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Fragments d’un dictionnaire amoureux : Peter Boyle

Annonce de la mort de Peter Boyle, à l’âge de 71 ans, le 12 décembre dernier, après une longue bataille contre des mélanomes et une maladie cardiaque. Notre très chère amie la Camarde continue donc à s’occuper de nos artistes de manière particulièrement insistante ces derniers temps. Si elle continue, je songe à me renommer « le coin du sarcophage »… Il prêtait souvent sa silhouette trapue à des rôles d’américains moyens, capable de canaliser en lui toutes les haines contemporaines. C’est un curieux destin pour un homme qui souhait devenir moine dans l’ordre des « Frères chrétiens »-. Il fut popularisé par son rôle dans « Joe… c’est aussi l’amérique » (John G. Avildsen , 1969), où il représentait une sorte de chantre de l’auto justice, aidant un P.D.G. à se venger de la mort du fils de ce dernier par overdose. Le duo va continuer les meurtres de manière violente. Il est aussi le détective privé engagé par George C. Scott pour retrouver son adolescente de fille disparue dans « Hardcore » (Paul Schrader, 1978). Il est idéal pour être le passeur d’une réalité sordide, malmenant les certitudes d’un père rigoriste et calviniste. Dans « Taxi driver » (Martin Scorsese, 1976), il est mémorable en chauffeur de taxi sentencieux face à Robert de Niro. Conscient de ne pas se laisser enfermer dans un certain type de rôles – il aurait refusé un rôle dans « French connection » selon IMDB -, il alternait des comédies burlesques à des films plus tragiques. Il est inoubliable de gaucherie et de drôlerie en créature de Frankenstein dans l’un des meilleurs films de Mel Brooks « Frankenstein Junior », il fallait le voir danser en frac sur une scène de théâtre. Il était très populaire à la télévision dans la série TV « Tout le monde aime Raymond » de 1996 à 2005, – 5 nominations pour les Emmy, récompense qu’il avait obtenu pour un épisode de X-Files, aux frontières du réel -dans le rôle du père de Ray Romano. Dernièrement il était particulièrement impressionnant en père de Billy Bob Thorton dans « À l’ombre de la haine » (Marc Foster, 2001), transmettant sa haine et son racisme à son fils. Ce comédien qui avait une présence très rare dans le cinéma mondial, marquait durablement les esprits à chacune des ses apparitions.  Bibliographie : « Quinlan’s Character Stars », de David Quinlan.

Filmographie : 1966  The group (Le groupe) (Sidney Lumet) – 1968  The virgin president (Graeme Ferguson) – Medium cool (Objectif vérité) (Haskell Wexler) – 1969  The monitors (Jack Shea) – Joe (Joe, c’est aussi l’Amérique (John G. Avildsen) – 1970  Diary of a mad housewife (Journal intime d’une femme mariée) (Frank Perry) – 1971   T.R. Baskin (Rendez-vous avec une fille seule) (Herbert Ross) – 1972  Steelyard Blues (Le monde à l’envers) (Alan Meyerson) – The candidate (Votez McKay) (Michael Ritchie) – FTA (Francine Parker) – 1973  Slither (Howard Zieff) – The friends of Eddie Coyle (Les copains d’Eddie Coyle) (Peter Yates) – Kid Blue (James Frawley) – Ghost in the noonday sun (Peter Medak) – 1974  Crazy Joe (Jo le fou) (Carlo Lizzani) – Young Frankenstein (Frankenstein junior) (Mel Brooks) – Swashbuckler (Le pirate des Caraïbes) (James Goldstone) – Taxi Driver (Id) (Martin Scorsese) – 1978  Hardcore (Id) (Paul Schrader) – F.I.S.T. (Id) (Norman Jewison) – 1979  Beyond the Poseidon adventure (Le dernier secret du Poseïdon) (Irwin Allen) – The  Brink’s job (Têtes vodes cherchent coffre plein (William Friedkin) –  In god we tru$t (La bible ne fait pas le moine) (Marty Feldman) – 1980  Where the buffalo roam (Art Linson) – Hammett (Id) (Wim Wenders) – 1981  Outland (Outland… loin de la terre) (Peter Hyams) – Group madness (Michael Mileham & Phillip Schuman, documentaire) – 1983 Yellowbeard (Barbe d’or et les pirates) (Mel Damsky) – 1984  Johnny Dangerously (Johnny le dangereux) (Amy Heckerling) – 1985  Turk 182 ! (Bob Clark) – 1987  Surrender (Cordes et discordes) (Jerry Belson) – 1986  Walker (Id) (Alex Cox) – Red heat (Double détente) (Walter Hill) – Funny (Bran Ferren, documentaire) – The in crowd (Un destin pour deux) (Mark Rosenthal) – Speed zone (Vidéo : Cannonball III) (Jim Drake) – 1989  The dream team (Une journée de fou) (Howard Zieff) – 1990  Men of respect (Un homme à respecter) (William Reilly) – Solar crisis / Kuraishisu niju-goju nen (Richard C. Sarafian) – 1991  Nervous tick (Rocky Lang) – Kickboxer II: The road back (Kickboxer II: Le successeur) (Albert Puyn) – 1992  Honeymoon in Vegas (Lune de miel à Las Vegas) (Andrew Bergman) – Death and the compass / La muerta y la brújula (Alex Cox) – Malcolm X (Id) (Spike Lee) – 1994  Exquisite tenderness (Vidéo : Clinic) (Carl Schenkel) – The shadow (Id) (Russell Mulcahy) – Killer / Bulletproof heart (Mark Malone) – The Santa Clause (Super Noël) – 1995   While you were sleeping (L’amour à tout prix) (Jon Turtleltaub) – Born to be wild (Vidéo : Drôle de singe) (John Gray) – 1996  Surrogate mother / Final vendetta (Les griffes de la cigogne) (René Eram) – 1997  That darn cat (Le nouvel espion aux pattes de velours) (Bob Spiers) – 1998  Milk & Money (Michael Bergmann) – Doctor Dolittle (Dr. Doolittle) (Betty Thomas) – Species II (La mutante II) (Peter Medak) – 2001  Monster’s ball (À l’ombre de la haine) (Marc Foster) – Neko no ongaeshi (Le royaume des chats) (Hiroyuki Morita, animation, voix de la version américaine) – 2002  The adventures of Pluto Nash (Pluto Nash) (Ron Underwood) – The Santa Clause 2 (Hyper Noël) (Michael Lembeck) – Bitter jester (Maija Di Giorgio, documentaire) – 2003  Imagine New York (Peter Putka, CM) – A decade under the influence (Une décade sous influence) (Ted Demme & Richard LaGravenese, documentaire) – Scooby -Doo 2: Monsters unleashed (Scooby Doo 2 : les monstres se déchaînent) (Raja Gosnell) – 2006  The Santa Clause 3 : The escape Clause (Super Noël méga givré – Super Noël 3) (Michael Lembeck) – Shadows of Atticus (Dennis Fallon) – 2008  All road lead home (Dennis Fallon).

