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TOURNÉE

Avant-première à l’UGC-Ciné-cité le 08/06/2010 du film de Mathieu Amalric, en sa présence. L’occasion de découvrir un film très attendu depuis sa présentation à Cannes, – voir l’animation festive de l’équipe dans le poussif « grand journal » de Canal+ notamment -. La visite de son réalisateur dans ce multiplex avait une résonnance particulière quand l’on repense à son texte caviardé lu par Antoine de Caunes à la soirée des Césars voir Les cahiers du cinéma. (1) L’histoire : Joachim Zan – nom de la propre mère du réalisateur -, fait un retour en France, après quelques temps d’exil. Il y semble désormais tricard  dans les milieux de la télévision et se retrouve comme producteur-régisseur de la tournée de danseuses excentriques et généreuses, le New Burlesque. L’histoire se passe sur trois jours, dans une ambiance fébrile, il doit faire face aux contraintes de la tournée aux quatre coins de l’hexagone. Il doit déplorer la défection du directeur d’un théâtre parisien, s’occuper un jour de ses enfants. Il tente également de reconquérir sa position dans les milieux du spectacle, alors qu’il s’est mis tout le monde à dos. La genèse de ce film vient d’un texte de Colette, « L’envers du Music-Hall ». Chemin faisant est née l’idée de faire une transposition contemporaine, et la lecture d’un article de Libération l’a amené vers l’idée d’un spectacle de New Burlesque. Ne voulant pas faire un documentaire et se laisser phagocyter par la personnalité exceptionnelle de ces femmes, avec son co-scénariste ils ont eu l’idée d’écrire sans chercher à les connaître intimement. Ils ont pensé au drame du suicide du producteur Humbert Balsan – à l’instar du film de Mia Hansen-Løve-, l’excellent « Le père de mes enfants ». Ils ont aussi l’idée d’intégrer ce type de personnage qui se trouverait en difficulté pour subsister artistiquement dans le contexte actuel. Balsan était l’un des derniers producteurs hors normes et derniers des mohicans comme Gilles Sandoz et surtout Paolo Branco. Amalric a rencontré Branco durant ses années où il était stagiaire sur les films – depuis l’âge de 17 ans -, et il fut pressenti, mais il ne correspondait plus au souvenir initial. Amalric précisait qu’il était le seul finalement à ne pas savoir qu’il allait jouer ce personnage dans le film. Le débat fut passionnant, et de mémoire de spectateur, j’ai rarement vu quelqu’un d’aussi disert, passionné et enthousiaste, pour une mémorable soirée. Son réalisateur fut ému de l’accueil enthousiaste du public – l’un des premiers payant – dans la grande salle 15. Les échanges furent intéressants, de la volonté de donner un climat documentaire à un film très écrit et très réfléchi, dans un climat « cassavetien » pris sur le vif. Il n’élude pas cette référence, assumée, on peut parler d’une continuité avec John Cassavetes, il parle de son personnage comme d’un spectateur de celui joué par Ben Gazzara, Cosmo Vitelli, qui parle avec ses filles comme lui dans « Meurtre d’un bookmaker chinois », film auquel il est impossible de ne pas penser.

Une habituée, la manche de « mézigue » (de l’art d’esquiver les photos…), une autre (charmante) habituée, Mathieu Amaric et Pierre Bénard (directeur de l’UGC de Bordeaux), [Private joke] – photo source facebook : Photos de UGC Ciné Cité Bordeaux – Avant premières

On peut admirer sa capacité à digérer ses influences et en tirer matière dans son univers, tel le « comportement de merde sur un socle » lors de l’affrontement entre son personnage et celui joué par Damien Odoul, venant de la correspondance de François Truffaut en désaccord avec Jean-Luc Godard. On remarque donc trois metteurs en scène comme acteurs, André S. Labarthe, figure tutélaire de la cinéphilie par la télévision, auquel Amalric est redevable, Pierre Grimblat, avec qui il a un lien de parenté, en figure patriarcale de grand producteur de spectacle et Damien Odoul, dont il rapprochait son amitié effective en relation fusionnelle, amicale amour-haine où ils semblent tous deux avoir leurs raisons. Pour l’anecdote Damien Odoul étant lutteur, et Amalric ayant appris à tomber lors du tournage de « Quantum of Solace », ils nous livrent une scène d’une redoutable efficacité. Le moindre petit rôle est étonnant, citons la formidable Anne Benoît en caissière inconditionnelle du spectacle, elle a amené beaucoup à son personnage selon son réalisateur, ou Aurélia Petit en préposée à la station service, passante d’un soir. Les interprètes du New Burlesque sont tous formidables et attachants. Les réponses aux spectateurs furent un régal, de la rencontre et de la découverte des danseuses américaines, du dialogue franco-américain, préparé avec une coach, et ce jeu de passage d’une langue à l’autre – en fait 60% du dialogue est français, pour des raisons de financement. Très sollicité comme comédien pour son grand talent avec des propositions « irrésistibles » comme l’excellent « La question humaine », ou le film de Resnais, Amalric a eu ainsi des difficultés à préparer son film, volant des moments à sa famille pour le préparer. Ironie du sort, au moment de tourner son film, il a eu une proposition des frères Larrieu pour « Le dernier », devant selon eux mettre un terme – sic – à son parcours d’acteur. Mais il annonce être satisfait de reprendre son parcours d’acteur avec Marjane Satrapi dans « Poulet aux prunes ». Le film est une formidable réussite on s’attache à son personnage pourtant assez opportuniste – il est sûr de son retour avec sa troupe, et d’être accueilli comme un prince. Il y a une manière singulière de filmer la France, qui semble être un no man’s land assez peu chaleureux. Il mêle avec bonheur toutes les cultures à l’exemple du mariage chinois qui manque de finir en pugilat, dans lequel on retrouve une danseuse orientale. Amalric filme ses interprètes avec chaleur, – les comédiennes sont magnifiquement belles loin de l’esthétique en cours « photoshopée » et « botoxisée ». Il y a beaucoup d’humour telle la musique de fond que l’on finit par ne plus entendre, mais qui exaspère Jonathan Zan. Amalric fait preuve de maîtrise comme metteur en scène pour son nouveau film, souhaitons qu’il arrive à concilier cette activité avec son très riche parcours de comédien.

