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UNO

Précédé d’une excellente réputation après sa diffusion des les festivals du “Film nordique” à Rouen et “Premiers plans”  d’Angers, ce film s’avère une excellente surprise. Il trace le portrait de David 25 ans, qui habite avec ses parents et son petit frère trisomique un quartier «chaud » d’Oslo. Il travaille dans une salle de gym, dont les occupants participent à de petites combines pour survivre. Son père est mourant et sa vie n’offre aucun espoir. Le fils du propriétaire de la salle de sport est un dealer notoire, son père couvrant tous ses caprices. Une descente de police dans les vestiaires du lieu va changer la donne. Au même moment son père doit être hospitalisé. Le film se passe au Danemark, mais il est assez universel pour figurer dans n’importe quel lieu. Le film commence avec ce que l’on croit être d’abord une esthétique “Dogme”, mais on retrouve une maîtrise évidente, avec une photo soignée avec une sorte de filtre ocre de la photographie signée John Andreas Andersen. Son metteur en scène – c’est un premier film  -, Aksel Hennie, qui a débuté comme acteur, a utilisé des éléments de sa vie pour ce film, il confronte son personnage principal avec une sorte d’inéluctabilité tragique. Il joue donc le personnage de David, avec à la fois, une sorte de vulnérabilité et un côté plus combatif. Il passe d’un aspect juvénile, à celui plus marqué d’un homme éprouvé, à la calvitie naissante. Le choix d’un jeu de cartes “Uno” pour une métaphore assez convaincante, aident à suivre ces personnages confrontés à la dureté de règles rigides de petits malfrats – la présentation de truands pakistanais n’évite pas toujours  la caricature, mais elle reflète peut-être une réalité locale – et de la manière de s’en affranchir. Le metteur en scène crée une empathie bienveillante avec ses personnages et montre une grande sensibilité, côtoyant des scènes de violences.

Espen Juul Kristiansen & Aksel Hennie

Sa manière de montrer les petits détails attachant, du petit frère qui cache le portable de son aîné pour attirer l’attention, l’apprivoisement d’un chien rendu méchant, ou la mère de famille dormant sur le canapé en absence de son mari, est d’une remarquable justesse. L’évocation de personnes qui essaie tant bien que mal d’avancer, «évite le misérabilisme, il montre aussi la dignité contre la lâcheté de certains qui se résignent face à la loi du plus fort. La violence est sourde, comme un second langage, elle semble se transmettre à chacun, apparaissant même de manière inattendue. Mais le film n’est pas sans espoir, David lutte contre un déterminisme de sa condition sociale, où tout semble être un combat de chaque instant, même avec l’un de ses amis qui vitupère quand ce dernier laisse sonner son portable devant la vision d’un DVD. Les personnages sont touchants, de la mère désespérée, au petit frère handicapé, face à des personnages blessés et bafoués, quand certains comme l’insupportable Ralph, protégé par son père, combinent petitesse et méchanceté. S’ils n’ont pas assez de mots pour dire leurs douleurs, on ressent une lutte constante contre un abattement justifié par une véritable tragédie, pas de place ici pour se complaire dans son malheur. L’histoire est prenante, le côté film noir est ici transcendé, pour donner une sorte d’hymne à la vie. Au-delà des maladresses, il une assurance de la part d’Aksel Hennie, un véritable regard, sur son personnage écran qui va payer au prix fort sa quête de liberté et d’autonomie.

SILENT HILL

 Accueil assez froid de la part de beaucoup pour ce “Silent Hill”, ce qui peut surprendre. En effet en ces périodes de canulars insipides – tendance “Blair Witch”, il faut bien le dire l’un des films les plus pitoyables de l’histoire du cinéma -, films ricanant – tendance “Scream”, remakes ou innombrables séquelles en tous genres ou des films confrontant des créatures d’autres films – tendance “Freddy contre Sœur Emmanuelle” ou je ne sais plus quoi -, on retrouve enfin ici un plaisir de spectateur. Mais “Silent Hill” vaut le détour, même si vous ne connaissez pas le jeu video Konami, comme mézigue, où si vous avez été échaudé par des adaptations comme “Super Mario Bros” – qui vaut son pesant de cacahuètes avec Bob Hoskins et Dennis Hopper – et autres “jojolivitcheries tomberedienne-residentevilisées”. Christophe Gans, dont “Le pacte des loups” me semble être à réévaluer – son tort était de vouloir trop en mettre -, part donc inévitablement faire un blockbuster pour les Etats-Unis, après avoir fait l’effort louable de vouloir rester en France. L’homme a donc du talent, et il parle en plus magnifiquement du cinéma. L’histoire proche de celle d’Orphée est pourtant conventionnelle, mais Gans ne s’embarrasse pas dans de vaines scènes explicatives et rentre directement dans le cœur du sujet. La jeune Sharon rêve d’une ville fantôme, Silent Hill. Sa mère, Rose – Radha Mitchell, dont le jeu nerveux convient au rôle – décide pour exorciser son mal étrange, de l’accompagner sur place au grand dam de son mari – minéral Sean Bean -. Mais la ville minière, semble avoir sa propre dimension, elle a été détruite il y a trente ans par un gigantesque incendie, et elle continue d’ailleurs à brûler. Inévitablement Rose perd sa fille, part à sa recherche flanquée par une fliquette qui fait preuve d’empathie et d’énergie – étonnante Laurie Holden -. Un univers peuplé par des ténèbres s’ouvre aux deux femmes…

Radha Mitchell

Les effets spéciaux et un décors infernal post-Tchernobyl atteignent ici une perfection étonnante. On sent une grande recherche, à la manière de la variation de pigmentation de la robe de la belle Radha, ou les décors rouillés et délabrés dont on sent tout une histoire. On retrouve quelques sensations cauchemardesques propres à une sorte de peur primale, mêlées à des images poétiques comme le pluie de cendres, ou angoissantes – une sirène dont le bruit nous est pourtant familier -. Les créatures sont montrées, et on même dans leurs monstruosités une sorte de noblesse, ayant un passé humain. Et l’on songe que cela faisait un moment que l’on avait pas vu spectacle si probant. Christophe Gans a enfin digéré ses références, même si aura beau jeu de retrouver des influences de Clive Baker à Francis Bacon, mais il a enfin trouvé son ton dans cette mise en scène macabre, avec une invention visuelle constante. Le crescendo morbide du film est haletant, même si l’histoire de la petite communauté menée par une Alice Kridge assez caricaturale est assez convenue, Roger Avery voulant sans doute retrouver des émotions cinéphiliques à la “Wicker man”, magistral film de Robin Hardy – film cité dans ses “Lois de l’attraction”. Et puis on a toujours plaisir à retrouver Deborah Kara Unger. Sa vision de l’horreur – et même du couple Sean Bean et arpentent les mêmes décors sans se rencontrer, l’image est aisée à comprendre -, se révèle on ne peut plus judicieuse. Il faut saluer le talent quand on le constate, donnez-nous 5 à 6 films fantastiques ou d’horreur de cet acabit par an, et on court se réconcilier avec un genre bien malmené ces derniers temps.

