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LE TEMPS DES PORTE-PLUMES

 Avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux du film « Le temps des porte-plumes », en présence de son réalisateur Daniel Duval, et de Jean-Paul Rouve. Le film commence par une sorte de passage de relais, entre Daniel Duval, qui tient le rôle du psychologue, lui-même et le personnage de Pippo, fortement inspiré du parcours du metteur en scène, joué par Raphaël Katz, qui pour l’anecdote âgé de 9 ans, a souhaité refaire ses essais étant malade la première fois. Le cinéaste – qui n’a plus fait de film comme réalisateur depuis l’honnête polar « Effraction » (1983), l’un des rares rôles de méchants de Jacques Villeret – a depuis 20 ans, essayé de tourner ce projet, d’après sa propre enfance. Il nous déclarait avoir eu peu de trouver de l’amertume en voulant la reconstituer, mais il était surpris d’avoir trouvé finalement de la grâce. C’est donc un projet cher aux yeux du cinéaste, qui l’avait abandonné plusieurs fois – il devait être interprété par Jean Carmet, puis Philippe Léotard, dans le rôle de Gustave -, ne se sentant pas près à affronter son enfance. Il avait enfin trouvé l’énergie de monter ce projet, avec Miou-Miou –son interprète de « La dérobade », et Jacques Villeret, mais ce dernier meurt trois mois avant le début du tournage -. Daniel Duval décide de rajeunir les personnages de la famille d’accueil, en utilisant Jean-Paul Rouve, dans le rôle de Gustave,-  à la présence goguenarde ce soir là et très probant dans un rôle plein de sensibilité – et Anne Brochet, dans le rôle de Cécile, prodigieuse en femme meurtrie, qui n’arrive pas de par les aléas de la vie à s’abandonner à son instinct maternel, c’est une actrice rare, et remarquable.

Nous sommes dans l’été 1954, le jeune Pippo, recueilli dans un centre dirigé par Martine Ferrière, a des parents difficiles et alcooliques. Un couple de paysans, Gustave et Cécile l’adopte, mais l’enfant est difficile, même s’il ne demande qu’à être aimé. Pippo a un cœur d’or – il s’occupe de la marginale locale, tombée à moitié folle à la mort de son mari – Annie Girardot, formidable de sensibilité -, s’attache à un commis agricole – Lorànt Deutsch, très crédible en soldat revenant de la guerre d’Indochine, et ne trouvant pas sa place -, et souffre du racisme de part ses origines italiennes. Parmi les interprètes on retrouve Max Morel, habitué des films de Daniel Duval et le grand Philippe Khorsand, très surprenant en curé sourcilleux.  Malgré l’autorité austère de son professeur – Denis Podalydès, tentant de garder la face malgré les turpitudes de Pippo, absolument irrésistible -, la cruauté de la vie, la froideur de Cécile, Pippo finira par trouver son envol – au sens propre, comme au sens figuré, dans une très belle scène. A l’instar de « L’ombre des châteaux », beau film de Daniel Duval de 1976, avec Philippe Léotard et Albert Dray, on retrouve son univers de Daniel Duval, que certain de ses rôles ne laissaient pas entrevoir – « Le bar du téléphone » par exemple assez emblématique. Avec beaucoup d’émotion et de retenue, Daniel Duval a parlé chaleureusement de son film, avec une pudeur dissimulée derrière quelque raclement de gorge  gênés. Le film est simplement magnifique, subtil, on ne sent pas le poids de la reconstitution – les scènes de moissons sont d’une grande justesse -, et il a beaucoup de très belles séquences, que je vous laisse découvrir pour ne pas vous gâcher le plaisir. Le réalisateur évite tout pathos ou effets larmoyants, fait preuve d’humour – Denis Podalydès et ses boulettes de papier -, retrouve l’émotion dans des silences significatifs, il a d’ailleurs souvent sacrifié les dialogues de son scénario, pour retrouver une authenticité dans les regards et le jeu des comédiens. Le film est baigné par la belle musique de Vladimir Cosma, qui a malheureusement réutilisé un thème déjà entendu, dans un film d’Yves Robert, que je n’ai pas réussi à identifier. Il est d’ailleurs coutumiers du fait – il utilise d’ailleurs une musique de bal populaire entendue dans « Ville à vendre » de Jean-Pierre Mocky -, s’il a beaucoup de talent, on peut pourtant trouver ces « déflagrations » assez méprisables pour le public. Très probant, ce film est dores et déjà une des belles surprises de cette année.

