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NOUVELLE CHANCE

Avant-première lundi 16 octobre, à l’UGC-Cité Ciné, du nouveau film d’Anne Fontaine « Nouvelle chance » et troisième film de la trilogie autour du personnage d’Augustin Dos Santos, interprété par son frère le singulier Jean-Chrétien Sibertin-Blanc. On retrouve ce corps comique avec grand plaisir, ses trajets en vélos – son accessoire privilégié, l’équivalent du parapluie pour M. Hulot », sa famille japonaise – la véritable famille du comédien d’ailleurs -, et son incroyable manière de donner une légèreté aux situations les plus improbables. On le retrouve à la fois comme metteur en scène de théâtre, et homme à tout faire dans une piscine de luxe à l’hôtel Ritz, lieu échappé d’un péplum hollywoodien. Il rencontre Odette Saint-Gilles – , ancienne chanteuse d’opérette – Danielle Darrieux simplement magnifique -, une grande dame dynamique et ne sombrant pas dans la nostalgie, malgré quelques souvenirs épars – on reconnaît d’ailleurs en passant une photo d’ « Occupe-toi d’Amélie » de Claude Autant-Lara, avec Grégoire Aslan -. Augustin monte des spectacles pour les comités d’entreprise. Il a un spectacle très rodé, où il campe une Geisha, mais il ne correspond pas au goût de l’un de ses commanditaires, qui souhaite choyer ses clients suédois. Odette, qui a beaucoup aimé son spectacle, lui parle d’une pièce de théâtre qu’elle adore, « Les salons », contant les rapports entre deux femmes du XVIIIème siècle, Mme du Deffand et Julie Lespinasse, élaboré à partir de la correspondance entre des deux femmes d’esprits. Augustin rencontre une actrice de télévision, Bettina Flescher, utilisée dans des œuvres médiocres – en illustration on a droit à un extrait du cornichonesque Milady de Josée Dayan ! qui joue d’ailleurs ici son propre rôle -. L’actrice est suffisamment excentrique pour s’embarquer dans cette aventure. Un ami comédien d’Augustin, à la virilité encombrante – Christophe Vandevelde, un nom à retenir, Anne Fontaine l’avait découvert dans le film de Jacques Audiard : « Sur mes lèvres », va jouer le rôle du diaphane amant de Julie de Lespinasse, mais Bettina, lui préférera Raphaël, un gracile et ambigu jeune homme – joué par Andy Gilet -. L’œuvre finira par avoir une curieuse influence sur le destin de cette curieuse petite troupe… Si vous avez aimé « Augustin » (1995) et « Augustin, roi du kung-fu » (1999), vous connaissez l’originalité du personnage d’Augustin, lunaire, un peu obsessionnel, porté par la forte personnalité de Jean-Chrétien Sibertin-Blanc. Son travail avec sa sœur, la réalisatrice nous précisait qu’elle fait beaucoup de répétitions avec lui -, a pour résultat l’un des personnages les plus drôles – mais il peut en irriter certains – et les plus originaux du cinéma français. J’ai parlé avec Anne Fontaine, de la même émotion que j’avais en voyant Claude Melki débouler dans l’univers de Jean-Daniel Pollet – idée partagée avec une autre personne, qu’elle a rencontré lors d’une avant-première -.

Arielle Dombasle, Danielle Darrieux & Jean-Chrétien Sibertin-Blanc

Il est à la fois touchant, imprévisible, d’une cocasserie inouïe, nous amène dans une sorte de fantastique du quotidien.. Quand on demande à sa sœur, le manque d’intérêt des autres réalisateurs à son sujet, elle répond que l’homme semble aussi particulier, ne souhaite pas tourner pour tourner s’il n’est pas à l’aise avec l’univers d’un metteur en scène – Mais il a tourné tout de même chez Alain Resnais, je me souviens de lui poursuivant Juliette Binoche dans un « Tour de manège », une nuit de pleine lune, et il a intéressé Godard.  Il faut le voir discuter pilosité avec Christophe Valverde, avoir une rencontre hors du commun dans un vernissage avec un ex-futur candidat aux Présidentielles pour paraphraser Al Gore – je vous en laisse la surprise -, ou découvrir une scène de répétition, impromptue  dans une chapelle. Autre petit miracle du film, le retour en grâce et dans un premier rôle de Danielle Darrieux. Son bagou, son charme superbe malgré son âge, sa capacité d’émotion – moment d’émotion où ses yeux se rougissent soudainement -, et son improbable rencontre avec une vedette – Arielle Dombasle, actrice sous-utilisée, appréciée par la réalisatrice chez Rohmer -, prête à casser ses codes et son emploi de bimbo comme elle dit elle-même. Belle rencontre avec Anne Fontaine, qui a beaucoup de charme, d’aplomb et de lucidité. Elle répond avec franchise, de son joyeux surnom de Leni Riefenstahl par Benoît Poelvoorde, évoquant avec l’humour qu’on lui connaît sa direction d’acteur, de l’insatisfaction de son parcours de comédienne. Elle évoque l’homme politique cité précédemment, dont la femme précise qu’il devrait faire l’acteur, et les rapports entre Danielle Darrieux et Arielle Dombasle, polis mais sans « atomes crochus », l’aînée évoquant à propos de sa partenaire « La petite jeune », l’idée d’une moitié de femmes. Danielle Darrieux rayonne ici – elle demandait, elle était âgée de 88 ans lors du tournage, avec humour à la réalisatrice de se dépêcher, car elle pouvait mourir à tout instant ! -. Sa palette incroyable de jeu est utilisée au mieux, son dynamisme, sa séduction et ses dons de chanteuses – sa mère était professeur de chants -, elle nous livre d’ailleurs une version d’anthologie de la chanson de Charles Trenet « La folle complainte ». Saluons l’audace habituelle – on connaît son brillant et original parcours – d’Anne Fontaine, rebondissant à partir d’une commande de ses amis Bernard Minoret et Claude Arnaud, de faire un film à partir des « Salons », avec Isabelle Huppert et Danielle Darrieux. Elle en fait un en fait un projet personnel, trouvant une habile correspondance entre les « salons » et la société du spectacle. Elle nous livre ici un spectacle comique d’une grande finesse, tout en donnant un superbe rôle à l’une de nos plus prestigieuses actrices. Une liberté de ton salutaire.

