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LE CRI DU NANAR

On connaît l’intérêt de Michel Audiard pour les cons. Aussi pour rendre hommage au XXème anniversaire de sa mort, les cons ont pris la parole, pour un petit hommage.Cette année, ils étaient de compétition, d’Alexia Laroche-Joubert, au député Grandidier et ses « youyous », certains sont mêmes internationaux comme la triste sire Paris Hilton, moi-même, à mon petit niveau, je me suis mis à écrire sur ce blog. Les cons sont omniprésents, sont très content d’eux-mêmes, dansent sur les plateaux de TV comme atteints de crises de spasmophilie, gueulent pour peu qu’ils se sentent légitimer par plus haut qu’eux (suivez mon regard), amalgame, réduit, flatte la connerie ambiante… Finissons donc cette sinistre année en évoquant « Le cri du cormoran le soir au-dessus des jonques » (1970), il vient de sortir une anthologie de Michel Audiard comme réalisateur, un de mes collègues partant en vacances m’a donc prêté ce petit coffret de 4 films – manquent à l’appel -. Ce film est présenté sans langue de bois par Jean-Marie Poiré qui ne mâche pas ses mots – notamment sur Paul Meurisse et Bernard Blier -. Michel Audiard réalisateur était assez désinvolte, ce qui fait le charme de ses films.  Jean-Marie Poiré explique qu’il prenait souvent pour base un roman noir, ici celui de Evan Hunter, connu aussi sous le nom d’Ed McBain, il signait Hunter, pour des œuvres plus loufoques. Le film vaut pour son côté absurde, Paul Meurisse souhaitant avoir un « stetson » comme couvre chef, Bernard Blier avait décidé d’en porter un auvergnat.  L’histoire n’est qu’un prétexte, et l’occasion pour Audiard dialoguiste de briller, confère le site Michelaudiard.com, dialogues magnifiés par trois comédiens hors pair, Michel Serrault – d’une folie jubilatoire et on peut le dire prodigieux -, Bernard Blier – l’un des acteurs les plus doués avec la langue audiardesque -, et Paul Meurisse dans son sillon « Monocle »…

Bernard Blier, Stéphane Bouy, Michel Serrault, Paul Meurisse & Dominique Zardi

Les situations sont suffisamment cocasses dans une vacuité patentée du scénario, pour donner de l’intérêt aux films – il est vrai que l’on a du mal à se souvenir véritable de l’histoire du film chez lui -. Paul Meurisse est Aldred Mullanet, turfiste poissard, vivant au crochet de sa femme, qui a un sex-shop – Françoise Giret coiffée d’une improbable perruque -. Obligé de rentré chez lui en stop, après une mise de trop, il est enlevé par une bande de gangster menée par un mystérieux M. K. Bernard Blier. Suit une bataille rangée avec un autre truand Melvillien, monsieur Kruger, Meurisse donc. Avec une évidente misanthropie, et misogynie – la pauvre Marion Game, nymphomane un peu nunuche -, et quelques scènes un peu limite – la soirée black avec Darling Légitimus, Nancy Holloway et James Campbell, où Serrault se fait traiter continuellement de « fromage blanc », flirtant avec la xénophobie -, le réalisateur se livre  à un joyeux jeu de massacre nonsensique. Il y a une galerie hallucinante de comédiens, du tandem de truands chevelus frappés de stupidité Gérard Depardieu à Stéphane Bouy, Roger Lumont, Carlos, Moustache, Dominique Zardi en truands auvergnats, Robert Dalban et Jacqueline Doyen en couple beauf, Maurice Biraud en chauffeur de taxi surréaliste, Michel Modo et Romain Bouteille, en flics épris de boisson – grand moment ! – ; Yves Robert commissaire circonspect, Bernard Musson et Jacques Hilling en adeptes de poupées gonflables, Carlo Nell et Yves Barsacq en turfistes, Jean Carmet et Claude Rollet en croque-morts conviviaux, et même la très digne Monique Mélinand en passante effarée,  que du bonheur – par contre pas de Jean Martin (« La bataille d’Alger », crédité pourtant dans la très complète fiche du dictionnaire de Raymond Chirat, qui oublie pourtant Moustache -. Il est des films, entreprises hasardeuse et désordonnée qui donnent beaucoup de plaisir. Je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année, en nous souhaitant quelques bonheurs cinématographiques pour 2006.

LA VÉRITÉ NUE

Atom Egoyan ayant reçu une consécration internationale avec ses films intimistes, nous a livré ces derniers temps des films ambitieux « Le voyage de Félicia », « Ararat », où l’on retrouvait bien sa patte, mais qui n’ont pas rencontré un large public. Avec ce film « La vérité nue », « Where the truth lies » en V.O., on sent bien que cette œuvre de transition, adaptation d’un roman de l’Anglais Rupert Holmes « Somebody loves you » paru en 2004, et une concession transitoire dans laquelle il a dû penser pouvoir amener son univers. Sélectionné à Cannes, il en est revenu bredouille et le film laisse finalement un peu sur sa faim. Le film narre un drame survenu dans la vie de deux comiques célèbres : Lanny Morris, capable de tous les débordements – Kevin Bacon remarquable – et Vince Collins, un anglais assez impulsif, caché derrière un personnage assez flegmatique – Colin Firth, dont on sent un peu trop la composition -, sorte d’équivalents  Dean/Lewis et Jerry/Martin, sauce débauche. Le projet est ambitieux, ce que l’on croit vrai ne veut pas dire que l’on possède la vérité, il y a une critique virulente du show bisness décadent– La réaction virulente de Lanny Morris dans un restaurant chinois, ne le fait pas passer pour un client odieux parce qu’il est juste célèbre. La réflexion est habile où se trouve l’humain derrière la représentation. L’idée brillante d’Egoyan est de confier le rôle d’une toute jeune journaliste arriviste mais en quête de vérité, et indirectement témoin d’un fait divers à la très jeune Alison Lohmann, plus adolescente qu’adulte, sa détermination tranche face à deux comédiens blasés et à bout de souffle qu’elle retrouve dans les années 70.

