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MORT DE BERNARD RAPP

Annonce de la mort prématurée hier de Bernard Rapp à l’âge de 61 ans. Triste nouvelle, j’ai gardé un bon souvenir de lui, l’ayant rencontré à deux reprises dont une pour l’avant-première d’une “Affaire de goût” avec le scénariste Gilles Taurand. J’ai gardé l’impression d’une grande affabilité, un flegme tout britannique cachant quelqu’un de passionné, et ayant une forte volonté de transmettre ses passions. Il fait partie de ses figures de la télévision, en proposant des missions dignes d’une certaine notion du service public, et c’est regrettable à la vision du PAF actuel, où même Arte a tendance à devenir une sous-France 3. On se souvient de lui journaliste, présentateur du journal télévisé – de 1983 à 1987 – et grand reporter. On lui doit d’excellentes émissions dont “l’assiette anglaise”, entourés de chroniqueurs brillants. Il produit et présente  “Un siècle d’écrivains” de 1995 à 2000, en laissant une liberté à ses auteurs et donnant de véritables réussites comme “Le cas Howard Philipps Lovecraft”. On lui doit sur le câble “Les feux de la rampe” de 2001 à 2003 habile adaptation française “Inside the actors studio” émission cultissime de l’excellent James Lipton, sur un ton intimiste. Il avait animé avec beaucoup d’intelligence une émission littéraire “Caractères” qu’il n’avait pût mener à terme faute d’audiences, mais aussi un Ciné-Club intelligent les mercredis soirs sur France 3, où il proposait des versions originales et invitait les auteurs pour discuter du film proposé – Jan Kounen pour parler de la polémique sur la sortie de “Dobermann” par exemple -. Comme Bernard Pivot, il était l’un des rares à arrêter une émission, même en plein succès pour pouvoir se renouveler.

Le cinéphile landa lui sera toujours reconnaissant de son “Dictionnaire Larousse des films”, très utile ouvrage fait en collaboration avec Jean-Claude Lamy. Grand cinéphile, il avait signé son premier scénario en 1985 pour un film destiné au circuit “Omnimax” : “L’eau et les hommes”. Il se lance en 1995 dans la réalisation avec “Tiré à part”, film à réévaluer – pour l’avoir vu dans sa version anglaise à privilégier -, habile polar se passant dans les milieux de l’édition et porté par un Terence Stamp magistral se vengeant d’un Daniel Mesguich, plus sobre qu’à l’accoutumée. Son second film, “Une affaire de goût” en 1999, variation subtile du “Servant” de Joseph Losey, en offrant l’un des meilleurs rôles de Bernard Giraudeau, en restaurateur ambigu, manipulant un goûteur un peu naïf joué brillamment par Jean-Pierre Lorit. A la télévision il signe l’aimable “L’héritière” en 2001, où rayonne Géraldine Pailhas en femme d’affaires, aidée dans sa tâche par François Berléand tout en désinvolture. Sur le mode picaresque en 2002, il réussit “Pas si grave” comédie douce-amère, où trois enfants adoptés – Sami Bouadjila, Romain Duris, Jean-Michel Portal -, envoyés par un exilé de la guerre d’Espagne – le cinéaste Alejandro Jodorowsky -,  essaient de retrouver en Espagne ses anciens compagnons. Plus conventionnel, il signe, en 2004, “Un petit jeu sans conséquence”, une adaptation assez mordante cependant de la pièce de Jean Dell et Gérald Sibleyras, avec Yvan Attal, Sandrine Kiberlain, Jean-Paul Rouve et le formidable Lionel Abelanski. Un grand salut à ce passeur selon la formule de Serge Daney, qui s’est avéré un artiste très convaincant.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Bruno Kirby

L’acteur américain Bruno Kirby ou Bruno Kirby jr, de son vrai nom Bruno Giovanni Quiadaciolu, vient de mourir à l’âge de 57 ans des suites d’une leucémie. Né à New York en 1949, il était le fils du vétéran Bruce Kirby. Il étudie avec Stella Adler et Peggy Fleury, avant de débuter au cinéma, sous le nom de B. Kirby Jr ou Bruce Kirby. C’était un grand habitué des seconds rôles. On se souvient aussi de lui dans le “Parrain II”, personnifiant Richard S. Castellano jeune en reprenant son rôle de Clemenza. Un comédien doué et bénéficiant d’un fort capital de sympathie. Fidèle à l’univers de Billy Crystal, il était désopilant dans son coup de foudre avec Carrie Fisher dans “Quand Harry rencontre Sally…”. Il devait le retrouver dans la comédie décalée “La vie, l’amour… les vaches” en vendeur dynamique. Il fallait le voir devant l’impassible Jack Palance. Il était aussi le faire-valoir idéal face au génie comique de Robin Williams dans “Good morning Vietnam”, en officier désabusé. On le retrouvait donc souvent dans des rôles de bons copains ou de maffieux italo-américain. Un comédien doué et bénéficiant d’un fort capital de sympathie.

Bibliographie : “Quinlan’s character stars” par David Quinlan Éditions Reynolds &  Hearn Ltd, 2004).

 