MAROCK

 Avant-première le 2 février 2005 du film « Marock » premier film de la réalisatrice Laïla Marrakchi, en sa présence et celles de Razika Simozrag, Morjana El Alaoui et Rachid Behaissan, une équipe très dynamique et sympathique. Ce film qui a suscité quelques polémiques au Maroc, voir lien avec Yabiladi, qui nous semblent incompréhensible à l’issue du film. Les  artistes vétérans marocains qui furent choqué par la vision de la réalisatrice, au festival du film national de Tanger, qui par honnêteté à décrit ce qu’elle a connu du Maroc en 1997, du point de vue de sa classe, « la jeunesse dorée », et insouciante, à l’avenir tout tracé. Influencée par « La fureur de vivre » de Nicholas Ray, elle retrace l’année du bac de Rita, une jolie musulmane – Morjana El Aloui, qui capte aisément la lumière et que la caméra aime visiblement – , 17 ans et de ses deux amies. Elle tombe amoureuse de Youri – Mathieu Boujenah -, qui appartient à la communauté juive de Casablanca, d’où un début d’histoire d’amour dans la grande tradition Roméo + Juliette, évoquée avec beaucoup de sensibilité. Loin d’être provocante, cette évocation reste chaste, à l’image d’un baiser tendre entre les deux personnages. Les excès inhérents à cette génération (drogue et alcool) devrait expliquer les polémiques dont ce film fait objet chez les artistes confirmés au Maroc.

Fatym Layachi, Morjana El Alaoui & Razika Simozrag

La réalisatrice en parlant de son expérience et de ses années d’études – elle vient d’une famille aisée -, tente sans fioriture de jouer contre les clichés, de parler d’une histoire d’amour universelle en retrouvant ses souvenirs. Le film est moins désinvolte que l’on pourrait le croire, elle décrit par petites touches un pays qu’elle aime, rappelant par petites touches un Maroc moins privilégié, comme le vieil homme priant dans un parking entre deux voitures, où ces hommes jouant aux dames avec des capsules en plastiques. Déterminée, Laïla Marrakchi a répété plusieurs mois avec ces jeunes interprètes – tous probants -. Elle passe facilement de l’émotion aux rires, soulignons particulièrement la scène de réconciliation entre Rita et son frère Mao – Assaad Bouab, apportant une complexité à son personnage -, de manière presque chorégraphique. Ce film est un souffle d’air frais, sans prétention, porté par l’enthousiasme de ses interprètes. C’est une proposition, certes partiale et d’un certain point de vue, mais le film ne méritait pas toutes ces polémiques. Les Marocains de Bordeaux, retrouvaient pour beaucoup leurs souvenirs, et la beauté des lieux, il n’y a d’ailleurs eu aucune polémique ce soir là. La réalisatrice, femme du cinéaste Alexandre Aja, ne prétend d’ailleurs pas à dépeindre la totalité du Maroc. Un talent à encourager donc, sortie mercredi prochain.

FAUTEUILS D’ORCHESTRE

 Avant-première à l’UGC-Cité Bordeaux, le mardi 31 janvier 2006, de « Fauteuils d’orchestre », le troisième film comme réalisatrice de Danièle Thompson, en sa présence – très empressée pour cause de dîner avec les notables du crû à l’issue du film -, Christopher Thompson, Dani et Claude Brasseur – grande joie, il n’était pas annoncé -. Le film s’ouvre et se ferme sur la voix de Suzanne Flon, une grand-mère gâteau un peu radoteuse, bel hommage que lui rend la réalisatrice, elle ouvre et ferme ainsi le bal, le film lui est dédié. Elle campe donc l’aïeule de Jessica, habitant Mâcon –  Cécile de France, définitivement irrésistible -, dont elle partage l’amour des lieux luxueux. Elle lui conseille de travailler dans cet univers, afin de se rapprocher de ses rêves. Ni une, ni deux, elle arrive à Paris, bluffe, et finit très rapidement par obtenir un travail de serveuse dans une brasserie huppée de la  rue Montaigne, où ne travaillent que des hommes. Son directeur et serveur – François Rollin, bougon mais sympathique qui trouve enfin un rôle à sa mesure -, la fait travailler rapidement pour cause de personnel indisponible, gobant même son petit mensonge quand elle s’autoproclame, reine du tartare. Naïve et énergique, elle observe tout un petit monde de faux-semblants, le lieu étant un carrefour des affaires et des théâtres. Chacun envie un peu le bonheur de l’autre, sans voir qu’ils sont privilégiés.  