Le film fait d’habiles aller-retour, d’une soirée marathon consacrée au Téléthon, en 1959 animée par le célèbre tandem, qui sera le théâtre d’un drame, et les années 70, où la jeune journaliste profite d’un hasard pour accéder à une vérité qu’elle devine cachée, en profitant de l’opportunité d’une auto-biographie signée par Vince Collins, qui devrait lui apporter une belle somme substantielle. Curieusement cette histoire de traversée du miroir – l’ « Alice » de Lewis Carrol étant conviée dans cette histoire -, finit par engendrer un ennui poli. Certains personnages sont schématiques, la mère blessée, le valet corvéable à merci, et Atom Egoyan peine à rendre la sensualité des scènes sexuelles qui deviennent très mécaniques. Pourtant la réflexion sur la compromission des artistes avec la mafia, l’aveuglement de fan sur une vedette que l’on adule, l’impunité de certains artistes cherchant une fuite dans la vie dissolue. Reste une performance de Kevin Bacon qui a bien négocié sa nouvelle maturité ces derniers temps, et Colin Firth qui arrive à composer une sorte de Dean Martin britannique assez convaincant. Si Atom Egoyan arrive à rendre l’atmosphère de l’industrie du spectacle, il peine un peu avec l’intrigue presque policière, et la musique presque « Herrmannienne » de Mychael Danna n’arrange d’ailleurs rien. Atom Egoyan est indéniablement un grand metteur en scène, mais semble être ici en période transitoire, attendons la suite…

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Vincent Schiavelli

Annonce de la mort d’un second couteau attachant Vincent Schiavelli. Selon les Les gens du cinéma,  il est mort le 26 décembre 2005  en Sicile d’un cancer du poumon, d’origine sicilienne, il était né à Brooklyn en 1948. Le grand public se souvient de son rôle de fantôme goguenard, sévissant dans le métro, face à Patrick Swayze dans « Ghost ». Lle dictionnaire de David Quinlan, nous informe qu’il a débuté avec succès dans un rôle de décorateur homosexuel dans la série TV « Corner Bar » (1972/1973), puis dans « Cheers ». Il début au cinéma avec Milos Forman dans « Taking off » (1971), pour lequel il devient son acteur fétiche, dans « Vol au dessus d’un nid de coucou » (1975), « Amadeus » (1984), « Valmont » (1989), « Larry Flint » (1996) et « Man on the moon » (1999). Sa grande taille (1m90), le prédisposait à des rôles de fous ou d’excentriques, il a participé à beaucoup de séries TV, en essayant de ne pas se laisser cantonner dans un seul type de rôle. Il a travaillé avec deux réalisateurs français dans « Mister Frost » (1989) de Philippe Setbon, où en employé de bureau il fait face à Jeff Goldblum, et dans « Restons groupés » de Jean-Paul Salomé (1998), où il tient le rôle d’un avocat. Tim Burton l’a également utilisé avec intelligence dans « Batman 2, le défi ». Il a aussi joué les utilités, dans un « James Bond », face à Pierce Brosnan dans « Demain ne meurt jamais » (1997). l était auteur de 3 livres de cuisines « Papa Andrea’s Sicilian Table » et « Bruculinu », « America : Souvenirs d’un Sicilien-Americain de Brooklyn », à travers les recettes.  ! L’excellent site « secondscouteaux.com » – hélas plus disponible – avait fait son portrait et le site OBJECTIF CINÉMA a publié un entretien passionnant réalisé en 2001.