Filmographie : 1971  The Young Graduates (Robert Anderson) – 1973  The Harrad Experiment (Ted Post) – Cinderella Liberty (Permission d’aimer) (Mark Rydell) – 1974  The Godfather: Part II (Le parrain 2) (Francis Ford Coppola) – Superdad (Vincent McEveety) – 1976  Baby Blue Marine (John D. Hancock) –  1977  Between the Lines (Joan Micklin Silver) –  1978  Almost Summer (Martin Davidson) – 1980  Borderline (Chicanos, chasseur de têtes) (Jerold Freedman) – Cruising (Cruising – La chasse) (William Friedkin) – Where the Buffalo Roam (Art Linson) –  1981  Modern Romance (Albert Brooks) –  1982  Kiss My Grits (Jack Starrett) – 1983  This is Spinal Tap (Spinal Tap) (Rob Reiner) – 1984  Birdy (Id) (Alan Parker) – 1985  Flesh & Blood (La chair et le sang) (Paul Verhoeven) –  1987  Tin Men (Les filous) (Barry Levinson) –  Good Morning, Vietnam (Id) (Barry Levinson) – 1988  Bert Rigby, You’re a Fool (Vidéo : Hollywood Follies) (Carl Reiner) – 1989  When Harry Met Sally (Quand Harry rencontre Sally…) (Rob Reiner) –  We’re No Angels (Nous ne sommes pas des anges) (Neil Jordan) –  1990  The Freshman (Premiers pas dans la mafia) (Andrew Bergman) – 1991   City Slickers (La vie, l’amour… les vaches) (Ron Underwood) – 1992  Hoffa (Id) (Danny DeVito) –  1993  Golden Gate (John Madden) – 1995  The Basketball Diaries (Basketball Diaries) (Scott Kalvert) –1996  Heavenzapoppin’ ! (Robert Watzke, CM) –  Sleepers (Id) (Barry Levinson) –  Donnie Brasco (Id) (Mike Newell) –  1999  A Slipping Down Life (Toni Kalem) –  History Is Made at Night (Id) (Ilka Jarvilaturi) –  Stuart Little (Id) (Rob Minkoff, animation, voix) – 2001  One Eyed King (Vidéo : Une histoire d’hommes) (Nathaniel Ryan) – 2003  The Trailer (Steve Altman, CM) -Waiting for Ronald (Ellen Gerstein, CM) –  2006  Played (Sean Stanek).

ARRIVEDERCI AMORE, CIAO

On était curieux de retrouver Michele Soavi, perdu dans les limbes de la télévision italienne, depuis son dernier film, l’iconoclaste “Dellamorte Dellamore”, avec Rupert Everett et François Hadji-Lazaro et son célèbre “gnâ !”», datant de 12 ans déjà. Il s’était un peu perdu dans les limbes de la télévision italienne, mais on retrouve ici sa patte de petit maître maniériste qu’il avait dans de petits films d’horreurs originaux comme “La setta”, avec Herbert Lom et surtout “Bloody Bird”, où un tueur portait un curieux masque de hibou. De bons souvenirs dans quelques soirées câblées désœuvrées, ce type de film revenant souvent dans la programmation. On retrouve Alessio Boni, inoubliable interprète de “Nos meilleures années” film fleuve de Marco Tullio Giordana -, où il avait un personnage beaucoup plus sensible ici que ce personnage de Giorgio Pellegrini ancien révolutionnaire devenu nihiliste dans cette adaptation d’un roman de Massimo Carlotto. On le découvre au milieu de guérilleros armés jusqu’aux dents, avec une barbe “cheguevarresque”. Dans ce recoin oublié de l’Amérique Latine, il trompe son ennui en jouant avec les perspectives en ouvrant et fermant un œil, à la vue d’un crocodile fonçant sur un cadavre. Dégoûté d’avoir dû répondre à un ordre imbécile, il décide de fuir cette vie d’activiste.  De retour en Europe, il va tenter, en se transformant en maître chanteur, de soutirer de l’argent à l’un des ses anciens compagnons, ancien communiste reconverti dans le polar. Son but final est finalement d’aboutir à une réhabilitation, pour enfin refaire sa vie, après une peine de prison symbolique. Giorgio va comprendre que seul la violence peut l’amener à ses fins. Il est conforté dans cette idée avec sa rencontre avec un flic ripoux d’anthologie nommé Anedda – Michele Placido impressionnant -. Opportuniste, Giorgio va se servir de son expérience passée, pour organiser des casses avec la complicité du policier. Même si on pense au “Romanzo criminale” de Placido, vu cette année, ce film n’est en rien une réflexion politique. C’est plutôt dans la tradition du film noir, du “Poliziotteschi” italien, genre qui avait eu son heure de gloire dans le cinéma italien des années 70, et reconsidéré ces derniers temps par la sortie DVD de trois d’entre eux “Rue de la violence” , “La rançon de la peur” et “Brigade spéciale” sortis chez Neo Publishing.

Michele Placido & Alessio Boni

C’est un genre violent, où les policiers franchissent allégrement la légalité pour arriver à leurs fins. Ici il n’y a finalement aucune psychologie dans le personnage de Giorgio, juste une sorte de traumatisme originel dans un attentat qui avait fait une imprévisible victime innocente, ce qui nous vaut une très belle scène poético-macabre à la vision d’un arbre sanglant. Giorgio n’a plus d’illusions, ni d’états d’âmes, arriviste dans l’âme, il se sert de petites crapules apatrides pour voler de l’argent, participe aux compromissions politiques avec un art consommé. Rentrant comme homme de main dans une boîte de nuit, et se servant de sa belle gueule avec une rouerie assumée, pour séduire une femme riche – Isabelle Ferrari, qui montre ici une gravité inattendue -, où organiser de petits trafics… Si la mise en scène de Michele Soavi, semble plus sage qu’au paravent, il ne résiste pas à certaines virtuosités. Il y a des citations d’autres œuvres – une célèbre scène du “Soupçons” d’Hitchcock, sans vouloir déflorer le film par exemple -. On sent qu’il prend un plaisir évident avec ce monstre froid, même s’il se complait dans une noirceur évidente mais avec une certaine stylisation et un humour noir assez salvateur. Seule la jeune Roberta – révélation d’une belle sensibilité : Alina Nadela – apporte un souffle d’air frais dans un monde cynique et impitoyable en attendant un climax final particulièrement suffocant. Mais elle ne va servir qu’à une caution de moralité lorsqu’elle rencontre Giorgio. L’immoralité de l’ensemble tranche singulièrement avec la moyenne du cinéma actuelle. Alessio Boni campe ce personnage avec conviction et ambiguïté, et sa confrontation avec Michele Placido passé bien au-delà de la corruption est très réussie. Un film qui ne laisse personne indifférents, qui distille une ambiance torve particulièrement singulière, dans ce jeu de massacre des archétypes du policier.