 

 

RED ROAD

« Red Road », prix du jury à Cannes est le type de film qu’il faut se précipiter de voir, car il aura très vite disparu de l’affiche, ne vous laissant pas le temps de le conseiller. Sans trop vouloir déflorer l’histoire. Jackie – très attachante Kate Dickie, faux airs de Marilyne Canto –  travaille la nuit pour une société de vidéosurveillance dans un triste quartier de Glasgow. Rapidement on la devine meurtrie par la vie, assez désabusée et tel un ange gardien elle veille sur la petite communauté. Elle prend très à cœur son métier, sans voyeurisme, et prend le temps de regarder les petites beautés de la vie comme deux promeneurs avec leurs chiens qui se rencontrent. Mais elle doit être vigilente car derrière ce calme apparent peut advenir un drame, comme une jeune femme qui se fait agresser par des jeunes filles apparamment tranquilles. Elle trouve dans son travail une sorte de réconfort – avec évidemment tous les problèmes que peut poser ce dispositif de 1984, car elle a le pouvoir d’influer sur la vie des gens -. Mais un jour elle va se focaliser sur un homme qu’elle semble reconnaître, et tout peut alors basculer…. C’est le premier long-métrage de la réalisatrice Andrea Arnold, qui avait remporté l’oscar du meilleur court-métrage en prises réelles en 2005 avec « Wasp ». L’entreprise très originale est le premier des trois films développés au « Sundance Screenwriters Lab », dans le cadre du projet Advence Party, en 2005. Le principe en était de raconter et faire trois films autour de l’utilisation des 9 mêmes personnages par 3 metteurs en scène différents (source le site sur Le festival de Cannes). Le regard qu’Andrea Arnold porte sur le monde est très prenant, proche d’un Mike Leigh. Si elle affronte la dure réalité anglaise sans fioritures, il n’y a pas  pour autant de misérabilisme. Il y a un parti pris naturaliste, qu’elle transcende en flirtant parfois avec le fantastique – les cris des renards au lointain -.

Kate Dickie

Elle arrive à trouver dans le quotidien un regard singulier. Elle remarque une grande tendresse chez les gens qui étouffent leurs maux, même dans les actes sexuels dépeints avec crudité. Le film baigne dans une étrange lumière automnale, et elle va s’attarder sur le sort des gens, la souffrance qui ne se montre pas. Les scènes d’un quotidien laborieux, Tous les personnages ont une grande dignité, même le collègue de Katie, un homme marié qui fait l’amour avec elle sans aucun romantisme dans une camionnette. Le film est prenant, oppressant parfois, comme si une menace sourde planait sur Glasgow. La ville est un des personnages à part entière du film, il faut souligner une attention particulière aux sons, aux petits riens que l’on ne prend plus le temps de regarder. Les gens cherchent à fuir un certain déterminisme, comme le personnage de Clyde – excellent interprétation de Tony Curan -, qui amène une grande subtilité dans un rôle très fort que je vous laisse découvrir. La très poignante Kate Dickie, fait passer une gamme de sentiments avec beaucoup de tenue. Sa manière « borderline » de survire à des blessures terribles, ne sont que des signes de détresse qu’elle refuse de montrer aux autres. Il y a de beaux personnages comme le personnage du beau-père privé d’un élément pour son travail du deuil et le petit couple vivotant, faisant parfois des petits griefs et se consolant avec un petit chien, et même la silhouette d’une jeune femme qui hésiter à entrer dans un immeuble. Le film très intense est une belle révélation, pour l’avoir découvert vierge de toutes informations. Le talent et la grande maîtrise d’Andrea Arnold est à suivre assurément.

LES FILMS QUI RENDENT SCROGNEUGNEU : MADAME IRMA

« Madame Irma », vu en novembre en avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux de en présence de Yves Fajnberg, Didier Bourdon et Pascal Légitimus. Ce film a reçu le grand prix du festival de Sarlat, ce qui est finalement le seul gag marrant de cette histoire… Deux cas de figures à envisager, ou bien les délibérations découlent d’une soirée particulièrement arrosée, tendance flirt avec le coma éthylique, ou bien c’est typique d’un courant d’humour en Dordogne, qui bien que natif du sud-ouest m’échappe un peu. L’histoire, Francis, un cadre supérieur, quadragénaire pétant plus haut que son cul, vit avec une jeune femme, Inès -Arly Jover, un joli minois qui fronce sourcils, rescapée du cornichonesque « Empire des loups », si elle a du talent, elle devra en faire preuve dans l’avenir -. Il dépend d’un siège social aux États-Unis, et hélas pour lui, il perd son emploi, suite à une restructuration. Désemparé, il nous rejoue une parodie de « L’emploi du temps » de Laurent Cantet. Lâche, il refuse de dire la vérité à sa jeune femme, qui voit comme vénale. Par hasard, il va voir une voyante dans une roulotte – Julie Ferrier, jubilatoire et qui nous livre une excellente composition, nous sortant un peu de notre torpeur -. Il voit en cette activité une manne très lucrative. Aidé de son ami de toujours, Ludovic, un généraliste blasé, il décide de se déguiser en voyante façon Mme Doubtfire. Il s’installe dans une caravane, s’attifant comme Michèle Alliot-Marie et attend les gogos. Bon, le Bourdon cavalier seul pouvait être drôle, que celui lui qui n’a jamais rit à son rôle de psychopathe dans « La machine » de François Dupeyron me jette la première pierre.