UN AMI PARFAIT

 Qu’est-il arrivé à Francis Girod, lui qui avait du mordant à ses débuts… Il continue pourtant à faire des films, alors que nombre de cinéastes de sa génération sont cloisonnés à la télévision. Ces derniers films, “Délit mineur” (1993), “Passage à l’acte” (1995), “Terminale” (1997), “Mauvais genre” (2001) – malgré l’excellente prestation de Robinson Stévenin pour ce dernier -, laissent un souvenir assez vague, un poil qualité France, solides comédiens et histoires pas très inventives. Le producteur Humbert Balsan – “Mon cow-boy” comme disait Yolande Moreau à la cérémonie des Césars -, s’est suicidé durant le tournage, on imagine aisément le malaise qu’il devait y avoir durant le tournage. Francis Girod – qui apparaît d’ailleurs non crédité en cinéaste -, adapte à nouveau un polar, utilise les fantasmes d’une Suisse riche en compromission, dans une vague historiette dans le monde du journalisme et de l’agro-alimentaire. L’idée bateau de l’amnésie, thème usé jusqu’à la corde dans bien des films de séries B et autres polars de la “Série Noire”, est une manière assez artificielle de manipuler le spectateur, avec ses fausses pistes habituelles, et une réflexion sur la grande complexité de notre ami le cerveau – qui n’en fait qu’à ça tête -. Le réalisateur tente de disséquer une amitié ambiguë entre un Antoine de Caunes, assez subtil dans le rôle principal et Jean-Pierre Lorit, excellent dans l’ambivalence, que l’on n’avait plus vu curieusement sur grand écran depuis “Une affaire de goût” en 2000. Julien Rossi, un journaliste, se réveille du coma après une agression la nuit de la Saint-Sylvestre. Son médecin – l’ineffable Aurélien Recoing – lui explique qu’il a une amnésie totale de ses 60 derniers jours. Les bouleversements dans sa vie durant ses périodes sont évidemment nombreux tant dans sa vie affective – il a une nouvelle compagne jouée par Martina Gedecq, qui porte très bien la fourrure -, que professionnelle – il a démissionné de son journal -. Son ami de toujours Lucas Jäger – Jean-Pierre Lorit, donc -, semble lui dissimuler beaucoup d’éléments…

Jean-Pierre Lorit & Antoine de Caunes

Les poncifs attachés au genre sont, hélas très présents, et certains personnages sont décrits à grands coups de serpe. L’intrigue est assez cousue de film blanc, et Antoine de Caunes cicatrise bien vite. On finit par se détacher assez vite, d’autant plus que la mise en scène privilégie le gros plan et les temps morts. Il y avait pourtant un ton, un réjouissant cynisme, à la manière du personnage de Marie-France Pisier en veuve “inconsolable” d’un chercheur qui s’est suicidé – touchante apparition de Claude Miller -, et un côté pas très aimables de certains protagonistes intéressants. Dans la distribution si l’on retrouve une Carole Bouquet impeccable, et la trop rare Christine Murillo en psy désabusée, mais l’excellent Hannz Zischler n’a strictement rien à faire -. Reste que Girod habile faiseur arrive tout de même à installer une atmosphère, Laurent Petitgirard se livre à un habile exercice de style, mais ça date énormément, à moins d’être nostalgique du film du dimanche soir à la TV dans les années 80. On aimerait retrouver Francis Girod dans un projet plus personnel.

UNE SALE HISTOIRE

 D’avoir entendu un excellent entretien sur Michael Lonsdale, lundi 24 avril dernier sur “France culture”, m’a redonné l’envie de retrouver “Une sale histoire” moyen-métrage de 50mn tourné en 1978 par Jean Eustache. Le film végétait sur une cassette VHS fatiguée enregistrée lors d’un passage sur Arte il y a une dizaine d’années. Si les films de Jean Eustache passent en cinémathèque, on peut déplorer qu’ils n’existent pas en DVD, qui serait un support idéal pour ce poète maudit, qui n’a jamais respecté la durée normale d’un film passant des 3h40 de la “Maman à la putain” à la durée de courts-métrages. D’avoir vu, outre les deux titres cités “Le père Noël a les yeux bleus”, court tourné en parallèle du Masculin-Féminin de Godard, en utilisant la pellicule du film, presque en contrebandier et “Mes petites amoureuses”, restent comme une marque au fer rouge, de ce dandy lucide et désespéré. Michael Lonsdale parlait avec chaleur du tournage d’une “Sale histoire”, il témoignait d’ailleurs il y a peu sur Eustache dans “Le Monde” du 1 avril 2006 : « Quand il m’a demandé de faire ça, j’ai été totalement emballé. Cette histoire du voyeur est à moitié inventée, je pense, par son ami et scénariste Jean-Noël Picq. Parce que c’est quand même complètement invraisemblable qu’il y ait en bas d’une porte, dans les toilettes, un trou qui permette de voir le sexe des dames sans qu’on soit les cheveux dans la pisse ou je ne sais pas quoi ». Le résultant est étonnant, en fait c’est une histoire de Jean-Noël Picq, psychologue réputé – il jouait l’ami de Jean-Pierre Léaud qui s’achetait une veste trop large dans “La maman…”. En fait c’est une de ses histoires, qu’il semble avoir peaufiné au film, un récit sur une perversité échappée de l’univers de Sade ou de Georges Bataille, d’un homme qui s’installe dans un café, et qui profite régulièrement de la cabine téléphonique au sous-sol. Un jour il entend “et pourtant il est jeune celui là”, ce qui lui fait comprendre le rituel voyeuristes de quelques paumés qui par un trou judicieusement placé dans les toilettes des femmes, ont une vision directe sur le sexe féminin… Selon le narrateur le café semble même avoir été construit autour du trou !