Claude Brasseur & Cécile de France

On suit ce microcosme, de Jacques Grumberg, financier autodidacte qui vend sa collection d’œuvres d’arts comme Michel Serrault se séparant de sa collection de livres dans « Nelly et M. Arnaud » – Claude Brasseur, d’une grande subtilité -, de Frédéric, son fils prématurément aigri et assez taciturne – Christopher Thompson dans son meilleur rôle -, jalousant son père de sa belle maîtresse – Annelise Hesme – ; de Jean-François Lefort – Albert Dupontel, au bord de l’explosion parfait dans ce rôle, contenant sa rage et son impatience -, et sa femme jouée par Laura Morante – So Perfect -, qui a sacrifié sa carrière pour son mari – ; Claudie – Dani –  qui est l’âme du théâtre où joue Lefort, férue de chanson française, et appréhendant avec dignité son départ en retraite, Catherine Fersen – Valérie Lemercier, épatante -, actrice suffisante et recurrente d’une sitcom bêtasse mais très bien payée, qui pousse son agent – Guillaume Gallienne « Besnehardien », pour obtenir le rôle de Simone de Beauvoir auprès d’un grand cinéaste – Sidney Pollack, qui est aussi un très grand comédien -, malgré l’antipathie qu’elle suscite auprès de la directrice de casting – Françoise Lépine, qui dans les rôles secondaires arrive toujours à tirer son épingle du jeu -. Catherine joue en attendant un vaudeville de Feydeau, rendant chèvre son metteur en scène par ses caprices – Christian Hecq – et entraînant le comédien principal – Michel Vuillermoz, que je trouve toujours remarquable -, dans son mauvais esprit.  Les personnages sont happés autour de la lumineuse Jessica, le lieu aidant, des rencontres improbables sont évidentes ici, c’est une étude de mœurs bien vue, très bien écrite, laissant sa chance démocratiquement à tous les personnages d’une habilité remarquable. On se laisse prendre au jeu, sans voir les artifices du scénario, comme ça pouvait être le cas parfois dans « La bûche » et « Décalage horaire ». L’observation est très juste, entre ceux qui vivent pleinement mais trouvant des limites dans une existence devenant trop rassurante, et ceux qui vivent par procuration, dans l’entourage des artistes – Laura Morante, Dani -, mais trouvant matière à fabriquer des rêves. Le dosage rires émotions, fonctionne, Christopher et Danièle Thompson ayant trouvé un ton original et euphorisant. Poussant mon petit couplet flagorneur dans le débat avec sincérité, j’entends ainsi Dani déplorant avoir peut-être avoir raté certains grands rôles par sa faute – elle est ici impressionnante de justesse -, et Claude Brasseur – entrevu ensuite et très abordable -, sur son jeu cite avec humilité son père, disant que ce sont les grands rôles qui font les grands comédiens, et citant Picasso, « J’ai mis longtemps à devenir jeune ».  Ce film, détonnant avec les comédies manufacturées et insipides de ces derniers temps, est à recommander chaleureusement. 

BALI BALLOT

 Avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux, du film « Toute la beauté du monde », vendredi 27 janvier, en présence de Marc Esposito, Marc Lavoine, Zoé Félix et Albane Duterc, mais aussi une déception plus que notable après « Le cœur des hommes », avec déjà Zoé Félix et Marc Lavoine, film d’hommes mais avec quelques portraits de femmes. Dans la série des « grandes amoures contrariées », c’est ici Franck – Marc Lavoine, juste mais limité -, qui a sacrifié sa vie sentimentale pour reprendre les affaires de boiseries et élever ses frères et sœurs, à la mort de ses parents. Il tombe raide dingue de Tina – Zoé Félix, qui ne semble pas avoir consenti à couper ses cheveux, planqués sous une perruque, mais dont le jeu est probant -, qui vient de perdre son mari, jeune trentenaire, qui délaisse l’éducation de ses enfants de 5 à 7 ans – personnages sacrifiés dans le film – pour se consacrer à son deuil larmoyant. Franck lui propose de faire un séjour en Asie, histoire de reprendre goût à l’existence – « Changement d’herbage réjouit les veaux » -. Franck qui va souvent à Bali pour son travaille, essaye de conquérir son cœur, mais elle reste fidèle à son mari, et reste sur la défensive, quand Franck lui avoue son amour. Franck persiste, décide de l’amadouer, étant expert de la « mécanisation » des gens. Suspense intolérable, Tina finira-t-elle par aimer Franck ? L’émotion effleure parfois le film dans la litanie de conventions,  en particulier grâce au couple Jean-Pierre Darroussin – toujours subtil – et une nouvelle venue dynamique – Albane Duterc -, en français installés à Bali, et Pierre-Olivier Mornas – ex « Bâtard de Dieu » -, en frère dépassé de Zoé Félix, dans une tonalité proche de Darroussin, la maturité devrait lui aller très bien.

Mais l’ennui gagne l’assemblée, pire que les soirées diaporama entre potes, surtout quand on est particulièrement sédentaire. Les gens commencent à ricaner, commentent, sans que curieusement ça dérange les autres, grand froid à l’arrivée de l’équipe, chacun des habitués rassurant les autres, non vous n’êtes pas rentré dans une période « pisse-froide », c’est juste un ratage complet, Yann Arthus-Bertrand sort de ce cinéaste ! Marc Esposito tombe dans tous les écueils de la carte postale sponsorisée par l’office de tourisme de Bali et de la Camargue – il ne manque même pas les flamants roses au tableau -, la B.O. d’une mièvrerie inouïe, ne faisant que souligner les manques d’inventivité face à ses paysages sublimes de beauté. Mais très vite la saturation gagne, l’envie de retrouver l’air vicié de la ville, l’hiver, grande était la tentation à la sortie de respirer les vapeurs d’échappements automobiles, et retrouver Bordeaux, une ville blafarde et de façades, me mettait en joie. Et là grand moment d’empathie avec le critique Jean-Pierre Lavoignat, ami de 32 ans, nous dit le sieur Esposito qui a du mal à prendre son micro après quelques verres de bordeaux, on finit par l’excuser de s’autoproclamer écrivain avec la version roman de cette triste oeuvrette. Lavoignat donc, co-fondateur du magazine « Studio », avec lui, avait sur plusieurs numéros fait un compte-rendu du tournage, laissons-lui le crédit d’avoir aimé le film, voir sa critique du dernier numéro, mais si ce n’est pas le cas, il s’en est sorti avec élégance. Le parti pris pouvait être intéressant, dresser une intimité amoureuse dans un décors écrasant, sujet abordé par avec beaucoup de subtilité par Ang Lee avec son « secret de Brokeback mountain ». Marc Esposito rate superbement sa cible, et comme il nous annonce qu’il prépare une suite aux « Cœurs des hommes », ce qui est un peu la solution de facilité, souhaitons qu’il ne soit pas l’homme d’un seul film.

