C’est bon de rire… parfois
Bon le jeu de mots est stupide, mais même les Cahiers du Cinéma titrent la sortie DVD du premier « King Kong » : « Le roi des Kongs », on peut donc se lâcher. Imaginez Ed Wood tournant avec Marlon Brando, James Stewart, Marlene Dietrich…, ou Emile Couzinet avec des décors signés Alexandre Trauner, vous me direz que c’est de la science fiction. Si vous avez vu le carnage de cette nouvelle version des « Rois Maudits », vous savez que Josée Dayan travaille avec des stars et des grands techniciens, donc c’est possible ! Je confiais ICI même une certaine crainte, mais c’est au-delà de tout ce que l’on pouvait prévoir. Au passif de Gérard Depardieu, on gardera le fait d’avoir monté au pinacle, l’une des pires tâcheronnes de la télévision. Elle tourne vite, très vite, notre Gégé national est las, c’est donc idéal, il exploite une belle idée de François Truffaut de faire revivre les grandes oeuvres à la télé pour mieux la dévoyer.
La bougresse est reconnaissante, ne manquant jamais de le saluer… Le résultat peut être parfois très plaisant, comme dans « Le comte de Monte Christo » sur TF1. Le frêle Guillaume Depardieu entre en prison dans le château d’If, ligne haricot vert, il en ressort sous la forme de son père bedonnant, rasé de frais, et le teint exposé sous UV ! Tordant, en prime dans l’adaptation de Didier Decoin, notre bon comte finit pas ne plus vouloir se venger à la fin, fatigué d’autant de bouffonnerie ? Merci à Gérard qui a gardé un esprit chef de bande, toujours une connerie à faire, il entraîne même la digne Catherine Deneuve à user – excusez du peu – de banqueroute, abus de bien sociaux et de blanchiment en la faisant accepter jusqu’à 40 000€ pour participer au lancement de Khalifa TV, du décrié homme d’affaire algérien. « Depardiou International Star » est la mauvaise conscience du cinéma français et l’un de ses pire avatar est donc notre bonne Josée qui a usurpé une place dans les médias français. Elle persiste même sur le « Service Public ». Outre Catherine Deneuve, les stars suivent John Malkhovich, Jeanne Moreau, Asia Argento suivent et donnent allégrement leur caution à l’humoriste. La supercherie à pris, la réalisatrice pose comme si elle était Orson Welles et personne n’ose bouger les oreilles. Par exemple Stéphane Bern l’accueille avec déférence à la radio « Les fous du roi » sur France Inter, un chroniqueur ose à peine prononcer une critique avant de déclancher le courroux de la dame, on croit rêver…
Gérard Depardieu, ou la panique d’un comédien devant son texte qui brûle…
Le signe que notre Gégé national ne prend pas très au sérieux notre réalisatrice « précoce » est qu’il nous livre ici une de ses pires interprétation depuis très longtemps en Jacques de Molay, chef templier. On le voit bien chercher ici ou là son texte que l’on imagine affiché un peu partout, regarder d’un air complètement hagard son congénère brûler, avant de vociférer la célèbre malédiction – invention non historique de Maurice Druon – d’ailleurs -. Il faut le voir brûler et en prime voir son fils Guillaume qui joue Louis X le Hutin, se réjouir comme un benêt, souhaitons que ça ne soit pas une perversité de plus, quand on connaît les relations entre les deux hommes…
Malheur à vous si comme moi vous avez vu la version de 1972 de Claude Barma (avec les inoubliables Jean Piat, Hélène Duc, André Falcon, Louis Seigner…), car c’est ici un naufrage redoutable, ça ne décolle jamais. Jetons un voile pudique sur les comédiens, qui l’on comprend bien doivent veiller à ne pas se fracasser la tête dans les décors que l’on devine pas très stable -. Il est peut être plus difficile de tenir debout que d’avoir un semblant de performance sous l’égide de notre « Speedy Gonzales ». D’excellents comédiens font ce qu’ils peuvent pour avoir l’air éveillé. On peut les diviser en plusieurs catégories d’ailleurs.
– Les désespérés combatifs :il font se qu’ils peuvent pour animer l’ensemble – en désespoir de cause ? -, Hélène Fillières en digne reine de Bourgogne, Jean-Claude Drouot en Enguerrrand de Marigny, Philippe Torreton – pas très aidé – ayant la dure tâche de succéder à Jean Piat, Éric Ruf en Philippe de Poitiers, changeant avec le pouvoir, Jérôme Anger en inquisiteur, Daniel Emilfork – connu pour sa rareté et son exigence pourtant – en astrologue.