1) Texte retiré de ce blog puisque cela semble poser problème à une agence de presse.

LE COIN DU NANAR : FATAL

Avant-première à l’UGC-Ciné Cité de Bordeaux du franco-canadien « Fatal », le 03 juin, avec une présentation sommaire de Michaël Youn, Armelle, Isabelle Furnardo et Fabrice Eboué, ce dernier faisant ses débuts au cinéma – manképluksa ! – Il y avait également un chien forcément cabot, acteur du film, mais il faut rester au générique de fin pour le voir. Le tout était vaguement animé par un animateur d’une radio N.R.Vée – un certain Yanis, je sais pourtant que ce n’est pas bien de dénoncer -, il a posé une question existentielle à son auteur, montre-t-il son cul dans le film ? Michaël Youn, casquette, chaleureux et décontracté a mis en avant ses interprètes, il annonce que c’est son meilleur travail (sic, merci pour les autres). Armelle montrait une grande timidité, Youn animait l’ensemble avec entrain, avec le classique « si vous n’aimez pas le film, envoyez les gens que vous n’aimez pas ». Programme chargé et marathon pour ces comédiens au programme, au Mégarama à 19h00, à l’UGC à 20h15 au CGR Français à 20h92, à l’Appolo de Pontault Combault à 5h20, etc… Fatal Bazooka – joué par un Youn qui ne se ménage pas – est une institution du rap, a son propre parc d’attraction, vend des parfums basés sur son odeur corporelle, et vit comme un nabab. Lors d’une party, un nouveau venu Chris Proll veut en découdre avec lui et lui voler sa place de star, en surfant sur la vague écolo. Suit une compétition à grande dose de testostérone… Stéphane Rousseau, dans ce rôle, bradpittise avec beaucoup d’autodérision, son grand talent de showman est ici au service de ce rôle de chanteur à la mode qu’il campe avec conviction. La distribution est un mélange de comédiens pas encore trop compromis à l’écran, Ary Abittan en cynique animateur tête à claque, Jérôme Le Banner proprement tordant en gros bras avec une âme d’enfant, et l’inévitable Vincent Desagnat en musicien déglingué. Eboué ne convainc pas toujours tout à fait, et Isabelle Funardo parishiltonise à souhait. D’autres comédiens plus aguerris complètent le tableau comme Armelle qui y va franco dans un personnage d’Heidi d’opérette se montrant volcanique, le toujours parfait Jean Benguigui excelle en producteur véreux et Catherine Allégret surprend en mère savoyarde adepte de l’internet. On retrouve même, et c’est un come-back, Perrette Souplex en odieuse vieille dame hospitalisée raciste et haineuse. Elle a toujours une formidable présence, souhaitons que ce soit pour elle un nouveau renouveau pour sa carrière, selon IMDB, elle serait à l’affiche de « Les amours imaginaires ». Vu dans des conditions pas trop optimales, avec 3 bobos trentenaires, assis à côté de moi, l’un dormait presque sur mon épaule, un autre utilisait allègrement son portable, le troisième jouait au foot avec le fauteuil de la spectatrice devant lui, visiblement rétive à ce sport. Au final elle se fera même insulter en prime car elle se défendait tout de même.

 

Michaël Youn & Armelle Lesniak dans « Fatal », photo source Universal Pictures International France   

Le premier film de Michaël Youn n’a rien de déshonorant. Pour rappel, la notion « coin du nanar » distingue les films pour lesquels on peut avoir de la sympathie. Malgré quelques maniérismes de mise en scène, le film a parfois un ventre mou, mais il y a une volonté évidente de garder un rythme, de faire un maximum de vannes. Il flirte carrément avec le potache, voir la scène « du pruneau cuit, pruneau cru, la statue femme fontaine ». Il y a même des moments d’authentique délire, telle la scène de l’attaque de la meule de fromage infernale dévalant une montagne, digne des meilleurs cartoons. Il égratigne les mœurs de son temps et de ses contemporains – tel le chanteur Gaëtan, on en reconnaît aisément la cible – Mine de rien, son portrait de rappeur vivant une descente aux enfers, a des échos sur sa propre personnalité, sur son comportement d’écorché vif qui voudrait tourner avec Patrice Chéreau et toujours sur la défensive, et de son expérience télévisée où il fut adulé pour être décrié au cinéma. Il y a même un constat assez amer du vedettariat, et voire même complètement désabusé, le public ne se laissant pas attendrir, ils veulent toujours plus de trash, ce que l’on constate de plus en plus, voir la dernière merdaille proposée par l’ineffable Alexia Laroche-Joubert. Il démontre toujours son talent, j’ai eu un jugement par trop réducteur pour  le cornichonesque « Incontrôlable », et  le mésestimé « Héros », ou même « Coursier » pas totalement antipathique. Selon le dernier numéro de Brazil, Michaël Youn remet le couvert en septembre prochain comme réalisateur, on ne peut que l’encourager, nous avons peut-être notre Mike Myers français.

LES MAINS EN L’AIR

Avant-première le 1er juin 2010, à l’UGC-Ciné Cité du film de Romain Goupil, « Les mains en l’air », en sa présence. 2067, dans le futur, Milana se souvient de son enfance. En 2009, des enfants du 18ème débrouillards et canailles se réunissent en bande, ont des petites combines, et utilisent internet pour resquiller sur leurs devoirs. Milana est un peu la chef de bande, elle est tchéchène et vit avec sa mère et sa famille. Un jour le petit Youssef, son camarade, est reconduit à la frontière. C’est désormais le tour de Milana et des siens d’être sur la sellette, mais elle peut compter sur ses amis Alice, Claudia, Ali et Blaise dont la mère Cendrine réagit très vite à cette situation en l’accueillant chez elle. Malins, les gamins font preuve d’une ingéniosité solidaire et utilisent les nouvelles technologies, voir l’exemple de la sonnerie des portables à ultrasons, non perçue par les adultes. En aparté, il reconnaissait ne pas vouloir savoir tout ce que faisaient ses propres enfants, et que d’ailleurs ses parents étaient loin de soupçonner son enfance turbulente. Le point de départ est une anecdote de l’une de ses collaboratrices qui a adopté un petit enfant vietnamien. Certains de ses camarades à l’école sans-papiers ont été expulsés, l’enfant a alors demandé quand c’était son tour. La mère s’est trouvée dans l’impossibilité de lui expliquer cette situation, comment justifier selon Goupil l’injustifiable et qu’il y aurait de « bons » étrangers d’un côté car naturalisés français et d’autres mauvais donc indésirables, la situation est donc inadmissible. Il citait aussi l’exemple de la comédienne Sandrine Dumas, qui dans une situation analogue a recueilli un enfant sans-papiers. D’où une vision via l’avenir – où Milana ne se souvient plus quel était le Président de la République d’alors -, avec une incompréhension légitime. Goupil reste iconoclaste et passionnant – pour l’avoir vu plusieurs fois présenter ses films dont ‘À mort, la mort’, ne manquant pas de déstabiliser parfois ses interlocuteurs. Il donne au travers du personnage du frère virulent de Cendrine, joué par Hippolyte Girardot, l’occasion d’exprimer une opinion inverse, quand il ironiste sur sa sœur en parlant des Justes de la seconde guerre mondiale. Il ne fait pas donc d’amalgame avec une période noire de notre pays, comme il a répondu à l’une des intervenantes.

