Annonce ce lundi, de la mort de Richard Widmark, à l’âge de 93 ans. Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, le définissaient parfaitement dans « 30 de cinéma américain » : « …Son allure féline, sa chevelure blonde, ses yeux très clairs lui permirent par la suite d’enrichir de nuances ambiguës des personnages classiques, qu’ils soient antipathiques ou sympathiques, de rendre sensible leurs hésitations, leurs brusques changements, leur instabilité, se dissimulant sous un humour moqueur, méprisant ou craintif, toujours déroutant… ». Il naît le 26 décembre 1914, à Sunrise dans le Minnesota, de parents modestes. Il se partage entre des études de droits et le football, dans L’illinois. Un professeur d’art dramatique, Russel Tomlinson, le remarque. Selon « Stars » N°12, de mars 1992, il séjourne en Europe pour ses vacances, et s’amuse même à tourner dans l’Allemagne de 1936 : « ..Un film sur les camps de jeunesse que vient de lancer un certain Adolf Hitler ». Il débute dans des pièces radiophoniques, et est appelé sous les drapeaux en 1942, avant d’être exempté pour une blessure à l’oreille., Il était l’interprète rêvé pour un certain âge d’or du film noir, car il excelle dans les personnages de « Heavies ». Il fait une composition inoubliable dans le « Carrefour de la mort » (1947), en tueur sadique au rire sardonique proche de celui d’une hyène, quand il pousse dans les escaliers une vieille dame – Mildred Dunnock – en fauteuil roulant. S’il reçoit pour ce film, le Golden Globe, du meilleur espoir masculin, il n’eu cependant jamais reçu d’oscar – il fut nommé pourtant pour ce film comme meilleur second rôle – durant son impressionnante carrière. Il est engagé pour 7 ans par la Fox, participant à la vogue des thrillers réalistes. Il retrouve un rôle névrotique dans la « Dernière rafale », en promoteur sportif, phobique, se servant constamment d’un inhalateur nasal. Les classiques s’enchaînent comme « Le port de l’angoisse », en pickpocket poursuivi par des agents secrets de l’Est, pour avoir volé un microfilm dans le sac d’une femme. Curiosité le titre français, évoque la drogue, totalement absente de ce film, histoire de ne pas heurter les communistes contemporains à ce film. Il participe à un autre chef d’œuvre « Les forbans de la nuit », où il est un truand minable ambitieux, sévissant dans la pègre londonienne en organisant des combats de lutte. On le retrouve aussi dans « Panique dans la rue », où il est un médecin zélé chargé de retrouver deux meurtriers contaminés et porteurs de virus, magnifié par le duo Jack Palance-Zero Mostel. Vincente Minelli lui donne en 1958, l’un de ses meilleurs rôles dans « La toile d’araignée », en médecin aliéniste en butte avec son entourage. Le western devient aussi son domaine de prédilection, de « Alamo » fresque « fordienne » signée John Wayne, aux crépusculaires « Cheyennes ». Pour Otto Preminger, dans « Sainte Jeanne » en 1957, il compose un Charles VII halluciné face à Jean Seberg en Jeanne D’Arc, « …une des plus belles interprétations schizophréniques de l’histoire du cinéma » (1). En 1961, il produit et participe au tournage comme réalisateur de « Le dernier passage », film de « Série B » très mal accueilli à l’époque, la « Saison cinématographique 1962 » voit en ce film » …Un méchant feuilleton anti-rouge dont la Hongrie, douloureusement éprouvée, il y a 6 ans fait encore les frais » et qui va » …à l’encontre des vérités les plus élémentaires, favorise l’inconscience d’un public en le vouant au manichéisme le plus grossier »… Il casse cette fausse image comme étant l’un des comédiens les plus anti-rouges avec John Wayne, en capitaine de destroyer extrémiste, chargé de chasser des sous-marins soviétiques. Ce film de James B. Harris – redécouvert au cinéma de minuit -, se révèle fortement contestataire : « …Widmark prit des positions très libérales, attaquant violemment la droite américaine, John Wayne, la « John Birch Society », la guerre du Vietnam et Reagan… » (1) . Il retrouve le polar avec « Madigan », où il est particulièrement probant en policier ordinaire avec ses petites veuleries. Il est impressionnant et roublard dans « La théorie des dominos » (1976), manipulant un prisonnier accusé de meurtre joué par Gene Hackman, pour une sombre machination politique. Le polar reste l’un de ses domaines de prédilection, il participe même au remake du sublime « out of the past » de Jacques Tourneur, avec « Contre toute attente », Il ne dédaigna pas la télévision, deux de ses téléfilms « Blackout » (1985) et « Colère en Louisiane » (1986), furent même diffusés en salles en France. Pour reprendre le titre de l’un de ses films, « Quand meurent les légendes », il était avec Kirk Douglas, Karl Malden et Eli Wallach, un des derniers grands comédiens américains à être né dans les années 10. Son physique émacié, et la grande richesse de son jeu resteront à jamais liés au grand cinéma américain.
(1) « Trente ans du cinéma américain » par Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier.