LE COIN DU NANAR OU LA REVANCHE DE DANACOL

Curieux parcours pour la sympathique Charlotte de Turckheim, de l’infirmière, joyeusement massacrée et disséquée par des membres d’une maison de retraite dans « La nuit de la mort » de Raphaël Delpard, à son improbable « Marie-Antoinette » chez l’académique James Ivory, dans « Jefferson à Paris », en passant par sa prestation style chaînon manquant entre Danièle Delorme et Eva Darlan dans « Mme le (la) proviseur ». Rien de très probant, mais un petit côté agressif, il fallait la voir dans un talk-show, régler ses comptes avec le cinéaste Claude Confortès, qualifié de libidineux. C’est sa seconde réalisation après « Mon père, ma mère… » (1999) – pas vu, pas pris… -, il y avait eu aussi une captation assez mollassone de ses spectacles avec « Une journée chez ma mère » (1992).  La réalisatrice chasse comme d’habitude, sur la terre de l’aristocratie désargentée. Pourquoi pas, ce thème a donné lieu a de superbes réussites, du « Diable par la queue », un grand Philippe de Broca, cuvée 1968, ou le chef d’œuvre absolu « Noblesse oblige », où Dennis Price avait une méthode bien a lui pour survivre à ses revers de fortune. Le comte Charles Valerand d’Arbac de Neuville et son épouse Solange, née Poitou Castilla de la Taupinière – Jacques Weber et la Charlotte, se livrant à une compétition de cabots, résultat match nul -, doivent au Trésor Public – je mets une majuscule, on ne sait jamais -, la modique somme de 1 991 753 euros. Le château familial tombe en ruine, ils sont réduits à la débrouille, Weber fait des faux meubles en les vieillissants avec du yaourt – encore un qui crache dans la soupe, il doit se venger de son image ternie à faire des pubs pour Danacol, le laitage anti-cholestérol -. La châtelaine en fait de même en vendant de la pâtée pour chiens aux gogos dans de jolis bocaux, imitation « Comtesse du Barry » – métaphore sur ce film ? -. L’huissier débarque, cerise sur le gâteau c’est Sébastien Cauet qui l’incarne – Le Bill Murray français, ben quoi, la voix du dessin animé « Garfield » aux États-Unis, c’est Murray, en France, c’est Cauet, CQFD -. Le regrettable vendeur de cerveau disponible, qui sévit non seulement sur TF1, mais dans la presse trash et la mal-bouffe, – une sorte de synthèse donc… -, peine à composer un personnage intraitable. Il faut le voir avec sa moumoute, essayer de faire valoir son petit regard vicelard en fantasmant sur Mme la châtelaine, garanti culte en 2058.

Armelle, Jacques Weber & Charlotte de Turckheim

La petite famille composée de quatre générations, des de Turckheim partout, en rejetons à rejeter, + Vincent Desagnat, pitoyable en alcoolique mondain, Edith Perret en aïeule liquéfiée, Armelle qui ne se renouvelle guerre dans une composition lourdingue, avec un accent teuton d’une rare bêtise, le falot Rudi Rosenberg – pourtant formidable dans « Le tango des Rashevski » – fait gravure de mode, va chercher à travailler pour la première fois de sa vie… Suit une pantalonnade sans rythme, égaillée par quelques caméos amusants,  Rossy de Palma et Victoria Abril en aubergistes parvenues, Hélène de Fougerolles – enlaidie, si, si – et Éric Le Roch en cousins radins, Catherine Hosmalin et Chantal Ladesou, en aristos dégénérées, Catherine Jacob et Urbain Cancelier en nobles fortunés cyniques. Trois petits tours et puis s’en vont. On a même droit à Stéphane Bern, qui nous livre son fond de commerce habituel, qui commence à devenir lassant, une autodérision forcée. Compatissons pour la pauve Gaëlle Lebert dans son rôle de Marie-Astrid, laideron frappé de stupidité, mais reconnaissons qu’elle est finalement la seule ici à tirer son épingle du jeu. Impossible d’imaginer une distribution plus hétéroclite. L’enchaînement de saynètes outrées peut amuser, si vous avez comme moi une petite perversité à voir tout ce petit monde s’enliser allégrement. Charlotte de Turckheim et son comparse Jean-Marie Duprez, nous régalant en prime d’un dialogue faisandé : « Le trésor Public, c’est le seul trésor que tu ne peux pas trouver, mais lui il te trouve toujours !. ». La caricature peut avoir un charme salutaire, chez Jean-Pierre Mocky par exemple – Christophe Bier citait très justement Daumier à son sujet -, tout est ici un simple prétexte à meubler une historiette minimale. Le bâclage global est ici patent, et l’enfilage des clichés haineux,  pourtant portés disparus depuis belle lurette, ne sert qu’à conforter la bêtise ambiante. Si le cinéma français continue ces oeuvrettes, il ne faudra pas s’étonner de la désertion des salles du public visé, qui certes cherche un peu de gaudriole, mais ne mérite pas un pareil mépris. On est en train de dépasser les périodes fastes des années 50, et celle du début des années 80, dans le style de la comédie désolante. Chapeau bas donc pour Charlotte de Turckheim, pour arriver à baisser encore le niveau de cette année cinématographique, ce qui tient, en ce moment, de l’exploit.

DANS PARIS

Troisième film de Christophe Honoré, auteur complet avec « Dans Paris », écrit et tourné à toute berzingue a été présenté et salué à la quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes, en mai dernier. C’est incontestablement un auteur doué, trouvant ces marques malgré quelques afféteries dans ces deux premiers films. 17 fois Cécile Cassard a donné l’un de ses meilleurs rôles à Béatrice Dalle, et avait révélé un grand talent de composition chez Romain Duris – on se souvient de son interprétation de la chanson de « Lola » de Jacques Demy -, et « Ma mère », cherchait à trouver une équivalence dans l’œuvre majeure de Georges Bataille, avec un certain trouble. Pour la petite histoire, on se demande d’ailleurs ce vaut l’adaptation de « l’histoire de l’œil »  par le Belge Patrick Longchamps en 1975, intitulé « Simona », mais il faut préciser que Marcelle, l’adolescente est jouée par la pulpeuse Laura Antonelli ! Christophe Honoré trouve ici son rythme, son style est littéraire, mais c’est brillant et jamais écrasant. Guillaume – Romain Duris -, vit une sorte d’abattement moral suite à un chagrin d’amour avec sa compagne, Joanna, mère d’un petit garçon – singulière Joana Preiss, vue déjà dans « Ma mère » et qui a une très forte présence -. Il s’installe chez son père Mirko – Guy Marchand – et prend possession de la chambre de son jeune frère Jonathan, un infatigable jouisseur, énergique et un peu cradingue – Louis Garrel -, qui dort lui sur le canapé. La petite famille ne communique pas beaucoup, surtout depuis un drame familial que tous évitent d’évoquer -. Pour aider son frère, il va vivre avec intensité, pour faire vivre un peu par procuration son frère qui reste cloîtré dans sa chambre. Il décide de faire une course, jusqu’au « Bon marché » pour découvrir les décorations de Noël, Honoré retrouvant ainsi l’esprit de Jean-Luc Godard de « Bande à part », quand Anna Karina, Sami Frey et Claude Brasseur traversent le Louvres à toute vitesse. La grande idée du film, c’est l’inversion des emplois, on attendait évidemment Louis Garrel dans le rôle du dépressif comme son personnage dans « Ma mère » et Romain Duris dans le rôle du frère porteur d’énergie.