Jean-Pierre Lazzerini & Didier Bourdon, le charme discret des sanisettes

Il semble simplement ici souffrir d’un manque patent d’inspiration, à l’entendre roder le pas lourd près du public pour entendre le résultat – il rit, il faut bien le dire, se forçant un peu, il est venu pour ça -. Il y a une anxiété chez lui visible, mais le résultat même s’il se veut soigné – Yves Fajnberg, comme réalisateur, auteur de l’honnête Vive la vie. Il y a aussi soin dans la distribution de seconds rôles, comme souvent chez Bourdon, mais ils sont tous sous utilisés, de l’étonnant Jacques Herlin, acteur à la filmographie particulièrement brillante – en veuf éploré, Jean-Pierre Lazzerini – pas gâté d’ailleurs – et Farida Ouchani en cafetiers un peu rustres, Claire Nadeau en ex-femme désabusée – elle semble avoir fait toutes ses scènes le même jour, Gérard Caillaud, qui amène un peu de fantaisie dans son éloge du boulon, ou Jo Prestia, déjà évoqué ici, dont il ne se sert que de son incroyable présence – il faut entendre les réactions du public quand il paraît -. Le tout est curieusement assez misogyne, mollasson, aussi épais que la silhouette du comédien désormais. La rencontre avec l’équipe du film fut à l’image du film… Le trio se déclarant dévouer au public, n’a pas daigné lui laisser poser des questions, et a ensuite filé à l’anglaise… Le commentaire d’après débat fut de courte durée, ils ont juste évoqué l’idée originale – sic – apportée par le scénariste Frédéric Petitjean, avant de surligner le côté social et ancré dans la réalité du film – re-sic ! -. Pascal Légitimus s’est mis ensuite à dénigrer allégrement sur Catherine Mouchet, qui semble vivre dans « son monde » et jouer seule. Elle n’a pas dû lui plaire, à notre Pascal, jalousant en public son ami Didier d’avoir choisi comme femme une gravure de mode. Pourtant sa singularité est parfaitement bienvenue dans ce film franchouillard. Pas de mention « Coin du nanar », car il n’y a pas de grand plaisir narquois pris ici tant l’entreprise est pataude.. Au final, on repart avec la désagréable impression de voir deux artistes qui dilapident allégrement leur capital de sympathie. Et de se lamenter – overdose de comédies -, sur l’état actuel du cinéma de divertissement.

LE COIN DU NANAR : RACHEL S’EN VA-T-EN GUERRE

Retour aux sources, pour Paul Verhoeven, qui avec son vieux complice le scénariste néerlandais Gérard Speteman, retourne en Hollande pour un projet vieux de 20 ans, avec ce « Black Book », « Zwartboek », en V.O.. Évidemment, il était difficile d’attendre de la subtilité de la part de ce cinéaste, mais on pouvait le penser perverti par le système hollywoodien. De par le souvenir de ses premiers films provocateurs et mordants, on pouvait espérer au moins une œuvre plus personnelle. Le film est certes divertissant, le bougre a du métier et il arrive à nous tenir en haleine dans le style « Bécassine chez les Nazis ». On ne peut pas dire qu’il innove beaucoup, on pouvait retrouver le portrait d’une femme, prête à tout pour survivre dans l’adversité – dans « La chair et le sang » en 1985, où l’admirable Jennifer Jason Leigh bataillait avec les horreurs du XVIe siècle. Surprise, le cocktail gore, sexe et religion est ici sérieusement aseptisé. Le film est malgré tout aidé par le charisme de sa jeune interprète Carice van Houten. Elle joue Rachel Stein, jeune et séduisante chanteuse juive, voulant regagner avec sa famille, la partie de la Hollande libérée. Après bien des rebondissements, elle finit par rejoindre la Résistance et finit par infiltrer la Gestapo, occupé par un officier allemand Müntze – Sebastian Koch, traînant sa lassitude en nazillon repenti – qu’elle va séduire. Mais un effrayant officier SS, qu’elle a croisé dans de tragiques circonstance,s règne dans ce lieu par sa cruauté –  Waldemar Kobus au moins aussi drôle que Francis Blanche en Papa Schülz dans « Babette s’en va-t-en guerre » -. Rien ne lui sera épargné dans les épreuves… Il faut l’entendre dire « Tout cela ne cessera donc jamais ? » – allusion aux 2h25 de film ? -. La moralité du film est plus que douteuse, ne servant qu’à de vains retournements de scénarios, un officier nazi pouvant se révéler particulièrement sympathique.

Carice van Houten & Waldemar Kobus

Les notions de bien et de mal sont ici caricaturées et ne servent qu’à de redoutables effets de scénarios rocambolesques avec une musique de fond façon potage. Le petit jeu prévisible des faux-semblants est exploité à l’envi, et donne un effet d’un éloge flagrant de l’opportunisme. Verhoeven multiplie les fausses audaces, confinant au grotesque, comme la teinture de poils pubiens pour la jeune chanteuse histoire de faire plus aryenne ! Ces personnages sont des pantins ballottés par les événements, ces aliens insectes ou ces femmes fatales d’opérette pouvaient être plus crédibles, c’est dire. Les interprètes sont assez jouissifs dans le ridicule, comme Thom Hoffman, médecin résistant, Christian Berkel en général SS déterminé ou Derek de Lint en père possessif et résistant. Ce curieux mélange de mièvrerie, d’esbroufe, de bons sentiments et d’atrocités finit par avoir son petit effet rigolo. Le pire est que le réalisateur, se dit s’inspirer de faits réels, on se demande quel est le matériel de départ devant tant d’invraisemblances et de roublardises. Le film prend une vérité historique, un dixième de la population juive survivra au Pays-Bas, pour aboutir à une BD caricaturale, ce qui me semble vraiment malsain. Ce qui est difficilement compréhensible c’est un certain accueil critique favorable, sans créer de polémiques ce qui est assez décourageant. Heureusement que les chroniqueurs du « Masque et la plume », sur France Inter,  ont hier allégrement assassiné ce film, car je finissais par douter de ma santé mentale. Pierre Murat a finement comparé ce film avec « La chatte » d’Henri Decoin, film des années 50 avec Françoise Arnoul. C’est le même type d’histoire d’espionnage durant l’occupation, mais ce film ne se voulait qu’un honnête divertissement. Amateurs de nanars cultes, précipitez-vous ! Il est curieux que ce metteur en scène, avouant ses compromis avec le cinéma américain finisse par faire pire dans son pays d’origine. Le baquet de merde du film finit par être une métaphore assez juste de cette oeuvrette grotesque et boursouflée.