Filmographie : 1971  Taking Off (Id) (Milos Forman)1974  The Great Gatsby (Gatsby le magnifique) (Jack Clayton) – For Pete’s Sake (Ma femme est dingue) (Peter Yates)The Happy Hooker (Nicholas Sgarro)1975  Angels (Spencer Compton) – One flew over the Cuckoo’s nest (Vol au-dessus d’un nid de coucou) (Milos Forman) – Next Stop, Greenwich Village (Id) (Paul Mazursky) –  1976 Taxi driver (Id) (Martin Scorsese) – 1977  Un autre homme, une autre chance (Claude Lelouch) – An unmarried woman (La femme libre) (Paul Mazursky) – 1979  Butch and Sundance : The early years (Les joyeux débuts de Butch Cassidy et Le Kid) (Richard Lester) – The Frisco Kid (Un rabbin au Far West) (Robert Aldrich) – 1980  Tean Mothers / Seed of Innocence (Graine d’amour) (Boaz Davidson)The Return (Greydon Clark) The Gong Show movie (Chuck Barris) – 1981  American Pop (Ralph Bakshi, voix) Chu Chu and the Philly Flash (David Lowwel Rich) – 1982  Night Shift (Les croque-morts en folie) (Ron Howard) – Fast Times At Ridgemont High (Amy Heckerling) – 1984  Amadeus (Id) (Milos Forman)Kidco (Id) (Ronald F. Maxwell) – The adventures of Buckarroo Banzai across the 8th dimension (Les aventures de Buckaroo Banzaï) (W.D. Richter) 1985  Better off dead (Gagner ou mourir) (Savage Steve Holland) – 1986  Time Out (Jon Bang Carlsen) – 1988 Homer & Eddie (Voyageurs sans permis) (Andrei Konchalovsky) – 1989   Valmont (Id) (Milos Forman) Waiting for the light (Christopher Monger) – Cold Feet (Robert Dornhelm)Playroom (Manny Coto) – Mister Frost (Philippe Setbon) – 1990 Penny Ante : The motion picture (Gavin Wilding) Ghost (Id) (Jerry Zucker) – 1991  Ted and Venus (Bud Cort)  Another you (Le menteur et le tricheur) (Maurice Phillips) – 1992  Batman returns (Batman, le défi) (Tim Burton)Miracle Beach (Skott Snider) – 1993 Painted desert (Masato Harada) – 1994  Cultivating Charlie (Alex Georges)H.P. Lovecraft’s Lurking fear (C. Courtney Joyner) – 1995  A little princess  (La petite princesse) (Alfonso Cuaron)  3 Ninjas knuckle up (Shang-ok Shin [Simon S. Sheen]) –  Lord of illusions (Le maître des illusions) (Clive Barker) – Two Much (Id) (Fernando Trueba) – 1996   Back to back : American Yakuza II (Roger Nygard)The people vs Larry King (Larry King) (Milos Forman)1997  Milo (Pascal Franchot)Tomorrow never dies (Demain ne meurt jamais) (Roger Spottiswoode) – The beautician and the beast (L’éducatrice et le tyran) (Ken Kwapis) – Restons groupés (Jean-Paul Salomé ) – 1998  Love Kills (Mario Van Peebles) –  Dry Martini (Alejandro Chomski) – La cena informale (Salvo Cuccia, CM) – Rusty : A Dog’s Tale (Shuki Levy)1999 Man On The Moon (Id) (Milos Forman)Treehouse Hostage (Sean McNamara) – Coyote moon (Inferno) (John G. Avildsen) – The Prince And The Surfer (Arye Gross & Gregory Gieras) – 2000   American Virgin (Jean-Pierre Marois) – 3 Strikes (D.J. Pooh) – American Saint (Joseph Castelo) – 2002 Solino (Fatih Akin)Death to Smoochy (Titre TV : Crève Smoochy, crève) (Danny de Vito) – Hé Arnold ! Le film (Huck Tucker, animation, voix) – The 4th Tenor (Harry Basil) – 2003   Gli Indesiderabili (Pasquale Scimeca)Baggage (Evan Aaronson) –   How To Get The Man’s Foot Outta Your Ass (Mario Van Peebles) – Miracolo a Palermo ! (Miracle à Palerme) (Beppe Cino)2004   A Pena do pana (Lucia Grillo, CM) – 2006  Nuovomundo (Golden Door) (Emanuele Crialese) – 2007  The passport (Amund Lie, CM).  

Il y a eu ce mois-ci beaucoup de décès à déplorer, de l’égérie de Roger Vadim, Annette Stroyberg, l’acteur canadien Marc Favreau, les actrices américaines Jean Parker et Beverly Tyler, le cinéaste italien Giuseppe Patroni Griffi. Pour plus d’infos, visitez le site des Les gens du cinéma, il est difficile de parler hélas tout le monde…

Bibliographie : « Quinlan’s character stars » par David Quinlan (Éditions R.H. 2004).

Mise à jour du 20/07/2009

L’ATTENTAT

J’ai raté hélas le film de Serge Le Péron « J’ai vu tuer Ben Barka », avec Charles Berling et Simon Abkarian, traitant de L’affaire Mehdi Ben Barka.  Elle avait déjà fait l’objet d’un film en 1972, « L’attentat » une libre adaptation par Yves Boisset, pour des raisons évidentes de censures Mehdi Ben Barka, leader de l’opposition marocaine devenant Sadiel, et Georges Figon devenant François Darien, un aventurier obligé de faire la chèvre pour les « Renseignements généraux », ce qui nous donne une performance de l’excellent Jean Bouise, en cynique chafouin. Yves Boisset me semble un talent à réhabiliter, si les cinéphiles crient au génie – à raison – pour un Riccardo Freda ou un Vittorio Cottafavi, ils l’ont très souvent dénigré, opposant les nobles causes traitées utilisées à de fins de films spectaculaires, et d’un manichéisme contre une mise en scène à l’Américaine. Ce jugement est très dur finalement, tant la critique ici d’une société corrompue est acerbe critiquant ouvertement les arcanes du pouvoir en France. Le film débute par un complot ourdi, dans la pénombre ce qui est certes un cliché, par un ministre français – Jacques François – distingué forcément mais sorte de monstre raisonné – et un espion anglo-saxon – Nigel Davenport, vu dans « Phase 4 », il y a peu. Darien – Jean-Louis Trintignant, superbe – va servir de chèvre, par l’entremise d’un avocat d’affaires véreux – Michel Bouquet, jouant dans la délectation du salaud respectable -. Darien vivant avec une bourgeoise américaine – Jean Seberg à fleur de peau -, en mal de rébellion contre l’ordre établit – il lui déclare cyniquement qu’elle « va au peuple comme la vache va au taureau », doit attirer son ami Sadiel – Gian Maria Volonte dont on connaît le parcours politique, donnant du charisme à un personnage réinventé, et très bien doublé par Marcel Bozzuffi -, en exil en Suisse. Le but de ce complot ourdi contre ce leader progressiste, est de le neutraliser, l’idée d’une émission de télévision dans une ORTF servile, présentée par Pierre Garcin, à la botte du pouvoir – Philippe Noiret, suffisant et hautin -, n’est qu’un leurre. La nostalgie de son pays – un pays d’Afrique du Nord, jamais nommé mais c’est bien le Maroc – réussit à faire sortir Sadiel de sa réserve, d’autant plus qu’on lui promet un rôle politique contre le colonel Kassar – Michel Piccoli, très impressionnant -.

