Andy Garcia originaire de la Havane, évoque ici le Cuba de la fin des années 50, au travers d’un portrait d’un directeur d’une boîte de nuit – Garcia himself se réservant le premier rôle –. Le passage du régime totalitaire de Batista à celui de Fidel Castro vont causer la perte de ses privilèges et vont le contraindre à l’exil à New-York… On se dit pourquoi pas évoquer Cuba, comme ici dans ce film « The lost city » – « Adieu Cuba » – qui bénéficie de la signature prestigieuse de l’écrivain cubain G. Cabrera Infante au scenario juste avant sa mort l’an dernier, sous la forme d’une saga familiale… Il y a pourtant de bons moments dans ce film mais il faut aller au-delà des limites d’une évocation renvoyant dos à dos le président Batista, montré comme un tyran d’opérette et le mythique Che qui tue sans vergogne pour ces idées. C’est un peu le musée Grévin, avec une prédilection toute particulière pour la fausse barbe castriste du frère cadet-castriste souffrant sans doutes de l’utilisation d’une mauvaise colle. C’est une vision nostalgique des choses, mais aussi partiale, car il s’agit d’une famille de nantis. L’utilisation de documents réels d’archives en noir et blanc est presque ici un aveu d’impuissance de recréer une histoire perdue, avec suprême roublardise d’y intégrer Garcia fuyant les vrais révolutionnaires. Cette mise en abyme est assez vaine. Il s’agit ici de dresser une fresque où domine un petit côté fleur bleue, plutôt que de tabler sur un discours démonstratif. Le peuple est tragiquement absent ici, le protagoniste principal – joué par Andy Garcia formidable acteur mais un peu en roue libre ici -, ne privilégiant que la vie de son cabaret « El Tropico », l’occasion de nous livrer d’excellents numéros musicaux – soit une quarantaine de classiques -, surfant un peu sur la mode « latino » de ces dernières années. Il montre parfois l’absurdité, de nouveau régime, comme l’hallucinante réflexion d’une femme soldate du régime castriste qui interdit le saxophone dans son établissement, comme instrument de l’impérialisme américain…
Andy Garcia, lui précise que c’est l’invention d’un certain Sax qui est Belge, elle répond avec aplomb en dénigrant la Belgique dans ses exactions au Congo. Mais il manque sérieusement un souffle dans cette série de clichés. Dans ce mode romanesque il y a un autre écueil important, la présence d’Inès Sastre qui dans le rôle féminin principal nous régale d’un festival de bouderies puériles. A grands coups de moues renfrognées, elle n’arrive qu’à camper un pantin déshumanisé, la photogénie sur papier glacé n’allant pas obligatoirement de pair avec le talent sur l’écran. Une suggestion qu’elle adopte un nouveau prénom : Haydée ! Le reste de l’interprétation est assez inégale, mais on a plaisir à retrouver le vieux routier Tomas Milian, cubain d’origine, apportant un peu d’humanité dans son rôle de patriarche transpirant et intraitable sur la ponctualité, ou Steven Bauer en militaire conformiste. Dustin Hoffman imprègne de sa présence son court rôle, le temps de 2 scènes -… et 2 fois le même numéro – en maffieux local. Reste la présence de Bill Murray, dans un superbe numéro. Dans un rôle un peu trop écrit d’écrivain sans nom, il amène un souffle de liberté, de contestation dans cet univers de carton-pâte. Il faut le voir en short disserter sur la vie, le pouvoir, préparer ses effets à grand coup d’éventail. Là on vient bien croire à l’histoire, à l’instar de la scène où le personnage d’Andy Garcia, conscient d’un univers qu’il va perdre et gardera un moment de complicité avec Murray qu’il chérira à jamais. Chapeau bas pour Bill Murray, car il faut bien le dire, il me semble sauver le film. Dommage car on sentait bien qu’Andy Garcia était très attaché à ce projet.
Bill Murray à la rescousse