ADIEU CUBA

Andy Garcia originaire de la Havane, évoque ici le Cuba de la fin des années 50, au travers d’un portrait d’un directeur d’une boîte de nuit – Garcia himself se réservant le premier rôle –. Le passage du régime totalitaire de Batista à celui de Fidel Castro vont causer la perte de ses privilèges et vont le contraindre à l’exil à New-York… On se dit pourquoi pas évoquer Cuba, comme ici dans ce film “The lost city” – “Adieu Cuba” – qui bénéficie de la signature prestigieuse de l’écrivain cubain G. Cabrera Infante au scenario juste avant sa mort l’an dernier, sous la forme d’une saga familiale… Il y a pourtant de bons moments dans ce film mais il faut aller au-delà des limites d’une évocation renvoyant dos à dos le président Batista, montré comme un tyran d’opérette et le mythique Che qui tue sans vergogne pour ces idées. C’est un peu le musée Grévin, avec une prédilection toute particulière pour la fausse barbe castriste du frère cadet-castriste souffrant sans doutes de l’utilisation d’une mauvaise colle. C’est une vision nostalgique des choses, mais aussi partiale, car il s’agit d’une famille de nantis. L’utilisation de documents réels d’archives en noir et blanc est presque ici un aveu d’impuissance de recréer une histoire perdue, avec suprême roublardise d’y intégrer Garcia fuyant les vrais révolutionnaires. Cette mise en abyme est assez vaine. Il s’agit ici de dresser une fresque où domine un petit côté fleur bleue, plutôt que de tabler sur un discours démonstratif. Le peuple est tragiquement absent ici, le protagoniste principal – joué par Andy Garcia formidable acteur mais un peu en roue libre ici -, ne privilégiant que la vie de son cabaret “El Tropico”, l’occasion de nous livrer d’excellents numéros musicaux – soit une quarantaine de classiques -, surfant un peu sur la mode “latino” de ces dernières années. Il montre parfois l’absurdité, de nouveau régime, comme l’hallucinante réflexion d’une femme soldate du régime castriste qui interdit le saxophone dans son établissement, comme instrument de l’impérialisme américain…

Andy Garcia, lui précise que c’est l’invention d’un certain Sax qui est Belge, elle répond avec aplomb en dénigrant la Belgique dans ses exactions au Congo. Mais il manque sérieusement un souffle dans cette série de clichés. Dans ce mode romanesque il y a un autre écueil important, la présence d’Inès Sastre qui dans le rôle féminin principal nous régale d’un festival de bouderies puériles. A grands coups de moues renfrognées, elle n’arrive qu’à camper un pantin déshumanisé, la photogénie sur papier glacé n’allant pas obligatoirement de pair avec le talent sur l’écran. Une suggestion qu’elle adopte un nouveau prénom : Haydée ! Le reste de l’interprétation est assez inégale, mais on a plaisir à retrouver le vieux routier Tomas Milian, cubain d’origine, apportant un peu d’humanité dans son rôle de patriarche transpirant et intraitable sur la ponctualité, ou Steven Bauer en militaire conformiste. Dustin Hoffman imprègne de sa présence son court rôle, le temps de 2 scènes -… et 2 fois le même numéro – en maffieux local.  Reste la présence de Bill Murray, dans un superbe numéro. Dans un rôle un peu trop écrit d’écrivain sans nom, il amène un souffle de liberté, de contestation dans cet univers de carton-pâte. Il faut le voir en short disserter sur la vie, le pouvoir, préparer ses effets à grand coup d’éventail. Là on vient bien croire à l’histoire, à l’instar de la scène où le personnage d’Andy Garcia, conscient d’un univers qu’il va perdre et gardera un moment de complicité avec Murray qu’il chérira à jamais. Chapeau bas pour Bill Murray, car il faut bien le dire, il me semble sauver le film. Dommage car on sentait bien qu’Andy Garcia était très attaché à ce projet.

Bill Murray à la rescousse

LA TOURNEUSE DE PAGES

Avant-première le jeudi 3 août, du quatrième film de Denis Dercourt, déjà bien accueilli à Cannes 2006, dans la sélection “Un certain Regard”. Hormis le très abouti “Lise et André” sur la rencontre d’une mère – trop sous exploité Isabelle Candelier – dont le fils est malade, qui se confit à un prêtre – formidable Michel Duchaussoy – en 2000, ses trois autres films parlent du milieu de la musique et des concertistes. Le réalisateur concilie à la fois ses cours de musique de chambre au conservatoire de Strasbourg, et sa carrière très originale au cinéma. Après “Les cachetonneurs” (1998) retraçant la difficulté de musiciens itinérants, et le très maîtrisé “Mes enfants ne sont pas comme les autres” (2003) sur un père – Richard Berry – trop exigeant sur les performances musicales de ses enfants. Comme dans ses autres films, il faut saluer la grande crédibilité de ses interprètes lors des morceaux musicaux. Dercourt connaît les écueils à éviter, il est aidé ici par les connaissances de Catherine Frot, qui a fait du piano jusqu’à l’âge de 12 ans, et connais très bien “La marche turque” de Mozart, Xavier de Guillebon qui pratique la clarinette et Clotilde Mollet, musicienne émérite, qui a déjà plusieurs films à son actif. Rarement, on aura vu une représentation de la musique aussi probante. Il est parfois difficile de ne pas ricaner devant des mouvements inconsidérés sur quelques touches de piano, dans certains films confondant agitation et mélomanie. Difficile de parler du film sans parler du thème principal, n’allez pas plus loin si vous voulez préserver le plaisir du film… Disons que le thème pouvait être celui d’un thriller, c’est plus ici un cinéma psychologique proche d’un Claude Chabrol, nom souvent cité lors du débat d’après film. Il y a une tension palpable mise en valeur par une réalisation intelligente qui revisite le thème un peu éculé de la vengeance. François Truffaut se disait gêné par cette utilisation, quand il avait fait “La mariée était en noir”, loin d’être d’ailleurs l’une de ses œuvres les plus réussies. Une jeune enfant douée, Mélanie dont les parents sont bouchers – Christine Citti et Jacques Bonnaffé qui arrivent à faire exister leurs personnages en peu de mots -, décide d’abandonner sa pratique du piano, si elle échoue son concours d’entrée au conservatoire. Ariane Fouchécourt, brillante artiste mais bourgeoise assez hautaine, va avoir une attitude assez inconsidérée dans ce moment de grand stress. Ariane c’est Catherine Frot, de plus en plus rayonnante depuis son rôle dans “Le passager de l’été”, elle révèle à nouveau ici une certaine séduction et une grande sensualité. Son personnage va d’ailleurs évoluer durant le film. Le destin de Mélanie est ainsi scellé de la manière que je vous laisse découvrir, on peut voir ensuite son effroi assez inconsidéré. Loin de planifier toute idée de représailles, Mélanie adulte – Déborah François, qui confirme ici de son grand talent découvert chez les frères Dardenne dans “L’enfant”, se sert en fait des hasards de la vie pour retrouver cette grande pianiste qui a brisé son destin.