Daniel Ivernel, Marc Mazza, Jean-Louis Trintignant, Philippe Noiret et Michel Bouquet

Le film a tous les éléments du thriller abouti d’Ennio Morricone à la musique, d’un scénario solide de Ben Barzman – tricard black listé du temps du Maccarthysme -, et des dialogues mordants de Jorge Semprun – l’écrivain américain –Roy Scheider, énigmatique, trouvant que les femmes présentes – en fait des entraîneuses – dans un cocktail mondain  ont « Le cul qui sent l’UDR ». Il y a des scènes très impressionnantes, notamment celles avec Jean-Louis Trintignant, instrument malgré lui, mais pas sans reproches, manipulable à merci par son côté aventurier opportuniste, Sadiel, qui regrette les sons de son pays, de sa manière de raconter qu’enfant pauvre il faisait le pied de grue pour qu’on le prenne dans une école réputée. Les confrontations entre deux sont superbes, de même que la rencontre entre Sadiel et le colonel Kassar – Michel Piccoli, cruel, les yeux mangés par des lunettes noires -, et la manière de ce dernier de se servir d’un couteau pour neutraliser son hôte gênant par trop d’absolu. Il ne semble ne pas y avoir aucune échappatoire, on ne retrouve qu’un peu de probité, et encore méfiante, que chez un commissaire de quartier – François Périer, dépassé par les évènements et finalement très touchant – ou un avocat de gauche – Bruno Cremer, dans la sobriété -. Les policiers ne se posent pas trop de questions, du moment qu’ils sont couverts – Georges Staquet et Pierre Santini, oubliant très vite leurs états d’âmes devant une choucroute -. Les officiels ne manquent pas à faire appel à un grand truand ex-collabo, pour organiser une entrevue – Daniel Ivernel, dans un rôle fortement antipathique-. Et l’on retrouve même, un long travelling dans une grande salle d’écoute téléphonique instrumentalisée, qui trouve un écho particulier après les polémiques encore d’actualité il y a peu. A noter, que temps d’une scène d’action, Jean-Louis Trintignant traverse un des bidonvilles de la banlieue parisienne, rarement montré au cinéma. Il faut souligner l’intérêt qu’à Yves Boisset pour les seconds rôles – j’avais complété il y a quelques temps la fiche d’IMDB, les patibulaires (mais presque, comme disait Francis Blanche), Marc Mazza, Roland Blanche, Jean Bouchaud, Jacques Richard, mais aussi Michel Beaune en officier de police inquiet, Jean-François Calvet en bourgeois pédant, André Rouyer en majordome dévoué, les cascadeurs Lionel Vitrant et Sylvain Lévignac. Et il y a Denis Manuel, un grand sous-utilisé au cinéma, en étudiant perdu entre sa volonté de survivre, et celle de défendre ces idées, d’une grande sensibilité il amène une grande humanité à son personnage. On se met à imaginer un film actuellement qui mettrait en question le pouvoir, dissimulé derrière la raison d’État, et là on devient songeur. Martin Wincker parlait sur France Inter dans l’émission d’Yvan Levaï, de son projet de série parlant de « Matignon », vite envoyé aux orties. Le parcours d’Yves Boisset mérite qu’on le revisite. N’attendons pas qu’il cesse son activité pour le redécouvrir.

MARY

Une comédienne Mary Palesi – radieuse Juliette Binoche – tourne dans un film opportuniste d’un cinéaste Tony, qui joue également le Christ, « Ceci est mon sang ». Elle y joue une Marie-Madeleine réhabilitée d’après son évangile apocryphe, objet de controverse et retrouvé en Egypte en 1945. Ébranlée par ce rôle, elle décide de se retirer dans Jérusalem et abandonner sa carrière. Theodore Younger qui présente une émission religieuse, fait un travail pour retrouver la vérité sur le Christ. Il est fortement marqué par l’interprétation de Marie et il décide d’inviter le cinéaste sur son plateau, pour en savoir plus sur elle… C’est un grand morceau de mise en scène. On est admiratif de voir comment Abel Ferrara réussit à s’approprier des morceaux de vies, des réflexions de théologiens, des questionnements de la foi, une critique acerbe d’un metteur en scène suffisant réinterprétant les évangiles – allusion évidente et assumée de « La dernière tentation du Christ » où Mathieu Modine serait à la fois Mel Gibson et James Caveziel -. De l’incapacité de la représentation des évangiles, aux images d’actualités, il intègre tout à son univers. Il relie d’ailleurs les hommes entre eux, avec une espèce de naïveté folle, un attentat à Jérusalem semblant avoir une répercussion sur un nourrisson sous couveuse. Les hommes sont proches par leurs errances que les conflits soient intérieurs ou extérieurs. Et ça marche, il ose une allégorie sur l’amour des autres, donne des pistes et jamais de réponses sur la foi. Abel Ferrara qui cite volontiers « Je vous salue Marie » de Jean-Luc Godard, et « L’évangile selon Matthieu », réussit à rendre cette histoire chaotique, touchante et brûlante.