VERS LE SUD

Avant-première le jeudi 12 janvier, à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux du dernier film de Laurent Cantet, « Vers le sud », en sa présence. Avec Robin Campillo – réalisateur des « Revenants » -, il signe pour la première fois l’adaptation d’un roman de Dany Laferrière  – déjà adapté en 1989 avec « Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer » une comédie canadienne de Jaques W. Benoît -, trouvé lors d’un séjour à Port-au-Prince, en république dominicaine. Le romancier qui récrit actuellement ses romans pour une édition complète a été coopératif et a donné matière à ce film. Haïti dans les années 70-80, une femme souhaite confier sa fille à un gérant d’hôtel et qui est d’une grande beauté. Devant le refus de ce dernier prénommé Albert – Lys Amboise excellent et fil conducteur du film qui est en fait graphiste de profession -, elle lui déclare « méfiez-vous des masques ».   La vie touristique n’existant plus là bas on le comprend bien, le réalisateur a parlé très justement des contraintes, et de l’investissement personnel de la comédienne Charlotte Rampling. Le film est en suite centré sur trois touristes femmes voulant échapper à la société rigoriste anglo-saxonne d’alors. Et c’est bien une histoire de masques pour ces touristes, dont on devine que la vie est tout autres chez elles. Ellen, une enseignante de français à Boston joué par Charlotte Rampling, présente dès le début du projet, pour reprendre une expression retrouvée sur elle sur le web, pour qui le temps sur elle est une caresse, accueille Brenda. Cette dernière est jouée par Karen Young trouvée dans un casting et entrevu, il y a peu dans « Factotum », est une Américaine assez fragile.

Charlotte Rampling

Ellen aime à choquer ces interlocuteurs avec une grande crudité de langage, et elle s’amuse à dénigrer son amie Sue – Louise Portal -, avec une cruauté inouïe. Les deux femmes ont des sentiments assez forts avec Legba, gigolo de 18 ans – Ménothy César, un non professionnel qui a remporté le prix Marcello Mastroianni du comédien débutant à la 62e Mostra de Venise -. Il vend son corps et a une petite cour, Brenda a même connu son premier orgasme avec lui à 45 ans. Laurent Cantet cherche derrière un lieu très touristique et une plage magnifique à réfléchir sur le tourisme sexuel, l’arrogance de riches touristes profitant d’une situation de précarité et de danger permanent pour s’épanouir et lutter contre la frustration d’une société américaine.. Ici tout semble épargné, même si la réalité montre parfois son nez, comme deux « Tontons macoutes », humiliant un jeune vendeur de soda qui trimbale avec lui sa glacière. Il livre trois admirables portraits de femme, leur donnant à chacune des monologues où à l’instar de Françoise Lebrun, elles peuvent montrer leurs doutes et leurs faiblesses. Charlotte Rampling est comme toujours admirable, cachant sa vulnérabilité devant une sécheresse de cœur, bien que toujours très belle, son personnage souffre de trop de solitude, d’arpenter trop de bars de Boston pour finir seule. Karen Young montre une belle sensibilité dans un personnage borderline et romantique, qui semble étouffée par sa famille. On la devine névrosée et ses problèmes passent donc inaperçus dans cette société de masques. Saluons Louise Portal dans son rôle de Sue – Laurent Cantet saluait d’ailleurs son humilité face à ce rôle -, qui rend attachant son personnage et arrive à une grande justesse avec un personnage ingrat, en retrait et raisonnable. Le film lui doit beaucoup. Laurent Cantet – une présence sobre et un peu inquiète ce soir là –  livre ici un constat amer sur la société des années 70, et en signant une adaptation littéraire trouve matière à continuer sa manière de décortiquer les mœurs avec une grande acuité et de confronter pros et non professionnels avec une retenue (trop peut-être) constante.

