Précédé d’une excellente réputation après sa diffusion des les festivals du « Film nordique » à Rouen et « Premiers plans » d’Angers, ce film s’avère une excellente surprise. Il trace le portrait de David 25 ans, qui habite avec ses parents et son petit frère trisomique un quartier «chaud » d’Oslo. Il travaille dans une salle de gym, dont les occupants participent à de petites combines pour survivre. Son père est mourant et sa vie n’offre aucun espoir. Le fils du propriétaire de la salle de sport est un dealer notoire, son père couvrant tous ses caprices. Une descente de police dans les vestiaires du lieu va changer la donne. Au même moment son père doit être hospitalisé. Le film se passe au Danemark, mais il est assez universel pour figurer dans n’importe quel lieu. Le film commence avec ce que l’on croit être d’abord une esthétique « Dogme », mais on retrouve une maîtrise évidente, avec une photo soignée avec une sorte de filtre ocre de la photographie signée John Andreas Andersen. Son metteur en scène – c’est un premier film -, Aksel Hennie, qui a débuté comme acteur, a utilisé des éléments de sa vie pour ce film, il confronte son personnage principal avec une sorte d’inéluctabilité tragique. Il joue donc le personnage de David, avec à la fois, une sorte de vulnérabilité et un côté plus combatif. Il passe d’un aspect juvénile, à celui plus marqué d’un homme éprouvé, à la calvitie naissante. Le choix d’un jeu de cartes « Uno » pour une métaphore assez convaincante, aident à suivre ces personnages confrontés à la dureté de règles rigides de petits malfrats – la présentation de truands pakistanais n’évite pas toujours la caricature, mais elle reflète peut-être une réalité locale – et de la manière de s’en affranchir. Le metteur en scène crée une empathie bienveillante avec ses personnages et montre une grande sensibilité, côtoyant des scènes de violences.
Espen Juul Kristiansen & Aksel Hennie
Sa manière de montrer les petits détails attachant, du petit frère qui cache le portable de son aîné pour attirer l’attention, l’apprivoisement d’un chien rendu méchant, ou la mère de famille dormant sur le canapé en absence de son mari, est d’une remarquable justesse. L’évocation de personnes qui essaie tant bien que mal d’avancer, «évite le misérabilisme, il montre aussi la dignité contre la lâcheté de certains qui se résignent face à la loi du plus fort. La violence est sourde, comme un second langage, elle semble se transmettre à chacun, apparaissant même de manière inattendue. Mais le film n’est pas sans espoir, David lutte contre un déterminisme de sa condition sociale, où tout semble être un combat de chaque instant, même avec l’un de ses amis qui vitupère quand ce dernier laisse sonner son portable devant la vision d’un DVD. Les personnages sont touchants, de la mère désespérée, au petit frère handicapé, face à des personnages blessés et bafoués, quand certains comme l’insupportable Ralph, protégé par son père, combinent petitesse et méchanceté. S’ils n’ont pas assez de mots pour dire leurs douleurs, on ressent une lutte constante contre un abattement justifié par une véritable tragédie, pas de place ici pour se complaire dans son malheur. L’histoire est prenante, le côté film noir est ici transcendé, pour donner une sorte d’hymne à la vie. Au-delà des maladresses, il une assurance de la part d’Aksel Hennie, un véritable regard, sur son personnage écran qui va payer au prix fort sa quête de liberté et d’autonomie.