On était curieux de retrouver Michele Soavi, perdu dans les limbes de la télévision italienne, depuis son dernier film, l’iconoclaste “Dellamorte Dellamore”, avec Rupert Everett et François Hadji-Lazaro et son célèbre “gnâ !”», datant de 12 ans déjà. Il s’était un peu perdu dans les limbes de la télévision italienne, mais on retrouve ici sa patte de petit maître maniériste qu’il avait dans de petits films d’horreurs originaux comme “La setta”, avec Herbert Lom et surtout “Bloody Bird”, où un tueur portait un curieux masque de hibou. De bons souvenirs dans quelques soirées câblées désœuvrées, ce type de film revenant souvent dans la programmation. On retrouve Alessio Boni, inoubliable interprète de “Nos meilleures années” film fleuve de Marco Tullio Giordana -, où il avait un personnage beaucoup plus sensible ici que ce personnage de Giorgio Pellegrini ancien révolutionnaire devenu nihiliste dans cette adaptation d’un roman de Massimo Carlotto. On le découvre au milieu de guérilleros armés jusqu’aux dents, avec une barbe “cheguevarresque”. Dans ce recoin oublié de l’Amérique Latine, il trompe son ennui en jouant avec les perspectives en ouvrant et fermant un œil, à la vue d’un crocodile fonçant sur un cadavre. Dégoûté d’avoir dû répondre à un ordre imbécile, il décide de fuir cette vie d’activiste. De retour en Europe, il va tenter, en se transformant en maître chanteur, de soutirer de l’argent à l’un des ses anciens compagnons, ancien communiste reconverti dans le polar. Son but final est finalement d’aboutir à une réhabilitation, pour enfin refaire sa vie, après une peine de prison symbolique. Giorgio va comprendre que seul la violence peut l’amener à ses fins. Il est conforté dans cette idée avec sa rencontre avec un flic ripoux d’anthologie nommé Anedda – Michele Placido impressionnant -. Opportuniste, Giorgio va se servir de son expérience passée, pour organiser des casses avec la complicité du policier. Même si on pense au “Romanzo criminale” de Placido, vu cette année, ce film n’est en rien une réflexion politique. C’est plutôt dans la tradition du film noir, du “Poliziotteschi” italien, genre qui avait eu son heure de gloire dans le cinéma italien des années 70, et reconsidéré ces derniers temps par la sortie DVD de trois d’entre eux “Rue de la violence” , “La rançon de la peur” et “Brigade spéciale” sortis chez Neo Publishing.

Michele Placido & Alessio Boni
C’est un genre violent, où les policiers franchissent allégrement la légalité pour arriver à leurs fins. Ici il n’y a finalement aucune psychologie dans le personnage de Giorgio, juste une sorte de traumatisme originel dans un attentat qui avait fait une imprévisible victime innocente, ce qui nous vaut une très belle scène poético-macabre à la vision d’un arbre sanglant. Giorgio n’a plus d’illusions, ni d’états d’âmes, arriviste dans l’âme, il se sert de petites crapules apatrides pour voler de l’argent, participe aux compromissions politiques avec un art consommé. Rentrant comme homme de main dans une boîte de nuit, et se servant de sa belle gueule avec une rouerie assumée, pour séduire une femme riche – Isabelle Ferrari, qui montre ici une gravité inattendue -, où organiser de petits trafics… Si la mise en scène de Michele Soavi, semble plus sage qu’au paravent, il ne résiste pas à certaines virtuosités. Il y a des citations d’autres œuvres – une célèbre scène du “Soupçons” d’Hitchcock, sans vouloir déflorer le film par exemple -. On sent qu’il prend un plaisir évident avec ce monstre froid, même s’il se complait dans une noirceur évidente mais avec une certaine stylisation et un humour noir assez salvateur. Seule la jeune Roberta – révélation d’une belle sensibilité : Alina Nadela – apporte un souffle d’air frais dans un monde cynique et impitoyable en attendant un climax final particulièrement suffocant. Mais elle ne va servir qu’à une caution de moralité lorsqu’elle rencontre Giorgio. L’immoralité de l’ensemble tranche singulièrement avec la moyenne du cinéma actuelle. Alessio Boni campe ce personnage avec conviction et ambiguïté, et sa confrontation avec Michele Placido passé bien au-delà de la corruption est très réussie. Un film qui ne laisse personne indifférents, qui distille une ambiance torve particulièrement singulière, dans ce jeu de massacre des archétypes du policier.