13 TZAMETI

Avant-première hier soir à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux du premier film du cinéaste géorgien Géla Babluani en sa présence. Ce film a reçu au festival de  Venise le « Lion du futur ». prix de la meilleur première œuvre. C’est une œuvre en noir et blanc assez radicale, une vision très noire de l’humanité. Une jeune toiturier, Sébastien – joué par Georges Babluani, propre frère du metteur en scène, qui travaille au noir assiste à la mort d’une overdose de son propriétaire. Il devait des dettes à un certain Pierre Bléreau campé par Jo Prestia, et pour les acquitter devait participer à un mystérieux jeu clandestin préparé dans le secret avec force de précautions et d’organisations occultes. Sébastien qui essaie d’aider sa famille dans le dénuement, vole le billet de train et part pour prendre sa place. Ce film qui reprend la trame du livre d’Horace McCoy « On achève bien les chevaux », est très bien construit malgré un manque évident de moyens. Le jeu est bien amené, souhaitons qu’Alexia Laroche-Joubert, avec ses scrupules bien connus, ne prenne pas connaissance de ce film sinon on va y avoir droit sur TF1, dans un carnage Endemol – Dans mes grandes résolutions 2006, je promets de ne plus dire du mal de cette engeance, je vais essayer de m’y tenir -. Le réalisateur assez timide d’aspect a montré pourtant une belle détermination de faire un film coûte que coûte. Très critique sur le cinéma français, il a passé 6 mois à tourner son film avec les aléas des contraintes et des comédiens disponibles, quitte à abandonner un plan sur la table de montage. Il cite le cinéma de Sharunas Bartas et les grands films soviétiques des années 60-70, où l’on jetait, dit-il les premiers jours de montage à la poubelle avant de trouver le ton du film. Il a vécu 17 ans en Géorgie et est arrivé en France pour fuir – je le cite – une triple guerre civile.

Il déplore que le cinéma français passe trop de temps en pré-production, malgré les difficultés financières, on sent bien chez lui une grande énergie créatrice, il a d’ailleurs déjà tourné son second film dans des conditions encore plus difficiles. On sent chez lui un sens précis du cadre, de la composition picturale à l’intérieur de celui-ci, il a une position assez vierge dans son cinéma. Le film en lui-même, en dépit de quelques maladresses – quelques ombres de perche dans le pavillon du début -, et il y a une tension chromatique assez forte dans la seconde partie du film, d’un innocent préservé de la sauvagerie par son inconscience. L’autre force du film, c’est son interprétation et là chapeau bas à l’équipe du casting – le réalisateur avoue volontiers ne pas connaître ses acteurs -, car il y a une galerie impressionnante de « tronches », visages fatigués, rongés, d’amateurs – il cite un exemple d’un employé du Trésor Public, passant un casting sur Internet -, à des comédiens professionnels. Outre Jo Prestia, cité précédemment, on retrouve Aurélien Recoing dans son personnage habituel de celui qui rit quand il se brûle, Fred Ulysse et Vania Vilers en parieurs inquiétants, et il y a surtout Pascal Bongard, dont j’avais parlé pour « La boîte noire »,  qui a une folie singulière. En maître de cérémonie d’une nervosité droopienne, trônant sur une haute chaise d’arbitre de tennis, il continue à nous surprendre, on peut lui trouver un cousinage avec Robert Le Vigan, si on le retrouve souvent dans le cinéma d’auteur français, ses compositions restent presque toujours dans ma mémoire, il peut se faire une place particulière si le cinéma français n’est pas trop frileux à son égard. En définitive Géla Baluani a un univers prometteur avec ce film dans ce film inégal mais hors normes.

LA VIE EST A NOUS

Avant-première hier à l’UGC Cité-Ciné de « La vie est à nous » de Gérard Krawczyk, en sa présence et celle de Michel Muller. Rien à voir avec le film de Jean Renoir, consacré au front populaire, c’est ici un regard attendri sur des gens simples. C’est l’avantage de pouvoir y voir, un film un mois avant tout le monde, puisqu’il sort le 7 décembre prochain. Ils viennent présenter un peu anxieux, on les comprend c’est la première diffusion devant le public. Ils se connaissent bien puis que c’est leur quatrième film qu’ils font ensemble avec « Taxi 2 », « Wasabi » et « Fanfan la tulipe ». Michel Muller un peu dépenaillé, s’installe avec nous pour découvrir le film. Et là c’est une excellente surprise car on retrouve le ton du premier film de Gérard Krawczyk « L’été en pente douce » réalisé en 1986, avec Pauline Lafont, Jean-Pierre Bacri et Jacques Villeret. C’est presque un western, où ce serait les femmes qui mènent le bal. Dans un petit village de province – tourné en Savoie -, la vie du village est centrée sur deux cafés, l’un « L’étape » tenu par Louise – Sylvie Testud au delà du formidable – et sa mère Blanche – Josiane Balasko touchante – restée diminuée, elle s’est fait renverser par un camion, l’autre « Le virage » tenu par Lucie Chevrier – Catherine Hiegel qui a un formidable abattage et ses filles -. Elles ont juste une allée à traverser pour ce retrouver, mais ça reste presque un obstacle infranchissable, on devine bien qu’elles ont finit par oublier ce qui les a séparées finalement. Le mari de Blanche vient à mourir, et Sylvie Testud au débit de parole continuel, se démène pour faire vivre le café et trouver une idée originale pour que Josiane Balasko ne s’apitoie pas trop sur son sort – je vous en laisse la surprise -. Les clients du café assez versatile, sont comme attirés par l’énergie de Louise, qui recueille le jeune Julien – Danny Martinez au jeu mutique, mais on n’a rarement vu ces derniers temps un enfant comédien aussi probant – que leur confit une amie Marguerite – Chantal Banlier toujours juste – qui n’est tolérée qu’en coup de vent. Car Louise et sa mère ont leur territoire, et elles ne sont jamais sortis de cet univers, la petite rivalité avec les femmes du café d’en face ne faisant que les galvaniser. Les règles sont bien établie, la bonne humeur est de mise, et Louise a des répliques formidables fascinant le petit monde des consommateurs – on retrouve notamment Jacques Mathou et Laurent Gendron, déjà présents dans « L’été en pente douce -. Elles s’occupent également d’un bredin trentenaire sympathique mais très porté sur la boisson et surnommé La Puce, capable de toutes les extrémités, – Michel Muller, très subtil -. Arrive des camionneurs grévistes – très jolie scène sortant les villageois de la torpeur de la nuit -, mené par Pierre, un grand gaillard un peu lunaire – Éric Cantona, dans sans contexte son meilleur rôle -, qui fascine d’emblée Louise…