COEURS

  On devrait fêter l’inventivité d’Alain Resnais, tous les jours, tant ce metteur en scène se renouvelle constamment dans la continuité. La trop grande discrétion de l’homme, fait peut être que l’on ne lui rende pas plus souvent hommage, même s’il a reçu pour son dernier film « Cœurs », le « Lion d’argent du meilleur réalisateur » à la 63ème Mostra de Venise. Je suis dans le même cas de figure que « Pierrot » dans son excellent compte rendu dans son blog « Le journal cinéma du docteur Orloff », il est difficile de parler finalement d’un cinéaste pour lequel on voue une adoration, « Muriel ou le temps d’un retour » est par exemple pour ma pomme l’un des plus beaux films du monde. On retrouve donc le petit théâtre d’Alain Resnais, et on peut saluer sa réactivité… En effet il n’a pas réussi à terminer un projet pourtant bien avance « Le tsar se fait photographier », adaptation d’un opéra de Kurt Weill et Georg Kaiser, faute de financements. Il s’est donc rabattu sur une nouvelle adaptation de l’œuvre théâtrale très riche d’Alan Ayckbourn – après la formidable réussite du dyptique « Smoking-No-smoking » -, en confiant à un Jean-Michel Ribes très inspiré, qui transpose l’histoire dans le XIIIème arrondissement de Paris – Resnais restitue parfaitement son ambiance – l’adaptation de « Private fears in public places », en trois semaines seulement. L’adversité semble l’inspirer, les assurances doivent prévoir un cinéaste de remplacement en cas de mort d’un cinéaste jugé trop âgé – ce qui est tout de même assez sordide -. Après Cédric Klapisch, prévu en secours pour « Pas sur la bouche », Alain Resnais a choisi Bruno Podalydès. Avec malice, il lui confit la petite émission de télévision musicalo-religieuse – drolatiques scènes avec notamment l’excellent Michel Vuillermoz -, pour mieux l’intégrer dans la narration pour une amusante histoire de K7. Le résultat final est remarquable. Ce film, qui avait pour premier titre « Petites peurs partagées », qui a dû effrayer les distributeurs, capte en fait parfaitement l’air du temps, un sentiment sourd de solitude et une inquiétude à ne pas retrouver son « binôme ». Pour citer la célèbre poésie d’Aragon « cœurs légers, cœurs changeants, cœurs lourds le temps de rêver est bien court.. », le titre « Cœurs » est excellent, il montre les sentiments oppressés, l’emballement d’un amour naissant, la lassitude d’une triste condition.

Sabine Azéma & Pierre Arditi

Avec une certaine tendresse pour ses personnages, il livre un monde un peu désabusé, en nous régalant d’une mise en scène tout simplement éblouissante. S’il regarde ses personnages comme dans « Mon oncle d’Amérique », comme des animaux de laboratoires, il les isole de leur milieu, pour mieux les comprendre. Comme dans « Mélo », « Smoking-No-smoking » et “Pas sur la bouche”, la théâtralité est assumée, le factice aide à établir une étude de mœurs avec beaucoup d’humour. C’est l’histoire de 7 solitudes, 7 destins qui s’entrecroisent, il y a Lionel, un barman dans un hôtel de luxe,  – Pierre Arditi, remarquable en homme désabusé -, flanqué d’un père possessif et atrabilaire  – audacieuse utilisation du grand talent de Claude Rich, presque 40 ans après « Je t’aime, je t’aime » -, Thierry, un agent immobilier zélé – André Dussollier virevoltant -, s’occupant d’un couple de clients difficiles, – Nicole et Daniel dit Dan qui traversent une crise, Laura Morante rayonnante et Lambert Wilson qui fait une composition jubilatoire en ancien militaire qui se laisse vivre, fréquentant souvent le bar où travaille Lionel -. André partage sa morne existence entre sa collègue Charlotte un peu bigote et assez étrange et qui s’occupe également en bénévole du père de Lionel – Sabine Azéma, fantasque dans un rôle assez complexe – et sa sœur Gaëlle, beaucoup plus jeune que lui – Resnais s’est inspiré d’un cas réel, selon la revue « Positif », Isabelle Carré lui donne son charme habituel -. Gaëlle cherche l’âme sœur et finit par rencontrer Dan, qui tente de réorganiser son existence. La neige omniprésente – rappel du superbe « L’amour à mort », va finir par renter dans les cœurs, donnant une ambiance sourde et feutrée, les moindres sentiments sont de ce fait exarcerbés. C’est du travail d’orfèvre magnifié par son travail avec ses collaborateurs habituels – Jacques Saulnier, 15ème film ensemble – ou avec des petits nouveaux : Éric Gautier à la photographie – lire son passionnant entretien dans le dernier numéro de « Positif » – ou le musicien Mark Snow – musicien des séries américaines « Millenium » et « X-Files », Alain Resnais étant féru de séries américaines. Ce film, vu deux fois avec le même plaisir, me semble remonter nettement le niveau de cette triste année cinématographique dans le cinéma français.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Claude Jade

 