Michael Lonsdale

Le narrateur raconte en fait à son ami cinéaste – Jean Eustache -, avec délectation une sorte de d’addiction, née à ce moment là, très crue à cette pratique, n’omettant aucun détail choquant – il faut se tenir les cheveux pour qu’ils ne trempent pas dans la pisse, il fait récit de constipations -. Il y a une auditoire sidéré de femmes, qui finissent par sortir d’une sorte de torpeur – joué par Annette Wademant, Françoise Lebrun, Virginie Thévenet… -, pour finir par réagir à cette histoire, dont Picq confit qu’elle ne les intéresse que quand il s’adresse à un homme. Le récit est évocateur d’images sordides et on finit par s’intéresser à une sorte de musicalité du texte, franche et perverse. Le récit est filmé comme un documentaire, image mobile en Cinéma 16. Mais là où Jean Eustache est très fort, consiste a ce que cette partie documentaire est précédée par la brillante reprise par un comédien reprenant le même texte mais en l’interprétant, l’image est plus soignée, il y a un prologue avec Jean Douchet qui joue le cinéaste qui explique vouloir utiliser le récit pour un début de film. L’image est plus soignée, et on assiste a une grande performance de Lonsdale, et la manière dont il s’approprie le texte, ce que l’on constate mais en voyant ensuite la partie “véridique”, inventée en partie selon certaines sources. Il fait naître une tension, un jeu provocateur, reprenant les hésitations de quelqu’un qui répond ensuite aux questions, avec un rythme plus lent que celui de Picq, et mettant formidablement le texte en valeur. C’est dont le principe de “L’effet Koulechov” nous rappelle la “Saison cinématographique 78” – d’ailleurs pas très enthousiaste, le récit est dit deux fois, Eustache reprendra cette idée en retournant enn 1979 une seconde version de son documentaire “La rosière de Pessac” (1968). Ce film nous montre à nouveau l’inventivité et le grand talent d’Eustache cinéaste – il se suicida en 1981, et le grand talent d’acteur et de conteur de Michael Lonsdale, excellent dans l’ambivalence. Une intégrale du réalisateur en DVD, à l’instar de l’œuvre de Jean Vigo, reste un grand rêve, ne désespérons pas…

Commentaires ancien blog

Gashade /

 D’avoir entendu un excellent entretien sur Michael Lonsdale, lundi 24 avril dernier sur “France culture”, m’a redonné l’envie de retrouver “Une sale histoire” moyen-métrage de 50mn tourné en 1978 par Jean Eustache. Le film végétait sur une cassette VHS fatiguée enregistrée lors d’un passage sur Arte il y a une dizaine d’années. Si les films de Jean Eustache passent en cinémathèque, on peut déplorer qu’ils n’existent pas en DVD, qui serait un support idéal pour ce poète maudit, qui n’a jamais respecté la durée normale d’un film passant des 3h40 de la “Maman à la putain” à la durée de courts-métrages. D’avoir vu, outre les deux titres cités “Le père Noël a les yeux bleus”, court tourné en parallèle du Masculin-Féminin de Godard, en utilisant la pellicule du film, presque en contrebandier et “Mes petites amoureuses”, restent comme une marque au fer rouge, de ce dandy lucide et désespéré. Michael Lonsdale parlait avec chaleur du tournage d’une “Sale histoire”, il témoignait d’ailleurs il y a peu sur Eustache dans “Le Monde” du 1 avril 2006 : « Quand il m’a demandé de faire ça, j’ai été totalement emballé. Cette histoire du voyeur est à moitié inventée, je pense, par son ami et scénariste Jean-Noël Picq. Parce que c’est quand même complètement invraisemblable qu’il y ait en bas d’une porte, dans les toilettes, un trou qui permette de voir le sexe des dames sans qu’on soit les cheveux dans la pisse ou je ne sais pas quoi ». Le résultant est étonnant, en fait c’est une histoire de Jean-Noël Picq, psychologue réputé – il jouait l’ami de Jean-Pierre Léaud qui s’achetait une veste trop large dans “La maman…”. En fait c’est une de ses histoires, qu’il semble avoir peaufiné au film, un récit sur une perversité échappée de l’univers de Sade ou de Georges Bataille, d’un homme qui s’installe dans un café, et qui profite régulièrement de la cabine téléphonique au sous-sol. Un jour il entend “et pourtant il est jeune celui là”, ce qui lui fait comprendre le rituel voyeuristes de quelques paumés qui par un trou judicieusement placé dans les toilettes des femmes, ont une vision directe sur le sexe féminin… Selon le narrateur le café semble même avoir été construit autour du trou !

Michael Lonsdale

Le narrateur raconte en fait à son ami cinéaste – Jean Eustache -, avec délectation une sorte de d’addiction, née à ce moment là, très crue à cette pratique, n’omettant aucun détail choquant – il faut se tenir les cheveux pour qu’ils ne trempent pas dans la pisse, il fait récit de constipations -. Il y a une auditoire sidéré de femmes, qui finissent par sortir d’une sorte de torpeur – joué par Annette Wademant, Françoise Lebrun, Virginie Thévenet… -, pour finir par réagir à cette histoire, dont Picq confit qu’elle ne les intéresse que quand il s’adresse à un homme. Le récit est évocateur d’images sordides et on finit par s’intéresser à une sorte de musicalité du texte, franche et perverse. Le récit est filmé comme un documentaire, image mobile en Cinéma 16. Mais là où Jean Eustache est très fort, consiste a ce que cette partie documentaire est précédée par la brillante reprise par un comédien reprenant le même texte mais en l’interprétant, l’image est plus soignée, il y a un prologue avec Jean Douchet qui joue le cinéaste qui explique vouloir utiliser le récit pour un début de film. L’image est plus soignée, et on assiste a une grande performance de Lonsdale, et la manière dont il s’approprie le texte, ce que l’on constate mais en voyant ensuite la partie “véridique”, inventée en partie selon certaines sources. Il fait naître une tension, un jeu provocateur, reprenant les hésitations de quelqu’un qui répond ensuite aux questions, avec un rythme plus lent que celui de Picq, et mettant formidablement le texte en valeur. C’est dont le principe de “L’effet Koulechov” nous rappelle la “Saison cinématographique 78” – d’ailleurs pas très enthousiaste, le récit est dit deux fois, Eustache reprendra cette idée en retournant enn 1979 une seconde version de son documentaire “La rosière de Pessac” (1968). Ce film nous montre à nouveau l’inventivité et le grand talent d’Eustache cinéaste – il se suicida en 1981, et le grand talent d’acteur et de conteur de Michael Lonsdale, excellent dans l’ambivalence. Une intégrale du réalisateur en DVD, à l’instar de l’œuvre de Jean Vigo, reste un grand rêve, ne désespérons pas…

 

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Gashade / Site web (6.5.06 07:46)
Et parmi les femmes superbes (ah, Thévenet…) écoutant Lonsdale, qui trouve-t’on égarée là avec son délicieux accent américain, hein?…
Laurie Zimmer, apparition météoritique et lumineuse de Assaut (ou Assault On Precinct 13) de Carpenter, passer de Carpenter à Eustache (ou je sais plus dans quel sens), ça vaut son pesant d’eskimos, pas vrai?
Charlotte Szlovak lui rendit justice dans un film émouvant passé sur Arte, Qui Se Souvient De Laura Fanning (son vrai nom, qu’elle garde au générique du Eustache)?
Elle a abandonné le cinéma et s’occupe désormais d’enfants inadaptés.


le coin du cinéphage / Site web (6.5.06 09:48)
Merci pour ton érudition habituelle, j’avais vu cet excellent doc, mais je n’avais pas fait le rapprochement, c’est une idée d’hommage pour ton site…