Richard Widmark dans « Cinéma Cinémas »
Filmographie : 1947 Kiss of death (Le carrefour de la mort) (Henry Hathaway) – 1948 Road house (La femme aux cigarettes (JeanNegulesco) -The street with no name (La dernière rafale) (William Keighley) – Yellow sky (La ville abandonnée) (William A. Wellman) – 1948 Down to the sea in ships (Les marins de l’Orgueilleux) (Henry Hathaway) – Slattery’s hurricane (La furie des tropiques) (André De Toth) – 1950 Night and the city (Les forbans de la nuit) (Jules Dassin) – Panic in the streets (Panique dans la rue) (Elia Kazan) – Halls of Montezuma ( Okinawa) (Lewis Milestone) – No way out (La porte s’ouvre) (Joseph L. Mankiewicz) – 1951 The frogmen (Les hommes-grenouilles) (Lloyd Bacon) – Screen snapshots : Hopalong in Hoppy Land (Ralph Staub, CM) – 1952 Red skies of Montana / Smoke jumpers (Belgique : Duel dans la forêt) (Joseph M. Newman) – 1952 Don’t brother to knock (Troublez-moi ce soir) (Roy Ward Baker) – O. Henry’s Full house (La sarabande des pantins), (sketch : « The clarion call ») (Henry Hathaway) – My pal Gus (Belgique : Sans maman) (Robert Parrish) – Screen snapshots : Hollywood night life (Ralph Staub, CM) – 1953 Take the high ground ! (Sergent la terreur) (Richard Brooks) – Destination Gobi (Id) (Robert Wise) – Pickup on South Street (Le port de la drogue) (Samuel Fuller) – 1954 Hell and high water (Le démon des eaux troubles) (Samuel Fuller) – Garden of evil (Le jardin du diable) (Henry Hathaway) – Broken lance (La lance brisée) (Edward Dmytryk) – 1955 A prize of gold (Hold-up en plein ciel) (Mark Robson) – The cobweb (La toile de l’araignée) (Vincente Minnelli) – 1956 Backlash (Coup de fouet en retour) (John Sturges) – Run for the sun (La course au soleil) (Roy Boulting) – The last wagon (La dernière caravane) (Delmer Daves) – 1957 Saint Joan (Sainte Jeanne) (Otto Preminger) – Time limit (La chute des héros) (Karl Malden, + production) – The law and Jake Wade (Le trésor du pendu) (John Sturges) – 1958 The tunnel of love (Le père malgré lui) (Gene Kelly) – The trap (Dans la souricière) (Norman Panama) – 1959 The secret ways (Le dernier passage) (Phil Karlson) – Warlock (L’homme aux colts d’or) (Edward Dmytryk) – 1960 The Alamo (Alamo) (John Wayne) – Two rode together (Les deux cavaliers) (John Ford) – 1961 Judgment at Nuremberg (Jugement à Nuremberg) (Stanley Kramer) – How the west was won (La conquête de l’Ouest) (John Ford, Henry Hathaway & George Marshall) – 1962 Flight from Ashiya (Les trois soldats de l’aventure) (Michael Anderson) – 1963 The long ships (Les Drakkars) (Jack Cardiff) – 1964 Cheyenne autumn (Les Cheyennes) (John Ford) – 1965 Alvarez Kelly (Id) (Edward Dmytryk) – The bedford incident (Aux postes de combat) (James B. Harris, + production) – 1966 The way west (La route de l’Ouest) (Andrew V. McLaglen) – 1967 Madigan (Police sur la ville) (Don Siegel) – 1968 Death of a gunfighter (Une poignée de plombs) (Alan Smithee [Don Siegel & Robert Totten]) – 1969 A talent for loving / Gun crazy (Richard Quine) – 1970 The moonshine war (La guerre des Bootleggers) (Richard Quine) – 1971 When the legends die (Quand meurent les légendes) (Stuart Millar) – 1973 Murder on the Orient Express (Le crime de l’Orient Express) (Sidney Lumet) – 1974 The sell-out (Le sursis) (Peter Collinson) – 1976 To the devil a daughter (Une fille pour le diable) (Peter Sykes) – The domino principle (La théorie des dominos) (Stanley Kramer) – 1977 Twilight’s last gleaming (L’ultimatum des trois mercenaires) (Robert Aldrich) – Rollercoaster (Le toboggan de la mort) (James Goldstone) – Coma (Morts suspectes) (Michael Crichton) – 1978 The swarm (L’inévitable catastrophe) (Irwin Allen) – 1979 Bear Island (Le secret de la banquise) (Don Sharp) – 1981 National Lampoon goes to the movies (Henry Jaglom & Bob Giraldi) – 1982 Hanky panky (La folie aux trousses) (Sidney Poitier) – Commando (Who dares wins) (Ian Sharp) – 1983 Against all odds (Contre toute attente) (Taylor Hackford) – Blackout (Id) (Douglas Hickox) – 1985 Spencer Tracy legacy : A tribute by Katharine Hepburn (David Heeley, documentaire) – 1986 A gathering of old men (Colère en Louisiane) (Volker Schlöndorff) – 1991 True colors (Vidéo : Le jeu du pouvoir) (Herbert Ross) -1995 Wild Bill : Hollywood maverick (Todd Robinson, documentaire). Télévision (notamment) : 1955 I love Lucie : The tour (William Asher) – 1971 Vanished (Buzz Kulik) – 1972 Madigan (Id) (Alex Marc & Boris Sagal, six épisodes) – 1973 Brock’s last case (La dernière enquête) (David Lowell Rich) – 1974 Benjamin Franklin (Glenn Jordan) – 1975 The last day (Vincent McEveety) – 1979 Mr. Horn (Mister Horn) (Jack Starrett) – 1980 A whale for the killing (Richard T. Heffron) – All God’s children (Le noir et le blanc (Jerry Thorpe) – 1983 Cinéma cinémas : Richard Widmark : Hollywood Mai 1983 (Claude Ventura, CM documentaire) – 1988 Once upon a time a Texas Train (Titre DVD : Le dernier western) (Burt Kennedy) – 1989 Cold Sassy Tree (La destinée de Mademoiselle Simpson) (Joan Tewkesbury). Voxographie : 1987 Marilyn Monroe : Beyond the legend (Gene Feldman & Suzette Winter, voix du récitant). 1992 Lincoln (Peter W. Kunhardt, TV).