Annonce de la mort de Claude Jade, d’un cancer de l’œil, ce 1 décembre 2006, des suites de métastases hépatiques. Elle venait de reprendre avec Patrick Préjean, la pièce de Jacques Rampal « Célimène et le Cardinal » au théâtre du Lucernaire, et elle devait la continuer en 2007 à Colombes puis à Boulogne-Billancourt. Elle fait des débuts timides auprès de son cousin Guy Jorré dans la dramatique « Le crime de la rue de Chantilly » sous le nom de Claude Jorré. Son charme y est indéniable le temps de deux scènes montrant l’insouciance d’un quartier de Paris avant la découverte d’un crime crapuleux au XIXème siècle, bien avant d’être remarqué par François Truffaut. Elle restera dans nos mémoires, avec son visage lumineux et sa grâce naturelle,  dans son rôle de Christine, jeune fille sage, qui deviendra la femme d’Antoine Doinel – Jean-Pierre Léaud -. Son évolution sera intéressante à suivre sur trois films « Baisers volés » (1968), « Domicile conjugal » (1970) et « L’amour en fuite » (1978). Dans ce dernier film, en femme divorcée et mère du petit Alphonse, elle devient sûre d’elle et indépendante. Le cinéma l’engage, pour un parcours inégal où elle passera d’une curieuse adaptation contemporaine de l’oeuvre d’Alexandre Dumas, avec « Le signe de Monte-Cristo » (André Hunebelle, 1968), avec Paul Barge et Pierre Brasseur, au rôle de la fille de Dany Robin dans « L’étau » (1969)  grand film malade d’Alfred Hitchcock, qui l’engagea grâce aux conseils de Tuffaut. Elle joue une jeune fille vierge dans « Mon oncle Benjamin » (1969), succombant au charme de Jacques Brel, surveillée par son père, un aubergiste fruste campé par Robert Dalban, qui fait tout pour son protéger la virginité de sa fille, qu’il appelle son « petit capital ». Elle rayonne dans les années 70, en une femme séduisante dans « Le bateau sur l’herbe » (1970), qui casse une amitié entre deux hommes. Dans l’amusant « Le pion » (1978), elle est une mère esseulée d’un des élèves le plus turbulents du pion timide, campé par Henri Guybet. Elle travaille régulièrement à la télévision, où on lui propose des rôles souvent romantiques. Elle est éblouissante dans le feuilleton « L’île aux trente cercueils » (1979), adaptation brillante de l’œuvre de Maurice Leblanc, signée Marcel Cravenne, qui supprimera de son adaptation le personnage d’Arsène Lupin. Dans le rôle de Véronique d’Hergemont, elle est une infirmière, travaillant dans un hôpital militaire en 1917, qui apprend la mort de son mari Vorski – excellent Jean-Paul Zehnacker, qui traumatisa toute une génération -, homme brutal et violent. L’œuvre reste forte et est à redécouvrir en DVD. Les rôles se font plus rares, on la retrouve régulièrement dans en vedette invitée de série policière, mais le cinéma ne lui à offert ces dernières années, mais Jean-Pierre Mocky tente de casser son image pour « Bonsoir » (1992), où elle incarne une lesbienne qui s’offre les charmes de Corinne Le Poulain, mais qui est dérangée par un trouble-fête joué brillamment par Michel Serrault. Elle est très touchante, dans le rôle d’une femme d’une cinquantaine d’année, montant avec difficultés les escaliers pour rentrer chez elle, et se cachant de ses voisins souffrant de dépendances à l’alcool dans « la rampe » (diffusé en 2000), un court-métrage de 6 minutes dans le cadre de la série « Scénarios sur la drogue ». Il est dommage que la gravité qu’elle montrait dans cette œuvre, n’ai pas inspiré les metteurs en scènes. Elle avait signé son autobiographie « Baisers envolés » en 2004. Son souvenir restera chèr à notre cœur.

Photo source « Act1 »

Filmographie : 1968  Baisers volés (François Truffaut) – Sous le signe de Monte-Cristo (André Hunebelle) – Topaz (L’étau) (Aldred Hitchcock) – 1969  Le témoin (Anne Walter) – Mon oncle Benjamin (Édouard Molinaro) – 1970  Domicile conjugal (François Truffaut) – Le bâteau sur l’herbe (Gérard Brach) – Nijinsky (Tony Richardson, inachevé) – 1972  Les feux de la chandeleur (Serge Korber) – Home sweet home (La fête de Jules) (Benoît Lamy) – 1973  Number one (Gianni Buffardi) – Prêtres interdits (Denys de la Patellière) – La ragazza di Via Condotti (Meutres à Rome) (German Lorente) – 1975  Trop c’est trop (Didier Kaminka) – Le malin plaisir (Bernard Toublanc-Michel) – Kita No Misaki (Le cap du Nord) (Kei Kumai) – Le choix (Jacques Faber) – 1976  Una spirale di nebbia (Caresses bourgeoises) (Eriprando Visconti) – 1978  Le pion (Christian Gion) – L’amour en fuite (François Truffaut) – 1980  Le bahut va craquer ! (Michel Nerval) – Téhéran 42 (Alexandre Alov & Vladimir Naoumov) – 1981  Lenin V Parize (Serguei Yutkevitch) – 1982  L’honneur d’un capitaine (Pierre Schoendoerffer) – 1985  L’homme qui n’était pas là (René Féret) – 1987/90  Le radeau de la Méduse (Iradj Azimi) – 1991  Tableau d’honneur (Charles Némès) – 1992  Bonsoir (Jean-Pierre Mocky) – 1993  Tombés du ciel (Philippe Lioret) – 1998  Vénus, beauté (institut) (Tonie Marshall, rôle coupé au montage) – Scénario sur la drogue : La rampe (Santiago Otheguy, CM) – 2003  À San Remo (Julien Donada, CM).Nota : 1975  Maître Pygmalion comment devenir un bon vendeur (Jacques Nahum & Hélène Durand) est un film d’entreprise, destiné à la formation à la technique des ventes en 10 épisodes. Nota : Elle ne témoigne pas dans les films consacrés à François Truffaut : « Vivement Truffaut » (Claude de Givray, 1985) et « François Truffaut : Portraits volés » (Serge Toubiana & Michel Pascal, 1992).