Gashade / Site web (6.5.06 10:22)
Mais sa fiche est depuis longtemps dans mon manuscrit!
Je te l’envoie…


Dr Orlof / Site web (6.5.06 13:47)
Merci de rendre hommage à cet immense cinéaste que fut Eustache.
“La maman et la putain” reste, selon moi, un des plus grands films français de tous les temps, à l’égal de “Pierrot le fou”, “l’atalante”, “la règle du jeu” et “Céline et Julie vont en bateau”…

(6.5.06 07:46)
Et parmi les femmes superbes (ah, Thévenet…) écoutant Lonsdale, qui trouve-t’on égarée là avec son délicieux accent américain, hein?…
Laurie Zimmer, apparition météoritique et lumineuse de Assaut (ou Assault On Precinct 13) de Carpenter, passer de Carpenter à Eustache (ou je sais plus dans quel sens), ça vaut son pesant d’eskimos, pas vrai?
Charlotte Szlovak lui rendit justice dans un film émouvant passé sur Arte, Qui Se Souvient De Laura Fanning (son vrai nom, qu’elle garde au générique du Eustache)?
Elle a abandonné le cinéma et s’occupe désormais d’enfants inadaptés.

le coin du cinéphage / Site web (6.5.06 09:48)
Merci pour ton érudition habituelle, j’avais vu cet excellent doc, mais je n’avais pas fait le rapprochement, c’est une idée d’hommage pour ton site…

Gashade /

 D’avoir entendu un excellent entretien sur Michael Lonsdale, lundi 24 avril dernier sur “France culture”, m’a redonné l’envie de retrouver “Une sale histoire” moyen-métrage de 50mn tourné en 1978 par Jean Eustache. Le film végétait sur une cassette VHS fatiguée enregistrée lors d’un passage sur Arte il y a une dizaine d’années. Si les films de Jean Eustache passent en cinémathèque, on peut déplorer qu’ils n’existent pas en DVD, qui serait un support idéal pour ce poète maudit, qui n’a jamais respecté la durée normale d’un film passant des 3h40 de la “Maman à la putain” à la durée de courts-métrages. D’avoir vu, outre les deux titres cités “Le père Noël a les yeux bleus”, court tourné en parallèle du Masculin-Féminin de Godard, en utilisant la pellicule du film, presque en contrebandier et “Mes petites amoureuses”, restent comme une marque au fer rouge, de ce dandy lucide et désespéré. Michael Lonsdale parlait avec chaleur du tournage d’une “Sale histoire”, il témoignait d’ailleurs il y a peu sur Eustache dans “Le Monde” du 1 avril 2006 : « Quand il m’a demandé de faire ça, j’ai été totalement emballé. Cette histoire du voyeur est à moitié inventée, je pense, par son ami et scénariste Jean-Noël Picq. Parce que c’est quand même complètement invraisemblable qu’il y ait en bas d’une porte, dans les toilettes, un trou qui permette de voir le sexe des dames sans qu’on soit les cheveux dans la pisse ou je ne sais pas quoi ». Le résultant est étonnant, en fait c’est une histoire de Jean-Noël Picq, psychologue réputé – il jouait l’ami de Jean-Pierre Léaud qui s’achetait une veste trop large dans “La maman…”. En fait c’est une de ses histoires, qu’il semble avoir peaufiné au film, un récit sur une perversité échappée de l’univers de Sade ou de Georges Bataille, d’un homme qui s’installe dans un café, et qui profite régulièrement de la cabine téléphonique au sous-sol. Un jour il entend “et pourtant il est jeune celui là”, ce qui lui fait comprendre le rituel voyeuristes de quelques paumés qui par un trou judicieusement placé dans les toilettes des femmes, ont une vision directe sur le sexe féminin… Selon le narrateur le café semble même avoir été construit autour du trou !

Michael Lonsdale

Le narrateur raconte en fait à son ami cinéaste – Jean Eustache -, avec délectation une sorte de d’addiction, née à ce moment là, très crue à cette pratique, n’omettant aucun détail choquant – il faut se tenir les cheveux pour qu’ils ne trempent pas dans la pisse, il fait récit de constipations -. Il y a une auditoire sidéré de femmes, qui finissent par sortir d’une sorte de torpeur – joué par Annette Wademant, Françoise Lebrun, Virginie Thévenet… -, pour finir par réagir à cette histoire, dont Picq confit qu’elle ne les intéresse que quand il s’adresse à un homme. Le récit est évocateur d’images sordides et on finit par s’intéresser à une sorte de musicalité du texte, franche et perverse. Le récit est filmé comme un documentaire, image mobile en Cinéma 16. Mais là où Jean Eustache est très fort, consiste a ce que cette partie documentaire est précédée par la brillante reprise par un comédien reprenant le même texte mais en l’interprétant, l’image est plus soignée, il y a un prologue avec Jean Douchet qui joue le cinéaste qui explique vouloir utiliser le récit pour un début de film. L’image est plus soignée, et on assiste a une grande performance de Lonsdale, et la manière dont il s’approprie le texte, ce que l’on constate mais en voyant ensuite la partie “véridique”, inventée en partie selon certaines sources. Il fait naître une tension, un jeu provocateur, reprenant les hésitations de quelqu’un qui répond ensuite aux questions, avec un rythme plus lent que celui de Picq, et mettant formidablement le texte en valeur. C’est dont le principe de “L’effet Koulechov” nous rappelle la “Saison cinématographique 78” – d’ailleurs pas très enthousiaste, le récit est dit deux fois, Eustache reprendra cette idée en retournant enn 1979 une seconde version de son documentaire “La rosière de Pessac” (1968). Ce film nous montre à nouveau l’inventivité et le grand talent d’Eustache cinéaste – il se suicida en 1981, et le grand talent d’acteur et de conteur de Michael Lonsdale, excellent dans l’ambivalence. Une intégrale du réalisateur en DVD, à l’instar de l’œuvre de Jean Vigo, reste un grand rêve, ne désespérons pas…

 

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Gashade / Site web (6.5.06 07:46)
Et parmi les femmes superbes (ah, Thévenet…) écoutant Lonsdale, qui trouve-t’on égarée là avec son délicieux accent américain, hein?…
Laurie Zimmer, apparition météoritique et lumineuse de Assaut (ou Assault On Precinct 13) de Carpenter, passer de Carpenter à Eustache (ou je sais plus dans quel sens), ça vaut son pesant d’eskimos, pas vrai?
Charlotte Szlovak lui rendit justice dans un film émouvant passé sur Arte, Qui Se Souvient De Laura Fanning (son vrai nom, qu’elle garde au générique du Eustache)?
Elle a abandonné le cinéma et s’occupe désormais d’enfants inadaptés.


le coin du cinéphage / Site web (6.5.06 09:48)
Merci pour ton érudition habituelle, j’avais vu cet excellent doc, mais je n’avais pas fait le rapprochement, c’est une idée d’hommage pour ton site…