Catherine Frot & Déborah François

Le grand talent du réalisateur est qu’il laisse volontairement des zones d’ombres, offre des pistes – l’accident de voiture -, sans que l’on sache le rôle de la jeune Mélanie dans ces évènements. Elle va donc se retrouver dans un grand cabinet d’avocats tenu par une secrétaire zélée – Martine Chevallier excellente -, qui est dirigé par M. Fouchécourt – Pascal Greggory arrivant à concilier ferveur et réserve -. Mélanie va tout faire pour se montrer indispensable en devenant la baby sitter de leur fils Tristan pianiste en herbe très talentueux. Elle va gagner la confiance de toute la famille, et va retrouver la célèbre pianiste en pleine crise artistique. Elle va devenir sa tourneuse de pages – rôle prépondérant pour une grande pianiste -, va installer une certaine intimité, voire amitié amoureuse avec elle, et attendre que le sort lui soit favorable pour accomplir son méfait. Seule l’amie musicienne d’Ariane – Clotilde Mollet donc, une personnalité attachante -, va se méfier. Elle et son mari – Xavier de Guillebon – essaie de monter un trio de concertistes avec Ariane. La pression est grande, le trio est un peu en perte de vitesse, et il faut convaincre un agent artistique important – André Marcon, toujours à la présence aussi forte – et éviter… les fausses notes. La villa luxueuse des Fouchécourt a aussi une grande importance en étant faussement rassurante. C’est en fait un lieu existant nous avait évoqué Denis Dercourt, et si l’on pense inévitablement au superbe “Cat People / La féline” de Jacques Tourneur dans la scène de la piscine, son réalisateur n’a en fait jamais vu le film et a juste utilisé cet élément présent dans cette narration. Si la fin pêche un peu, son réalisateur est le premier à le reconnaître en déclarant avoir été trahi par son scénariste… c’est à dire lui-même -. Il arrive cependant à montrer une fois le petit microcosme musical, ses exigences, ses petites lâchetés ou cruautés, et installe un climat très original. Pour avoir déjà conversé avec lui lors de son précédent film, j’ai retrouvé ce soir là sa grande exigence – il sait ce qu’il veut et peut demander beaucoup -, son grand humour et sa volonté de faire partager ses deux passions la musique et le cinéma, toujours au service de ses interprètes. Il nous confirme une fois de plus sa singularité dans le cinéma français. Déplorons seulement qu’un petit côté mécanique du scénario, nous empêche de faire éclater une ambiguïté étouffante.

MORT DE BERNARD EVEIN

Annonce de la mort du décorateur Bernard Evein, indissociable de l’œuvre Jacques Demy. Il est mort dans “L’île de Noirmoutier” alors que se déroule en ce moment à la Fondation Cartier l’exposition “L’île et elle”, œuvre d’Agnès Varda, dont il fut, ironie du sort, aussi le collaborateur. Il avait témoigné pour elle sur l’œuvre de Jacques Demy dans deux de ses documentaires “Les demoiselles ont eu 25 ans” (1993) et “L’univers de Jacques Demy” (1995). Après des études à l’école des Beaux-Arts à Nantes, il entre à l’IDHEC, section décoration, dont il ressort diplômé en 1951. Il travaille en collaboration avec le décorateur Jacques Saulnier, avant d’être associé aussi à la nouvelle vague, on se souvient de son œuvre particulièrement colorée. J’ai le souvenir de magnifiques maquettes vues dans un numéro de Télérama, conçues pour un film de Jacques Demy, situé dans Saint-Pétersbourg qui resta hélas inabouti faute de financements. Il était l’un des plus grands de sa profession.

Filmographie : 1952  La danseuse nue (Pierre Louis, assistant décorateur) – 1957  Le bel indifférent (Jacques Demy, CM) – 1958  Les amants (Louis Malle) – Les quatre cents coups (François Truffaut) – Les cousins (Claude Chabrol) – 1959  À double tour (Claude Chabrol) – La sentence (Jean Valère) – Les jeux de l’amour (Philippe de Broca) – Les scélérats (Robert Hossein) – 1960  Zazie dans le métro (Louis Malle) –  Les grandes personnes (Jean Valère) – L’amant de cinq jours (Philippe de Broca) – Lola (Jacques Demy, + costumes) – Une femme est une femme (Jean-Luc Godard) – L’année dernière à Marienbad (Alain Resnais, costumes seulement) – 1961  Le rendez-vous de minuit (Roger Leenhardt) – Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda) – Vie privée (Louis Malle) – Les spet péchés capitaux [épisodes « L’avarice » (Claude Chabrol) & « La luxure » (Jacques Demy, + petit rôle)] – Le combat dans l’île (Alain Cavalier) – 1962  Les dimanches de Ville d’Avray (Serge Bourguignon) – Le jour et l’heure (René Clément) – La baie des anges (Jacques Demy, + costumes) – 1963  Le feu follet (Louis Malle) – Les parapluies de Cherbourg (Jacques Demy) – 1964  Aimez-vous les femmes ? (Jean Léon) – L’insoumis (Akaub Cavalier) – Comment épouser un premier ministre (Michel Boisrond) – 1965  Viva Maria ! (Louis Malle) – Paris au mois d’Août (Pierre Granier-Deferre) – Qui êtes-vous Polly Maggoo ? (William Klein) – 1966  Les demoiselles de Rochefort (Jacques Demy) –  Le plus vieux métier du monde [épisode « Mademoiselle Mimi »] (Philippe de Broca) –  Seven times Seven (Sept fois femmes) (Vittorio de Sica) – 1967  Adolphe ou l’âge tendre (Bernard Toublanc-Michel) – 1969  Sweet hunters (Tendres chasseurs/ Ternos Caçadores) (Ruy Guerra) – L’aveu (Costa-Gavras) –1970  Le bateau sur l’herbe (Michel Drach) – 1973  L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune (Jacques Demy) – Le grand bazar (Claude Zidi) – Le hasard et la violence (Philippe Labro) – La merveilleuse visite (Marcel Carné, directeur artistique seulement) – 1975  Zerschossene Traüme (L’appât) (Peter Patzak) – L’alpagueur (Philippe Labro) – 1976  Néa  (Nelly Kaplan) – Le jouet (Francis Veber) – 1977  La vie devant soi (Moshe Mizarahi) – 1978  Lady Oscar (Jacques Demy) – 1979  Tous vedettes (Michel Lang) – Chère inconnue (Moshe Mizrahi) – 1980  Une merveilleuse journée (Claude Vital) – 1982  Une chambre en ville (Jacques Demy) – 1984  Notre histoire (Bertrand Blier) – 1986  La rumba (Roger Hanin) – Thérèse (Alain Cavalier) – 1988  Trois places pour le 26 (Jacques Demy).