Guy Marchand & Louis Garrel

Louis Garrel est étonnant, l’on songe bien évidemment à Jean-Pierre Léaud – qui est un grand comédien, rappelons le sans cesse, et qui est d’ailleurs son parrain, Romain Duris dans l’introversion est ici, très touchant. On a plaisir à retrouver Guy Marchand, dans la tonalité qu’il avait dans les années 70-80, chez Maurice Pialat ou Claude Miller. Il est irrésistible en papa « bouillon de… » poule, aux portes de la précarité. Drôle et touchant, refusant devoir son neurologue, suite à des soucis de santé, c’est l’abattement de son fils qui le force à réagir. Il faut le voir transporter un énorme arbre de Noël, retrouver les mécanismes de la dispute avec son ancienne femme – Marie-France Pisier, sa partenaire dans « Cousin-Cousine » (Jean-Charles Tacchella, 1975). Cette dernière dans un bref rôle, est marquante dans la dureté et la sécheresse de cœur de son personnage. Si le film parfois arrive à trouver son rythme, le regard caméra de Louis Garrel fait un peu procédé, l’ensemble est cohérent, intense et très vivant. L’écueil des citations, est évité, le réalisateur digérant le travail de ses grands aînés, avec humour et irrévérence. S’il cite « La maman et la putain » – un de mes films de chevet – quand trois personnages couchent dans le même lit, la chanson au téléphone entre Romain Duris et Joana Preis évoquant irrésistiblement l’univers de Jacques Demy, ou la séance de lecture dans « Domicile conjugal » entre Claude Jade et Léaud, c’est pour mieux trouver un moteur car le film est bien ancré dans notre société contemporaine, avec une désillusion et le deuil d’une perte de l’innocence bien dans l’air du temps. . . Les « passantes » qui gravitent autour de Jonathan trouvent aussi une consistance, citons Alice Butaud, dans le rôle d’Alice, subtile dans un rôle de jeune femme blessée et un peu revancharde. La vision d’un Paris hivernal, débarrassé de ces clichés me semble formidablement juste.

INDIGÈNES

Amis blogueurs arrêtez de bloguer, citons en exemple hier un de mes concitoyens de 61 ans, Alain J. ayant traversé une période d’exil et de recul… Il avait, pour meubler cette période d’incertitude, ouvert son blog. A son retour il abandonne ce support, et tout lui souri, à méditer… Désolé, mais je dois surmonter un certain dégoût depuis que j’ai vu, dans le zapping de Canal+, le sinistre ludion écrivaillon Nicolas Rey – qui ne mérite pas sa presque homonymie avec Nicholas Ray, le cinéaste -, boire dans la bottine de l’infâme Alexia Laroche-Joubert dans « En aparté »… On attendait mieux de Pascale Clark, son émission pouvant désormais s’appeler « L’auberge espagnole ». Pitié Pascale ! on voit suffisamment d’horreurs en ce bas monde… Je digresse de plus en plus, c’est grave docteur ?

Parlons du film qui a touché notre vénérable président – enfin ce qu’il en reste -, « Indigènes ». Soucieux de ne pas laisser seulement lors de son passage à l’Élysée, le seul souvenir d’avoir celui qui a réhabilité le néologisme « abracadabrantesque », il daigne enfin s’occuper de la question des pensions versées aux anciens combattants. Tardive consolation pour ces vétérans de la seconde guerre mondiale, venant du Maghreb et d’Afrique noire, certains vivant dans des foyers Sonacotra -, avec un l’effet non rétroactif à déplorer. Organisons-lui donc des projections privées à l’avenir, la « Raison du plus faible » de Lucas Belvaux par exemple, sur la précarité, si ça semble le réveiller un peu. Pourvu que ne lui montre pas des classiques, comme « Vos gueules les mouettes », de Robert Dhéry, il va y voir un message contre une certaine nuisance sonore durant cette campagne électorale pourtant d’une grande tenue. Et le film lui-même… et bien il fait mentir  l’adage, « Les grands sujets ne font pas forcément des bons films ». Au-delà du devoir de mémoire, son cinéaste Rachid Bouchareb, 5 ans après le poignant « Little Sénégal », nous invite à découvrir ce point d’histoire méconnu, salutaire en cette période où de nombreux politiques continue à vanter les mérites de la colonisation des pays africains par la France, avec une arrogance ethnocentrique. Le film est porté par ses cinq interprètes, tous formidables. Jamel Debbouze dans le rôle de Saïd, est émouvant quand il sort du giron de sa mère pour s’affirmer, et découvre sa rage de se défendre quand on l’humilie. Sami Bouadjila dans le rôle d’Abdelkader, joue le soldat le plus instruit de ce bataillon, il est en attente de reconnaissance – Le réalisateur Jean- Pierre Sinapi, avec raison évoquait à son sujet la classe d’un Marcello Mastroianni -. Roschdy Zem dans le rôle de Messaoud, est excellent  et touchant quand il tombe amoureux d’une belle marseillaise, Samy Naceri dans le rôle de Yassir, violent mais qui protège son père et Bernard Blancan, est très convaincant dans un personnage complexe. Dans le rôle de Martinez, un sergent « pied-noir » en prise avec ses contradictions, finit par nous donner une véritable empathie avec son personnage. Il confirme ici son grand talent, après son personnage touchant et lunaire de Cloclo dans « Peau d’homme, cœur de bête » (Hélène Angel, 1999). Le prix collectif d’interprétation à Cannes est donc amplement mérité. Le film a une grande qualité pédagogique, mais sans manichéismes, les personnages ne sont pas des héros, ils ont des faiblesses à l’instar de Yassir n’hésite pas à piller ses ennemis. Ce sont des individus qui cherche à survivre, qui cherche à s’en sortir, ballottés par le destin et en prise avec une armée française qui ne cesse de les dénigrer…