Gashade / Site web (6.5.06 10:22)
Mais sa fiche est depuis longtemps dans mon manuscrit!
Je te l’envoie…


Dr Orlof / Site web (6.5.06 13:47)
Merci de rendre hommage à cet immense cinéaste que fut Eustache.
“La maman et la putain” reste, selon moi, un des plus grands films français de tous les temps, à l’égal de “Pierrot le fou”, “l’atalante”, “la règle du jeu” et “Céline et Julie vont en bateau”…

(6.5.06 10:22)
Mais sa fiche est depuis longtemps dans mon manuscrit!
Je te l’envoie…


Dr Orlof / Site web (6.5.06 13:47)
Merci de rendre hommage à cet immense cinéaste que fut Eustache.
“La maman et la putain” reste, selon moi, un des plus grands films français de tous les temps, à l’égal de “Pierrot le fou”, “l’atalante”, “la règle du jeu” et “Céline et Julie vont en bateau”…

OSS 117, LE CAIRE NID D’ESPIONS

 On assiste donc à la naissance d’un genre inédit, une parodie – ou détournement ce à quoi Jean Dujardin semble tenir -, d’une parodie – involontaire certes mais parodie quand même – ! Car il faut avoir vu les OSS 117, venu de l’imagination du romancier Jean Bruce,  Hubert Bonisseur de La Bath, ce James Bond du pauvre, dans des films comme “OSS 117 se déchaîne”, “Banco à Bangkok pour OSS 117”, “Furia à Bahia pour OSS 117”, “Atout cœur à Tokyo pour OSS 117”, et “Pas de roses pour OSS 117”, signés par André Hunebelle ou Michel Boisrond, qui passaient généralement très souvent les après-midi de jours fériés, et qui sont désormais disponibles dans un coffret DVD kitschissime. Ces films très agréables à regarder, avec la patine du temps surtout. Ils confinent un peu avec le ridicule des figures imposées des romans d’espionnages, et qui sont ici formidablement dynamitée ici, Michel Hazanavicius, en détournant les codes. Les originaux au cinéma valaient déjà leur pesant de cacahuètes, il fallait voir dans “Banco à Bangkok pour OSS 117”, les images tournées sur les lieux mêmes, suivies par d’autres tournées dans l’arrière pays niçois ! Michel Hazanavicius, auteur de “Mes amis”, qui laisse le souvenir d’une brillante distribution,  joue avec les clichés avec maîtrise, entre les transparences d’usages et un bel hommage au Technicolor. Il serait vain d’éventer et de dévoiler toutes les idées du film, promises, à l’image du running gag, sur le Président René Coty, le second président de la IVe République, excusez du peu de 1953 à 1958, promis à passer dans la postérité selon OSS 117 ! Il faut saluer l’écriture de Jean-François Halain, connu pour être l’auteur de la meilleure période des “Guignols” sur Canal+, – g(l)accionisées, depuis hélas -, et de “Grosland”. Il trouve dans cette évocation de l’Égypte des années 50, outre le comique des situations, une matière pour se livrer à une charge contre la France sclérosée des années 50. Donc après Ivan Desny,  Kerwin Marthews, l’ineffable Frederick  Stafford, John Gavin et Luc Mérenda, c’est Jean Dujardin qui s’y colle. C’est un cliché, mais il a la même stature que le Jean-Paul Belmondo de “L’homme de Rio” et du “Magnifique”, et il nous livre ici une formidable performance.

Il faut voir ses mimiques, sa tonalité proche des doublages de l’époque – proche de la voix de Jean-Pierre Duclos doubleur de Frederick Stafford et Sean Connery -. Il arrive de manière condescendante et colonialiste dans une Egypte qu’il ignore superbement, tel un éléphant dans un magasin de porcelaines, à l’image du muezzin malmené par un OSS 177 plein d’un ethnocentrisme grotesque. Le film finit par prendre une certaine résonance en ces temps de racisme larvés et de démagogues en tous genres. Mais il finit par faire illusion en chantant “Bambino” en Arabe, dans une scène d’anthologie. Surprise, les femmes ont le beau rôle, saluons d’ailleurs Bérénice Béjo, dont la visible exigence finit enfin par payer avec ce succès. Si elle a droit à une belle scène de bagarre avec Aure Atika, cliché habituel des films des années 60, elle donne une dignité et un grand charme à son personnage de femme égyptienne. La distribution de trognes, nous renvoyant à l’utilisation des Daniel Emilfork et autres Dominique Zardi, est ici très inventives, citons Richard Sammel s’amusant visiblement de composer un personnage d’officier nazi à la Horst Franck, un nouveau venu François Damiens, il faut le voir faire preuve de trivialité au milieu de discours sentencieux – il est célèbre à la télévision belge, et désormais il est faut à parier qu’il devienne indispensable à tout bon casting -, le trop rare Claude Brosset en flegmatique commanditaire d’OSS 117, Laurent Bateau en souffre douleur de service, plus les impeccables Saïd Amadis, Constantin Alexandrov, Arsène Mosca, décalage garanti entre accent pied noir et costume d’officier nazi, peuplant une humanité torve, ou des étrangers malmenés par la suffisance de l’espion français. La recette fonctionne, cartonne donc dans ce mois d’avril forcément metrier – l’échec injuste du film de Gilles et Corinne Benizio -, et cerise sur le gâteau, la critique est même dithyrambique, la surprise d’une critique enthousiaste des “Cahiers du cinéma” nous sidérant même. La qualité est ici au rendez-vous, en souhaitant que d’autres comédies – 1 film sur 2 dans le cinéma français ? -, en prennent de la graine.

FRÈRES D’EXIL

Ce film dédié à Pier Paolo Pasolini, dont on sent bien l’influence aussi bien politique que cinématographique. Entre “Los olvidados”, “Pixote” et “Yol”, Yilmaz Arslan, le réalisateur dépeint de manière implacable, le destin de deux jeunes kurdes, lIbo, un orphelin âgé de 9 ans, et trop mûr pour son âge, suite à un drame terrible. Il est obligé de quitter son grand-père pour intégrer un foyer d’accueil, en Allemagne et l’autre, plus âgé Azad qui va le prendre sous sa protection. Ce dernier est assez autonome, ne souhaitant pas dépendre de son frère qu’il juge indigne, un proxenète violent manipulant ses compatriotes femmes dans l’adversité, pour mieux les rendre opérationnelle. A la fratrie de sang refusée par Azad, se substitut celle avec Ibo, une solidarité indéfectible naît ainsi. Le foyer est bien encadré et régit par des règles. Mais les deux jeunes n’attendent pourtant peu de compassion, ils sont trop habitués à être livrés à eux mêmes. Azad ne veut pas d’un argent sale pour aider sa famille restée en Turquie, et il est fier d’être autonome, en rasant des quidams dans des toilettes de restaurant sordides, mais presque convenable, car il y a de l’eau courante. Le destin s’en même, révélant un monde d’une cruauté inouïe, où même le fait de partager les mêmes origines, n’est aucunement un gage de solidarité, mais au contraire est un révélateur de vieilles rancœurs qui ne demandent qu’à ce réveiller.