Catherine Deneuve & François Dorléac dans “Les demoiselles de Rochefort”

ARTICLE / LE MONDE du 10.08.2006

Bernard Evein, décorateur de cinéma et de théâtre, est mort mardi 8 août, dans l’île de Noirmoutier (Vendée). Il était âgé de 77 ans. Né à Saint-Nazaire le 5 janvier 1929, Bernard Evein fut le condisciple du futur cinéaste Jacques Demy à l’école des Beaux-Arts de Nantes, avant de le retrouver au titre de décorateur de huit de ses films, dont Lola (1961), Les Parapluies de Cherbourg (1964), Une Chambre en ville (1982). Bernard Evein, césarisé pour les meilleurs décors de films à six reprises entre 1977 et 1989, collabora également avec Louis Malle (Les Amants, 1958 ; Zazie dans le métro, 1960 ; Le Feu follet, 1963), François Truffaut (Les 400 coups, 1959), Claude Chabrol (A double tour, 1960), Alain Cavalier (Le Combat dans l’île, 1961 ; L’Insoumis, 1964 ; Thérèse, 1986), Jean-Luc Godard (Une femme est une femme, 1961), Agnès Varda (Cléo de 5 à 7, 1962), William Klein (Qui êtes-vous Polly Magoo, 1966), ou Francis Veber (Le Jouet, 1976). Une carrière qui parle d’elle-même, et qui fut complétée au théâtre par ses collaborations avec notamment le metteur en scène Jean-Louis Barrault et Jean-Luc Tardieu.

SUD-OUEST

Evein, grand du cinéma, par Thomas La Noue

Décédé avant-hier à Noirmoutier des suites d’une longue maladie à 77 ans, Bernard Evein était l’homme qui avait osé mettre en couleurs le cinéma français, et quelles couleurs ! Débutant à la fin des années cinquante, époque où le noir et blanc était la règle et la couleur l’exception, il travaille avec les jeunes réalisateurs annonçant la nouvelle vague. Le décor onirique et la robe de plumes de Delphine Seyrig dans « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais (en noir et blanc), c’est lui. Il n’avait pas fini de surprendre. La couleur en vedette. Au début des années soixante, il collabore avec Claude Chabrol (« A double tour »  et Louis Malle (« Les Amants », « Vie privée », « Viva Maria » . En toute complicité avec les chefs opérateurs Henri Decae, Jean Rabier ou Ghislain Cloquet, il introduit une notion nouvelle : la couleur n’est plus seulement un argument commercial et une commodité technique permettant de faire « plus vrai que le noir et blanc », elle devient le principe même du décor. « En-chanté ». C’est bien sûr avec Jacques Demy que Bernard Evein va donner toute la mesure de son talent. Les deux enfants de Nantes sont sur la même longueur d’onde et Evein va faire éclater les couleurs et transfigurer les lieux ordinaires dans les films « en-chanté » de Demy. Première expérience avec « Les Parapluies de Cherbourg » et aboutissement trois ans après avec « Les Demoiselles de Rochefort », ce chef-d’oeuvre en forme d’hommage à la comédie musicale. Il faut s’imaginer ce qu’était la ville il y a quarante ans. Grise, terne, semblant vouée à un inexorable déclin, elle avait déserté son patrimoine historique et architectural et somnolait sur les bords de la Charente. Demy et Evein vont l’investir, la repeindre en rose, orangé, jaune, bleu, vert, la livrer aux danseurs. En un mot, lui offrir une autre vie. Le film sera (et reste) un immense succès, et la collaboration entre les deux hommes se poursuivra avec notamment « Peau d’âne », « Trois places pour le 26 », « Jacquot de Nantes ».