Sylvie Testud

C’est un retour gagnant à l’émotion pour Gérard Krawczyk, qui retrouve l’univers original de ses premiers films, le très brillant exercice de style de « Je hais les acteurs » d’après Ben Hecht, où il digérait des monstres sacrés comme Jean Poiret ou Bernard Blier, et « L’été en pente douce », d’une formidable singularité, univers que l’on retrouve ici avec jubilation. Le décors du tournage est bien réel et on ne sent à aucun moment que les scènes d’intérieurs sont des décors. Gérard Krawczyk a adapté un roman de Jean-Marie Gourio « L’eau des fleurs » l’auteur était d’ailleurs ravi de l’adaptation se retrouvant chez lui, malgré les libertés prises avec son œuvre. Il ne faut pas s’attendre à retrouver ici une compilation des « brèves de comptoir » ( je vous recommande cette publication dans la collection Bouquins ), mais un éloge des petites gens, de leurs forces et du sacerdoce que peuvent avoir certaines personnes à aider leur prochain, des « gens de peu » selon la formule de Pierre Sansot. La grande force est d’utiliser les dialogues, s’en insister lourdement sur les trouvailles – étonnante ici, « On n’entend pas pareil de l’autre côté du comptoir », et voir la réponse que fait Lucie quand Pierre lui demande « A quoi vous pensez ? ». Les perles sont disséminées dans l’hallucinant débit de parole de Sylvie Testud, qui porte ce rôle avec une sensualité incroyable, un bagou et une énergie, définitivement l’une des comédiennes les plus surprenantes de notre cinéma hexagonal. Tous les comédiens sont formidables, on retrouve les personnages avant une composition, Josiane Balasko et Catherine Hiégel, qui ont un dénominateur commun sont époustouflantes, sans parler de ce retour de la grande tradition des seconds rôles – dont le réalisateur dans un rôle de barfly et quelques apparitions surprises comme Jean-Paul Lilienfeld et Virginie Lemoine, Jean Dell en curé perplexe, Georges Aguilar en routier étonnant, etc…

Michel Muller

Michel Muller un peu réservé, a fait preuve d’une autodérision étonnante, quand je lui ai dit comment il arrivait à la justesse de son personnage en évitant l’écueil d’avoir l’air plus malin que son personnage, ce à quoi il a répondu « être plus con que son personnage ». Gérard Krawczyk a l’élégance ne pas dénigrer ses derniers films produits dans l’écurie Besson, comme pour la musique, il aime à changer de style et varier les plaisirs. Souhaitons lui de pouvoir concilier les deux, car malgré ces trois derniers films, qui ont eu des succès au box-office, il a eu beaucoup de difficultés à monter ce film. On passe ici d’une tendresse, de la simplicité de goûter une tartine de notre enfance, à un humour brillant et un rythme haletant. Un film à découvrir dans un mois, vous retrouverez le talent du réalisateur, avec ici un supplément d’âmes en souvenir de ces premiers films surprenants et touchants. Je termine en saluant la formidable disponibilité et gentillesse des deux invités, Gérard Krawczyk, pour défendre aec humilité et passion son film, et Michel Muller, à l’univers très original. Ce dernier m’a parlé de son travail – il est très inspiré par « C’est arrivé près de chez vous », et de son ardeur à vouloir laisser croire que les images sont volées. Il travaille avec obstination pour trouver un ton juste, pour son film et ses fictions TV. Cette nouvelle facette de leur talents montrée, les deux complices devraient rejoindre des horizons nouveaux. Plus qu’un mois pour attendre ce film qui est une excellente surprise !