Xewat Gectan

L’humanité est très sombre, le petit Ibo – sa souffrance est commentée par l’enfant lui même qui intervient comme récitant -, kurde est presque déterminé à souffrir, aussi bien dans l’aridité de son lieu de naissance, comme dans une Allemagne repue. Azad tente de l’aider, lui donne même un peu d’argent, et devant son refus fier, il feint d’avoir trouvé de l’argent par terre. L’histoire bascule dans la tragédie, dans un climat de haine primitive. Son réalisateur, touché par la grâce de ces jeunes interprètes, en profite pour dénoncer le communautarisme, à l’exemple de la révolte d’Azad, qui déplore que ses compatriotes chérissent plus les morts, pour respecter la coutume, plutôt que les vivants, réduits à un semblant de compassion. On peut déplorer cependant une certaine complaisance avec la violence, visiblement voulue pour déstabiliser le spectateur, et une référence un peu surlignée au film de John Schlesinger “Macadam cowboy”, finissent parfois par révéler l’artifice de l’ensemble, mais que compense une évidente sincérité. Le cinéaste évite tout naturalisme et tout misérabilisme. D’où quelques moments salutaires, comme la part d’enfance retrouvée par le jeune Ibo, avec une animation des personnages dessinés à la craie, sur un tableau, et la fratrie des deux personnages principaux qui s’épaulent dans l’adversité, interprétés avec humanité par  Xewat Gectan, le plus jeune qui a reçu la mention spéciale du festival de Locarno en 2005 pour son rôle et Erdal Celik, tout en colère rentrée. Le réalisateur a choisi le biais de la fiction, mais il reste proche du quotidien. Son constat social est amer, mais un petit souffle d’humanité naît entre ses enfants perdus, proche de ceux de “Bouge pas, meurs et ressuscite” de Kanevski. Trop dans la survie pour se lamenter sur leurs sorts, ils finissent pas gagner une dignité exemplaire. Poignants et solidaires, ils grandiront ensemble. Un cinéaste en rage, à suivre de toute évidence.

LA DOUBLURE

    Le cinéma de Francis Veber, c’est un peu comme le restaurant où vous avez vos habitudes, vous trouvez que c’est copieux, sans surprises, plutôt bien fréquenté, pas trop cher au vu du résultat, pas trop original même si le chef s’évertue à vous faire croire avec son bagou que c’est un maître-queue. Et puis un jour vous en sortez, ballonné, un peu écœuré, avec des crampes dans l’estomac et vous vous mettez à vous étonner de sa réputation, des éloges de ses pairs, et des guides gastronomiques. Car Francis Veber bénéficie de la politique des auteurs, et jouit d’une véritable considération. C’est un malin, roublard – son gimmick pathétique du personnage de François Pignon -, un don pour capter un air du temps, un mécanisme d’horlogerie d’accord, mais qui ferait un bruit de pendule normande, vous empêchant de dormir la nuit. On rit avec cette “doublure” comme acquis d’avance, en suivant le troupeau pavlovisé. Veber du haut de sa suffisance et de sa terreur toute Doillonnienne de faire refaire un plan jusqu’à trouver sa petite musique, le ton juste, et la mise en scène dans tout ça… Des champs contre-champs, une fausseté de convention qui ne nous fait jamais nous attacher aux personnages et nous convie à rire contre eux, des pantins chargés dans la grande tradition du vaudeville français version gros rouge qui tâche. Tout ici est dans la fausseté, des décors dignes d’une des pires captations télévisées, et les transparences d’un autre âge dans les scènes de voitures, nous font penser que l’on assiste actuellement à la pire régression de notre cinématographie nationale. Et ça marche, ça cartonne même, les gens applaudissent à la fin, on finit par se retrouver pisse-froid de service. Mais on veut bien d’une comédie vite oubliée, mais au moins qui garde une modestie dans son propos…. On peut certes aussi jouer avec les conventions pour mieux les dynamiter, comme un Bertrand Blier, mais il n’en est rien ici.  

Francis, tu t’es vu quand tu frimes !

Veber ne supporte pas que l’on amène un semblant de talent à son œuvre, désavoue Philippe de Broca quand il nous livre un “magnifique” jubilatoire, cède aux sirènes hollywoodiennes et nous régale d’interviews convenues. Le cinéma est riche d’écrivains et d’auteurs, donnant ses lettres de nobles au cinéma français – de Pagnol à Guitry -, Veber a du talent mais n’innove jamais, répète son système à l’envi. Il féminise ses personnages dit-on, mais pour en faire quoi, des caricatures, malgré le talent de ses interprètes – Alice Taglioni en mannequin tendre version – et assez improbable d’ailleurs – “Trop belle pour toi”, Kristin Scott-Thomas en épouse pas dupe, Virginie Ledoyen en amour platonique romantique -, mais l’humanité des personnages est inexistante. Certains arrivent à tirer leur épingle du jeu dans ce petit jeu là, comme Michel Aumont jubilatoire en toubib hypocondriaque – chacune de ses apparitions nous est un absolu régal, pourtant son personnage est archi-convenu – et Richard Berry est parfait en avocat cynique et cauteleux. Mais Daniel Auteuil est presque quelconque – c’est bien la première fois -, Gad Elmaleh, Danny Boon font ce qu’ils peuvent pour donner une âme à des stéréotypes. Alors on se raccroche aux seconds rôles, vieille habitude rengaine, mais on ne trouve ici que des ectoplasmes, des semblants de rôles, des figurants de luxe. Philippe Magnan n’a rien d’autre à faire qu’à bougonner en silence, on retrouve des fidèles veberien mais marionnettisés à souhait  – Philippe Brigaud, Laurent Gamelon -, les nouveaux se contentent d’ombres – Paulette Frantz taxidermisée, Philippe Béglia manièrisant, Patrick Mille rodant son antipathie habituelle, Michel Jonasz perdant sa singularité, Michèle Garcia mamantisant – trop jeune pour le rôle -, telle une zombie -. J’ai mes indulgences ici, surtout dans la comédie, genre que j’affectionne particulièrement, mais nous livrer une œuvre faisandée comme ici – Bernard Stora avait déjà raconté la même histoire en 1988 dans “La petite amie” avec Jean Poiret et Jacques Villeret. De Francis Veber ou du cinéaste le plus surestimé du cinéma français… 1h25 ça peut être très long parfois. Usé et usant…