A LITTLE TRIBUTE TO BOLLYWOOD

Initiative intéressante de l’UGC Cité-Viné, en partenariat avec le distributeur “Bodegas Films”, de proposer du 2 au 8 août, 5 films estampillés “Bollywood” – où Bombay versus Hollywood -, soit 998 minutes de programme ! Évidemment, rien de plus tentant en période de disette cinématographique entre deux gueules de poulpes et quelques séries B européennes sorties de quelques placards. Par ordre chronologique, sur dix ans on retrouve dans cette série, la star locale au sourire enjoué-enjôleur Shah Rukh Khan. On le retrouve en jeune frimeur “Dilwale Dulhania Le Jayenge” (Aditya Chopra, 1994, inédit), un professeur de musique utopiste dans “Mohabbatein” (Aditya Chopra, 2001, inédit), – en fils chassé par son père pour n’avoir pas accepté un mariage arrangé dans “Kabhi Khushi Kabhie Gham… – La famille indienne” (Karan Johar, 2001), indien charmeur exilé à New-York dans “New-York Masala” (Nikhil Advani, 2003), sauveteur émérite d’Indian Airlines dans “Veer-Zaara” (Yash Chopra, 2004). Très doué dans les scènes dansées, il a aussi un fort potentiel comique. Reste que dans les scènes d’émotions, il est aussi probant, même s’il a tendance à jouer dans la catégorie chargeurs réunis, sanglotant en reprenant les mouvements de têtes d’un petit pigeon dans le désopilant “La famille indienne”. Mais on risque d’ergoter sur une différence de mentalité. On comprend le prestige dont il jouit en Inde, même si sa suprématie indéniable depuis 1990 semble devoir être entamée par l’arrivée de Hrithik Roshan dont on peut apprécier les talents dans “La famille indienne”. On retrouve aussi sur trois films, l’impressionnant Amitabh Bachchan, qui campe des hommes rigoristes tel le directeur de l’université “Mohabbatein” – variante du “Cercle des poètes disparus” -, et le père austère d’une tribue indienne. Il est même assez touchant dans “Veer-Zaare” en fondateur d’un village recueillant des défavorisés qui finit par prendre conscience de l’émancipation de la femme. Il faut le voir aussi avec sa grande stature esquisser des pas de danses ou faire des déclarations à sa fidèle épouse dans les deux derniers titres cités. On se familiarise avec ces comédiens idoles, comme la charmante Kajol, qui a la faculté d’émettre des sons qui vous vrillent les tympans si la bande-son est trop forte, ou Jaha Baduri – “La famille indienne”, “New-York Masala” -, personnification de la mère indienne. Et il y a surtout l’ineffable Amrish Puri – père intraitable dans  “Dilwale Dulhania Le Jayenge” – et général ganache dans “Mahabbatein” -, mort en 2005, qui quand il fait les gros yeux par temps de grosse contrariété, déclenche les fous rires. Il est encore plus fort que Marty Feldman et son célèbre strabisme, qui lui au moins tablait dans l’humour volontaire…  Il n’y a que très peu de réalisme, les personnages viennent souvent de milieux privilégiés, sont des fashions victimes, arborent ostensiblement des vêtements de marques. 0n peut constater une certaine occidentalisation, ou est-ce un appel du pied envers le public international.

Shah Rukh Khan, Kajol, Amitabh Bachchan, Jaha Baduri, Kareena Kapoor & Hrithik Roshan, dans “La famille indienne”.

Les personnages voyagent – la Suisse -, où s’exile – L’Angleterre, les États-Unis -. C’est une vision dorée d’un petit monde échappé de l’œuvre de Delly. Nous sommes dans la grande tradition mélodramatique, feuilletonesque, entre la niaiserie d’un Claude Lelouch et le sentimentalisme du soap opéra télévisuel. Pathos s’en faut, effet gondolable garantie. Il y a des figures imposées dans ces amours assez chastes en Cinémascope. On retrouve donc des couples mal assortis qui ne se supportent pas de prime abord, des numéros musicaux dans des tenues chatoyantes, un certain érotisme mouillé – la pluie a un rôle prépondérant -, et les yeux rouges sont de rigueurs. Évidemment, il est difficile de se départir de son petit regard condescendant de petit franchouillard moyen. Mais les yeux des comédiens sont souvent embués voir rouge vif façon lapin russe. C’est donc la vallée des pleurs, nous finissons aussi par les suivre… mais en pleurant de rire, comme dans le plus mal goupillé et le plus rocambolesque, “La famille indienne”. Ce “classique” filmé de manière pataude par un certain Karan Johar qui ne renâcle pas à bâcler son film, a des effets outrés – l’orage grondant lors de fortes tensions, idée reprise dans “Mohabbatein”, post-synchronisation approximative -. C’est aussi celui auquel on rit le plus dans ce royaume des courants d’air. Les histoires répondent toujours aux même stéréotypes, les grandes amours contrariées de jeunes gens face à leurs aînés respectant les traditions familiales avec une grande rigueur, et finissant par s’humaniser invariablement à la fin du film. Les personnages sont attachants, comme les femmes âgées résignées mais qui sont les premières à comprendre la détresse des jeunes gens. Il y a aussi des trouvailles, comme celle des bijoux qui s’accrochent aux vêtements quand les protagonistes veulent s’éloigner le temps d’une danse, où le père qui félicite son fils d’avoir raté ces études à Harvard, perpétuant ainsi la grande tradition de ratage d’examen des aînés dans “Dilwale Dulhania Le Jayenge”. Le happy-end est aussi de rigueur – sauf “New-York Masala” -… Mais il faut bien convenir que cette overdose de rose a son petit effet galvanisant. Trêve de sarcasmes, malgré un gros budget glycérine et ventilateur, il y a un indéniable savoir-faire. Il y a un message régulier de tolérance, surtout dans “Veer-Zaara”, à mon avis le plus convaincant, sous toile de fond des conflits entre l’Inde et le Pakistan. Les héros s’ingénient parfois à faire le bonheur autour d’eux en sacrifiant volontiers les petits intérêts personnels. Quant à la fameuse durée, il est curieux de constater que passer un certain cap, l’attention ne se relâche que très peu. Un souffle assez unique est à souligner dans ces 5 films. On ne sait finalement si les 200 films annuels produits en Inde ont cette même qualité. J’ai même eu l’agréable surprise de constater que j’avais moins de scènes ennuyeuses à déplorer dans presque 17 heures de films que dans les 150 minutes des “Pirates des Caraïbes – Le secret du coffre maudit”. Ces films ont un charme fou, et sont particulièrement bienvenus en pleine apathie aoûtienne… On en redemande…

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Marie-Pierre Casey

Marie-Pierre Casey dans “Faux coupable”

Une des (très rares) bonnes surprises du film “Les Dalton” de Philippe Haïm, est de retrouver Marie-Pierre Casey dans le rôle de Ma Cassidy. Avec Marthe Villalonga, Ginette Garcin et Sylvie Joly, elles forment un quatuor infernal de mères n’hésitant pas à braquer des banques. Hélas c’est plus une présence qu’un véritable rôle… Elle était formidable dans “Que la lumière soit” (1996) en Madame Michu qui tient tête dans un bus… à Dieu (joué formidablement par Galabru). Elle était la garde-malade de Galabru toujours dans “L’été meurtrier” (1982), subissant la rage d’Isabelle Adjani . Elle formait un couple assez sordide avec Fernand Berset dans “L’affaire Dominici” (Claude Bernard-Aubert, 1972), où ils profitent des vacances pour visiter les lieux du drame. Elle campe une religieuse infirmière dans le feuilleton “L’abonné de la ligne U”, une austère professeur chez Pigier dans “Le cinéma de Papa” (Claude Berri, 1970), une nounou débordée pour lequel il faut planifier une garde… bien avant la naissance de l’enfant dans “Elle court, elle court la banlieue” (Gérard Pirès, 1972), une salutiste dans le cultissime “Na !” (1972) unique film de Jacques Martin et une employée “pète-sec” lisant un télégramme à Henri Guybet dans “Pétrole !, Pétrole !” (Christian Gion, 1981). On la découvre avec surprise dans “Certains l’aiment froide” (1959) de Jean Bastia, où sous le nom de Marie-Pierre Gauthey, elle joue une malade séduite par un aventurier campé par Robert Manuel, qui cherche à lui voler ses radios, pour une sombre histoire d’héritage, son personnage habituel était déjà bien dessiné.