Bernard Blancan & Jamel Debbouze

S’ils obtiennent de l’estime, c’est surtout pour mieux être manipulés, comme le fait le personnage du colonel joué par Antoine Chappey – épatant -, qui propose une émulation factice au petit groupe, pour mieux sauvegarder ses intérêts. Il était important ici de garder la langue arabe, lien très fort entre ses soldats inconsidérés, le retour à cette langue maternelle, est aussi ici un refuge contre toutes les épreuves. Il y a beaucoup d’humanité ici, et pas seulement pour les soldats, mais aussi pour toutes les victimes de la guerre, comme ces villageois du Bas Rhin, montrant simplement – par des saluts amicaux, ou pour par la cuisine comme le fait une vieille dame -, la reconnaissance devant les libérateurs. Comme disent si bien, les personnages du film, les balles allemandes ne font aucune différence entre les nationalités. Les effets spéciaux guerriers signés les « Versaillais » sont très probants. On retrouve un souffle épique, rare dans notre cinéma. Les scènes de guerres, sont particulièrement réalistes, évitent tout manichéisme. Les scènes de désolations, de villages détruits, où l’on retrouve des carcasses de chevaux morts, sont ici très justes, on ne souffre pas ici d’un effet de reconstitution. La musique de Armand Amar et Khaled, évocatrice de souvenirs et d’un paradis perdu pour les soldats est ici simplement magnifique. Saluons dans de brefs rôles Mélanie Laurent dans une scène très émouvante face à Jamel Debouzze, l’indispensable Philippe Béglia, qui arrive à faire exister un ancien ministre vichyste en un seul plan, Assad Bouab dans le rôle de Larbi ou Thomas Langmann qui ne fait plus que de simples apparitions – il participe ici à production -, alors qu’il était un excellent acteur dans les années 90, c’est dommage. Il faut saluer la détermination de toute l’équipe du film, pour donner le plus de chances possibles à ce film, on le sait Jamel Debbouze a beaucoup apporté à ce film – il s’est beaucoup investi dans ce film, et a trouvé avec le Maroc par exemple quelques partenaires -. Il y a beaucoup d’émotions et d’authenticité, jusqu’à la dernière scène sobre et retenue. Pour terminer saluons Bernard Blancan, qui dans son site officiel, nous propose son blog : Blancan… Journal d’un comédien qui est superbement écrit. Il relate avec humour son parcours de comédien, ses joies ou ses incertitudes avec beaucoup de retenue et de modestie. Une réussite de la blogosphère…

COURS, JEAN-BAPTISTE, COURS…

Évidemment c’était une gageure d’adapter « Le parfum », beau roman de Patrick Süskin et succès mondial de librairie, ce dernier lâchant enfin les droits en raison de la forte insistance de son compatriote, le producteur Bernd Eichinger – producteur du douteux « La chute » -, avec ce film « Le parfum, histoire d’un meurtrier ». On le sait Stanley Kubrick, Milos Forman, Steven Spielberg, Martin Scorsese, Ridley Scott, Tim Burton, sans oublier Patrice Leconte – que la réussite du « Mari de la coiffeuse » pouvait légitimer -. On se demande ce que fait ici le tâcheron Tom Tykwer dans cette entreprise– du moins avec le souvenir de « Cours, Lola, cours », et qui participe en prime à la sirupeuse du film. On découvre donc le destin de Jean-Baptiste Grenouille, né en 1744 d’une femme accouchant et abandonnant son enfant dans un marché aux poissons. Heureusement pour lui, il a un sens très fort de la survie et un odorat hors du commun. Vendu par un orphelinat à une tannerie, il livre un jour des peaux à un célèbre parfumeur. Il va chercher à s’imposer pour arriver à finaliser son obsession, conserver le parfum des femmes… Malgré une débauche de moyens, il n’arrive qu’à une veine illustrative, sans susciter aucune émotion. Je dois confesser ici un ennui profond. Avec le souvenir de la lecture lointain mais persistant du livre, on finit par faire des allers-retours avec les deux œuvres, histoire de se lamenter un peu. On déplore une figuration particulièrement statique, au mieux cela figure un champ d’oignons. La reconstitution est ici compassée et on ne retrouve aucun souffle, aucune vie, même dans un champ de lavande. Tout ici sent le « Matte painting » à plein nez ! (arf, arf).  On pouvait attendre mieux, que certaines ellipses, notamment la scène où Grenouille devient ermite dans sa grotte, traitée ici de manière particulièrement anecdotique. Le réalisateur voulant sans doute jouer sur le réalisme, confine sa restitution dans le misérabilisme.

Dustin Hoffman & Ben Whishaw

L’ensemble finit par sombrer dans le grotesque, on finit par ricaner, à voir la mort implacable des personnes quittant notre Grenouillot. Le réalisateur multiplie les maniérismes, des plans de petit malin d’introspection nasale, ou la caméra placée à l’intérieur d’une distillerie, avec des ralentis poussifs ou des accélérations soudaines. C’est un aveu patent d’impuissance à animer l’aseptisation générale dans ce musée Grévin boursouflé. Certes traduire le sens olfactif à l’écran était compliqué, la littérature de Süskin avait un fort potentiel de suggestion. Mais tout ici est vain, le réalisateur échouant lamentablement ici, le frémissement des narines grenouillettes, et une bande-son exacerbée confinant au grotesque. Mais on pouvait espérer au moins un peu de sensualité, même le pataud « Chocolat » de Lars Hallström était plus évocateur. Quant au morceau de bravoure final attendu, c’est un sommet de fadeur. La direction d’acteur laisse à désirer, Dustin Hoffman en roue libre dans le rôle de Baldini, parfumeur poudré à la ramasse, arrive un peu à tromper notre ennui, la présence butée de l’Anglais Ben Whishaw, n’est pas idéale pour avoir de l’empathie avec personnage, la belle allemande Corinna Harfouch fait de la figuration intelligente dans le rôle de Mme Arnulfi, Sarah Forestier ne fait que trépasser. Et Rachel Hurd-Wood, sorte de clone de Franka Potente dans « Cours, manque sérieusement de charisme,  le réalisateur semble faire une fixette sur les Lolita à cheveux rouges, au moins il se fait plaisir… Seul Alan Rickman, en père possessif arrive à tirer un peu son épingle du jeu avec autorité. Autre écueil l’utilisation de John Hurt comme récitant. Pourquoi pas se servir de la voix-off comme rustines aux faiblesses du scénario, le comédien anglais pouvant formidablement évoquer certaines émotions. Le problème est que Hurt était aussi le récitant de « Dogville » et « Manderlay », œuvres audacieuses et stylisées du grand manipulateur Lars Von Trier. Le souvenir de la narration de ces deux films, ne font que souligner la platitude de l’ensemble. A noter que Jacques Perrin est le récitant français. Nous ne sommes pas loin d’un désartre. Mais le film semble avoir ses fans, notamment en Allemagne où il triomphe.

