Avant-première à l’UGC-Cité Bordeaux, le mardi 31 janvier 2006, de « Fauteuils d’orchestre », le troisième film comme réalisatrice de Danièle Thompson, en sa présence – très empressée pour cause de dîner avec les notables du crû à l’issue du film -, Christopher Thompson, Dani et Claude Brasseur – grande joie, il n’était pas annoncé -. Le film s’ouvre et se ferme sur la voix de Suzanne Flon, une grand-mère gâteau un peu radoteuse, bel hommage que lui rend la réalisatrice, elle ouvre et ferme ainsi le bal, le film lui est dédié. Elle campe donc l’aïeule de Jessica, habitant Mâcon –  Cécile de France, définitivement irrésistible -, dont elle partage l’amour des lieux luxueux. Elle lui conseille de travailler dans cet univers, afin de se rapprocher de ses rêves. Ni une, ni deux, elle arrive à Paris, bluffe, et finit très rapidement par obtenir un travail de serveuse dans une brasserie huppée de la  rue Montaigne, où ne travaillent que des hommes. Son directeur et serveur – François Rollin, bougon mais sympathique qui trouve enfin un rôle à sa mesure -, la fait travailler rapidement pour cause de personnel indisponible, gobant même son petit mensonge quand elle s’autoproclame, reine du tartare. Naïve et énergique, elle observe tout un petit monde de faux-semblants, le lieu étant un carrefour des affaires et des théâtres. Chacun envie un peu le bonheur de l’autre, sans voir qu’ils sont privilégiés.  

Claude Brasseur & Cécile de France

On suit ce microcosme, de Jacques Grumberg, financier autodidacte qui vend sa collection d’œuvres d’arts comme Michel Serrault se séparant de sa collection de livres dans « Nelly et M. Arnaud » – Claude Brasseur, d’une grande subtilité -, de Frédéric, son fils prématurément aigri et assez taciturne – Christopher Thompson dans son meilleur rôle -, jalousant son père de sa belle maîtresse – Annelise Hesme – ; de Jean-François Lefort – Albert Dupontel, au bord de l’explosion parfait dans ce rôle, contenant sa rage et son impatience -, et sa femme jouée par Laura Morante – So Perfect -, qui a sacrifié sa carrière pour son mari – ; Claudie – Dani –  qui est l’âme du théâtre où joue Lefort, férue de chanson française, et appréhendant avec dignité son départ en retraite, Catherine Fersen – Valérie Lemercier, épatante -, actrice suffisante et recurrente d’une sitcom bêtasse mais très bien payée, qui pousse son agent – Guillaume Gallienne « Besnehardien », pour obtenir le rôle de Simone de Beauvoir auprès d’un grand cinéaste – Sidney Pollack, qui est aussi un très grand comédien -, malgré l’antipathie qu’elle suscite auprès de la directrice de casting – Françoise Lépine, qui dans les rôles secondaires arrive toujours à tirer son épingle du jeu -. Catherine joue en attendant un vaudeville de Feydeau, rendant chèvre son metteur en scène par ses caprices – Christian Hecq – et entraînant le comédien principal – Michel Vuillermoz, que je trouve toujours remarquable -, dans son mauvais esprit.  Les personnages sont happés autour de la lumineuse Jessica, le lieu aidant, des rencontres improbables sont évidentes ici, c’est une étude de mœurs bien vue, très bien écrite, laissant sa chance démocratiquement à tous les personnages d’une habilité remarquable. On se laisse prendre au jeu, sans voir les artifices du scénario, comme ça pouvait être le cas parfois dans « La bûche » et « Décalage horaire ». L’observation est très juste, entre ceux qui vivent pleinement mais trouvant des limites dans une existence devenant trop rassurante, et ceux qui vivent par procuration, dans l’entourage des artistes – Laura Morante, Dani -, mais trouvant matière à fabriquer des rêves. Le dosage rires émotions, fonctionne, Christopher et Danièle Thompson ayant trouvé un ton original et euphorisant. Poussant mon petit couplet flagorneur dans le débat avec sincérité, j’entends ainsi Dani déplorant avoir peut-être avoir raté certains grands rôles par sa faute – elle est ici impressionnante de justesse -, et Claude Brasseur – entrevu ensuite et très abordable -, sur son jeu cite avec humilité son père, disant que ce sont les grands rôles qui font les grands comédiens, et citant Picasso, « J’ai mis longtemps à devenir jeune ».  Ce film, détonnant avec les comédies manufacturées et insipides de ces derniers temps, est à recommander chaleureusement.