Peu de films, finalement (mais avec Jacques Tati ou Claude Sautet), mais elle était très populaire à la télévision (chez Stéphane Collaro, “Vivement Lundi, etc…). Dans “Palace” elle intervenait auprès de  l’homme aux clefs d’or (Claude Piéplu), pour faire remonter l’Audimat. Il fallait voir la tête de Piéplu, avant que Marie-Pierre Casey fasse rentrer une femme nue. Grand moment de TV. En définitive derrière son image vampire de femme de ménage d’une publicité “plizzesque”, il se cache un réel univers, tel ses spectacles au théâtre : “Peinture sur soi”, “Du coq à l’âme”, “Marie-Jeanne a disparu”,  “Décalogue de sourd”, voir lien Théâtre en scène. On la retrouve en 2007 en servante alcoolique, dans la création originale de Francis Perrin “La dame de chez Maxim’s” de Georges Feydeau, spécialement capté pour France 2. Son rôle de vieille dame aux chats, plus maligne qu’il n’y paraît dans le téléfilm “Faux coupable” face à Emma de Caunes et Guillaume Gouix, nous démontre qu’elle est toujours aussi percutante… Elle revient en force dernièrement, notamment à la télévision en tante d’Yves Pignot dans “En famille”, et en candidate cougar d’un émission de télé-réalité dans “Le flambeau”. Au cinéma on la retrouve en cliente pénible passant en caisse énervant Kev Adams dans “Maison de retraite”, et en villageoise bretonne esseulée dans “Les petites victoires”, déplorant le temps où “il y avait un docteur”, mais gardant le moral malgré ses problèmes de santé.

 

Filmographie : 1959  Certains l’ aiment froide / Les râleurs font leur beurre… (Jean Bastia) – 1964 Playtime (Jacques Tati) – 1969  Les choses de la vie (Claude Sautet) – La peau de Torpédo (Jean Delannoy) – 1970  Le cinéma de Papa (Claude Berri) – 1971  L’humeur vagabonde (Édouard Luntz) – 1972  Elle court, elle court la banlieue (Gérard Pirès) – L’affaire Dominici (Claude Bernard-Aubert) – Na !…. (Jacques Martin) – 1973  OK Patron (Claude Vital) – On s’est trompé d’histoire d’amour (Jean-Louis Bertuccelli) – Un nuage entre les dents (Marco Pico) – 1976  L’hippopotamours (Christian Fuin) – 1980  La banquière (Francis Girod) – Le coup du parapluie (Gérard Oury) – Viens chez moi j’habite chez une copine (Patrice Leconte) – 1981  Pétrole ! Pétrole ! (Christian Gion) – Mille milliards de dollars (Henri Verneuil) – 1982  Ca va faire mal ! (Jean-François Davy) – La petite bande (Michel Deville) – L’été meutrier (Jean Becker) – 1983  Y a-t-il un pirate sur l’ antenne ? / Titre vidéo : Superflic se déchaîne (Jean-Claude Roy) – 1985  Gros dégueulasse (Bruno Zincone) – 1988  Sortie de route (Bruno Mattei) – 1996  À deux pas des étoiles (Claude Philippot, CM) – Que la lumière soit ! (Arthur Joffé) – 2004  Les Dalton (Philippe Haïm) – 2017 Le créneau (Nina Ralanto, CM) – 2018 Le créneau (Nirina Ralantoaritsimba, CM) – 2020  Maison de retraite (Thomas Gilou) – 2022  Les petites victoires (Mélanie Auffret).

Télévision (notamment) : 1964  L’abonné de la ligne U (Yannick Andréi, série) – 1968  L’orgue fantastique (Jacques Trébouta & Robert Valey) – 1969  Au théâtre ce soir : Le congrès de Clermont-Ferrand (Pierre Sabbagh) – 1970  Les zazous “La mémoire courte” (Maurice Dumay, divertissement) – Le Noël de Madame Berrichon (François Chatel) – 1971  La lucarne magique : Féérie contemporaine (Pierre Desfons, divertissement) – Les nouvelles aventures de Vidocq : Échec à Vidocq (Marcel Bluwal) – 1972  Le seize à Kerbriant (Michel Wyn, Série) – Docteur Pierre et mister Perret (Pierre Desfons, divertissement) – Les Boussardel (René Lucot, mini-série) –  1973  Le jeune Fabre (Cécile Aubry, série) – Témoignages : Peter (Edouard Luntz, CM) – La dérobade (Gérard Poitou-Weber) – Le chat sous l’évier (Pierre Neel) – L’ange de la rivière morte (Édouard Logereau) – 1975  Une Suédoise à Paris (Patrick Saglio, série) – Sara (Marcel Bluwal) – 1976  Le milliardaire (Robert Guez) – 1977  Les folies Offenbach : Les bouffes Parisiens (Michel Boisrond) – 1978  La filière (Guy-André Lefranc) – 1979  Les 400 coups de Virginie (Bernard Queysanne) – 1980  Des vertes et des pas mûres (Maurice Delbez) – Les incorrigibles (Abder Isker, série) – La mort en sautoir (Pierre Goutas) – La faute (André Cayatte) – 1981  Un chien de saison (Bernard-Roland) – La guerre des insectes (Peter Kassovitz) – À nous de jouer (André Flédérick) – 1982  L’épingle noire (Maurice Frydman, mini-série) – Paris-Saint-Lazare (Marco Pico) – Julien Fontanes, magistrat : Cousin Michel (Guy-André Lefranc) – 1982/1983 Merci Bernard (Jean-Michel Ribes, série) – 1983  Médecins de nuit : Le groupe rock (Gérard Clément) – Thérèse Humbert (Marcel Bluwal) – Emmenez-moi au théâtre : Une journée particulière (Pierre Badel, captation) – Le nez à la fenêtre (Jean-Claude Charnay) – 1985  Un bonheur incertain (Vittorio De Sisti, série) – Le réveillon (Daniel Losset) – 1987  Maguy : La marche funeste (Jean-Pierre Prévost, CM) – 1987/1997  Marc et Sophie (plusieurs réalisateurs, série) – 1988  Palace (Jean-Michel Ribes) – Deux locataires pour l’Élysée (Éric Le Hung) – 1993  Le gourou occidental (Danièle J. Suissa) – Cluedo (Stéphane Bertin, série) – 1993 Les Gromelot et les Dupinson (Christophe Andrei, Fred Demont et Olivier Guignard, série) – 1996  Sexe et jalousie (Georges Folgoas, captation) – 1997  Baby-sitter Blues (Williams Crépin) – 2003/2004  Laverie de famille (Frédéric Demont, série) – 2006  Duval et Moretti : L’imposteur (Jean-Pierre Prévost) – 2008  La dame de chez Maxim’s (Jean-Luc Orabona, captation en direct) – 2011  Faux coupable (Didier Le Pêcheur) – 2018/2020  En famille (plusieurs réalisateurs, série) – 2019  La flamme (Jonathan Cohen et Jérémie Galan, mini-série) – 2019/2021  En famille (plusieurs réalisateurs, série). Divers : Amour, paillettes et patates à l’eau (série).

