Qu’est-il arrivé à Francis Girod, lui qui avait du mordant à ses débuts… Il continue pourtant à faire des films, alors que nombre de cinéastes de sa génération sont cloisonnés à la télévision. Ces derniers films, « Délit mineur » (1993), « Passage à l’acte » (1995), « Terminale » (1997), « Mauvais genre » (2001) – malgré l’excellente prestation de Robinson Stévenin pour ce dernier -, laissent un souvenir assez vague, un poil qualité France, solides comédiens et histoires pas très inventives. Le producteur Humbert Balsan – « Mon cow-boy » comme disait Yolande Moreau à la cérémonie des Césars -, s’est suicidé durant le tournage, on imagine aisément le malaise qu’il devait y avoir durant le tournage. Francis Girod – qui apparaît d’ailleurs non crédité en cinéaste -, adapte à nouveau un polar, utilise les fantasmes d’une Suisse riche en compromission, dans une vague historiette dans le monde du journalisme et de l’agro-alimentaire. L’idée bateau de l’amnésie, thème usé jusqu’à la corde dans bien des films de séries B et autres polars de la « Série Noire », est une manière assez artificielle de manipuler le spectateur, avec ses fausses pistes habituelles, et une réflexion sur la grande complexité de notre ami le cerveau – qui n’en fait qu’à ça tête -. Le réalisateur tente de disséquer une amitié ambiguë entre un Antoine de Caunes, assez subtil dans le rôle principal et Jean-Pierre Lorit, excellent dans l’ambivalence, que l’on n’avait plus vu curieusement sur grand écran depuis « Une affaire de goût » en 2000. Julien Rossi, un journaliste, se réveille du coma après une agression la nuit de la Saint-Sylvestre. Son médecin – l’ineffable Aurélien Recoing – lui explique qu’il a une amnésie totale de ses 60 derniers jours. Les bouleversements dans sa vie durant ses périodes sont évidemment nombreux tant dans sa vie affective – il a une nouvelle compagne jouée par Martina Gedecq, qui porte très bien la fourrure -, que professionnelle – il a démissionné de son journal -. Son ami de toujours Lucas Jäger – Jean-Pierre Lorit, donc -, semble lui dissimuler beaucoup d’éléments…
Jean-Pierre Lorit & Antoine de Caunes
Les poncifs attachés au genre sont, hélas très présents, et certains personnages sont décrits à grands coups de serpe. L’intrigue est assez cousue de film blanc, et Antoine de Caunes cicatrise bien vite. On finit par se détacher assez vite, d’autant plus que la mise en scène privilégie le gros plan et les temps morts. Il y avait pourtant un ton, un réjouissant cynisme, à la manière du personnage de Marie-France Pisier en veuve « inconsolable » d’un chercheur qui s’est suicidé – touchante apparition de Claude Miller -, et un côté pas très aimables de certains protagonistes intéressants. Dans la distribution si l’on retrouve une Carole Bouquet impeccable, et la trop rare Christine Murillo en psy désabusée, mais l’excellent Hannz Zischler n’a strictement rien à faire -. Reste que Girod habile faiseur arrive tout de même à installer une atmosphère, Laurent Petitgirard se livre à un habile exercice de style, mais ça date énormément, à moins d’être nostalgique du film du dimanche soir à la TV dans les années 80. On aimerait retrouver Francis Girod dans un projet plus personnel.