Claude Jade dans « Le crime de la rue Chantilly »

Télévision : 1965  Le crime de la rue Chantilly (Guy Jorré) – 1967  Prunelle (Edmond Tiborowsky) – 1968  Les oiseaux rares (Jean Dewever) – Mauregard (Claude de Givray, série TV) – 1969  Le songe d’une nuit d’été (Jean-Christophe Averty) – Allô Police : Retour à l’envoyeur (Daniel Le Comte) – 1971  Au théâtre ce soir : Il y a longtemps que je t’aime (Georges Folgoas) – Shéhérazade (Pierre Badel) – 1972  La mandragore (Philippe Arnal) – 1973  Le château perdu (François Chatel) – Au bout du chemin (Daniel Martineau) – 1974  Mamie Rose (Pierre Goutas) – Les oiseaux de lune (André Barsacq) – Malaventures : Monsieur seul (Joseph Drimal) – 1976  Les anneaux de Bicêtre (Louis Grospierre) – Antenne à Francis Perrin (Jean Kerchbron, variétés) – Le collectionneur de cerveaux (Michel Subiela) – 1977  Les amours sous la Révolution : La passion de Louis et Camille Desmoulins (Jean-Paul Carrère) – Claude Jade lit Madame de Sévigné (Jacques Cornet) – 1978  Au théâtre ce soir : Volpone (Pierre Sabbagh) – Ulysse est revenu (Claude de Givray) – La grotte au loups (Bernard Toublanc-Michel) – 1979  Nous ne l’avons pas assez aimé (Patrick Antoine) – L’île aux trente cercueils (Marcel Cravenne) – Cinéma 16 : Fou comme François (Gérard Chouchan) – 1981  Treize (Patrick Villechaise) – Commissaire Moulin : L’amie d’enfance (Jean Kerchbron) – Lise et Laura (Henri Helmann) – 1982  Rendezvous à Paris (Rendez-vous à Paris) (Gabi Kubach) – 1984  Une petite fille dans les tournesols (Bernard Ferie) – Voglia di volare (Pierre Giuseppe Murgia) – 1985  Vivement Truffaut (Claude de Givray, documentaire) – 1987  Le grand secret (Jacques Trébouta) – Qui sont mes juges (André Thiéry) – 1989  Regulus 93 (Jean-Luc Tardieu, captation) – 1990  Fleur bleue (Plusieurs réalisateurs) – V comme vengeance : Le bonheur des autres (Charles Bitsch) – The hitchhiker (Le voyageur) : Windows (René Manzor) 1992  Eugène Grandet (Jean-Daniel Verhaeghe) – 1993  La tête en l’air (Marlène Bertin) – 1994  Tabou (Jacques Richard) – Julie Lescaut : Rumeurs (Marion Sarraut) – Navarro : Sentiments mortels (Nicolas Ribowski) –1995  Porté disparu (Jacques Richard) – Belle époque (Gavin Millar) – 1996  Inspecteur Moretti : Un enfant au soleil (Gilles Béhat)  – 1997  Les Rapapommes (Myron Meerson, voix seulement) – Une femme d’honneur : Mémoire perdue (Michèle Hauteville) – 1998  Une femme d’honneur : Mémoire perdue (Michèle Hauteville) – 1998  Cap des pins (Emmanuel Fondallosa & Bernard Dumont) – 2000  Sans famille (Jean-Daniel Verhaeghe) – 2003  Meutres pour mémoire (Michel Sidoroff) – La crim’ : Le secret (Dominique Guillo) – 2004  Groupe flag : Vrai ou faux (Étienne Dhaene).

Théâtre :  notamment : 1966  L’école des femmes, de Molière (Dijon) – 1967  Henri IV, de Luigi Pirandello, m.e.s. de Sacha Pitoëff – 1971  Je t’aime, de Sacha Guitry, m.e.s. de Julien Bertheau – 1974  Les oiseaux de lune, de Marcel Aymé – Il y a longtemps que je t’aime, de Jacques Deval – 1975  La guerre de Troie n’aura pas lieu, de Jean Giraudoux, m.e.s. de Jacques Mauclair –  1977  Port-Royal, d’Henry de Montherlant, m.e.s. de Jean Meyer – 1978  Intermezzo, de Jean Giraudoux, m.e.s. de Jean Meyer – Volpone, de Jules Romain – 1983  Les exilés, de James Joyce, m.e.s. de Jean Meyer – 1984  Le faiseur, d’Honoré de Balzac, m.e.s. de Christian Alers – 1986  L’interrogatoire, de Vladimir Volkoff, m.e.s. de Christian Alers – 1988  Regulus 93, de  Catherine Decours, m.e.s. de Jean-Luc Tardieu – 1991  Un château au Portugal, de Julien Vartet, m.e.s d’Idriss – 1992  Dissident il va sans dire, de Michel Vinaver, m.e.s. de Jean Maisonnave – 2001  Lorenzaccio, une conspiration en 1534, de George Sand & Alfred de Musset, m.e.s de Henri Lazarini – 2006 Célimène et le Cardinal, de Jacques Rampal, m.e.s de Jacques Rampal.

Mise à jour du 14/03/2009

MORT DE GISÈLE PRÉVILLE

Philippe Noiret & Gisèle Préville dans « Le témoin »

Le comédien Antoine Valli, m’annonce également la mort de Gisèle Préville, confirmée par « Les gens du cinéma », la veille de ses 88 ans, elle jouait notamment la femme bourgeoise de Philippe Noiret dans « Le témoin » (Jean-Pierre Mocky, 1978). Plus âgée que lui, elle supportait les frasques de son époux, ne voulant pas subir un mariage de raison. Elle était d’un très grande beauté dans le « Vautrin » de Pierre Billon, face à Michel Simon.