Romain Goupil, Jules Ritmanic, Louna Klanit, Linda Doudaeva et Valeria Bruni Tedeschi dans « Les mains en l’air »  © Les Films du Losange 

Il évite tout manichéisme en défendant la police – la scène d’interrogatoire ayant marqué l’un des interlocuteurs dans la salle-, saluons au passage Florence Muller, actrice fétiche de Bruno Podalydès qui joue ici une commissaire opiniâtre. Cendrine, jouée par une Valeria Bruni Tedeschi radieuse, a une attitude selon son réalisateur de louve, épidermique, elle recueille Milana sans même demander son avis à son mari – joué par Goupil lui-même -. A noter que la comédienne annoncée, n’est pas venue, mais on la comprend, car elle semble légitimement agacée par le questionnement habituel sur le fait de savoir si sa sœur a vu le film. Goupil a narré une anecdote, lui disant de répondre aux journalistes pressants de savoir si leur propre sœur avait vu le film, sur quoi elle aurait répondu une sorte de « et ta sœur » assez confus. Cette comédienne continue avec conviction un parcours exemplaire et exigeant, loin des contingences de sa belle-famille. Loin de n’être qu’un plaidoyer, le film est ludique, avec un côté « les disparus de Saint-Agil », les gamins trouvant une parade pour éviter l’expulsion de leur amie, le film prenant alors l’allure d’un conte, alors, mais toujours avec un fond documentaire. Les enfants sont tous très justes, les spectateurs ont remarqué la présence et l’aura de la petite Linda Doudaeva, présentée par une famille lyonnaise d’origine tchéchène aidée par le réalisateur. A noter que c’est sa propre mère qui joue celle de la petite Milana, elle « accroche » également la lumière comme sa fille, selon Romain Goupil. Deux intervenantes ont parlé du problème des expulsions très présent sur Bordeaux, l’une s’occupait d’une association et faisait remarquer que dès que certains enfants deviennent majeurs ils sont renvoyés à la frontière et une mère de famille évoquait plusieurs cas dans l’école de ses enfants. On ne peut que saluer son réalisateur, le cinéma français, étant on le sait, pas toujours prompt à parler de notre actualité. Il poursuit ses envies, à son rythme et garde toujours une acuité, même si elle est parfois à contre-courant.

LE COIN DU NANAR : JOURS TRANQUILLES À CLICHY

Planquez vous, profitant de l’abandon d’une certaine tendance nécrophage de ce blog foutraque, voici le retour du « Coin du nanar »… On reproche souvent à Claude Chabrol – dont je suis un inconditionnel -de toujours faire le même film, mais dans un canevas semblable il a toujours su se renouveler ressuscitant même Gérard Depardieu ces derniers temps, c’est dire… « Jours tranquilles à Clichy » est un film curieux, comme « Docteur M. », hommage à Fritz Lang tourné par la suite, souffrant un peu de la mode « euro-puddinge » encore en vigueur dans cette fin des années 80, et aube des années 90. Marin Karmiz a refusé de le produire – il avait alors du nez, curieux itinéraire pour ce réalisateur de « Camarades », devant tomber sous le charme des sirènes de Nicolas S. -. Une analyse de Thierry Jousse dans le numéro des Cahiers du cinéma, spécial Claude Chabrol, paru en octobre 1997,  résume d’ailleurs parfaitement ce film : « Collection de souvenirs d’un vieil érotomane fatigué, ce film est un fantasme égaré dans le monde du cinéma. Un fantasme hautement improbable. Parce qu’il est saugrenu de voir les mots de Henry Miller sous la caméra de Chabrol. Parce que tout y est toc : casting, décors, doublage, coproduction franco-italo-allemande, parlée en anglais. Même la chair des filles prend l’air lisse des peaux sans histoire ». Bon ça commence plutôt mal avec un Andrew McCarthy mal grimé façon vieux, en Henry Miller égrillard devant une jeune femme nue qui se refuse, un mystérieux cortège en deuil attendant derrière une porte vitrée. Il y a un décor assumé type Cinecitta lourdingue, type coucher de soleil, annonciateur d’un Chabrol nous déclarant en catimini ne pas croire à ce film ? Là on comprend très vite qu’il faut laisser en berne les souvenirs affriolants à l’adolescence de lecture d’Henry Miller en visionnant une sublimation du sordide de ce génial écrivain. Que celui qui n’a jamais été émoustillé par la lecture de « Sexus » et autre me jette la première bobine de film… Suit un plan sur un exemplaire du journal du « Temps » gisant dans un caniveau, et des badauds marchant allégrement, dont le pas est égaillé par une post synchro des plus approximatives. Un Nigel Havers émacié et McCarthy campant Miller jeune homme se recueillent devant le corps de Manouche, une prostituée embaumée façon baroque, dont le corps va être incinéré. « Le cul de plus chaud de Paris, réduit en cendres ! » pérore le Havers. Havers et Mc Carthy sympathisent parlant de Proust et d’huîtres – de la chair bien vivante -sur fond de bière puis de Montrachet… Henri Attal passant par là, frime, prend son canotier et sort du restaurant. Les deux zigues ramènent une blonde platine « : « L’obscénité est la sainteté, le bien de la chair », citant D. H. Lawrence, déclare l’un…. « Pas de littérature, on est saturé » répond l’autre… Le ton est donné. Les compères sympathisent, les mouvements de caméras sont trop présents, le reste est une visite licencieuse des lieux mal famés de Paris version « cartepostalesque ».