SI TU ES GAY, RIS DONC…

Avant-première le 3 octobre à l’UGC cité-ciné Bordeaux de « Poltergay » en présence de l’équipe du film. C’était une belle consolation pour mézigue, pour avoir raté dans ce lieu, des rencontres au mois de septembre avec excusez du peu, Jamel Debbouze, Bernard Blancan, Rachid Bouchareb, Emmanuel Bourdieu, Jean-Pierre Darroussin, Asia Argento, Tony Gatlif et Bruno Dumont. Éric Lavaine très en verve – il a participé à l’écriture des « Guignols » et de la série « H », et avait réalisé « Le 17 » -, éphémère sitcom  avec Jean Benguigui et Jean-Paul Rouve, tenait à présenter le film. Il a commencé par nous faire peur, en nous précisant que des fantômes existent à Bordeaux… En effet il nous citait l’exemple d’un individu ayant disparu pendant un an, et qui circulerait beaucoup en ce moment pour retrouver ses anciennes responsabilités… Renseignement pris, c’est même un ancien collègue blogueur, mais son blog, bien que non hébergé chez 20six, fabrique ectoplasmique, mord désormais, lui les pissenlits par les racines. Je crois que le réalisateur a raison, je dois témoigner aussi de phénomènes inexpliqués et paranormaux dans cette fille. En effet, j’arpente chaque jour la même rue, et je vois la bobine de l’ancien spectre en question sur des affiches électorales, salués par quelques citadins inscrivant quelques noms d’oiseaux sur la relative honnêteté du susdit candidat. Comme par miracle, les affiches redeviennent immaculées chaque matin ! Dans le petit matin blême, l’effroi est saisissant. Si ce n’est pas un phénomène à la « X-files » !. Il y a matière à un débat à la con chez feu Stéphane Bern, chez (F)rance 2, dirigé par aussi un esprit frappeur n’ayant pas survécu d’être le biographe officiel de Bernadette C. Après ses digressions cinquièmedimensionesques sans aucun intérêt,  venons au sujet du film. Marc – Clovis Cornillac, remarquable comme à l’accoutumée -, s’installe avec l’amour de sa vie – Julie Depardieu -, dans une grande maison isolée. Comme il est chef de chantier, il rénove ce bâtiment, abandonné depuis 30 ans. Mais ce lui, est une ancienne boîte de nuit homosexuelle, « L’ambigu », lieu d’un incendie accidentel en 1979. 5 ectoplasmes « gay » sont prisonniers du lieu depuis ce drame. Esseulés, et confinés dans la cave, ils sont émoustillés par le corps d’athlète de Marc – Clovis Cornillac, s’étant entraîné de manière spectaculaire pour interpréter un champion de boxe-thaï -…

Julie Depardieu & Clovis Cornillac

Taquins, narquois, versions discos d’Albin Mougeotte, ils ne cessent d’importuner Marc, et bien évidemment Emma, ne voit rien. Il demande conseil à son meilleur ami, David, médecin de nuit cocufié par la belle Anne Caillon – non, elle n’est pas coupée au montage cette fois… Je devine déjà vos sarcasmes -.  pensant que de fantasmes à fantômes il n’y a qu’un pas, y voit un symptôme d’homosexualité refoulée pour Marc… L’idée de base, qui en vaut bien une autre, on se demandait si ce divertissement pouvait tenir la route… Porté par de formidables comédiens, cette comédie enlevée se révèle finalement très probante, proposant en passant une petite ode sur la tolérance. Éric Lavaine, joue avec les poncifs, avec la formidable idée de prendre des comédiens inattendus et excentriques pour jouer des stéréotypes de « folles furieuses ». Il faut voir Lionel Abelanski – voir note d’hier -, Gilles Gaston-Dreyfus inconditionnel du repassage coiffé d’une improbable perruque blonde, Jean-Michel Lahmi, en timide en quête de son identité, Philippe Duquesne destroy, brodant partout des symboles phalliques et qui nous livre un véritable morceau d’anthologie dans son plaidoyer de l’hétérosexuel landa, sans oublier le nouveau venu Georges Gay (sic), grand échalas survolté. Les voir danser au son de « Rasputin » vaut son pesant de cacahuètes, ils arrivent à glisser chacun une émotion alors que l’on pouvait présager une lourde caricature. Le quintet est absolument remarquable. C’est la première rencontre à l’écran de Clovis Cornillac et Julie Depardieu – ils partageaient l’affiche de « Un long dimanche de fiançailles », mais ils n’avaient pas de scènes ensemble -. Ils montrent à nouveau leurs grands talents, car il faut arriver à exister face à 5 voleurs de scènes spectraux particulièrement redoutables. Ils ont d’ailleurs fait des suggestions sur le film, comme la belle scène de la pomme, proposée par Cornillac, à la réécriture du rôle féminin qui n’existait pas véritablement dans la première version du scénario. Julie Depardieu, à nouveau subtile – chantant joliment « Born to be alive » -est idéale pour jouer un contrepoint inquiet à cette farce, aidant à la crédibilité de la situation.

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Lionel Abelanski, Philippe Duquesne, Georges Gay, Clovis Cornillac, Gilles Gaston-Dreyfus & Jean-Michel Lahmi.