Andy Garcia originaire de la Havane, évoque ici le Cuba de la fin des années 50, au travers d’un portrait d’un directeur d’une boîte de nuit – Garcia himself se réservant le premier rôle –. Le passage du régime totalitaire de Batista à celui de Fidel Castro vont causer la perte de ses privilèges et vont le contraindre à l’exil à New-York… On se dit pourquoi pas évoquer Cuba, comme ici dans ce film “The lost city” – “Adieu Cuba” – qui bénéficie de la signature prestigieuse de l’écrivain cubain G. Cabrera Infante au scenario juste avant sa mort l’an dernier, sous la forme d’une saga familiale… Il y a pourtant de bons moments dans ce film mais il faut aller au-delà des limites d’une évocation renvoyant dos à dos le président Batista, montré comme un tyran d’opérette et le mythique Che qui tue sans vergogne pour ces idées. C’est un peu le musée Grévin, avec une prédilection toute particulière pour la fausse barbe castriste du frère cadet-castriste souffrant sans doutes de l’utilisation d’une mauvaise colle. C’est une vision nostalgique des choses, mais aussi partiale, car il s’agit d’une famille de nantis. L’utilisation de documents réels d’archives en noir et blanc est presque ici un aveu d’impuissance de recréer une histoire perdue, avec suprême roublardise d’y intégrer Garcia fuyant les vrais révolutionnaires. Cette mise en abyme est assez vaine. Il s’agit ici de dresser une fresque où domine un petit côté fleur bleue, plutôt que de tabler sur un discours démonstratif. Le peuple est tragiquement absent ici, le protagoniste principal – joué par Andy Garcia formidable acteur mais un peu en roue libre ici -, ne privilégiant que la vie de son cabaret “El Tropico”, l’occasion de nous livrer d’excellents numéros musicaux – soit une quarantaine de classiques -, surfant un peu sur la mode “latino” de ces dernières années. Il montre parfois l’absurdité, de nouveau régime, comme l’hallucinante réflexion d’une femme soldate du régime castriste qui interdit le saxophone dans son établissement, comme instrument de l’impérialisme américain… 
Avant-première le jeudi 3 août, du quatrième film de Denis Dercourt, déjà bien accueilli à Cannes 2006, dans la sélection “Un certain Regard”. Hormis le très abouti “Lise et André” sur la rencontre d’une mère – trop sous exploité Isabelle Candelier – dont le fils est malade, qui se confit à un prêtre – formidable Michel Duchaussoy – en 2000, ses trois autres films parlent du milieu de la musique et des concertistes. Le réalisateur concilie à la fois ses cours de musique de chambre au conservatoire de Strasbourg, et sa carrière très originale au cinéma. Après “Les cachetonneurs” (1998) retraçant la difficulté de musiciens itinérants, et le très maîtrisé “Mes enfants ne sont pas comme les autres” (2003) sur un père – Richard Berry – trop exigeant sur les performances musicales de ses enfants. Comme dans ses autres films, il faut saluer la grande crédibilité de ses interprètes lors des morceaux musicaux. Dercourt connaît les écueils à éviter, il est aidé ici par les connaissances de Catherine Frot, qui a fait du piano jusqu’à l’âge de 12 ans, et connais très bien “La marche turque” de Mozart, Xavier de Guillebon qui pratique la clarinette et Clotilde Mollet, musicienne émérite, qui a déjà plusieurs films à son actif. Rarement, on aura vu une représentation de la musique aussi probante. Il est parfois difficile de ne pas ricaner devant des mouvements inconsidérés sur quelques touches de piano, dans certains films confondant agitation et mélomanie. Difficile de parler du film sans parler du thème principal, n’allez pas plus loin si vous voulez préserver le plaisir du film… Disons que le thème pouvait être celui d’un thriller, c’est plus ici un cinéma psychologique proche d’un Claude Chabrol, nom souvent cité lors du débat d’après film. Il y a une tension palpable mise en valeur par une réalisation intelligente qui revisite le thème un peu éculé de la vengeance. François Truffaut se disait gêné par cette utilisation, quand il avait fait “La mariée était en noir”, loin d’être d’ailleurs l’une de ses œuvres les plus réussies. Une jeune enfant douée, Mélanie dont les parents sont bouchers – Christine Citti et Jacques Bonnaffé qui arrivent à faire exister leurs personnages en peu de mots -, décide d’abandonner sa pratique du piano, si elle échoue son concours d’entrée au conservatoire. Ariane Fouchécourt, brillante artiste mais bourgeoise assez hautaine, va avoir une attitude assez inconsidérée dans ce moment de grand stress. Ariane c’est Catherine Frot, de plus en plus rayonnante depuis son rôle dans “Le passager de l’été”, elle révèle à nouveau ici une certaine séduction et une grande sensualité. Son personnage va d’ailleurs évoluer durant le film. Le destin de Mélanie est ainsi scellé de la manière que je vous laisse découvrir, on peut voir ensuite son effroi assez inconsidéré. Loin de planifier toute idée de représailles, Mélanie adulte – Déborah François, qui confirme ici de son grand talent découvert chez les frères Dardenne dans “L’enfant”, se sert en fait des hasards de la vie pour retrouver cette grande pianiste qui a brisé son destin. 