Filmographie établie avec Armel de Lorme : 1936  Le chemin de Rio / Cargaison blanche (Robert Siodmak) – Aventure à Paris (Marc Allégret) – 1937  Trois artilleurs au pensionnat (René Pujol) – Prisons sans barreaux (Léonide Moguy) – 1938 La chaleur du sein (Jean Boyer) – Trois artilleurs en vadrouille (René Pujol) – Noix de coco (Jean Boyer) – L’entraîneuse (Albert Valentin) – 1939  Paris-New York (Yves Mirande) – 1941 Les deux timides (Yves Allégret) – Mélodie pour toi (Willy Rozier) – 1943  Vautrin (Pierre Billon) – 1945 Trente et quarante (Gilles Grangier) – 1945 Trente et quarante (Gilles Grangier) – 1946 Miroir (Raymond Lamy) – Les aventures de Casanova (Jean Boyer) – Contre-enquête (Jean Faurez) – 1947  Brigade criminelle (Gilbert Gil) –  Against the wind (Les guerriers dans l’ombre) (Charles Crichton) – 1948  Retour à la vie [épisode « Le retour d’Antoine »] (Georges Lampin) – 1949  The dancing years (Au temps des valses) (Harold French) – Portrait d’un assassin (Bernard-Roland, présence non formellement établie) – 1951  Le dindon (En Belgique : La nuit des cocus) (Claude Barma) – Les mousquetaires du roi (Marcel Aboulker, inachevé) – 1956  Rendez-vous à Paris (réalisateur non indentifié, CM) – 1960  L’affaire d’une nuit (Henri Verneuil) – Le Président (Henri Verneuil) – 1961  Le couteau dans la plaie (Anatole Litvak) – 1978  Le témoin (Jean-Pierre Mocky) – 1980  Docteur Jekyll et les femmes (Walerian Borowczyk) – 1986  Nuit docile (Guy Gilles). Nota : elle est souvent créditée à tort pour « Un grand amour de Beethoven » (Abel Gance, 1936), information confirmée par l’intéressée elle-même à Armel de Lorme.

©   Le coin du cinéphage (reproduction strictement interdite, textes déposés)

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Annie Grégorio

Annie Grégorio, photo source « Artmedia »

Si vous êtes nostalgiques des grands excentriques du cinéma français, ne vous lamentez plus, voici Annie Grégorio ! Un tempérament qui très souvent s’ingénie à voler les scènes à ses partenaires qui font parfois pale figure face à elle. Le grand public l’avait peut être découvert dans « Le petit théâtre de Bouvard » sur Antenne 2, de 1986 à 1988, fameux vivier de talents grâce à la grande intuition de Philippe Bouvard. Sa drôlerie constante l’amène évidemment à tourner dans beaucoup de comédies, dans des caractères forts, dans des personnages hauts en couleurs méridionaux ou du sud-ouest. Dans « Désiré » (1995) captation cinématographique de Sacha Guitry, elle reprend le rôle d’Adèle campé déjà au cinéma par Pauline Carton. Elle tire son épingle du jeu, d’une distribution prestigieuse, mais hélas, elle va être cantonnée assez souvent dans ce rôle de bonne à tout faire à la langue bien pendue. Dans un autre remake d’un des chefs d’œuvres de Marcel Pagnol « Le Schpountz » (1999), elle forme un couple très drôle avec Ticky Holgado dans son rôle de Tante Clarisse, dans une adaptation contemporaine d’Albert Algoud assez vaine finalement. Elle ne trouve au cinéma que très peu de rôles à la mesure de son talent, mais elle est particulièrement remarquable dans la comédie décalée de Claude Duty : « Bienvenue au gîte », en femme énergique mais un peu cyclothymique, qui reçoit un couple de parisiens (Marina Foïs et Philippe Harel) partis s’installer dans la France profonde. Sa prestation est un absolu régal. Le théâtre lui ouvre heureusement d’autres horizons. Elle retrouve souvent Roger Louret comme metteur en scène, pour des adaptations de grands classiques de Marivaux et  Molière dans les années 80. Consécration, elle est excellente dans la pièce « Théâtre sans animaux », elle obtient en 2002, le Molière de la meilleure comédienne dans un second rôle.  La télévision la demande souvent, elle est une des héroïnes récurrentes de la série « Un homme en colère » pour TF1. Elle campe Mitzi Goldberg, une policière déterminée, aidant Richard Bohringer, un journaliste indigné, dans son combat pour la vérité. C’est finalement dans les téléfilms, qu’elle montre aussi des fêlures dans ses personnages. Si elle apparaît comme sympathique et rassurante, elle peut avoir un jardin secret assez inquiétant comme dans le subtil « Ambre a disparu » avec Miou-Miou en 2003. Elle est jubilatoire dans l’un des épisodes des « Inséparables » avec Michel Boujenah et Charles Berling, il faut la voir déclamer une poésie érotique, voire salace, devant un public médusé de villageois dans une kermesse de village. Dans « Monsieur Léon », (2006), elle joue la bonne de Michel Serrault, qui joue un grand-père « père tranquille » et médecin sous l’occupation. Si l’œuvre est assez formatée, les échanges entre elle et un Michel Serrault sobre et grandiose sont très toniques. Elle renvoie son mari complaisant avec les Allemands, et s’attache aux humeurs de son employeur. Arrive Yvon, le petit-fils du docteur, qui va réveiller sa fibre maternelle, quelle appelle son « petit poulet ». Elle tourne dans le film de Claude Miller « Un secret », mais hélas son rôle est coupé au montage, mais par hommage du metteur en scène, elle figure au générique final. Elle y incarnait Léone, une femme recueillant le personnage joué par Patrick Bruel, et qui disserte sur la vie avec faconde à la naissance de son second fils. Elle trouve également un rôle à sa mesure dans « La prophétie d’Avignon », Florence Broizat salue sa composition dans Télérama N°3007 : « …Annie Grégorio est excellente dans son rôle de commissaire franche du collier… ».Elle domine la distribution pléthorique de « Musée haut, musée bas », en épouse volubile de Daniel Prévost qui exècre Picasso. Cette comédienne qui marque durablement la moindre de ses apparitions, devrait beaucoup nous surprendre, pour peu que les metteurs en scènes  deviennent un peu plus imaginatifs à son égard.