Les autres comédiens sont à l’unisson, dont Michel Duchaussoy décalé en médium amateur de McDonald’s, Christian Pereira en beau-père bougon appréciant modérément son gendre, Thierry Heckendorn en patron vindicatif, Gérard Loussine en flic sarcastique, Christophe Guybet en dragueur d’hétéros ou Michel Modo en cafetier sensible, plus quelques surprises, comme le retour de Stefano Cassetti ou l’invité surprise du dernier plan. Le débat d’après film, fut absolument jubilatoire, en effet outre la venue de Clovis Cornillac et Julie Depardieu, nous avons eu la surprise de découvrir une chorégraphie hilarante de nos cinq fantômes au complet, porté par un Jean-Michel Lahmi virevoltant, avec un numéro halluciné rodé sans doute chez Édouard Baer, et ponctué par les traits d’esprits d’un Lionel Abelanski en grande forme. Grande et joyeuse animation, une petite fille posant une question sur le chat, on a eu confirmation après « La nuit américaine », de faire tourner des chats dans un film. Il disparaît du film, même avec des doublures, l’animal reste rétif à jouer son rôle. Pour la petite histoire, Marc-Antoine Beldent, ingénieur du son présent ce soir là, a révélé un de ses secrets… Pour obtenir les cris d’un chat apeuré, il a dû écraser les testicules d’un félidé de l’Europe de l’Est ! – mais que fait Brigitte ! -. Jolie rencontre ensuite avec les membres du film, de Julie Depardieu d’une grande franchise, et très critique envers elle même, Clovis Cornillac, toujours aussi disponible et généreux, Lionel Abelanski et Jean-Michel Lahmi rivalisant de sympathie, et Gilles Gaston-Dreyfus et Philippe Duquesne, plus calmes mais avec de la malice. Au final ce film, même s’il n’est pas sans défauts, finit par se distinguer dans le tout venant de la comédie française particulièrement en méforme ces derniers temps.

THANK YOU FOR SMOKING

 Après l’excellent « Révélations » de Michael Mann, on retrouve ici sur le mode cynique, le principe du lobbying du tabac. Ce petit cousin de « Lord of war », nous fait une habile description de ce monde de pression de groupes influents, souhaitant défendre leurs intérêts et faisant pression sur le pouvoir politique. Jason Reitman, fils d’Ivan Reitman – que l’on dit en petite forme ces derniers temps -, adapte ici un pamphlet de Christopher Buckler, il semble avoir hérité de l’humour de son père. Il se focalise sur la personnalité grinçante de Nick Taylor interprété avec maestria, par Aaron Eckhart, déjà très convaincant il y a peu dans « Conversation(s) avec une femme ». Arriviste cynique, grand maître de la rhétorique et grand manipulateur devant l’éternel, il finit toujours par se tirer des situations les plus épineuses. Il se réunit d’ailleurs avec deux de ses semblables, pour adopter des stratégies, chargés de représenter les lobbysmes de l’alcool – Marie Bello ironique – ou des armes – David Koechner déplaisant à souhait -. Cette joyeuse assemblée se nomme la M.O.D. Squad, abréviation pour « Marchands de mort », adopte une stratégie défensive pour mieux continuer à vivre de ces maux de la société, dans un climat défavorable aux toxines de toutes sortes, où les associations consuméristes ont enfin la parole. Séparé de sa femme, il finit pourtant par garder l’estime de son fils par son charisme – Cameron Bright à l’aise en petit surdoué -, par son art de l’expression orale. C’est cet autodidacte la meilleure des revanches, plus que la motivation non négligeable de pouvoir payer ses crédits. C’est une charge réjouissante contre le politiquement correct. Elle n’épargne personne et évite un prévisible côté moralisateur. Les répliques percutantes fusent de toutes parts. Il y a aussi ici de véritables trouvailles, comme de l’utilisation inattendue de patchs anti-tabac.

Marie Bello, David Koechner & Aaron Eckhart.

Il est vrai que la réalité est déjà matière à dérision. Prenons l’exemple assez croquignolet de Ted Turner, s’engageant à caviarder des plans des dessins animés de « Tom & Jerry », suite à la plainte d’une téléspectatrice. Tom, notre matou fumant dans deux épisodes, il donne ainsi le mauvais exemple à la belle jeunesse ! Il est vrai que l’on a du mal à voir ainsi une incitation à la tabagie issue d’épisodes anciens… Une aseptisation globale est ici dénoncée, à l’exemple des acteurs hollywoodiens privés de cet accessoire mythique, comme l’habile citation de l’histoire d’amour entre Lauren Bacall et Humphrey Bogart débutant par une cigarette dans « Le port de l’angoisse ». Nick Taylor remarque que seuls les psychopathes et les Européens fument désormais sur l’écran. Il fomente un plan machiavélique avec un agent prestigieux adepte du zen – impayable Rob Lowe -, pour envisager de faire fumer Brad Pitt et Catherine Zeta-Jones… dans l’espace après une torride nuit d’amour. La distribution est formidable, outre ceux cités on retrouve William H. Macy, désopilant en sénateur opportuniste, trop sûr de lui, en croisade contre le tabagisme, Katie Holmes – Mme de…-, en journaliste perverse, J.J. Simmons en petit chef énervé – dans un registre similaire à « Spider-man » -, Sam Elliott émouvant en cow-boy malboro malade et sur le déclin – fumant des cools ! -, et le grand Robert Duvall en mentor fatigué. Ces interprétations arrivent à sortir les personnages d’éventuels stéréotypes. Le film décortique ici certaines méthodes de communication, la cigarette n’étant qu’un prétexte à l’instar du revirement final concernant une autre controverse, la téléphonie mobile. Ce portrait au vitriol de la société américaine est mordant et salutaire et très bien écrit. De la roublardise hissée au niveau des beaux-arts…

LITTLE MISS SUNSHINE

« Little Miss Sunshine », présenté Festival de Sundance 2005 et en compétition officielle du 32ème festival du film américain de Deauville, est assurément la bonne surprise de cette tournée. Nous découvrons avec grand plaisir la famille Hoover – rassurez-vous rien à voir avec le ciaesque J. Egar Hoover, travesti à ses heures -. La petite famille se retrouve dans un road-movie azimuté, à bord d’un véhicule Wolkswagen jaune et déglingué, échappé des années 70, qui est d’ailleurs un personnage à part entière du film. Il y a le père de famille, Richard – Greg Kinnear -, qui se veut un gagneur et qui tente de placer partout ses « Parcours vers le succès en 9 étapes », sorte de petits commandements devant ouvrir les portes de la réussite. Son épouse Sheryl – Toni Collette -, essaye de faire tampon avec son fils, Dwayne – Paul Dano inquiet et sensible -, nietzschéen convaincu, qui par rébellion a fait vœu de silence jusqu’à sa candidature pour la prestigieuse Air Force Academy.. Dwayne, finit par se consoler de voir son oncle Frank, encore plus déprimé que lui et qui vient de réchapper à une tentative de suicide.  – Steve Carell -, spécialiste de Proust et amoureux éperdu d’un de ses élèves et en rivalité avec une autre sommité proustienne, qui lui a ravi l’objet de ses pensées. A ce petit groupe, se rajoute le père de Richard – Alan Arkin, à mon avis un comédien aussi génial que Peter Sellers -, qui découvre l’héroïne à 70 ans, qui fait tout pour devenir un vieillard indigne, en disant tout ce qui lui passe par la tête. La petite fille de 7 ans de la famille, est sélectionnée pour participer aux épreuves de « Little Miss Sunshine », une sorte de concours de beauté de petites filles. Sa joie va convaincre tout ce petit groupe de s’y rendre pour y assister. 