Attention navet de compétition ! L’été est souvent l’occasion pour les Majors, qui arrivent pour permettre la sortie de leurs blockbusters, d’imposer celle de leurs fonds de tiroirs. On devait à Marc Foster de culture européenne, deux films très honorables, “À l’ombre de la haine” (2001) et “Neverland” (2004). On attendait légitimement mieux avec ce cauchemar expérimental que ce pensum, qui rate à la fois le spectacle et la réflexion. Dès les premiers plans, on comprend rapidement l’inanité d’une telle œuvre. Un jeune dépressif annonce à son psychiatre – improbable Erwan McGregor -, son suicide prochain sur le pont de Brooklin. Il prend pour cette issue fatale, modèle sur un obscur peindre new-yorkais. Le plus fou des deux, n’étant pas forcément celui auquel on pense, notre vaillant thérapeute, de plus en plus « borderline » va tout faire pour éviter le pire. Pour tenter d’évoquer la tragique frontière entre la réalité/phantasme, la vie et la mort. On sent bien que le réalisateur veuille reproduire un film schizophrénique, à l’exemple du magistral “Lost higway” de David Lynch, mais il ne fait que d’aligner la gratuité des effets dans un exercice de style poussif. On part également sur la piste du « Sixième sens » et on finit par déplorer qu’il n’y ait pas un M. Night Shyamalan, qui arrive à installer un climat avec des scénarios moyens ou un David Fincher initialement annoncé. On reste sidéré devant tant de suffisance, la multiplication de plans alambiqués – genre caméra au fond d’un casier et d’effets d’inversion – finit allégrement par avoir son petit effet comique. C’est peut-être l’humour involontaire du film qui finit par tromper l’ennui… À l’image d’une femme qui laisse son chien attaquer le bras du psychiatre, ce qui lui donne l’idée… d’aller faire à manger ! – le chien affamé voulant en fait se nourrir ? -. On en vient non pas à anticiper l’histoire qui nous passionne moyennement, mais à trouver quel effet bizarre suivra. Le symbolisme est lourdinguissime, surligné et le montage à la serpe n’arrange rien. 
Les temps sont à l’irrespect, un pâle imitateur singe d’une façon grossière le chanteur Renaud, dans une parodie grotesque “Les bobos” sous fond de musique du dessin animé “Kirikou”, notre vénérable ministre de la culture se reçoit des tomates à Avignon, un doigt d’honneur géant fait de la pub pour une banque, cynisme éhonté involontaire ? – Il paraît que c’est un pouce, mais la symbolique est là -. 20six d’ailleurs ne déroge pas à cette mode, faisant l’attaque régulière de Spams malins – les bloggueurs chantant en cœur “Tirez pas sur l’ambulance !” de Françoise Hardy, entre les deux problèmes techniques habituels. Bref le sarcasme est hissé le pathétique au niveau des beaux-arts, je songe d’ailleurs à changer le nom de ce blog par “20six’s reject”, occasion de faire un hommage au film évoqué à la suite. Le gendre du film d’horreur succombe régulièrement d’ailleurs à cette mode. Il est vrai qu’en ce moment le genre ne se renouvelle guerre, les Majors se contentant de refaire des remakes (“Terreur sur la ligne”,” Fog”, “La colline a des yeux,” mais il faut louer le talent d’Alexandre Aja pour ce dernier). Curieux objet que ce “The Devil’s Rejects”, d’un certain Rod Zombie – de son vrai nom Robert Cummings -, qui par son patronyme nous annonce déjà la couleur. Le film est l’œuvre la plus secouée que l’on puisse voir en ce moment, difficile de trouver une comparaison, citons peut-être la trilogie “Dead or alive” de Takashi Miike. Alexis Bernier, dans “Libération” décrit comme “Punk gothique, tatoué et poilu comme un Hells Angel sorti des enfers”. Son précédent film – pas vu, pas pris…-, “La maison des 1000 morts” vient de sortir en DVD bénéficie déjà d’un statut de film culte. C’est un véritable jeu de massacre entre le shérif revanchard – étonnant William Forsythe –, encore plus frappé que la famille infernale et la famille Firelly dirigée par un clown sinistre et adipeux – singulière performance du tarantinien Sig Haig – et déjà présente dans “La maison des 1000 morts”. 