Avec Marina Foïs dans « Bienvenue au gîte »

Filmographie : 1984  Tranches de vie (François Leterrier) – 1986  Cours privé (Pierre Granier-Deferre) – Manège (Jacques Nolot, CM) – 1988  Périgord noir (Nicolas Ribowski) – 1989  L’alligator (Laurent Bounhick, CM) – 1991  Caty (Alain Minier, CM) – Vincennes Neuilly (Pierre Dupouey) – Le zèbre (Jean Poiret) – 1993 Les ténors (Francis de Gueltz, inédit en France) – 1995  Désiré (Bernard Murat) – Fantôme avec chauffeur (Gérard Oury) – Les aveux de l’innocent (Jean-Pierre Améris) – 1996  Fallait pas ! (Gérard Jugnot) – Les sœurs Soleil (Jeannot Szwarc) – 1997  Une fée m’habite (Pierre Core, CM) – La voie est libre (Stéphane Clavier) – 1998  Un pur moment de rock’n’roll (Manuel Boursinhac) – Le Schpountz (Gérard Oury) – 1999  À vot’service [épisode : « La station service »] (Laurence Katrian, inédit en salles) – 2001  Le cœur sur la main (Marie-Anne Chazel, CM) – C’est la vie (Jean-Pierre Améris) – 2002  Bienvenue au gîte (Claude Duty) – 2003  Tout l’univers (Fabrice Benchaouche, CM) – Au secours, j’ai 30 ans ! (Marie-Anne Chazel) – 2004  Victoire (Stéphanie Murat) – L’antidote (Vincent de Brus) – 2005  Comme un air… (Yohann Gloaguen, CM) – 2006  Un secret (Claude Miller, rôle coupé au montage) 2007 Modern love (Stéphane Kazandjian) – Musée haut, musée bas (Jean-Michel Ribes) – 2009  Tête de Turc (Pascal Elbé) – 2013  Brèves de comptoir (Jean-Michel Ribes) – Saint-Loin-la-Mauderne (Stéphane Meunier).

Télévision: 1984  L’arbitrage du ravi (Maurice Failevic) –  L’ombre des bateaux sur la ville (Jacques Krier) – 1985  Main basse sur l’automobile (Dominique Guymont) – 1987  Bonjour M. Pic (Maurice Failevic) – 1988  Les enquêtes du commissaire Maigret : La morte qui assassina (Youri) – 1989  Bébé express (François Dupont-Midi) – 1990  Les fossoyeurs de la nuit (Éric Le Hung) – 1993  Les années FM (Emmanuelle Dubergey) – 1994  Maigret se trompe (Joyce Sherman Buñuel) – 1995  L’allée du roi (Nina Companeez) – 1996 Un printemps de chien (Alain Tasma) – Un petit grain de folie (Sébastien Grall) – L’orange de Noël (Jean-Louis Lorenzi) – 1997  L’amour à vif (Jean-Pierre Améris) – 1998  Un homme en colère : Un silence coupable (Caroline Huppert) – Un homme en colère : L’affaire Caroline) – Le refuge : Entre chien et loup (Christian François) – 1999  Chère Marianne : La sous préfète (Pierre Joassin) – Tramontane (Henri Helman) – Mary Lester : Maéna (Christiane Leherissey) –  Un homme en colère : Mort d’un juge (Larence Katrian) – Un homme en colère : Une femme réduite au silence / Sous l’aile du corbeau (Dominique Tabuteau) – Un homme en colère : Meurtre pour deux (Dominique Tabuteau) – Un homme en colère : Un amour sans limite (Élisabeth Rappeneau) – Un homme en colère : La peur de l’autre (Didier Albert) – 2000 Rastignac ou les ambitieux (Alain Tasma) – Un homme en colère : L’ange déchu (Didier Albert) – Un homme en colère : La seconde maman (Marc Angelo) – Un homme en colère : Pour un monde meilleur (Didier Albert) – 2001  Joséphine, ange gardien : La comédie du bonheur (Dominique Baron) – Un homme en colère : Une mort si douce (Marc Angelo) – 2003  Ambre a disparu (Denys Granier-Deferre) – 2004  Maigret en meublé (Laurent Heynemann) – 2005  Les courriers de la mort (Philomène Esposito) – Merci, les enfants vont bien : Ca déménage (Stéphane Clavier) – Merci, les enfants vont bien : Restons zen ! (Stéphane Clavier) – Les inséparables : Tout nouveau, tout beau (Élisabeth Rappeneau) – 2006  Joséphine, ange gardien : Un passé pour l’avenir (Philippe Monnier) – Marie Besnard, l’empoisonneuse (Christian Faure) – Monsieur Léon (Pierre Boutron) – Merci les enfants vont bien ! : Vive les mariées (Stéphane Clavier) – Merci les enfants vont bien ! : Coup de foudre (Stéphane Clavier) – L’étrangère (José Pinheiro) – Les diablesses (Harry Cleven) – 2007  La prophétie d’Avignon (David Delrieux) – Merci les entans vont bien ! [épiosde 5 et 6] (Stéphane Clavier) – Adrien (Pascale Bailly) – 2008  De feu et de glace (Joyce Buñuel) – 2009  Mourir d’aimer (Josée Dayan) – Folie douce (Josée Dayan) – Clem : Pilote (Joyce Buñuel) – Au siècle de Maupassant : Contes et nouvelles du XIXème siècle : On purge bébé (Gérard Jourd’hui) – 2010  Le sang des Atrides (Bruno Gantillon) – Chez Maupassant : Mon oncle Sosthène (Gérard Jourd’hui) – Clem : Bienvenue à Valentin (Joyce Buñuel) – Clem : Vive les vacances : (Joyce Buñuel) – Clem : C’est la rentrée (Joyce Buñuel) – Ripoux anonymes : Une paire d’as (Pilote) (Claude Zidi & Julien Zidi) – Les nouvelles brèves de comptoir (Jean-Michel Ribes, captation) – 2011  Les enquêtes de La Violette : Le tombeau d’Hélios (Bruno Gantillon) – Week-end chez les Toquées : Week-end en famille (Laurence Katrian) – Week-end chez les Toquées : Mon coeur est à papa (Emmanuel Jeaugey) – Clem : La famille c’est sacrée (Joyce Buñuel) – Clem : La mutation (Joyce Buñuel) – Clem : La guerre des familles (Joyce Buñuel) – 2012  Week-end chez les Toquées : L’art de la fuite (Emmanuel Jeaugey) – Week-end chez les Toquées : Une cigogne à la Grenouille (Emmanuel Jeaugey) – Les enquêtes de La Violette : Le secret des andrônes (Bruno Gantillon) – Week-end chez les toquées : Un parfum de liberté (Vincent Giovanni) – 2013  Les enquêtes de La Violette : Le commissaire est dans la truffière (Bruno Gantillon) – Théâtre sans animaux (Jean-Michel Ribes, captation).

Mise à jour du 05/04/2014