Une orgie selon Chabrol, photo source « Toutlecine.com »

Un saugrenu propose à Miller de se détendre « … Comme la fleur du lotus prise par la neige ». L’érotisme soft, façon fin de soirée de la sinistre M6, est assez terne, mais la désabusion – chère à Nino Ferrer – est assez communicative. Arrive Stéphane Audran – Jeanharlowisée aussi – accompagnant tardivement les pérégrinations nocturnes des deux gus qui dissertent sur la cruauté du Pernod. Les deux larrons vont naviguer de fantasmes en fantasmes, sur fond de nostalgie proustienne. Arrive la supposée petite fille de Manouche – Stéphanie Cotta, fille de Michèle, disparue de nos écrans désormais -, dont la venue va gripper un peu un certain mécanisme d’insouciance forcée. La distribution est au final assez incongrue, les personnages féminins sont décrits avec une rare misogynie – elles sont vénales –comme la belle Barbara de Rossi mariée à un notable rouannais, jaloux et amateur de fromage, campé par… Dominique Zardi, répondant au doux prénom de Gustave. Il faut le voir affublé d’une fausse moustache envahissante et en prime l’entendre doublé en anglais… On retrouve Henri Attal se promenant durant tout le film, Mario Adorf en éditeur roublard, Anna Galiéna qui seule apporte un peu de charme dans un rôle amusant de femme quelque peu borderline, Thomas Chabrol, qui devait passer par là, et même Paul Bisciglia en poinçonneur du métro vindicatif – info ou intox ? -. Une arnaque chère à Chabrol, mais ce dernier jurait que « Le sang des autres » fut la dernière. Quand on lit au sujet de ce dernier film, la définition suivante semble répondre parfaitement à ces « jours tranquilles » : « ..C’est faire des trucs qui me font chier pour faire du pognon tout en montrant bien aux copains que ça me fait chier en même temps. Mentir au mec en lui promettant un beau film. Dieu sait si j’ai pratiqué !, mais je ne le fais plus. Réfléchissons : sur les dix ans, me suis-je tellement plus baladé qu’avant ? » (« Les cahiers du cinéma » N°437, novembre 1990). La vision de cette bizarrerie nous laisse un tantinet perplexe mais Chabrol devait nous régaler d’un de ces plus grands films par la suite avec « Betty », le plus grand rôle de Marie Trintignant.

MAMMUTH

Avant-première lundi 12 avril à l’UGC-Cité-Ciné, en présence de Benoît Delépine, de Mammuth film qu’il a coréalisé avec Gustave Kervern. Il a ensuite filé pour un débat à l’Utopia. Serge Pilardosse vient d’avoir 60 ans. C’est Gérard Depardieu qui joue ce rôle, ici dans sa meilleure interprétation depuis assez longtemps, un contemporain de la moto « Münch Mammuth » crée en 1973, l’année où il tournait dans « Les valseuses ». Il a droit pour son pot de départ à la retraite en tant qu’équarisseur dans un abattoir porcin, à un discours assez gratiné et à un superbe cadeau… un puzzle ! – Il faut voir Depardieu le regarder comme une poule, un couteau -. L’heure des comptes a sonné, pour retrouver les annuités et les trimestres manquants pour avoir une retraite à taux plein. Sa femme – Yolande Moreau jubilatoire -, employée dans un supermarché s’inquiète de voir son mari devenu oisif et qui tourne dans l’appartement comme un lion dans une cage. Elle le pousse à retrouver les trimestres manquants. Il enfourche donc sa mythique moto …une Mammuth , et part à la recherche de ses états de service dans les années 70, accompagné du fantôme de son amour perdu – étonnante Isabelle Adjani – disparue dans un accident, qui veille sur lui. S’en suivent des rencontres rocambolesques, des retrouvailles incongrues – celle avec son cousin joué par Albert Delpy, dans une scène promise à devenir culte -, de chasse vaine aux fiches de paies et de mauvaises rencontres – étonnante Anna Mouglalis, dont le personnage a trouvé un solution bien à elle pour régler les problèmes de retraites ! –

Yolande Moreau & Gérard Depardieu dans « Mammuth » (source Ad Vitam Distribution)

Mélange de drame et de drôlerie telle la scène où Bruno Lochet en père de famille pendu à son téléphone, pleure d’être loin de sa progéniture. On connaît l’admiration que portent nos deux compères à Aki Kaurismaki, nous sommes ici au même niveau. On est ainsi un tantinet vengé de l’insupportable habitude de certains de nos congénères qui se répandent allégrement sur leurs portables, bien qu’ici Lochet apporte une touche d’émotion. La distribution comme souvent chez Delépine/Kervern est hétéroclite, outre ceux cités, il y a  l’étonnante Miss Ming en nièce artiste – l’équivalent d’une Muni chez Luis Buñuel -, Catherine Hosmalin – voir la mise à jour de sa fiche ici -, Benoît Poelvoorde en « concurrent » à la chasse au trésor, Bouli Lanners en recruteur libidineux, Philippe Nahon en directeur de maison de retraite fatigué, Siné en viticulteur méprisant, Dick Annegarn en fossoyeur chanteur, le dessinateur Blutch en employé de caisse de retraite circonspect. Et il y a même une apparition « artistique » de Noël Godin en…. Tartobole ! La présentation par Bruno Delépine fut très intéressante, notamment à propos de l’adhésion de Gérard Depardieu en 20 minutes après une première rencontre dans son restaurant avec les deux loustics. Delépine assez étonné l’a recontacté pour avoir confirmation mais il avait donné sa parole, en affirmant dans un message que Delépine a gardé longtemps sur son répondeur « Entre pompiers on ne se marche pas sur le tuyau ». Il a également évoqué celle d’Isabelle Adjani, comme eux timide mais avec un grain – c’est elle qui filme Depardieu dans certaines scènes en 16 millimètres. Il a parlé du vin –Bordeaux oblige – en évoquant l’idée d’un film festif sur l’alcool, confiant l’abstinence record de Depardieu sur le tournage et l’évolution du festival de Caïen – surveillé par la police –. Au final, avec ce film, collant parfaitement au malaise du temps, le duo confirme une singularité très salvatrice.