– les apathiques : Tcheky Karyo ectoplasmique Philippe Le Bel, – alors qu’il était un superbe « Vautrin » dans « Le père Goriot » signé Jean-Daniel Verhaeghe -, Jean-Claude Brialy en Hugues de Bouville – impossible d’oublier la subtile performance d’André Luguet, dans la version Barma -, déguisé en Orangina Rouge, le méchant joué par Maurice Lamy -, Julie Gayet qui n’a retenu de son personnage d’Isabelle de France que sa raideur, Patrick Bouchitey, Bruno Todeschini etc…
– Les goguenards : devant le désastre ils semblent avoir pris le parti-pris de s’en amuser, Jeanne Balibar pas très à l’aise avec le texte d‘époque, Jacques Spiesser ludique Charles de Valois, Claude Rich – mais impossible d’oublier Henri Virlojeux malicieux et calculateur dans le même rôle – en futur pape, Hélène Vincent et même Hélène Duc, première – inoubliable – Mahaut d’Artois en Mme Brialy.
– Les hautement improbables : les trois Depardieu, Line Renaud, Lucas Barbareschi en usurier Tolomeï – co-prod oblige – pathétiquement doublé par Jean-Marie Winling, après Louis Seigner la chute est rude -, quelques Roumains, c’est plus « cheap »…
Jeanne Moreau
Et la seule personne à tirer son épingle du jeu est Jeanne Moreau, exemplaire Mahaut d’Artois, fine mouche a dû préparer seule et en amont son rôle, calculatrice, froide, elle écrase tout les autres comédiens de sa superbe, et saluons-là bien bas car il lui fallait beaucoup d’intelligence pour être magnifique dans cette comique aventure.
Quand à l’adaptation très digeste – 5 épisodes ici, pour 7 romans -, elle ne se résigne qu’à n’utiliser que les temps forts de la précédente adaptation de Marcel Jullian, amusez vous à comparer les deux c’est probant. Maurice Druon signe les dialogues en devant penser écrire le remake de « Prends l’oseille et tire-toi » ! Les fabuleux décors de Philippe Druillet sont tellement bien utilisés, – chapeau bas pour l’éclairagiste en chef ! – que l’on s’attend – au mieux – à voir apparaître Christophe Lambert dans une de ses séries Z chéries, au pire à s’entendre annoncer le César du meilleur second rôle.
Le carton pâte est ici roi, la bande-son inappropriée voulant rajouter de la profondeur et le musicien Bruno Coulais fait ce qu’il peut pour palier aux manques de la mise en scène. Sans oublier le cache misère constitué par les costumes de Mimi Lempicka. Elle peut se vanter de tourner jusqu’à 24 mn utiles par jour pour un résultat pareil. La version 72 est disponible en DVD, que l’on peut la qualifier de chef d’oeuvre, avait eu une année de préparation, pour 70 jours de tournage ici. On veut nous faire croire ici au grandiose de l’ensemble, l’idée étant de se démarquer de l’économie imposée par l’O.R.T.F. au début des années 70 – tournage vidéo, toiles de tulles, décors amovibles -. Mais ces contraintes a donné au décorateur Maurice Valley de formidables idées et une stylisation forte mettant en valeur des comédiens formidables même si non starifiés comme ici (Michel Beaune, Jean Deschamps, Géneviève Casile, etc…). Et c’est l’évènement tant attendu… Emmanuelle Bouchez – grande, très grande est la tentation de faire un jeu de mots -. en fait même l’éloge à plusieurs reprises dans « Télérama », je ne sais pas à quoi elle carbure, mais donnez-moi la même chose car ça a l’air euphorisant…
Mme Dayan continuez à tourner cheap en cassant les marchés vous garderez une bonne place dans cette société marchande de dupes. On ne peut finalement que la saluer pour hisser la fumisterie au niveau des beaux arts, c’est une performance digne de ce nom. Cerise sur le gâteau, rendons hommage à l’humanisme de Josée Dayan, toujours prête à aider une petite jeune dans l’adversité, en confiant le rôle de la reine Philippa à la jeune Marie de Villepin – fille du désormais Premier Ministre – avec nos deniers bien sûr histoire de nous régaler d’une dernière petite perfidie. On attend donc avec impatience la nouvelle version dayanisée de « Milady » avec Arielle Dombasle et Florent Pagny, belle promesse en perspective, et sur France 2 toujours, merci à feu Marc Tessier !