Changement de ton dans l’œuvre de Robert Guédiguian, avec ce “Voyage en Arménie”, sur le thème du retour aux sources, après la rupture du film “Le promeneur du champ de Mars”, magnifié par la superbe interprétation de Michel Bouquet. Robert Guédiguian quitte le quartier de l’Estaque, pour un voyage initiatique autour du thème des origines. Il s’adjoint au scénario Ariane Ascaride et la romancière Marie Desplechin. Ariane Ascaride dans le rôle d’Anna, rayonne dans ce rôle très fort. Déplorons sa sous-utilisation ces derniers temps, son statut d’égérie de Robert Guédiguian, semblant freiner les autres metteurs en scène. Anna cardilogue réputée de Marseille, examine son père Barsam, malade du cœur – joué avec malice par Marcel Bluwal, compagnon de longue route des Guédiguian -. Barsam, buté et déterminé, qui a jadis fait souffrir la mère d’Anna par son tempérament, décide de disparaître pour éviter une opération qui est pourtant de toute urgence. Anna peste contre lui, et se rend avec son mari – le fidèle Jean-Pierre Darroussin, dans un petit rôle -, dans la maison paternelle. Il y a des indices flagrants, trop visibles pour ne pas être une invitation à le rechercher, de son départ en Arménie. Il est parti dans les hautes montagnes du Caucase, lieu de ses origines. Anna ignore totalement ses racines, alors que sa fille – jouée par sa propre fille Madeleine – renoue avec la tradition en faisant de la danse folklorique. Elle décide donc de partir le retrouver, sur la base d’une vieille photo. La petite communauté des Arméniens de Marseille, recommande à Anna, de se faire accompagner par un homme d’affaires assez retord, Sarkis Arabian, – Simon Abkarian, apportant une ambiguïté à son personnage, et comédien toujours aussi probant -. Arrivée en Arménie, Anna est finalement livrée à elle-même, elle finit par accepter de suivre le vieux Manouk – formidable présence de Romen Avinian, qui se propose comme chevalier servant avec sa petite voiture. Elle va faire plusieurs rencontres dans son périple, de la jeune Schaké – épatante Chorik Grigorian -, jeune coiffeuse débrouillarde, Yervanth – Gérard Meylan très crédible dans la veine picaresque – ancien petit truand en exil français qui est devenu une figure locale -, Simon – Jalil Lespert, convaincant – jeune médecin sans frontières assez désabusé, ou Vanig – étonnant Serge Avedikian -, ancien militaire. Tous vont apporter une aide pour qu’elle puisse retrouver son père, même si Anna se trouve mêlée dans quelques déboires, en raison de petits trafics de Sarkis. Le regard d’Anna suite à ce séjour d’Erevan, va ébranler ses certitudes. La générosité de Robert Guédiguian, est toujours présente, il concilie l’humour – la voiture de Manouk tombant en morceaux -, la réflexion sur la perte des illusions politiques – Sarkis parlant du confort d’être communiste quand on vient d’un pays privilégié, face à Anna qui défend ses idées -, le marasme économique de l’Arménie – trafics, débrouillardise, maffia locale, plutôt biens vus etc…-. 