BACKSTAGE

Avant-première hier à l’UGC Cité-Ciné, du troisième long-métrage d’Emmanuelle Bercot, avec « La puce » et « Clément ».  Lucie – Isild Le Besco -, est une fan de17 ans qui voue un culte à sa chanteuse préférée  Lauren Waks – Emmanuelle Seigner -. Cette dernière histoire de redorée son image distante, accepte de la rencontrer par surprise dans une émission TV style « Stars à domicile ». Mais Lucie se laisse déborder par son émotion et préfère se cacher, ce qui rend une diffusion télévisuelle impossible. La star repart mais est touchée par un petit mot que l’adolescente lui a glissé sous la porte. Cette dernière finit par quitter son foyer, au grand dam de sa mère – Édith Le Merdy très juste – qui élève seule ses 3 enfants. Lucie rejoint une cohorte de fans qui guette tout déplacement de la vedette – dont surprise Joëlle Miquel, actrice fétiche d’Éric Rohmer qui a un comportement assez déstabilisant -.  Exacerbé, elle finit par attirer la compassion de Jean-Claude un garde du corps blessé par la mort de sa fille – Jean-Paul Walle Wa Wana, étonnant nouveau venu – et rentrer dans le cercle des intimes de Lauren, grâce à Juliette – Noémie Lvovsky épatante comme à chaque fois qu’on la retrouve -. Mais c’est un marché de dupes…

Isild Le Besco & Emmanuelle Seigner

Fan vient de fanatisme, on le sait, et Emmanuelle Bercot a réussit à créer une tension durant tout le film, entre une star écorchée vive, capricieuse et cyclothymique et cette adolescente dont l’idolâtrie révèle ses failles, le danger que peu représenter sa souffrance. La lumineuse Isild Le Besco– qui faisait preuve de beaucoup de grâce et de sensibilité ce soir là -, continue à faire preuve d’exigence et prouver son adresse à jouer un personnage à la dérive. Elle est vraiment touchante et a une présence particulière dans le cinéma actuel. Après son premier film comme réalisatrice, on ne peut que lui promettre un grand avenir. Elle a expliqué, que c’est à presque 23 ans, qu’elle avait la maturité nécessaire pour jouer ce rôle à fleur de peau, et que le résultat n’aurait pas été le même à 17 ans. Sa complicité avec Emmanuelle Bercot est évidente, et permet un travail où les mots ne sont pas forcément nécessaires. Cette vie par procuration la met en danger, et un rapport trouble se noue entre les deux femmes. En icône blessée Emmanuelle Seigner est surprenante de mystère et de fêlures, saluons son travail pour avoir véritablement chanter durant plusieurs séances. La réalisatrice fait preuve ici d’une belle maîtrise. Elle privilégie les personnes humaines plutôt que les comédiens pour personnifier ses personnages, on retrouve donc Valéry Zeitoun – qui a une popularité en TV – jouer son presque propre rôle de manager dépassé, c’est son premier film et présent lors de cette avant-première montrait une jovialité sympathique -, Noémie Lvosky donc, Samuel Benchetrit, réalisateur dont c’est le premier film également, en amant taciturne, Lisa Lamétrie – je vous promets d’arrêter de vous la présenter comme ancienne concierge de Maurice Pialat -, en femme de ménage, Claude Duneton en père bafoué. Ce film étude d’un comportement parfois extrême donne un brillant résultat en montrant avec simplicité la sensibilité exacerbée du sortir de l’adolescente. La confrontation de deux mondes aussi différents est la belle idée de ce film.

JOYEUX NOEL

Avant-première lundi soir à l’UGC Cité-Ciné, du nouveau film de Christian Carion, « Joyeux Noël », en présence du réalisateur, du producteur Christophe Rossignon et Guillaume Canet. Le décorateur Jean-Michel Simonet était également présent mais par discrétion n’est pas monté sur scène. Le film parle du thème de la fraternisation entre les soldats allemands, français et anglais, ici le 24 décembre 1914. C’est un fait réel, l’histoire concentrant plusieurs histoires, longtemps éludé par les autorités, mais connu grâce à la presse anglaise. Anne Sörensen, une soprane – superbe Diane Kruger, bien que peu crédible dans les scènes de chants -, rejoint son amoureux, Nikolaus Sprink – Benno Fürmann, très convaincant – un célèbre ténor de l’Opéra de Berlin, dans une tranchée allemande. Des arbres de Noël surgissent du côté allemand, causant un trouble général… Le réalisateur n’a pas pris le parti pris du réalisme comme dans « Les sentiers de la gloire », mythique film de Stanley Kubrick, ou même d’  « Un long dimanche de fiançailles ». Cette épure déstabilise au départ, puis comme pour le décors de « Brigadoon » de Vincente Minnelli, on finit par adhérer très vite à ce concept. Le côté sanguinolent de la guerre n’est pas privilégié. Cette stylisation donne un côté conte de Noël plaisant, d’autant plus que le côté absurde de la guerre n’est pas éludé, un chat devant être jugé pour être passé à l’ennemi. Cette anecdote s’avère exacte et le réalisateur a expliqué que l’animal  avait d’ailleurs été fusillé pour faits de haute trahison ! Il y a pléthore d’excellents comédiens, pour ne citer que les plus connus de Gary Lewis, digne prêtre anglican, Ian Richarson impitoyable évêque, Daniel Brühl qui révèle une maturité inattendue en lieutenant allemand, Guillaume Canet en lieutenant français passant d’une autorité à une belle sensibilité, Bernard Le Coq en austère général, Lucas Belvaux en soldat râleur, sans oublier Dany Boon, sensible et drôle soldat simplet du Nord, et même le couple Michel Serrault et Suzanne Flon, en châtelain résignés.