Steve Carell, Greg Kinnear, Alan Arkin, Paul Dano & Toni Collette

Une causticité remarquable balaye cette famille modèle de névroses urbaines, qui vont déplacer leurs problèmes pour se focaliser sur le rêve de la petite Olive – craquante Abigail Breslin -. En effet, les membres de cette famille qui traversent tous une mauvaise passe, vont s’unir, malgré les mésententes et diverses hostilités. L’humour noir traverse ce film, le véhicule mangé aux mites et exigu n’est pas le lieu le plus probant pour réduire les tensions… La distribution est exceptionnelle et au diapason. Le cap vers l’Ouest est riche en rebondissement. Le trait est mordant, et la réalisation du couple – à la ville comme à l’écran -, Jonathan Dayton et Valerie Faris, issus de l’univers du vidéo-clip – la B.O. est d’ailleurs ici très bien amenée -, se révèle très subtile, et assez vacharde, voire la manière dont ils décrivent le ridicule – voire l’indécence naïve – de petites filles singeant les miss de beauté. Le dosage humour corrosif et situation dramatique est habile, la mièvrerie est éviter pour laisser éclater l’humanité des personnages. La critique d’une société obsédée par le succès, ayant du mal à surmonter des rêves brisés, et dans laquelle on a de plus en plus de mal à trouver sa place, est assez implacable, mais finalement assez optimiste. On évite la caricature dans ses situations insolites, Steve Carell tout en retenue mais en rajoutant de l’humour à l’instar de sa curieuse manière de courir, Toni Collette en mère courageuse et sans tabous et compréhensive, Alan Arkin en désinhibé iconoclaste et Greg Kinnear, enfermé derrière ses propres principes, sans oublier Paul Dano et Abigail Breslin finissent par former, malgré leurs personnalités diverses, un groupe très homogène très crédible. On aurait bien continué un petit brin de route, avec cette famille encombrée… Et mine de rien, ce joli conte cruel est véritable petit hymne à la vie.

CHACUN SA NUIT

Il y a avait eu une avant-première le 31 août, à l’UGC cité-Ciné, de « Chacun sa nuit » en présence de Pascal Arnold, Jean-Marc Barr, Lizzie Brocheré et Arthur Dupont. Le débat d’après film fut passionnant, Pascal Arnold présentant avec ardeur son film, Jean-Marc Barr se faisant plus discret, il filmait le débat pour un site internet, Lizzie Brocheré semblait un peu timide, mais Artur Dupont très énergique défendait avec superbe son rôle, avec une abnégation assez rare pour un si jeune comédien. La petite appréhension acquise par la vision d’une bande-annonce baignée par une lumière assez sombre – il y avait en fait un problème d’étalonnage sur ce format -, a très vite disparue. Pierre – Arthur Dupont – et Lucie –Lizzie Broccheré -sont frère et sœur, et vivent une adolescence insouciante formant une sorte de club fermé avec trois copains garçons. Assez libres, font de la musique rock, ils vivent sans tabous, croisant leurs histoires d’amours. Mais un jour Pierre, qui est un peu l’âme de ce groupe, ne rentre pas chez lui. Sa mère – Valérie Mairesse, à l’aise dans le registre dramatique on le sait depuis Bernard Favre et Tarkovsky -, une femme laissant un peu ses enfants autonomes -, et Lucie s’inquiètent… Même si le film n’est pas sans défaut, c’est une œuvre libre et riche, à découvrir donc au sein de notre cinéma qui en ce moment nous livre jours après jours des œuvres aseptisées. C’est un film fait à l’arraché, suite à la défection des capitaux américains pour un précédent projet de film en anglais avec Kathleen Turner et Geraldine Chaplin qui restera inabouti. En réaction, Pascal Arnold, trouve ce sujet d’après un fait divers réel, sur quelques-uns de ces « enfants terribles » chers à Cocteau, tous formidables – dont Pierre Perrier vut dans « Douches froides » -. Ce drame qui peut sembler difficilement compréhensible à  l’issue de la révélation finale. Arnold et Jean-Marc Barr qui a signé l’image à bout de bras à l’aide d’une caméra DV – il avait en main ce soir là d’ailleurs -, ont fait ce film avec la dernière énergie. Ils trouvent dans l’improvisation selon les conditions de tournage, à l’instar une certaine lumière donnant naissance à la formidable idée du générique des ombres des jeunes danseurs. Ces contraintes fut nombreuses comme celle de  trouver un comédien de dernière minute pour le rôle du jeune voyeur, suite à une désaffection d’un autre plus confirmé inquiet de cette méhode de tournage, qui semble a un curieux un mimétisme avec Barr. Citons aussi la chanson jouée à la guitarepar Arthur Dupont – décidément très doué, il est aussi chanteur et musicien -, de Georges Brassens, « Je me suis fait tout petit », superbe  moment du film, l’équipe ne savait même pas s’ils pouvaient avoir les droits de la chanson. Ils ont réalisé ce film avec énergie.