“La mort du Chinois” est un film réalisé en 1997, troisième film de Jean-Louis Benoît, après “Les poings fermés” (1984), et “Dédé” (1989), un CV théâtral à tomber. Le problème à l’issue de ce film, c’est que l’on se pose des questions sur sa santé mentale. Je vais essayer de vous raconter l’histoire du film, “Hellzapoppin” c’est du Bernanos en comparaison… 0 minute, zéro seconde, le générique débute sous fond de hard rock tonitruant, apparaît le titre “La mort du Chinois” en jaune sous fond noir, ça dépote, je me jette sur la télécommande, il convient de baisser un peu…1 minute 25 secondes, on entend un râle dans un appartement en bordel – deux figurines de cochons en plein coït, un plateau repas renversé, une vieille paire de basket -, ça pannote jusqu’à deux pieds remuants, on aperçoit une paire de ciseau, Denis Podalydès (de la Comédie Française) téléphone, “Allô Michel, Françoise m’a coupé les couilles !”. 2 minutes, zéro seconde, José Garcia en complet blanc et chemise rouge, fonce furieusement la civière de son ami Podalydès au grand dame d’un infirmier – Eriq Ebouaney, énervé également -. Il est collant le Garcia, Podalydès hurle à la mort en crachant des cachets multicolores, Ebouaney furibard vitupère “Qu’est-ce que c’est que ses dingues”. Podalydès se met à gueuler, il vient de se faire esmaculer ce qui n’est pas idéal, il doit interpréter Don Juan au théâtre, et le faire sans couilles ce n’est pas très sérieux, on peut en convenir. Il veut donc qu’on les lui recouse. Trois membres du personnel médical arrivent à neutraliser le Garcia, période surcharge pondérale. 2 minutes 46, Garcia prend l’ascenseur, rencontre un malade sous perf qui lui demande des nouvelles. Il est au bout du rouleau, et son couple bat de l’aile. Pas facile de vivre à deux, mais pas “facile de vivre tout seul”, lui rétorque le malade. – Ca c’est ben vrai, ça -.3 minutes 45, Garcia remonte chez lui, et pousse un cri… Il y a un Asiatique, une culotte de sa femme à ma main, qui lui parle des malheurs de son pote. Garcia demande qu’il est, ce à quoi notre intrus répond obligeamment qu’il se nomme Tong et vient récupérer les affaires de la femme adultère. Désabusé de voir que sa femme le quitte et qu’il est cocu en prime, il répond “elle me quitte pour un homme qui à un nom de pantoufle” – c’est très subtil comme jeu de mots, d’autant plus qu’en 98, les “tongs” ne bénéficiaient pas de l’effet “Camping” -. Il demande depuis quand le Tong connaît sa femme – qui attend dans une camionnette -, depuis que “tu un con”. Tong part une guitare sous le bras, ergotant sur les rapports du couple “trop de dissonances…. 6 minutes 10, Garcia demande un délai à son employeur, François Morel, qui tente de le rassurer en mimant des oreilles de lapins, c’est normal il édite des livres pour enfants et Michel écrit pour eux.
Le cinéma a comme art certaines limites, comme dans la représentation de faits atroces. Aucun film ne pourrait avoir, par exemple, la force du livre de Robert Antelme, “L’espèce humaine”, sur le récit de la vie dans un camp de concentration. On finit par songer au fameux article de Jacques Rivette dans “Les cahiers du cinéma”, “Le travelling de Kapo”, qui avait si fortement impressionnée Serge Daney. Il qualifiait d’abject le cinéma de Gillo Pontecorvo dans “Kapo” film de 1959. Rivette vilipendait le travelling suivant Emmanuelle Riva qui court se jeter sur les barrières électrifiées d’un camp nazi pour ce suicider. En reprenant l’idée godardienne que le travelling est affaire de morale, il avait trouvé particulièrement abject cette mise en scène. Les événements du 11 septembre 2001, marque le traumatisme majeur de nos sociétés contemporaines. Évidemment on attendait de voir qui pouvait dépasser le tabou de sa représentation, en livrant une version cinématographique, le choix des Américains étant de ne pas montrer ses images d’horreurs à chaud. C’est un Paul Greengrass, pontifiant allégrement et posant dans les médias, à l’occasion de la présentation de son film “United 93”, en compétition à Cannes, avec ces faux airs d’Albert Algoud, qui précède Oliver Stone avec son blockbuster “Word Trade Center”, que l’on appréhende fortement d’ailleurs. Greengrass se veut légitime et honnête pour relater ce drame. Il évoque le “Vol 93”, l’un des 4 vols détournés ce jour là et le seul a ne pas avoir pas atteint sa cible. La critique est dithyrambique, devant ce procédé de représentation docu-fiction, mélange des genres ici pourtant assez peu convaincant à mon avis. Le souvenir de la réflexion de Jacques Rivette, peut donc ici se révéler salutaire. Il y a certes une honnêteté foncière, dans l’évocation du grand désarroi chez les aiguilleurs d’une tour de contrôle, une volonté de ne pas glorifier le côté patriotique dans le courage des passagers. La confusion générale face à ce nouveau mode de terrorisme, profitant des failles, l’indécision de certains responsables face à cette situation de crise, paraissent assez justes. Mais il a aussi aussi une grande roublardise. 