Juliette Binoche

L’interprétation ici est très forte, l’admirable Forest Whitaker, joue un animateur d’émission religieuse, en prise avec ses contradictions. Il vit très mal ses indélicatesses, comme de délaisser sa femme enceinte -Heather Graham, très sensible -, pour la tromper avec une jeunesse – Marion Cotillard, marquante dans un court rôle -. Il demande même à sa productrice – Stefania Rocca, déterminée et charmeuse -, de lui donner un alibi, ce qu’elle refuse. Le film en abîme « Ceci est mon sang » recevant le même accueil que « La dernière tentation du Christ » de Martin Scorsese, Theodore entre aussi dans la tempête médiatique, mais finit par établir un lien avec le portable de Mary, qu’il a réussit à avoir, qui lui parle de foi et d’amour, et grâce à lui va connaître une rédemption. Tony, lui vire à la bouffonnerie, peste de voir une intervention par téléphone de Mary, sur ce qu’il appelle son « show », Mathiew Modine s’amuse à ridiculiser un metteur en scène fat. Et puis il y a Juliette Binoche, touchée par la grâce dans ce film. A la voir, laisser volontiers apparaître ses larmes, dans une émission TV en pleurant à l’évocation de Denis Lavant, avouant se croire forte, alors que l’émotion n’est jamais très loin, puis rire de son rire lumineux, que les metteurs en scène n’ont que rarement utilisé, on se dit que cette femme, c’est le charme à l’état pur. Sur ce film, elle réussit à rendre la foi presque palpable – même pour un anticlérical primaire comme mézigue -, ce qui est rare à l’exception peut-être de Catherine Mouchet dans le « Thérèse » d’Alain Cavalier. Elle nous livre sa générosité, accompagne un artiste dans son oeuvre, c’est décidément une très grande comédienne. Abel Ferrara, dans sa continuité, nous livre ses démons et sa vision du monde, et c’est du très grand cinéma.

LES FILMS QUI RENDENT SCROGNEUGNEU #2

Je me régale de  chacune des apparitions télé de Luc Besson, en promo pour son film « Angel-a ». Il faut le voir son « marketinge », du style, on sous expose, tout en surexposant, chez Rouiller, Cauet, Fogiel, Denizot, parader comme un « mogul » à la française, d’un grotesque achevé, qui aurait gardé son âme d’enfant. Il nous dit retourner à ses premières amours, avec un petit film en noir et blanc, dans un Paris au mois d’Août, histoire de retrouver l’esprit du « dernier combat » (1982). Il livre des infos contradictoires, se comparant à cuistot, qui ne voudrait pas dévoiler ses petits secrets de fabrication. Tans pis, moi qui avait toujours rêvé de connaître ceux de « Picard surgelés »… Car l’usine « Europacorp », nous livre souvent du « fast-view » – dont quelques films parmi les plus flonflons du cinéma de ces dernières années -, ils aident certes des auteurs comme Gary Oldman ou Tommy Lee Jones, mais baignent trop souvent dans l’inconsistance. Grand moment de télévision samedi dernier, l’équipe de « Radio+ », excellente émission de Canal + avait débarqué dans les bureaux d’Europacorp » déguisés en super-héros débiles en demande de financement pour un scénario anémiques. Il fallait voir le manque flagrant d’humour de la maison de production. Si le sieur Besson se donnait autant de mal à faire des films, qu’à se foutre de notre gueule, on aurait peut être un résultat convenable. Car désolé de dévoiler ici le pot aux roses de toutes ses petits mystères, c’est dans le meilleur des cas un canular, dans la pire une arnaque. Bon, on est beau joueur, on s’est fait rouler, mais le Luc, il a des frais, attaquer des revues sans défenses comme « Brazil » – qui l’attaquait aussi sur son physique, ce qui est assez bêta -, payer son château et ses avocats, pour des idées volées à Katerine Bigelow ou à de jeunes scénaristes. L’homme d’affaires a pris le pas sur un réalisateur pourtant doué.