CHICAS

Demain sort « Chicas » de Yasmina Reza, vu à l’UGC-Cité Bordeaux le 8 février, en sa présence. Elle présentait son premier film comme réalisatrice pour la première fois devant un vrai public. C’est avec une émotion non feinte qu’elle se présentait devant nous. Pilar, une ancienne coiffeuse a trois filles, Nuria – Emmanuelle Seigner – une star internationale qui fait la couverture de Vogue et reçoit des mains de Stephen Frears, le BATA de la meilleure actrice, Aurélia – formidable Valérie Dréville – qui est comédienne également, mais vit dans l’ombre de sa sœur bien qu’elle ait du talent et travaille au théâtre et Christal, femme dynamique mère de deux enfants. Les trois sœurs s’entendent autour de la personnalité envahissante et un tantinet égocentrique de Pilar. Elles partagent une enfance heureuse en Espagne, malgré le deuil de leur père. Des flashbacks de cette période traversent tout le film. La réunion des quatre femmes n’a rien de sereine cependant, mais elles arrivent à se déclarer leur amour malgré les heurts du quotidien. Quelques hommes les accompagnent comme Fernand – un syndic – le fiancé de Pilar, qui aura du mal à ne pas se faire malmener par la famille, Maurice – Bouli Lanners – mari d’Aurélia, père un peu absent, mais amoureux de sa femme. Christal se partage entre son mari – Antonio Gil Martinez – et son amant – Philippe Uchan touchant en homme un peu dépassé par les événements se trouvant dans une position inconfortable ..Yasmina Reza, a parlé avec beaucoup d’émotion de son film, important pour elle car le sujet la touche, et elle a fait de très beaux portraits de femmes, ce qu’elle a évité parfois dans son œuvre.

Yasmina Reza et ses interprètes, Emmanuelle Seigner, Carmen Maura et
André Dussollier (Photo : UGC Distribution)

Elle a également évoqué l’importance qu’elle portait au montage, ne voulant pas que son film soit trop écrit, et au final le temps imposé par le scénario a servi de fil conducteur. Le film a beaucoup de pudeur et d’humour. Emmanuelle Seigner fut choisie par la réalisatrice car pour elle c’était la seule comédienne à avoir une aura de star et à montrer un côté plus accessible dans le quotidien. C’est elle qui a le plus réussi. Valérie Dréville, excellente comédienne que le cinéma boude un peu trop hélas – rappelons qu’elle est la fille de Jean Dréville – campe le personnage le plus touchant, d’une grande fragilité malgré un tempérament de fonceuse. Mais c’est une façade, en effet elle est facilement désemparée quand elle est confrontée à une crise d’angoisse où elle a l’impression de se vaporiser littéralement. Christelle Tual a une énergie non feinte, avec un côté insouciant et un fond de gravité. Ces deux dernières comédiennes ont été choisies par la réalisatrice pour leur talent et une certaine ressemblance avec Emmanuelle Seigner. Elle narre que les trois comédiennes blondes aux yeux bleus ont dû être teintes en brune. Carmen Maura qui a travaillé son rôle en français, a un beau tempérament dans ce rôle de mère qui centralise l’attention, ce que lui reproche à un moment le personnage joué par Bouli Lanners. Il y a une grande drôlerie, tel Pilar amoureuse qui ne remarque pas que son fiancé se teint les cheveux. Yasmina Reza comme réalisatrice s’attache aux petits événements du quotidien et nous rend attachants ses personnages. Elle a dès son premier film trouvé une équivalence filmographique à son talent d’écriture, souhaitons que son film soit bien perçu, car sinon on perdrait un beau talent dans le septième art.


LA DAME DE TRÈFLE

Vu en avant-première à l’UGC-Ciné-Cité Bordeaux, présenté par Jérôme Bonnel, le 6 janvier dernier, son 4ème film confirme son grand talent. Il était déjà venu présenter son film précédent, évoqué ici : « J’attends quelqu’un ». Ce cinéma, surtout grâce à la personnalité de son directeur, M. Pierre Bénard, continue à passer de grosses productions – la veille Jacques Perrin présentait son film Océan – à des films plus intimistes. Il permet aux cinéphiles bordelais de faire de belles rencontres. Le réalisateur prend prétexte du film de genre pour dresser un portrait intimiste d’un frère et d’une sœur. Aurélien – Malik Zidi – et Argine – Florence Loiret Caille – prénom venant de la carte « La dame de trèfle », atypique car étant le seul dans un jeu de carte à ne pas exister -, vivent en petite autarcie. Ils habitent la maison familiale depuis la mort de leurs parents dans un accident de voiture, lui vend des fleurs, elle se laisse plutôt vivre, lui plus solitaire, quand sa sœur papillonne, se laisse prendre dans un trafic de vol de cuivre histoire de vivoter. Il a pour complice un certain Simon Sarasian – Jean-Pierre Darroussin, qui à l’instar du film « L’armée du crime » joue un personnage inquiétant -, qui vient rapidement lui demander des comptes. Aurélien et Argine ont leurs petites habitudes dans un café tenu par Marie-Jeanne – Judith Rémy -, où ils se retrouvent et trompent l’ennui avec les habitués, dont deux prétendants d’Argine: Loïc, volontiers bagarreur et Pujol – Marc Citti, amoureux transi, fasciné par les exécutions historiques . Une jeune mère au bras cassé très séduisante –  Nathalie Boutefeu – arrive dans la petite bourgade et séduit Aurélien…

Jérôme Bonnell, avec Malik Zidi et Jean-Pierre Darroussin sur le tournage de « La dame de trèfle » (source « Allociné »)