Arthur Dupont & Lizzie Brocheré

La situation est parfois confuse, ce qui est compréhensible il y avait un premier montage de 2h40. Mais ils n’ont pas hésité pas à couper le trop plein d’un montage inital de 2h40, quitte supprimer complétement le rôle de Jean-Marc Barr. Il jouait un des personnages de l’enquête -. Anecdote significative, son personnage s’appelant Philippe, Pascal Arnold lui avait proposé de coupé son rôle. La réponse du comédien fut « mais qui est Philippe ? », montrant la simplicité de l’homme. Les scènes sont alertes, les pièges d’un voyeurisme de quadragénaires sur des jeunes sont évités, il n’y a pas de complaisance. Ils aident à comprendre ses personnages, donnent parfois des pistes – l’idée du kamikaze -, mais ne surlignent et n’explique  jamais, nous laissant dans le vague, à chacun de se forger sa propre vision de l’histoire. Le réalisme ici de certaines scènes est remarquable – sans vouloir déflorer l’histoire, les scènes de la reconstitution ou de la crémation sont prenantes, et même plus impressionnantes que si on avait vu les véritables scènes du drame. L’insouciance du sexe – autre vision du sexe après « Too much flesh », face à ces jeunes n’est parfois qu’une façade face au charisme de Pierre, mais il y a ici une empathie avec les personnages. On peut prendre pour preuve le personnage de Jean-Christophe Bouvet, homosexuel partouzard et porté sur les jeunes éphèbes. Il y a toujours chez lui une perversité patente, et peut être à cause du souvenir de « La machine » de Paul Vecchiali (1977), où il jouait un pédophile, on finit par craindre son apparition au milieu du petit groupe. Mais il finit par gagner une profondeur, il faut le voir parler avec indulgence à la jeune Lucie, du piège ourdi par son ex-femme, il finit par donner une grande dignité à son personnage. A noter que Jean-Marc Barr et lui se connaissent depuis 1980. L’après débat dans le hall de l’UGC fut très intéressant en retrouvant la modestie de Lizzie Brocheré, l’enthousiasme d’Arthur Dupont, l’énergie de Pascal Arnold. C’était très plaisant de converser ensuite avec Jean-Marc Barr, alros plus disert. On peut retrouver une absence patente d’ego, une volonté de ne pas tomber dans les pièges de la starification. C’était passionnant de l’entendre, toujours souriant, sur les États-Unis, il est en fait très déçu par son pays natal, même s’il va retrouver son père souvent. Il fallait l’entendre parler du projet inachevé de Lars Von Trier tourné sur 6 ans – le tournage du film devait se dérouler sur plusieurs années, belle idée… – tout en rendant hommage à son mentor-. Loin de se cantonner dans l’idée du dogme du premier film de Jean-Marc Barr « Lovers », la collaboration de Pascal Arnold et Barr, après « Too mush flesh » et « Being light » se révèlent cohérente, exigeante, inventive et salutaire. Une sincérité à saluer.

JE VAIS BIEN, NE T’EN FAIS PAS

Avant-première le lundi 21 août dernier, du dernier film de Philippe Lioret, en sa présence et celles de Mélanie Laurent, Julien Boisselier et Kad Mérad. C’est l’adaptation du roman éponyme d’Olivier Adam, qui avait déjà fait l’objet d’une autre adaptation très réussie « Poids léger » de Jean-Pierre Améris. Il a co-signé l’adaptation avec le romancier, pour la petite histoire, c’est une émission de radio où l’auteur parlait de son livre, qui lui a donné l’idée d’adapter cette œuvre. Lili – Mélanie Laurent absolument remarquable -, rendre d’un séjour d’un mois en Espagne, avec son amie – Aïssa Maïga excellente -, accompagnée de son compagnon – Julien Boisselier, renouvelant son emploi habituel d’amoureux trentenaire -. Quand ses parents – Isabelle Renauld et Kad Mérad, probants -, viennent la chercher, elle sent rapidement que quelque chose ne va pas à la mine attristée de ses parents. Son frère jumeau Loïc, vient de fuguer sans donner de nouvelle. Il est coutumier de violentes disputes avec son père, mais cette fois là ils semblent avoir atteint un point de non-retour. Lili, très proche de son frère s’étonne de son silence, et s’inquiète, puis s’insurge devant la résignation et la passivité de ses parents devant cette disparition. Déstabilisée, par la situation dont elle n’a aucune responsabilité, elle sombre dans l’anorexie… Le réalisateur a trouvé la juste mesure entre le drame et l’émotion, sans une once de pathos. Après un parcours exemplaire comme ingénieur du son, il a réussit à faire une œuvre marquante en 5 films, en étant aussi bien à l’aise dans la comédie que dans le romanesque,  Lioret a un grand sens des non-dits, il instille une humanité à ses personnages. Avec sobriété et sans esbroufe, il nous tient en haleine, évitant ce qui pourrait être chez d’autres la simple exploitation de ficelles scénaristiques.

Mélanie Laurent & Philippe Lioret

Mélanie Laurent rayonne dans son rôle de jeune femme meurtrie, dépassée par sa souffrance, qui cherche des raisons d’exister avec la perte de son alter-ego, Loïc, musicien chanteur doué dont personne n’arrive à expliquer son comportement. C’est une étude de mœurs faite avec beaucoup de rigueur, sur la difficulté de communiquer au sein d’une famille – voir l’idée d’une émission TV animée par Patrick Sébastien, meublant ce vide affectif -. L’évocation de l’anorexie est faite avec beaucoup de respect et sans voyeurisme. Sentant la difficulté d’en parler dans une chambre d’hôpital. Mélanie Laurent a tourné ces scènes un mois après la fin des autres scènes, en devant respecter un régime très strict. Là où Philippe Lioret est remarquable, c’est par l’utilisation d’une comédienne conseillée par une assistante qui avait connu une jeune femme anorexique lors d’un tournage de court-métrage. L’acuité de son regard – elle partage la chambre de Lili – est simplement inoubliable, car il y a ici une véritable interprétation et ce fait il n’y a pas de misérabilisme dans ce personnage mutique.

Isabelle Renauld, Kad Merad & Mélanie Laurent

Isabelle Renauld et Kad Merad, en parents impuissants, sont remarquables de subtilité et de pudeur. Le reste de l’interprétation est à l’avenant, comme toujours chez Lioret, citons Jean-Yves Gautier saisissant en psychiatre déterminé, Blandine Pélissier en employée d’hôtel d’un abord réfrigérant ou Martine Chevallier en infirmière revêche. Le débat d’après film prolongeait le plaisir du film. Mélanie Laurent lumineuse porte le film avec une grande force. Philippe Lioret parlait avec une grande chaleur de son travail, Julien Boisselier lui a rendu un hommage particulièrement émouvant, en parlant de ses qualités de directeur d’acteurs et Kad Merad fidèle à lui-même faisait preuve de son humour habituel – en disant mais c’est un public polonais, il n’est donc pas nécessaire de lui parler -. Par un hasard de calendrier, on a découvert cette année la très riche palette de Merad, passant de la farce « Un ticket pour l’espace », « Essaye-moi », il était particulièrement émouvant dans « Les irréductibles » digne d’être dans la tradition des « grands excentriques du cinéma français », et dans son rôle de glandeur sympathique dans J’invente rien. Il prouve encore ici son grand talent de comédien, instillant de l’humour mais avec retenue, à l’exemple du moment où il manque de faire brûler sa viande. Il est assez difficile de parler du film, qualifié avec justesse de thriller social par son auteur, afin de le préserver, rendez-vous donc ce 6 septembre.