Jamel Debbouze

Et le film en lui-même alors, et bien le scénario de film, personne n’en voudrait pour un court-métrage de film de fin d’études. Ca commence comme dans « Une fille sur le pont » (1998), et ça se termine par une idée déjà exploitée avec brio par Franck Capra, Pier Paolo Pasolini et Wim Wenders, et avec beaucoup moins de bonheur par Marcel Carné. C’est l’unique surprise du film, vite éventée. On ne va pas non plus attendre de lui une idée originale, à l’image d’Angela se séchant dans les toilettes publiques comme Madonna le faisait dans « Recherche Susan désespérément ». Reste que Luc Besson reste indigne de ne pas donner un beau rôle à un grand comédien, Jamel Debbouze, qui préfère faire un petit rôle chez Spike Lee, plutôt que participer à quelques comédies faciles. S’il n’arrive pas à sauver ce film soporifique, il est désormais mûr pour les grands rôles… Il y a deux autres personnages Angela, on n’est pas obligé de partager les fantasmes du réalisateur pour les mannequins blondes platines et dégingandées, vues il y a très peu de temps encore dans « Transporteur 2 ». C’est ici Rie Rasmussen – déjà pygmalionisée par Brian de Palma -, qui s’y colle, la surprise de voir ses 1m80 aux côtés de Jamel, déjà largement éventée depuis son apparition dans les Césars avec Adriana Karembeu, on passe le temps à essayer de comprendre son français. A l’instar de Boby Lapointe, chanteur sous-titré dans « Tirez sur le pianiste », on aurait souhaité la même chose pour elle et on jette tout de même un voile pudique sur son jeu. Le second personnage c’est Paris, mais jamais on évite le côté carte postale, après l’œuvre d’Agnès Varda, c’est un choc. La photo signée pourtant Thierry Arbogast, fait penser à une pub sans fin, et on attend à chaque instant à voir apparaître, en incrustation, un flacon de parfum. On peut se demander, quand on voit souvent des films en noir et blanc des années 30 à 70, le pourquoi de la disparition de cette magie. Et les seconds rôles… Gilbert Melki ne fait que passer, Serge Riaboukine continue dans le registre « ogre » du cinéma français – on peut le préférer dans le téléfilm de Karim Dridi « Gris blanc », diffusé sur Arte  -, Olivier Claverie parfait son rôle de personnage antipathique, et Franck-Olivier Bonnet retrouve son habituel personnage de beauf dans une boîte de nuit. Tout baigne dans un prêchi-prêcha d’un boursouflé d’autosuffisance, de quelqu’un qui ne voudrait pas descendre de sa tour d’ivoire. Bref, comme chantait Sophie Marceau « Bérézina, nougat et chocolat ». Et un sujet de plus, dans le style arnaque de « Noël » pour Julien Courbey sur TF1, pour ce film survendu et translucide.

PHASE IV

Ce film de 1974, est à ranger dans les grandes réussites du cinéma de science fiction. Dans un désert d’Arizona, de simples fourmis, évoluent de manière spectaculaire. Les espèces rivales vivent désormais en communauté évoluée et elles n’ont plus de prédateurs – mantes religieuses, araignées -, qui disparaissent mystérieusement.  Un savant le professeur Hubbs – Nigel Davenport, démesuré et déterminé -, accompagné d’un spécialiste du langage animal – Michael Murphy -, s’installe dans une sorte de forteresse scientifique, sous la forme d’un dôme pour étudier ce comportement inédit. Il ne reste dans les alentours, qu’un couple de vieux fermiers, leur petite-fille passionnée un ouvrier. Ils sont les derniers à partir, pendant que les deux scientifiques essaient de comprendre le phénomène, et le projet des insectes. C’est l’un des rares films comme réalisateur de Saul Bass, célèbre pour nombre de génériques de films, chez Alfred Hitchcock, Stanley Kubrick, Otto Preminger, Martin Scorsese. Dessinateur et animateur génial il a marqué durablement les esprits, avec ces petits chefs d’œuvres de concision et de beauté. Il avait fait le storyboard de la scène de la douche dans « Psychose », avant de s’attribuer la paternité de celle-ci, à tort selon Donald Spoto.

Nigel Davenport

Le film reprend le schéma classique du cinéma de science fiction, sans préciser la raison de cette évolution, on pense évidemment à la menace nucléaire, et l’opposition entre humains et animaux, ces derniers étant perturbés par la folie de l’homme. Le parti pris, ici est très réaliste, très convaincant, habile en utilisant intelligemment des moyens et les décors d’un Arizona, en proie aux promoteurs immobiliers. Il réussit avec ce film, à installer un climat de menace permanent. Le scénario est habile, puisque opposant l’individualisme des hommes, contre l’intérêt de la colonie qui privilégie le groupe social avant tout. Loin de jouer la carte du gore, et de la grandiloquence, le réalisateur s’attarde sur les actes, filme les fourmis comme un entomologiste. Il a l’art de créer l’intérêt en personnalisant les fourmis, montrant leur adaptation à toutes les contraintes, contre l’arrogance de l’homme qui croit en sa suprématie. En filmant des galeries, le laboratoire de fortune, des fourmilières construites comme des immeubles humains, il sait créer la tension, à travers l’univers coloré des fourmis, face à celui plus sombre des humains. Ce film compte parmi les grandes réussites du genre.

CLÉO DE 5 A 7

On peut trouver depuis le début du mois, une indispensable édition DVD du superbe « Cléo de 5 à 7 ». Ainsi que du documentaire « Daguerréotypes ». Nous sommes le 21 juin 1961, à 17 heures, on découvre Florence, dite Cléo, joué par la lumineuse Corinne Marchand, qu’Agnès Varda avait découverte sur le tournage de « Lola » de Jacques Demy. Elle est une chanteuse à la mode très coquette. Elle est anxieuse à l’idée de recevoir à 19 heures, les résultats des analyses médicales de l’hôpital de la Salpetrière. Elle est face à une cartomancienne, à noter que les cartes apparaissent en couleur, la réalité étant en noir et blanc. La vision de la carte représentant le mort, une transformation lui précise son interlocutrice, va l’accabler jusqu’à l’issue finale. Assez futile et capricieuse, on traverse Paris avec elle, avec Angèle, sa femme de chambre – Dominique Davray, dans un de ses rares contre-emplois, on y reviendra dans un prochain portrait-. Elle hésite entre se morfondre chez elle, recevoir la visite éclair de son amant – José Luis de Villalonga -, répéter avec un musicien et un parolier excentriques – Michel Legrand et Serge Korber dans un grand morceau de bravoure -, retrouver son amie modèle, joué par Dorothée Blank, – que l’on retrouve dans un des boni foisonnants du DVD dans le court « Opéra-Mouffe » -. On la suit en temps réel, le film se déroulant dans cette attente en temps réel de 17h à 18h30. Elle finira par rencontrer au Parc Montsouris, Antoine, qui doit le soir même embarquer pour la guerre d’Algérie, ce qui donne un instant de grâce magnifique à ce film lumineux et ludique.

