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EDY

« À sa naissance, il n’est donné à l’homme qu’un seul droit : le choix de sa mort. mais si ce choix est commandé par le dégoût de sa vie, alors son existence n’aura été que pure dérision », Jean-Pierre Melville dans « Le deuxième souffle », cité dans le scénario d' »Edy ». C’est évidemment avec beaucoup d’impatience que j’attendais « Edy » de Stephan Guérin-Tillié, le problème compte tenu de l’article précédent, voir ICI, est évidemment le manque d’objectivité – mais en temps normal, je ne crois pas trop à cette notion des choses ici – et de faire dans la vile flagornerie, mais quand je n’aime pas un film, je préfère le tenir sous silence comme l’un des films précédents avec François Berléand sorti cette année. Je vais donc en causer librement. Edy, cœur lent, est un assureur véreux comme dans « Ma petite entreprise ». Il est fatigué de vivre et des escroqueries  à l’assurance, avec des morts à la clé, organisées par son mentor, Louis Girard – Philippe Noiret qui trouve là un de ses meilleurs rôles depuis un moment -. On retrouve la scène du court-métrage en noir et blanc « Requiems », dans une carrière, où Edy doit procéder à de bases œuvres en compagnie du guignol –Laurent Bateau, qui tend à la drôlerie remplaçant Daniel Rialet qui était plus tragique- court-métrage visible dans le DVD édité par Studio, consacré aux œuvres filmées de comédiens. L’écriture du film est plus complexe que l’on veut bien le dire, et loin de se laisser aller à des procédés – le split-screen reproché par un critique – Stephan Guérin-Tillié a réussit à installer un climat, grisaille et jazz obligatoire.. Il exploite les non-dits et les situations, avec beaucoup d’humour – le mort revenant hanter Edy, dans une émission de Julien Lepers, Edy bras cassés retrouvant la posture de la marionnette du vrai guignol.

Yves Verhoeven & François Berléand

Il y a des réelles trouvailles, tel le conseil de discipline des assureurs dans un bowling,  joué avec rythme par Roger Souza, dégonflé patenté, Jacques Spiesser, Céline Samie, et l’ex « garçon plein d’avenir », Olivier Brocheriou. Le film procède à une lente dépression du personnage d’Edy, blasé, qui ne retrouve plus aucun sens de sa vie, et va finir par tomber dans une spirale infernale, ne pouvant compter que sur le soutien de Louis, personnage roublard mais qui a un sens de l’honneur à l’ancienne. La distribution est particulièrement soignée, mention spéciale à Yves Verhoeven en inspecteur sarcastique et décalé – il faut le voir mener son enquête avec flegme et cynisme – Pascale Arbillot en secrétaire défaite, Eric Savin en employé des pompes funèbres attachant et naïf, Cyrille Thouvenin en skin-head, Marion Cotillard en fantasme, le moindre rôle est soigné – Marie Pillet, en voisine énervée, Dominique Bettenfeld et Steve Suissa en pilier de comptoir.

François Berléand & Philippe Noiret

Ce film n’est pas encombré par les influences du metteur en scène. On pense à Melville, bien sûr. Plus qu’un exercice de style, il y a une proximité avec les personnages, un bel humour noir et une écriture soignée : le monologue où le personnage de Louis, évoque ce qui le fait bander. La confrontation entre Philippe Noiret et François Berléand est jubilatoire, ce sont bien deux comédiens d’une même trempe, le rapport maître-élève est le moteur de la vie d’Edy, on comprend bien qu’il lui faille passer au-delà de cette relation pour s’affirmer. Et puis il y a François Berléand, désabusé, toute la peine du monde sur ses épaules, mais s’illuminant de sa superbe en évoquant des techniques de ventes et retrouvant « L’énergie du désespoir ». Qu’il déambule sous la pluie, pose son spleen sur une balançoire, tente de résister aux difficultés, il est magnifique de subtilité et est au sommet de son art. On n’imagine d’ailleurs pas son personnage interprété par quelqu’un d’autre et comme dit Julien Lepers dans le film « on ne dit jamais assez aux gens qu’on les aime ! ». Ce film mal accueilli semble-t’il par certains, mérite le détour, le public semblant lui, l’apprécier malgré une critique infondée – mention spéciale aux « Cahiers du cinéma » – d’une crétinerie abyssale et gratuitement négative, peut-être parce que l’on a toujours du mal à voir sa médiocrité ainsi lucidement exposée.

EN ATTENDANT EDY

Photos : source Tournage d’Edy

Vendredi soir, j’appelle François Berléand qui est ce soir là aux Sables d’Olonne, venu pour défendre Edy, malgré son épaule cassée, mais ce n’est pas le genre à se plaindre. J’avais demandé à  Guillaume Canet d’évoquer, lors de l’avant-première de « Joyeux Noël »,  l’épaule cassée de François Berléand au cours du tournage à Orly de son film « Ne le dit à personne ». C’était le mercredi 19 octobre, à 2 heures du matin… Bon camarade, l’acteur a précisé que dans une scène où il devait courir, François Berléand exténué, s’est donc – je cite – « écrasé comme une merde », le choc a été assez violent puisque l’équipe de réalisation, a entendu de loin un craquement de l’épaule du comédien. Pourtant il a continué le lendemain à tourner, même si les assurances autorisaient de différer le tournage d’un mois et demi.