LE PASSAGER

 Premier film d’Éric Caravaca, l’un des comédiens les plus probants de sa génération. Tiré d’un roman d’Arnaud Cathrine “La route de Midland”, il s’agit ici d’un portrait âpre, sensible d’individus qui n’ont pas de dons particuliers pour la vie et qui trimbalent avec eux leurs difficultés, en les subissant plus ou moins. Thomas  – Éric Caravaca dans l’introversion, qui a repris au pied levé ce rôle après une blessure du comédien Yann Goven -, qui vit à Paris, retourne sur la Côte d’Azur pour s’occuper de l’inhumation de son frère aîné, Richard, qui vient de suicider. Il ne voyait plus son frère – Rémi Martin, au parcours chaotique ces dernières années idéal dans un rôle presque spectral -, qu’il ne tenait pas dans une grande estime, il avait même gardé une rancœur, quand il s’était retrouvé seul avec lui, son père étant absent et sa mère étant devenue folle. Marié, avec un enfant, il se retrouve seul pour s’occuper de son enterrement, il doit aussi réfléchir au devenir de sa maison familiale, dans laquelle il a gardé de mauvais souvenirs. Conseillé par un vieil ami de la famille qui s’occupe d’une petite boutique – Maurice Garrel, superbe de retenue -. Pris par ses contradictions, et paralysé par ses interrogations, il s’installe dans un petit hôtel tenu par une jeune femme, Jeanne – Julie Depardieu, qui décidément prouve dans l’actualité de ses quatre films, sa capacité de composition et d’émotion -. Le cauchemar du réel le paralyse, il s’attarde dans les lieux sans rien régler, s’attache au petit frère de Jeanne, Lucas – Vincent Rottiers, la révélation des “Diables” beau film de Christophe Ruggia, impressionnant ici dans sa rage de vivre -. Lucas est un peu sourd, complexé avec les filles, mais retrouve sa liberté sur sa moto jaune qu’il trafique pour qu’elle pétarade. Jeanne assistée d’un employé jovial – Maurice Bénichou incarnant la poésie du quotidien -, attend en fait Richard. Malgré une union mouvementée, elle garde espoir de le retrouver, mais Thomas, par lâcheté ne trouve pas le courage de lui annoncer sa mort….

Julie Depardieu & Maurice Bénichou

Le film ici est lucide, montrant l’approche du travail du deuil, comment retrouver l’énergie de vivre, la difficulté de se confronter avec ce que l’on a enfoui dans sa mémoire – belles scènes avec la toujours formidable Nathalie Richard, chanteuse de cabaret réaliste nerveuse -. Le personnage de Thomas est dans un tournant de sa vie, libéré de la forte personnalité de son frère, il essaie avec maladresse de retrouver ses marques, de prendre un nouveau départ, prenant exemples sur ses compagnons d’incertitudes trouvés dans cette occasion. Il doute, mais il avance, toutes ses inquiétudes refaisant surface, il réfléchi à comment régler ses comptes avec son passé pour enfin exister un peu. Quelques beaux sites de Saintes-Maries-de-la mer, sont vus d’une manière singulière, les lieux, devenant presque inquiétants sont chargés de tristesse, d’une lumière d’hiver angoissante, d’étendues de plages baignées dans une lumière blafarde, en parfaite adéquation des états d’âmes des personnages. Saluons le travail de la chef opératrice Céline Bozon, la superbe musique lancinante de Grégoire Hetzel et la manière de filmer ces lieux rendant un sentiment de désolation. Ce film est une est une méditation pleine de retenue, d’intelligence et de vie sur la difficulté de vivre avec les fantômes de son passé. Ce film intimiste évoque bien sûr “Son frère” de Patrice Chéreau, avec également Éric Caravaca, mais nous montre ici une grande maîtrise, une justesse, et beaucoup de pudeur. Un cinéaste et un comédien à suivre…

CAPOTE

 Nouveau “biopic”, avec ce film, “Truman Capote” en V.O. . C’est le premier film de Bennett Miller et pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, adapté d’une biographie de Gerald Clarke.. En 1959, le romancier, adulé de son vivant,  Truman Capote se passionne pour le massacre crapuleux, d’une sauvagerie implacable, d’une famille de quatre personnes, dans une petite ville rurale du Kansas. Accompagné de son amie d’enfance Harper Lee – Catherine Keener, superbe de retenue -, il se rend sur place pour enquêter, après avoir convaincu le journal “New Yorker” de le commanditer, histoire de confronter son œuvre avec une réalité brute. Ce projet va finalement prendre 5 ans de sa vie pour ce qui sera son dernier ouvrage. Assez d’avis avec Christine Angot donné dans l’émission “Campus” sur France 2, on peut s’étonner de voir la description assez négative de Truman Capote, dans les critiques ou les avis du public, alors que les deux tueurs sont assez dédouanés. Il y a une même fraternité d’âmes entre Capote et l’un d’eux, Perry Smith – usant de ruses, d’ambiguïté et de séduction, parfaitement rendues par le jeu de Clifton Collins Jr. -. Ils ont peut être en commun la même monstruosité, si le destin l’avait pas voulu  autrement, pour reprendre l’une des répliques de mémoire : “c’est un peu comme si j’avais grandi avec lui dans la même maison. Il serait sorti par la porte de derrière et moi par celle de devant”. Capote cherche à comprendre l’attitude des deux meurtriers, avec un cynisme défensif, fasciné par cette violence, il décortique le parcours de deux prisonniers dans l’attente de leur exécution, passant de la compassion à l’indifférence. L’incarnation de Philippe Seymour Hoffman, dont le talent n’est plus à prouver depuis longtemps, dans le rôle titre est formidable, dans les attitudes et le timbre de voix. Il était fortement d’ailleurs fortement impliqué dans ce projet. Loin d’un numéro d’esbrouffe laborieuse, ou d’un cabotinage attendu dans ce type de rôle pour une personnalité homosexuelle, mondaine et alcoolique, il évite tous ces pièges, pour une composition tout en nuances. De sa quête de la vérité, à la première lecture de son livre, il restitue avec humanité la richesse de son personnage new-yorkais. Il a réussit à nous montrer l’essence du personnage au-delà de l’idée de performance, le travail, intensif de l’acteur pour le rôle, ne se voyant pas à l’écran.