Le réalisateur réussit de manière très habile à mêler le polar au portrait intimiste d’un jeune couple, qui au final  ne peut se défaire l’un de l’autre. Leur intimité finira par les pénaliser… Aurélien – le réalisateur n’a pas pensé au roman d’Aragon, qu’il n’a pas lu, bien que l’ayant dans sa bibliothèque -, est introverti, a peur du grand amour, et est formidablement interprété par Malik Zidi de mieux en mieux avec la maturité, à l’instar de son rôle dans le téléfilm « Le mort n’oublie personne ». Dans le rôle d’Argine, sans cesse en activité, remuante puis s’endormant comme un bébé, avec un cœur d’artichaut, on retrouve une Florence Loiret Caille admirable – elle était aussi très juste en confidente malgré elle de Daniel Auteuil dans « Je l’aimais ». Elle confirme à nouveau avec ce film l’étendu de son talent. Le reste de la distribution est remarquable, des comédiens toujours très justes, mais rares tels Marc Citti, Nathalie Boutefeu, Marc Barbé, Judith Rémy, et bien entendu Jean-Pierre Darroussin, sont ici utilisés avec subtilité. Le débat avec le réalisateur fut passionnant, animé par le désormais ineffable Jacques de l’association Saint-Bruno – célèbre localement pour quelques gaffes, tout en lisant laborieusement ses notes. Jérôme Bonnel parle de son amour des acteurs, de son choix de les laisser habiter le cadre pour les suivre et en adapter sa mise en scène. Par exemple pour vérifier l’osmose Zidi-Loiret Caille, il a préféré les faire se rencontrer dans le quotidien pour voir si un couple pouvait se former. Il aime permettre à ses interprètes de nourrir ses personnages en improvisant parfois. Il maîtrise également le genre polar – il cite volontiers « 7h58 ce samedi là » film mésestimé de Sydney Lumet et « Fargo » des « Frères Cohen ». Il laisse la tension monter, créer un climat dans la pénombre. Le quotidien le passionne aussi comme le décor très juste d’un petit café de Province, retrouvé avec beaucoup de finesse. L’observation du frère et de la sœur l’intéresse dans ce contexte de genre, il est le départ de l’écriture du film. Sans jugements, ni psychologie, il arrive à nous accrocher à eux, à les rendre attachants dans leurs failles. Jérôme Bonnel est un cinéaste à suivre assurément.

LE COIN DU NANAR (DE TROP) : SEULS TWO

Et encore une comédie ! donnez nous du givre, du crachin, du spleen, on ne va jamais pouvoir tenir le coup à ce rythme là. Bon, tout est dérision de nos jours, Droopy est même premier ministre, mais là nous sommes au-delà de l’indigestion. Alors voir « Seuls two », après le faux film culte « Steak » – grand délire des Cahiers du cinéma sur deux pages -. La vision de ce film m’avait laissé perplexe, et dans une totale incompréhension. Écouter nos deux zigues parler du nouvel humour sous fond de paysage canadien twinpeaksisé, ça pouvait désarçonner aussi les bien les amateurs du tandem – furieux à la sortie de film – que ceux amateurs pathologiques de nanars franchouillisant – rangez moi plutôt dans cette catégorie, et en plus je ne me soigne même pas -. Le duo vedette du film Eric Judor et Ramzy Bedia – pas les plus antipathiques, convenons-en -, déclarent depuis quelques années être déçus par les réalisations d’après leur univers, par les vétérans Charles Némès et Gérard Pirès. Ces deux derniers ont du talent, mais le culte  auteuriste aidant ils signent ici eux même leurs derniers forfaits. Le début vise le cartoon, le probe Gervais – Eric Judor déguisé en palmier (mort de rire) – est en planque pour arrêter le voleur speedé Curtis – Ramzy Bédia -. Bien entendu, ce dernier gagne à tout les coups et Gervais et la tête de turc de ses collègues et n’est bon qu’à martyriser un jeune voleur de saucisses… Le duo finit par se retrouver seul au monde, par une sorte d’entrée dans la cathodique dimension – idée déjà prise sans grand résultat dans « Les Guignols, la fiction », il y a quelques années -. S’ils apprennent à s’estimer, ils retrouveront les autres. C’est amusant de voir finalement le décalage, un budget colossal pour notre duo de choc, qui se livre à une sorte d’impro généralisée, ce qui donne un résultat assez étonnant. En gros comme l’autre duo présent sur le film – Fred Testot et Omar Sy, séparés cependant – on s’attend toujours à ce qu’ils nous refourguent quelque chose, un met façon fast food, ou un compte en banque… où est la limite entre la pub, petits sketchs TV et cinéma… On s’étonne devant la démesure de l’ensemble, on imagine aisément les tournages parisiens dans les petits matins blêmes histoire de figurer la disparition des autres personnes. Finalement la réplique la plus drôle est dans le générique de film – mais tout le monde s’est barré, je persiste quand je vous disais que j’étais un grand pervers – : de mémoire : « C’est une « archipel(le) », un chapelle en plus gros -. C’est tout de même mieux que « Gervais, c’est frais », disons à la rigueur. Parfois c’est nettement limite, un truand noir à pour surnom « blanchette » ! – bidasses pas morts !-. On attendait mieux pour un film dédié à… Pierre et Marie Curie !

Éric Judor, « Je suis tombé dans Paris, c’est la faute à Ramzy… »