Il se démène avec ce film « Edy » signé Stephen Guérin-Tillié, parfois dans des promos assez improbables de son ami Christophe Dechavanne, dans l’émission « Le certif », où il plaisante avec Patrick Bosso et Ophélie Winter, et se fait battre par… Élodie Gossuin, nouvelle bécasse prête à tout pour se faire connaître – politique + la ferme + présentation de l’émission la plus trash du moment sur la chirurgie esthétique dans une sous-6 (pas de Strasbourg, TF6 en fait). Il se fait vanner par Frédérique Bel dans « La minute blonde » sur Canal + et par Laurent Baffie dans « Tout le monde en parle »… Il a énormément d’humour et encore plus dans la vie. Il se désole de la réaction de la critique et de l’accueil un peu froid, pourtant c’est pour lui son meilleur film… Dans ses jugements il ne se trompe pas en général, il a une grande lucidité sur son métier. Je l’ai rencontré sur l’avant-première bordelaise des « âmes câlines », un spectateur me disait qu’il était décomposé quand j’avais fait un compliment sincère sur lui. Bref je l’admire beaucoup, et de le connaître un peu ça n’a rien arrangé. Non content de m’avoir invité au théâtre pour ses deux dernières pièces, j’ai assisté à un jour de tournage sur « Mon idole », la dernière scène de confrontation avec Guillaume Canet, tournée dans un lycée de Levallois-Perret, car il est impossible d’avoir une autorisation de tourner une scène de suicide sur Paris ! Je reviens enchanté, avec l’impression depuis d’avoir assisté à une sorte d’envol pour lui – en même temps qu’un saut simulé dans le vide -. Je pensais qu’il changerait avec son arrivée dans la popularité, il n’en est rien, il est resté simple, disponible et a même gardé son même numéro de portable. Depuis j’ai assisté à un tournage de Claude Chabrol grâce à lui, le rêve quoi.

François Berléand & Cyrille Thouvenin

En octobre 2004, un an tout juste, j’ai également vu deux jours de tournage d' »Edy » qui s’appelait alors « Requiems ». C’est d’autant plus appréciable, que je ne suis rien du tout, et petit provincial, je ne tenais d’ailleurs même pas cette chose insipide qui fait figure de blog. Depuis il me présente comme un dingo qui est resté une nuit entière à le voir se faire agresser dans un R.E.R., par trois vauriens. J’arrive devant un car loge, et je rencontre Stephan Guérin-Tillié les cheveux ras est très convivial, on parle du film de Steve Suissa « Le grand rôle » avec également François Berléand, film que j’ai beaucoup aimé, et il déplore un échec relatif au box-office. Je viens avec le drolatique libre de George Sanders « mémoires d’une fripouille » retrouver François Berléand toujours avenant. Il me présente Cyrille Thouvenin, tête rasée, très sympathique, ils se connaissent bien, il jouait son père dans « Les parents terribles ». Ils évoquent quelques souvenirs avant d’attaquer une scène assez difficile d’agression dans un train de banlieue. Edy Saïovici – nom en hommage au directeur du théâtre Tristan-Bernard – est un assureur trouble, défait il se fait chahuter par un trio de jeunes composé de Cyrille Thouvenin donc, Richaud Valls et Hubert Benhamdine – habitué des trains puisqu’il était dans la série « Le train » sur Canal +. Un wagon roulant est transformé pour accueillir toute l’équipe. Durant toute la nuit, le temps de plusieurs allez-retour, la mise en scène au cordeau est tenue de main de maître par Stephan Guérin-Tillié qui aidé du professionnalisme du chef opérateur Christophe Offenstein – que j’avais déjà vu sur le plateau de « Mon idole ». La scène se tourne une partie de la nuit, la tension monte rapidement entre les personnages et culmine sur un quai où Edy se fait violemment tabasser tourné en un plan séquence. Cette scène est particulièrement difficile pour François Berléand, le metteur en scène la voulant d’un seul tenant et sans la découper. S’il est vrai qu’il se définit souvent comme « un petit soldat » il se pli aux exigences du metteur en scène, jusqu’à arriver à la perfection. Harassé, il continue patiemment même s’il le faux sang coule et qu’il n’y a plus de chemise de rechange. J’assiste donc à une expédition incroyable avec des assistantes parties dans des recoins sombres du métro, pour trouver un robinet d’eau froide pour nettoyer les tâches parasites.  François repart exténué pendant que le trio rigolard continue à courir pour des plans de coupes. Curieux souvenir d’un tournage de nuit dans un métro parisien.

Stephan Guérin-Tillié & François Berléand

Second jours, on part vers une ville de la banlieue parisienne dans la Seine et Marne. Dans une zone industrielle, se tourne des scènes du bureau d’Edy. Toujours pince sans rire, François Berléand continue à plaisanter allégrement, faisant croire à l’équipe du tournage que le plateau voisin « La star’ac » se plaint que l’on utilise ses lignes par biais des talky-walkies, la bonne humeur règne toujours avec lui. Un hangar aménagé en bureau est le petit théâtre des opérations, Pascale Arbillot joue la secrétaire d’Edy. Cette lumineuse comédienne a une belle scène d’émotion face à un Berléand amoché qui reste imperturbable. Stephan Guérin-Tillié qui est aussi acteur, reste vigilant pour le jeu de ses ouailles. Un malencontreux bruit fait par une équipe un peu dissipée et il y a une disposition compliquée avec un aquarium, empêche malheureusement d’utiliser un grand moment d’émotion de la comédienne. Il enrage car il sait qu’il est difficile de retrouver parfois une intensité d’émotion, à cause d’un manque d’attention de l’équipe. Son expérience de comédien est suffisamment solide pour avoir une empathie avec ses congénères. A l’instar de Guillaume Canet, il impressionne par sa volonté de bien faire, de créer un univers singulier et pour être à la disposition de tous. En tant que spectateur d’une scène, on peut difficilement augurer du résultat final, mais gageons qu’ici le résultant final ne peut qu’être probant. Pour plus d’informations retrouvez le lien : Tournage d’Edy, du site de Stephan Guérin-Tillié.