Dans cette lignée, je ne vois que peu d’exemple, mais citons Philippe Clévenot dans “Elvire Jouvet 40”, ou Michel Bouquet dans “Le promeneur du champ de Mars”. Tout en nuance, entre égocentrisme, failles multiples, il est tout aussi probant quand il fait preuve de brio dans la haute société, que quand il se fait admettre dans l’Amérique profonde, où les autochtones le regardaient de prime abord, comme une improbable personnalité ambivalente. Il est amusant de se souvenir alors de Truman Capote acteur, qui ne déméritait pas d’un casting all-star, dans l’amusant “Un cadavre au dessert” que cite Docteur Orloff et Mister Pierrot, dans son article. L’oscar et le golden globe du meilleur acteur 2006, sont ici amplement mérités, tant il Le rapport Capote-Smith est décrit ici avec beaucoup de retenue et de justesse, chacun manipulant l’autre. L’écrivain, pour avoir l’œuvre de sa vie fait preuve de pionnier dans la restitution de ce fait divers – il a ouvert une voix dans l’écriture de romans de non-fiction, largement galvaudée depuis, on se souvient depuis, du “forcément sublime” durassien face à l’affaire Vuillemin. Il dissèque, observe, se renseigne avec les témoins et les policiers locaux – formidable incarnation de Chris Cooper, connaissant les victimes, et incarnant la probité – fraternise avec les tueurs, ouvre les cercueils, et finalement se brûle à vouloir obtenir la vérité. Bennett Miller, dans la stylisation rend parfaitement les abysses de contradiction des personnages, installe un climat fascinant en adoptant un ton feutré et restitue en évitant les écueils de la reconstitution, le début des années 60. Tout ici respire l’intelligence, jusqu’à l’écriture des seconds rôles de Bruce Greenwood dans le rôle de Jack Dunphy, amant écrivain délaissé mais compréhensif de Capote, ou Bob Balaban, probant dans le rôle de William Shawn, un éditeur compréhensif. A ne pas rater la diffusion de “De sang froid” de Richard Brooks, ce mercredi 29 mars, à 22h40 sur Arte, adaptation du célèbre roman éponyme.

LE FEU FOLLET

 Louis Malle semble enfin sortir d’une sorte de purgatoire. Il fallait entendre Serge Toubiana et Maurice Pialat ironiser sur son talent dans un festival… Les récentes rétrospectives de la Cinémathèque et du festival d’Angers, ainsi que la ressortie en DVD d’une partie de ses films, donnent l’occasion enfin de le reconsidérer. Il y a eu un malentendu sur ce réalisateur venant d’une riche famille du Nord, la dynastie des Béghin-Say, magnats du sucre, mais il n’aura eu de cesses que de se révolter contre son milieu d’origine. “Le feu follet”, disponible désormais en vidéo, chez Arte Vidéo, est une œuvre particulière dans sa filmographie, sorte de vertige pessimiste. C’est un film qui a ses adeptes, je me suis retrouvé dans le témoignage de Mathieu Amalric dans le bonus, pour l’avoir vu à plusieurs périodes de ma vie, et restant marqué par ce film de manière indélébile. C’est selon la formule d’Ozu, je crois, “Un film qui nous regarde”, nous désosse, nous renvoie à nos propres angoisses, même si le regard évolue avec le temps. C’est l’adaptation on le sait du roman de Drieu La Rochelle – Louis Malle avait eu un projet abandonné sur les nuits parisiennes -, qui s’est suicidé de la manière que l’on connaît. Ce roman se passant dans les années 20, inspiré du suicide du romancier Jacques Rigaut. Habilement transposé dans les années 60. Louis Malle était d’ailleurs assez dépressif à ce moment – il faut le voir le voir assez affecté dans une interview de 1963, face à Françoise Sagan, définir le vieillissement comme le fait de devenir une chose assez dégoûtante ! -, et avait même pensé à interpréter le film lui-même. Il a trouvé en Maurice Ronet, en interprète idéal, impressionnante posture d’une grande lassitude de l’être, tel un astre blafard. La musique d’Érik Satie –  les Gymnopédies et Gnossiennes, est en parfaite adéquation avec cette flânerie dépressive, rarement on a vu sur un écran une incarnation aussi tangible du spleen -.

Jeanne Moreau à Maurice Ronet : “Tu as l’air d’un cadavre !”

Le personnage principal, Alain Leroy, n’a pourtant rien, au départ pour susciter la compassion, c’est un dandy assez oisif, honorant ses conquêtes féminines sans flamme et a eu des sympathies avec l’O.A.S. depuis son service militaire en Algérie. Mais c’est un homme défait que l’on retrouve en cure de désintoxication dans une clinique huppée de Versailles, qu’on le découvre, avec sa maîtresse de passage – touchante Léna Skerla -. Il végète dans sa chambre, emménagée telle une prison dorée, il inscrit sur le miroir la date du 23 juillet, avant de sortir d’une mallette de jeux de cartes, une arme cachée… Sa décision est prise, se supprimer. Le directeur de l’hôpital – Jean-Paul Moulinot, sérieux paternaliste -, le déclare guéri. Il se révèle assez inadapté aux contraintes du monde extérieur, – il demande des cigarettes étrangères dans un bistrot de Versailles qui lui déclare ne pas en avoir la demande -. Il finit par sortir et part pour Paris, pris en stop, pris en charge par deux livreurs des Galeries Lafayette – dont Hervé Sand, mort prématurément, prestation curieusement oubliée dans le dictionnaire de Raymond Chirat, hâbleur et bon vivant, avec lequel il parle des besoins d’argents -. De retour à Paris, ses connaissances s’étonnent de sa mauvaise mine. A la rencontre de ses anciens amis, il retrouve son ami Dubourg – admirable Bernard Noël, trop tôt disparu lui aussi, décidément, campant un personnage très touchant – qui a trouvé son équilibre entre sa femme – Ursula Kubler à la personnalité singulière -, sa fille et sa passion de l’égyptologie. Dubourg tente de lui redonner le goût de la vie, mais Leroy, trop dans la lucidité, ou trop dans l’aveuglement, ne vois dans la vie de son ami qu’une trop grande compromission. Il erre ensuite entre ses amis snobs – Jeanne Moreau donnant une grande intensité à son cours rôle d’ancienne amoureuse, Alain Mottet en poète opiomane, ou un couple hautain – Alexandra Stewart et Jacques Sereys, faussement compatissant – invitant un écrivain mondain – Tony Taffin, dans la suffisance -. Il finit par s’insurger contre ses anciens amis de l’O.A.S. qu’il traite de Guignols – dont Romain Bouteille, déjà probant dans le rôle d’un personnage désinvolte -. Autour d’Alain Leroy, les personnages sont très justement écrits, des pensionnaires de l’hôpital – étonnant Hubert Deschamps en homosexuel maniéré, Yvonne Clech en femme blessée et maternelle -, les anciennes connaissances – Micha Bayard en employée d’hôtel, etc… – ou le jeune  – Bernard Tiphaine – qui prend la même direction dans la dérive alcoolique -. L’itinéraire de cet homme alcoolique, donnant son rôle le plus probant de Maurice Ronet, qui tournait en même temps « Le puits et le pendule » pour Alexandre Astruc et qui avait perdu 15 kilos pour le rôle. Défait, désabusé, il montre le dégoût de la vie, sa difficulté de résister à reboire, dans un monde où la tentation est permanente. Cette lutte contre l’alcoolisme est montrée de manière documentaire – la réaction après le premier verre -. Hors du temps, ce film reste une œuvre admirable et universelle, d’une formidable noirceur, mais c’est un portrait sans concessions, et un itinéraire remarquable d’un homme qui a perdu la raison de vivre. Un grand classique…