet par un dentiste dans un Londres hostile, ou le nouveau propriétaire de « La belle américaine », des rôles souvent lunaires. Colette Brosset incarnait la raison, avec un petit côté frondeur, il fallait la voir essayer de suivre, avec dynamisme, les chamailleries du tandem Dhéry-De Funès dans « Le petit baigneur ». Si comme comédien, Robert Dhéry était poignant dans « Malville » et « La passion Béatrice » dans le registre de l’émotion, Colette Brosset n’aura pas eu la chance d’avoir des rôles à sa mesure en dehors des films de son mari, mais on la retrouvait dans « La grande vadrouille » ou elle trouvait des uniformes allemands et des chiens pour les donner au tandem Bourvil-de Funès. Elle avait en effet un talent complet et un charme proche d’une Sophie Desmarets. Elle excellait pourtant dans tous les domaines, la danse – elle avait réalisé la chorégraphie des serveurs dans « Le grand restaurant » (Jacques Besnard, 1966), le théâtre, la radio et le cinéma. Certaines filmographies me semble la créditer à tort pour le film de René Clément « Paris brûle-t’il ? » (1965).

©   Le coin du cinéphage (reproduction strictement interdite, textes déposés)

ENTRE ADULTES

 Avant première du film « Entre adultes », le lundi 12 février, à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux, en présence de son réalisateur Stéphane Brizé, de Simon Lelouche – fils de Claude – son distributeur et de la comédienne Jeanne Ferron. Surprise son troisième long-métrage, après « Le bleu des villes » et « Je ne suis pas là pour être aimé », est en fait son second… Le cinéaste vivotait avec divers travaux publicitaires, il accepte donc en 2004, une commande en région Centre-Val-de-Loire,  filmer des comédiens de théâtre pour qu’ils découvrent et se familiarisent avec la caméra en 4 jours seulement. Il écrit donc 12 rôles, pour 6 couples, et décide de prendre l’idée de la construction de la  « Ronde » d’Arthur Schitzler, qui a donné un chef d’œuvre absolu au cinéma avec le film de Max Ophuls. La technique de tournage avec deux DV est ultra-rapide, les comédiens qui ont appris à se connaître en amont, n’ont qu’une heure parfois pour apprendre et mémoriser le texte, ce qui donne une impression très forte de vécu. Stéphane Brizé avait évoquait la liberté que cette méthode pouvait lui apporter dans son tournage suivant, en évitant de trop répéter les situations – outre d’avoir découvert Cyril Couton dans ce film qui devait ensuite tenir le rôle du fils de Patrick Chesnais -. Le regard confondant de naturel, et sans tabous, sur le couple est assez désabusé, le mâle étant assez veule. Ce parti-pris offre un naturel, des petites médiocrités dans un couple, des dissimulations, sur les petits mensonges et arrangements qui permettent d’avancer dans les faux-semblants. Il n’y a pas de jugements sur ses personnages désabusés, parfois couard, mais vivants. Ces couples adultères ou légitimes, vivent émoussements des rapports amoureux mais sont assez dignes à l’encontre de la misère sexuelle d’un petit chéfaillon d’un magasin qui fait un chantage affectif avec une prostituée occasionnelle et abuse de sa situation devant une demandeuse d’emploi. 

Les comédiens du film

Les comédiens sont tous particulièrement remarquable, et il était impressionnant de voir la vraie nature de la comédienne Jeanne Ferron, qui a une très forte nature comique, qui tourne beaucoup en province dans des spectacles comiques, bien que devant jouer dans l’avenir Shakespeare, « Macbeth » , seule en scène ! Elle est dans la lignée de Zouc si on tente un peu de la définir, ce qu’on ne pouvait présumer à la vision du film, elle joue une femme trompée qui fait un entretien d’embauche et doit subir une humiliation de la part de son futur employer qui manque de la harceler. Facétieuse, et rieuse elle était irrésistible. Ce film n’avait pas pour but d’être diffusé en salle, mais en 2005, Stéphane Brizé avait montré ce film à son ami Simon Lelouche – une nature visiblement passionnée -, qui lui a montré rapidement son envie de le sortir en salle. Il a convaincu son père Claude, également enthousiaste, de le sortir en salles – à noter l’affiche un peu racoleuse -, il est vrai qu’il y a une similitude dans le traitement, de la spontanéité que pouvait avoir avec des films comme « Smic, Smac, Smoc », ce qui constitue à mes yeux le meilleur du cinéma de Lelouch, loin de ses fresques pachydermiques – C’était un bonheur de retrouver sur le câble « Toute une vie », ratage et naufrage quasi-total si on excepte la présence de l’excellent Charles Denner. Loin d’être anecdotique et une simple expérience de « laboratoire », le film confirme le grand talent de Stéphane Brizé, quelque soit le support, son regard acerbe sur ses contemporains. Le film donne de l’espoir, quand on sait l’époque que traverse le cinéma français, Pascale Ferran démontrant parfaitement l’écart grandissant des budget entre les petits films d’auteurs fauchés et les grosses productions, les films entre ses deux financements disparaissant peu à peu, car il démontre que l’on peut faire une œuvre à peu de frais. Le générique de fin est d’ailleurs disproportionné avec la liste de la petite équipe du tournage, que de ceux ayant travaillé le format VHS pour la sortie du film. Une bouffée d’air frais dans notre cinéma français national qui flirte dangereusement avec la sclérose ses derniers temps.