 

Corinne Marchand

Le côté documentaire d’un Paris de 1961, est absolument réjouissant. Agnès Varda, observe avec chaleur le petit monde parisien, de l’insolite – un avaleur de grenouilles, le bébé dans une couveuse transporté en pleine rue par deux infirmiers -, aux petits commerçants – Jean Champion, en patron de bistrot chaleureux -. Les boni, réalisés par Varda, elle-même, sont étonnants, elle retourne dans les quartiers traversés par Cléo, plus de 40 ans après, à l’instar de la suite des « Glaneurs et la glaneuse ». Elle retrouve avec joie Antoine Bourseiller, Dorothée Blanck, et l’inoubliable Corinne Marchand, qui retrouvent une immédiate connivence. Marin Karmitz et Bernard Toublanc-Michel, alors assistants réalisateurs, témoignent de l’art de la réalisatrice. La réalisatrice nous dévoile même ses secrets, d’une nouvelle collure effectuée 44 ans après, de l’anecdote sur Georges de Beauregard et sa femme, et sur les rails de travelling, lors d’une scène de l’hôpital de la Salpetrière, nous donnant avec générosité une belle leçon de cinéma. On retrouve aussi, l’intégrale – 30 secondes de plus ! – du petit film muet diffusé à l’intérieur de « Cléo », « Les fiancés de Mac Donald » amusante pochade et hommage au cinéma muet, avec Jean-Luc Godard, Anna Karina, Eddie Constantine, Yves Robert Danièle Delorme, Jean-Claude Brialy, Alan Scott, Georges de Beauregard et Sami Frey, un document sur le projet d’adaptation du film par Madonna, le documentaire « Les Dites Cariatides », etc…Elle offre un écrin de toute beauté à son magnifique travail d’orfèvre. Finissons par un sourire. L’inénarrable « Analyse générale des films 1962 », présentant les films sous la côte morale, des hautes instances catholiques,  décrit le film de la sorte « Mais le mode de vie de cette jeune femme, le climat païen et désabusé dans lequel elle vivait jusqu’ici appellent des réserves ».

LE TIGRE ET LA NEIGE

D’abord compatissons un peu, pour ceux qui vont découvrir le film en version française. Au vue de la bande annonce, ça devrait tenir du supplice, le talent du doubleur n’est pas en cause, Roberto Benigni, à l’instar d’un Woody Allen ou d’un Jerry Lewis, étant difficilement doublable. Le film commence par une séquence onirique, hommage évident au film de Federico Fellini « La voce della luna ». Attilio di Giovanni épouse, dans un rêve, la femme de sa vie – Nicoletta Braschi, sa propre femme dans la vraie vie -.On y retrouve avec des images d’archives Marguerite Yourcenar, José Luis Borges, Eugenio Montale et Giuseppe Ungaretti. Ces images proviennent du rêve récurrent du personnage d’Attilio, il est amusant de retrouver Tom Waits – pour lequel je suis un inconditionnel -, son partenaire de « Down by Law », en pianiste, il est décidément apprécié par le cinéma italien, puisqu’une de ses chansons ouvre « Une fois que tu es né ». Il finit par retrouver « la femme de ses rêves », littéralement, en la personne d’une journaliste qui enquête sur Fouad, un poète irakien de passage à Rome  – Jean Reno, impressionnant de subtilité, en homme lucide, dévoré par l’amertume, et  décontenancé par l’énergie du désespoir de son ami Attilio -.  La belle Vittoria, suit le poète Fouad, et st victime d’un attentant. Atteinte d’un œdème cérébral, ses jours sont en danger, nous sommes en 2003, en pleine guerre. Contre toute attente, Attilio, éternel étourdi, qui ne sait jamais où il a garé sa voiture, décide coûte que coûte de la sauver. Il va déployer des trésors d’ingéniosités pour accéder à un Bagdad en guerre, alors qu’il n’est jamais à l’aise avec les petits événements du quotidien. Si le Roberto Benigni surjoue de manière balourde, sur les chaînes françaises en période de promotion, il est ici formidable, le film vaut beaucoup mieux que cette représentation instrumentalisée.