Avant-première mercredi 12 juillet à l’UGC-Cité-Ciné Bordeaux du film “La raison du plus faible” en présence de Lucas Belvaux. Grand bonheur, car j’avais un excellent souvenir suite à sa rencontre, avec la présentation d’un de ses films de sa trilogie, “Cavale” en 2002. L’homme est disert, il évoque son travail avec modestie et ferveur. On attendait beaucoup de son dernier film, présenté en compétition à Cannes, d’autant plus qu’il avait mis la barre très haute, après la superbe réussite de ces trois derniers films “Un couple épatant”, “Cavale”, “Après la vie”, ces trois films formant un ensemble cohérent, singulier, maîtrisé et montrant l’exigence aboutie de son réalisateur. La vision de son téléfilm sur France 3 “Nature contre Nature”, nous confirmait à nouveau son grand talent de son metteur en scène depuis l’épatant “Parfois trop d’amour” réalisé en 1991. Pour la petite histoire cette oeuvre, diffusé le 3 juin dernie, l’a été deux après la Belgique, en fait France 3 attend, précisait Belvaux, les dernières limites de contrat de diffusion pour diffuser certains films. C’est une brillante comédie utopiste, où Lucas Belvaux jouait un psychanalyste s’installant dans un coin désert de la Creuse, finissant par se faire payer… en dindons et en denrées agricoles. Il s’attaque ici au fondamentaux du film noir, en se présentant comme porte-voix de ceux qui n’ont jamais la parole. Bien dans la tradition d’un Jules Dassin ou d’un Abraham Polonsky, le réalisateur montre, en utilisant ce genre avec réalisme, un constat social, un peu amer, d’un petit groupe de personnes qui vivent à Liège. Ils sont résignés comme Jean-Pierre, paralysé sans être aigri – le Belge Patrick Descamps déjà vu dans la trilogie à l’étonnante présence, son compatriote Robert – Claude Semal, acteur belge également franc-tireur qui a une importante carrière au théâtre, également très probant -, et Patrick – Éric Cavaca discret et toujours aussi excellent -, qui n’arrive pas à trouver un emploi alors qu’il est bardé de diplômes. Tous les trois, sans emplois subsistent tant bien que mal trouvant des petits moments de joie dans un café, en jouant aux cartes avec un barfly local – truculent Théo Hebrans, qui ne joue au théâtre qu’en langue wallone, et qui campe un personnage très original, clope au bec, alors que l’acteur se savait ni jouer aux cartes et de plus n’avait jamais fumé. Patrick a une femme charmante, Carole qui s’échine dans une blanchisserie. Ils ont un enfant, et le simple fait de la grande difficulté d’acheter une mobylette, pour qu’elle ne perde pas des heures à se rendre à se travail, finit par être le catalyseur de la suite du film. Arrive Marc qui sort de prison pour braquage, il tente une approche avec ce petit groupe, et de se faire accepter pour trouver une chaleur dans cette petite communauté. Un policier jovial mais pas très fin – quoi qu’excellent professionnel… – le suit régulièrement car il est assigné à résidence, et ne cesse de lui rappeler avec une bonhomie un peu roublarde, qu’il n’y a pas de réhabilitation possible. Marc travaille dure dans une usine d’embouteillage. Lui qui a avoué ses méfaits au petit groupe, finit par donner de mauvaises idées à ces gens perdus, mais qui veulent garder une dignité, et lutter contre une résignation très prévisible. Son personnage se veut responsable, à l’image de la scène remarquable et d’une très grande force, où il dissuade le personnage de Claude Semal, en lui demandant de fermer les yeux. 