Quelques guests sont présents histoire de meubler l’ensemble. François Damiens, qui peut se targuer de passer de Jacques Doillon à nos deux zigues – 653 apparitions depuis le début d’année, il bat donc Julie Ferrier de deux films -, en adepte du curling, Benoît Magimel et Kristin Scott Thomas semblent s’ennuyer, Elodie Bouchez s’essaie dans la composition – sans grand résultat d’ailleurs -, Edouard Baer tente l’accent belge, Mc Jean Gab’1 s’amuse avec son image. Ils ne font que passer, mais il est assez limite de voir ces comédiens de manière abusive en promotion  – A l’instar de Michaël Youn et Antoine de Caunes dans le pataud « Tu peux garder un secret ? », on préfère plutôt avoir la surprise comme de retrouver Alain Chabat et Elie Semoun dans « 15 ans et demi ». Il y a aussi un nouveau phénomène à déplorer, l’absence de seconds rôles et de personnalités. On retrouve des génériques avec beaucoup de noms inconnus, les amateurs d’excentricités broient du noir, il ne semble plus y avoir d’inventivité concernant les comédiens ces derniers temps. Et le public alors, à voir les jeunes présent préférer regarder leurs portables – effet déplaisant garantie -, plutôt que nos deux amis, on se dit que le résultat final ne doit pas être trop avenant. Il y a un gros problème actuellement dans le cinéma français, on table sur un casting, on ébauche une vague histoire, on noie le tout dans une bande son « vavavoumhissante », et sur un profit immédiat. Certains essaient parfois une véritable inventivité – Nicolas et Bruno, mais pour la plupart des comédiens, on ne vise que le service minimum et la rentabilité immédiate. Peut-être que comme les duettistes Franco Franchi / Ciccio Ingrassia ou Abbott et Costello, il finiront « cultifiés » à la Cinémathéque en 2072, mais ce n’est pas leur rendre service que de les laisser en roue libre ou en démesure. Dès qu’un tandem a du tempérament, il est propulsé vedette à l’écran – sauf Sören Prévost et Arnaud Gidouin, sans oublier les hilarants Roselyne Bachelot et Bernard Laporte, on ne sait pas pourquoi -. Et pourtant il était amusant de voir leur évolution d’Eric Judor et Ramzy Bédia, l’un s’enroue, l’autre s’empatte… Reste à savoir, si nos estomacs supporteront longtemps ce régime hautes calories.  Entendu notre duo pour une « promo » pour le site « commeaucinema.com » : « On la refait, en drôle ? » : Chiche !

À L’INTÉRIEUR

En cette période de disette cinématographique, on ne peut que se jeter sur ce film comme la misère sur le bas clergé de notre cinéma hexagonal. Le 8 juin dernier, il y avait eu une avant-première du film en présence des deux réalisateurs Alexandre Bustillo et Julien Maury. Ils aiment le cinéma de genre et ne jouent pas à rigoler avec les codes, ce qui est hautement honorable ces derniers temps. Il y a cependant une volonté évidente de désarçonner le spectateur, à l’instar d’un Gaspar Noé et d’une Marina de Van. Le résultat est divers pour les spectateurs, les rigolards sont parfois de sortie histoire de conjurer la peur – ce qu’ils assument -, les autres suivent le spectacle de manière plus calme, se laissant prendre par une mise en scène énergique. Pour Alexandre Bustillo, ancien journaliste à Mad Movies, la seule violence intolérable du film provient de scènes d’archives, lors de mouvements sociaux dans les banlieues. Le procédé est loin d’être gratuit, une menace sourde pèse sur la ville, laissant une mère de famille enceinte, qui a perdue son mari dans un accident dans une inquiétude sourde la veille de son entrée à l’hôpital pour son accouchement. Elle se réfugie chez elle un soir de Noël. Et bien évidemment une inconnue rode devant la porte. La bonne idée ici c’est d’avoir féminisé le slasher, ce qui installe un curieux malaise face à nos propres tabous sur la maternité. L’intruse c’est Béatrice Dalle dans un registre proche du « Trouble every day » de Claire Denis, dans une composition forte et névrotique. Ils ne tarissent d’ailleurs pas d’éloge sur cette comédienne et souhaitent continuer à travailler avec elle. Le film a de grandes qualités, les deux cinéastes sont cinéphiles, il y a donc un petit jeu des références qu’ils assument, de l’appareil photo de « Fenêtre sur cours » d’Hitchcock aux murmures du prénom de l’héroïne échappés à l’œuvre de Dario Argento. Ils citent aussi bien « Les innocents » (1961) de Jack Clayton, que la série des « Halloween », l’étonnant « Giallo », publié il y a peu en DVD chez « Neopublishing », « Folie meurtrière » (Tonino Valerii, 1972), surprenante réussite du genre, ou au mésestimé « Mort un dimanche de pluie » (Joël Santoni, 1986). L’utilisation d’une villa existante est habile – pour la petite histoire, elle est souvent louée pour des tournages, c’était là par exemple qu’habitaient André Dussollier et Martine Chevallier dans « Ne le dis à personne » -. Les scènes d’agressions sont d’ailleurs réellement angoissantes. Seule la salle de bain est un décor de studio.

Julien Maury & Alexandre Bustillo

Les cinéastes ne rechignent donc pas sur les effets gore, arrive à faire naître une angoisse par le jeu des apparitions-disparitions, les maquillages probants, de l’utilisation du cadre et des lumières. Alysson Paradis en héroïne quelque peu malmenéE et blessée par la vie est particulièrement convaincante, il y a de plus un effort sur la distribution pour incarner des archétypes, limites caricaturaux, de Nathalie Roussel, méconnaissable en mère de famille, Nicolas Duvauchelle terminant en pantin désarticulé, François-Régis Marchasson en patron secourable, ou Aymen Saïdi, seul personnage sympathique du film finalement dont le destin bascule par la seule raison d’un « délit de faciès ». Autre présence très forte, c’est celle de Dominique Frot – sœur de Catherine -, dont le rôle a pourtant été un peu coupé au montage, installant un certain malaise en infirmière givrée au début du film, c’est une comédienne toujours surprenante, elle réussit ici une prestation particulièrement glaçante. Ce film est donc une sorte d’expérimentation, sur le thème archi-battu du « survival », le générique a d’ailleurs été fait de manière artisanale avec une plaque en verre et quelques viscères. On ne peut que louer l’ensemble, malgré quelques flottements ici ou là, mais il est clair que ces deux jeunes metteurs en scène ont un sacré talent avec un budget très modeste et un manque d’expérience au préalable. Le film n’a été interdit qu’au moins de 16 ans, ce qui est important pour la rentabilité du film, on connaît celle de moins de 18 ans pour « Saw III », que l’on dit pourtant moins dérangeant. Il convient donc de les encourager ce tandem de cinéastes, que l’on risque évidement  de retrouver à l’instar d’un Alexandre Aja, aux États-Unis. 

Pour info, sur « 13ème rue » chaîne, que je n’ai pas hélas, il y a ce mardi à 22h50 « Mister Mocky présente… d’après les nouvelles d’Alfred Hitchcock » dans le cadre des « Mardis Mocky ». C’est une série de trois courts-métrages inédits de 1991, pour une question de droits je crois », avec ce soir « La méthode Barnol » avec Jean Poiret, Roland Blanche, Dominique Zardi. L’histoire : « Un homme d’une quarantaine d’années ne supporte plus la présence du père de son épouse chez lui. Pour hériter de la maison, il décide de monter un stratagème… ». Souhaitons que ce courts et les deux suivants « La vérité qui tue » et « Dis-moi qui tu hais », sortent dans la collection Mocky en DVD.