Roberto Benigni & Jean Reno

Après le décevant « Pinocchio »,  supportant mal la comparaison avec la version signée Luigi Comencini, Roberto Benignini, retrouve la veine, avec son co-scénariste Vincezo Cerami, de « La vie est belle », qu’il faut voir comme une fable sur la guerre. Avec une sorte de naïveté, il arrive à trouver le côté poétique des atrocités avec générosité. Si sa représentation stylisée de l’holocauste, m’avait personnellement dérangé, on finit ici par baisser les armes, devant les trésors d’énergie qu’il déploie. La représentation onirique de la guerre a certes des limites, mais elle finit ici par nous convenir. Dans cette nouvelle variation d’Orphée allant rechercher Eurydice aux enfers, Attilio un poète lunaire et reconnu et père de deux jeunes filles, va traverser un Bagdad en guerre, étant porté par une inconscience causée par un amour absolu. Ludion, agité, il virevolte constamment, trouve le petit décalage comique des situations tragiques – ce que fait Gérard Jugnot, comme réalisateur, chez nous -. L’actualité est ici un prétexte, il semble visiblement en manque de jouer, il se fait désormais trop rare, hormis ses propres films. Incontestablement son génie comique fonctionne, il est apprécié en France, depuis son rôle étonnant de professeur iconoclaste dans « Pipicacadodo », joli film de Marco Ferreri. Sous influence, Fellinienne, et baigné par la belle musique de Nicola Piovani et Tom Waits, le film trouve son rythme, et sa cohérence. Il y a des trouvailles très amusantes, et quelques scènes d’anthologies, comme la scène du champ de mine. Roberto Benigni, arrive à contourner certains écueils et maladresses, par une énergie redoutable et un humanisme communicatif. Au final de ce film burlesque, maladroit – le cliché du collier – mais sincère, les réserves finissent par s’évaporer ! C’est une histoire d’amour fou, dans la lignée d’un « Peter Ibbeston », ce qui n’est pas désagréable. Reste que l’on aimerait voir Roberto Benigni plutôt dans d’autres univers que le sien.

LE RETOUR DE LA HUITIÈME MERVEILLE DU MONDE

C’est la trêve des confiseurs, la tentation est grande de la respecter, surtout qu’elle est raccord avec l’optique de robinet d’eau tiède consensuel de ce blog. Tant pis le pisse-froid est de sortie ! Si on pouvait attendre légitimement beaucoup de ce remake du « King Kong » original d’Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper – j’ai beaucoup apprécié la trilogie du « Seigneur des anneaux » -, il faut bien le dire que l’on en ressort, mi-abruti, mi-déçu. La huitième merveille du monde  – je vous épargne les jeux de mots habituels – fait penser ici à une vieille dame, outrageusement ripolinisée, ayant subit un liftinge – francisation à la Queneau, en passant -, lui donnant un drôle de petit air momifié. Mais on retrouve les signes de fatigue, dans un visage inexpressif, sans âge véritable, elle met beaucoup plus de temps à se déplacer. 188 minutes, pour ce grand amour contrarié, et désensualisé en passant, c’est beaucoup ! On retrouve bien le personnage du metteur en scène mégalomane, Carl Denham, sorte de Werner Herzog avant l’heure, du style « il peut y avoir des morts », si c’est pour établir une œuvre. Jack Black,  y ajoute beaucoup d’humour, il est étonnant dans le style chaînon manquant entre Orson Welles et … Sébastien Cauet. Ann Darrow est joué par la lumineuse Naomi Watts, digne de figurer chez les grandes « screaming girl », elle amène une sensibilité face un pathos un peu trop outrancier. Face à elle, King Kong est décidément trop humain. Bardé de cicatrices et usé par les épreuves et la solitude, il faut le voir faire du patinage sur glace comme Marlon Brando dans « Premiers pas dans la mafia » !

Naomi Watts

Les autres personnages sont des créations du scénariste intellectuel, qui s’avère être un héros (Adrien Brophy, qui n’en rajoute pas trop pour une fois). Les personnages sont des stéréotypes des films d’aventures d’avant –guerre, même si cette caractérisation est assez plaisante, elle en devient lassante (Le bellâtre – Kyle Chandler -, le mousse recueilli – Jamie Bell, très bon -, le marin baroudeur à la clope au bec, le capitaine sombre du navire – Thomas Kretschmann qui retrouve son partenaire du « Pianiste », le sieur Brophy en l’occurrence -. On a l’impression ici d’un immense recyclage, des films de zombies, « Jurassic Park ». Si Peter Jackson explore d’autres pistes – « Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad -, c’est pour mieux l’abandonner. Il nous livre ici son savoir-faire, indéniable, mais sans supplément d’âmes. C’est une amère déception, on aurait aimé retrouver l’esprit iconoclaste des premiers Peter Jackson, que l’on peut retrouver parfois avec les « diplodos » transformés en auto-tamponneuses ou quand le metteur en scène déclare que Fay Wray – créatrice du rôle d’Ann Darrow – n’est pas libre comme actrice car elle tourne avec… Cooper ! Il y a trop de tout ici, bestioles, guimauve…, et on a l’impression parfois que les acteurs jouent sur un fond bleu, et certaines incrustations sont carrément visibles, ce qui est gênant. La dépression, était déjà décrite en direct dans la toute première version – Fay Wray volant une pomme -, on ne retrouve ici rien de plus constructif, Peter Jackson, se paye même le luxe d’une ellipse de taille, le transport de King Kong de « Skull Island » à New-York ! C’est donc de la monnaie de singe (désolé, ce n’est pas pire que le « putain Kong » de « Libération », à trop vouloir jouer à l’esbroufe mégalomaniaque.  Le divertissement est au rendez-vous, mais sans plus. Je vous conseille le DVD du film de 1933, qui comprend aussi la suite « Le fils de Kong »,  et des bonus où l’on retrouve Joe Dante et Ray Harryhausen, un temps où la bête n’était pas réduite à être VRP pour voiture, ou le support de pléthore de produits dérivés, film qui reste un diamant noir inégalé.