Guillaume Canet & Daniel Brühl

Cette avant-première animée par la bonne humeur du trio invité, fait suite à l’inoubliable soirée d’ « Une hirondelle ne fait pas le printemps », où un Michel Serrault en plaine forme – j’ai parlé à une de mes idoles, avant de me faire neutraliser par une grande bourgeoise bordelaise suffisante -, avait fait preuve de brio. Le débat était passionnant de la vérité historique de ce fait occulté. Je n’ai pas pu m’empêcher de poser des questions sur  la polémique lancée par Libération. Le producteur s’étonnait qu’elle n’éclate pas au moment des nominations, de la réaction de quelques mauvais joueurs – des pingouins, d’ailleurs -. J’ai continué  sur le choix des acteurs – Gary Lewis était une évidence pour le réalisateur dès la première rencontre, Guillaume Canet tenait à tout prix faire ce film., Il faut souligner l’importance et l’originalité du travail du producteur Christophe Rossignon, nous faisant des propositions de cinéma singulières et abouties, contrastant avec le tout venant du cinéma français actuel. Pour la petite histoire, il a comme a l’accoutumé joué un rôle dans un de ses films, ici un lieutenant qui remplace le lieutenant Audebert en le critiquant sévèrement, mais il a été coupé au montage. Il me confiait avec humour, vouloir désormais essayer de figurer une prochaine fois dans une scène impossible à supprimer pour la compréhension de l’histoire. Cette évocation sensible de la guerre confirme le talent de Christian Carion.

LE TEXAS N’EXISTE PAS !

Avant-première hier du film de Richard Berry « La boîte noire » en présence de José Garcia. C’est une production « Europa.corp » (aïe !), Librement basé d’une nouvelle de Tonino Benacquista. Difficile de parler du film sans déflorer l’histoire, disons que c’est l’histoire d’Arthur Seligman, qui sort du coma après un accident de la route, près de Cherbourg. Parisien, il ne sait pas ce qu’il fait là… Atteint d’une amnésie partielle, il tente de reconstituer sa vie. C’est donc une histoire archi-classique, dont seule la forme peut apporter un nouvel éclairage. La « boîte noire » c’est l’inconscient qu’un traumatisme peut libérer, on pouvait lui préférer le titre initial « Le Texas n’existe pas » d’ailleurs. Hélas, Richard Berry qui a prouvé qu’il est un bon réalisateur avec ses deux précédents films mésestimés, multiplie les plans tarabiscotés, atmosphère glauques – dans le sens de la couleur verte – et les influences multiples (on pense à David Fincher). Si personnellement je n’ai pas accroché, on est sans doutes trop habitué à l’excellence des anglo-saxons dans ce type de film. Il y a ici une volonté de Richard Berry, de faire un film cauchemardesque, où un univers peut provenir d’un cerveau d’un homme alité et sous morphine. Reste l’écriture sur les traumatismes de toutes sortes, la perception que l’on peut avoir des personnes selon les évènements, les rapports avec les neuropsychiatres et une atmosphère assez prenante.

Marisa Borini & José Garcia

De grands comédiens viennent apporter leurs contributions de Bernard Le Coq étonnant, Marion Cotillard attachante, Gérard Laroche et Dominique Bettenfeld en flics inquisiteurs, Lisa Lamétrie, gouailleuse – la vraie concierge de Maurice Pialat dans un rôle… de concierge -, Nathalie Nell en psychiatre attentive, Marisa Borini en mère inquiète – ce film confirme son talent après « Il est plus facile pour un chameau » -,  à Michel Duchaussoy en père fatigué – José Garcia a dit être impressionné par ce dernier, lors d’un plan séquence coupé un peu au montage où il devait pleurer -. Je voudrais signaler particulièrement la présence de Pascal Bongard, dans un rôle azimuté, qui surprend à chacun de ses rôles – le père de famille dans « Carnage », le curé d’ « Il est plus difficile pour un chameau », etc… -. De Werner Schroeter à Guillaume Nicloux, cet homme de théâtre sait s’imposer immédiatement. Assez peu utilisé au cinéma, c’est incontestablement un talent majeur, avec la particularité d’installer un climat à chacune de ses apparitions.  Ces personnages sont autant de rouages pour accéder à la vérité. Il y a quelques apparitions amicales de Marilou Berry à Thomas Chabrol, Richard Berry ne s’offrant qu’une voix sur un répondeur. José Garcia porte le film sur ses épaules, il continue avec brio son sillon dramatique après Carlos Saura et Costa-Gavras, le film lui doit beaucoup en humanité. Avec beaucoup de chaleur, il a défendu ce film, c’est la troisième fois que je le vois dans une avant-première, Pierre Bénard, le directeur de l’UGC, ne manque pas de souligner son amabilité et sa disponibilité. Il aime à rencontrer le public, humble et drôle, c’est toujours un plaisir de le voir et de l’entendre parler des autres. On n’ose imaginer le film sans lui, dans cette valse de clichés. Dans le même style de film, on peut lui préférer « Le machiniste »de Brad Anderson, sorti l’an dernier, mais l’effort reste louable.