Le cinéaste australien Richard Franklin est mort le 11 juillet dernier à Melbourne (Australie) d’un cancer de la prostate. On lui doit quelques films fantastiques dont « Patrick » (1978) sur la télékinésie étonnant film, grand prix au festival d’Avoriaz ou « Link » (1985), avec Elisabeth Shue et Terence Stamp, histoire d’un chimpanzé cobaye trop évolué, sans oublier une suite en 1983, dispensable sans être indigne au célèbre « Psychose » d’Hitchcock avec le retour de Vera Miles, confère les informations sur Senseofcinema.

ROMAN DE GARE

Bon j’ai plutôt un rapport « Je t’aime, moi non plus » avec les films de Lelouch. Je suis plutôt en période de réconciliation avec lui grâce à la vision de certains de ses films sur feu TPS « Smic, Smac, Smoc » ou « Mariage », et la lecture de l’excellent ouvrage à son sujet « Claude Lelouch, mode d’emploi » par Jean Ollé-Laprune – à quand un retour sur notre petit écran, qu’est-ce qu’il peut nous manquer… – et Yves Alion – que les lecteurs de feu « La revue du cinéma » connaissent bien -. Il est vrai que je préfère ce cinéaste sur ses films modestes plutôt que ses fresques alambiquées versions poupées russes – « Toute une vie » par exemple malgré le culte que je voue à Charles Denner, est quand même hautement improbable -. L’avant-première du film à l’UGC-Cité Bordeaux, en présence d’Audrey Dana et de son fils Simon Lelouch, le 21 juin dernier, se déroulait dans une salle pleine, malgré la fête de la musique qui battait son plein. C’était donc l’occasion de vérifier si Lelouch innovait après l’insuccès de sa trilogie inachevée « Le genre humain » – vaste programme -, en dépit d’une bande-annonce stroboscopique – une véritable épreuve pour nos pauvres yeux -. Le tout est habillé par une sorte de gimmick, tourner le film dans un secret absolu en prenant le pseudonyme de son ami professeur de tennis Hervé Picard. Selon son fils il a décidé de le sortir sous nom à l’annonce de sa présentation à Cannes, par honnêteté pour son public. Le secret a été longtemps gardé, histoire de préserver le film. Audrey Dana a passé des doubles essais, l’un pour un film de Lelouch, l’autre pour « Roman de gare » en présence de Picard jouant consciencieusement son rôle de cinéaste et se faisant même séduire par de jeunes comédiennes. Audrey Dana semble avoir un grand avenir devant elle, elle faisait preuve d’un grand humour quand elle recevait des compliments… de sa sœur ! A noter qu’elle a confirmé avoir une homonyme, ex-femme du réalisateur Paul Boujenah, qui jouait dans « Le faucon » (1983) notamment, j’ai signalé ce fait au site IMDB. Pour revenir au film, on imagine bien que ce secret ne devait tout de même pas perdurer dans un travail collectif, il ne semble pas que Lelouch réitère pour autant la célèbre imposture Romain Gary-Émile Ajard pour le beau livre « Gros câlin ». De toute manière, le style Lelouch est reconnaissable entre mille, on retrouve même deux de ses filles et Arlette Gordon son attachée de presse, dans son propre rôle lors d’une émission TV imaginaire présentée par Serge Moati – on y retrouve l’ineffable Bernard Werber -. Il nous ressert en fait l’histoire d’un de ses premiers films « L’amour avec des si… » (1962), mâtinée d’un peu de « Drôle d’endroit pour une rencontre », film de François Dupeyron.

Dominique Pinon & Audrey Dana

C’est le même départ, quelle est l’identité de l’automobiliste, prenant une jeune femme en auto-stop. Il y a même l’importance de la radio, avec la voix de William Leymergie, crédité dans les remerciements en fin de générique. L’inconnu est donc joué par un formidable Dominique Pinon, à l’aise dans un premier rôle teinté d’ambiguïté et Huguette, la passagère est jouée par Audrey Dana, une révélation et une nature, défendant avec conviction son réalisateur. Il la ramène chez ses parents, alors qu’elle vient d’être larguée sur une autoroute par son compagnon – Cyrille Eldin, amusant -. Les infos radios annoncent qu’un dangereux tueur pédophile vient de s’évader… C’est un retour au source, il y a peut être moins d’autos citations qu’habituellement même si certains aphorismes lelouchiens valent leurs pesants de cacahuètes… Il faut dire que l’intrigue policière n’est pas une réussite, et les « zazards » et les coïncidences chères a son réalisateurs desservent plutôt l’histoire. Malgré quelques bémols, et quelques personnages caricaturaux – Fanny Ardant dans le rôle de Judith Ralitzer – un hommage à Paul-Loup ? – ne semble pas très à l’aise dans le stéréotype d’une femme auteur de roman noir -, le film arrive à trouver son rythme entre humour décalé et une tension naissante. Comme souvent chez Lelouch – pour mézigue du moins -, c’est dans des scènes entre deux personnages que la magie du réalisateur passe, des échanges d’Audrey Dana qui joue Huguette, parlant de son âme de midinette, ou de la rencontre du toujours formidable Zinedine Soualem en commissaire avec Michèle Bernier dont le mari vient de quitter le domicile conjugal. La première partie est réussie, avec de bons moments passés dans la ferme familiale des parents d’Huguette, on retrouve le talent de Myriam Boyer, formidable dans un rôle assez improbable de paysanne misérable. L’utilisation inventive des chansons de Gilbert Bécaud est à saluer. Ce film est l’occasion de constater la capacité toujours remarquable qu’a Claude Lelouch de rebondir après un échec, il avait déjà signé un singulier – mais un peu raté « Viva la vie » après sa relative déception de l’accueil d’ « Édith et Marcel ». Gageons que malgré quelques petits côtés irritants, Lelouch n’a pas fini de nous surprendre. Il faut signaler que beaucoup de spectateurs étaient enthousiastes ce soir là.