LE COIN DU NANAR : STAY

Attention navet de compétition ! L’été est souvent l’occasion pour les Majors, qui arrivent pour permettre la sortie de leurs blockbusters, d’imposer celle de leurs fonds de tiroirs. On devait à Marc Foster de culture européenne, deux films très honorables, “À l’ombre de la haine” (2001) et “Neverland” (2004). On attendait légitimement mieux avec ce cauchemar expérimental que ce pensum, qui rate à la fois le spectacle et la réflexion. Dès les premiers plans, on comprend rapidement l’inanité d’une telle œuvre. Un jeune dépressif annonce à son psychiatre – improbable Erwan McGregor -, son suicide prochain sur le pont de Brooklin. Il prend pour cette issue fatale, modèle sur un obscur peindre new-yorkais. Le plus fou des deux, n’étant pas forcément celui auquel on pense, notre vaillant thérapeute, de plus en plus « borderline » va tout faire pour éviter le pire. Pour tenter d’évoquer la tragique frontière entre la réalité/phantasme, la vie et la mort. On sent bien que le réalisateur veuille reproduire un film schizophrénique, à l’exemple du magistral “Lost higway” de David Lynch, mais il ne fait que d’aligner la gratuité des effets dans un exercice de style poussif. On part également sur la piste du « Sixième sens » et on finit par déplorer qu’il n’y ait pas un M. Night Shyamalan, qui arrive à installer un climat avec des scénarios moyens ou un David Fincher initialement annoncé. On reste sidéré devant tant de suffisance, la multiplication de plans alambiqués – genre caméra au fond d’un casier et d’effets d’inversion – finit allégrement par avoir son petit effet comique. C’est peut-être l’humour involontaire du film qui finit par tromper l’ennui…  À l’image d’une femme qui laisse son chien attaquer le bras du psychiatre, ce qui lui donne l’idée… d’aller faire à manger ! – le chien affamé voulant en fait se nourrir ? -. On en vient non pas à anticiper l’histoire qui nous passionne moyennement, mais à trouver quel effet bizarre suivra. Le symbolisme est lourdinguissime, surligné et le montage à la serpe n’arrange rien.

Erwan McGregor

En prime, les citations hitckockienne, comme celle gratuite de “Vertigo-Sueurs froides” sont révélatrice d’une panne visible d’inspiration, et le petit jeu avec la notion de”Déjà vu” – en V.O. dans le texte -, ne sont que des pirouettes assez vaines. Mais il y a un côté prétentiard assez énervant en prime, exacerbation du propre savoir-faire du metteur en scène. Ca devrait faire illusion la durée d’un clip musical, mais sur la longueur du long-métrage c’est proprement insipide. Les interprètes sauf Ryan Gosling -… à la rigueur -, sont ectoplasmiques. Erwan McGregor s’agite vainement sans trop y croire, c’est tout juste s’il imprime la pellicule, l’habituelle photogénie de Naomi Watts est ici bien en berne,  Bob Hoskins se livre à une piètre composition dans une fausse sobriété et la pauvre Jeanine Garafolo joue les simples utilités. L’image d’un New York aseptisé – et vitré -, idée déjà prise dans “Basic instinct 2”, n’est qu’une stylisation gratuite malgré le savoir-faire indéniable –mais très dans l’esbroufe – de son chef opérateur Roberto Schaeffer. La révélation finale attendue est simplement désolante, avec une astuce de scénario que tout le monde a abandonné depuis au moins trente ans. Le climax final finit par achever cette baudruche infâme avec un amer sentiment d’inachèvement. Le scénario faussement compliqué n’est qu’une compilation de roublardise assez vaine. Louons le réalisateur Marc Foster, pour avoir réussi la performance d’avoir livré l’un des pires films de cette année pourtant déjà fortement cornichone. Et le titre “Stay” devient une évidence c’est une injonction au spectateur à rester jusqu’au bout du film, performance difficile devant tant de monument de vacuité et d’ennui.

THE DEVIL’S REJECTS

Les temps sont à l’irrespect, un pâle imitateur singe d’une façon grossière le chanteur Renaud, dans une parodie grotesque “Les bobos” sous fond de musique du dessin animé “Kirikou”, notre vénérable ministre de la culture se reçoit des tomates à Avignon, un doigt d’honneur géant fait de la pub pour une banque, cynisme éhonté involontaire ? – Il paraît que c’est un pouce, mais la symbolique est là -. 20six d’ailleurs ne déroge pas à cette mode, faisant l’attaque régulière de Spams malins – les bloggueurs chantant en cœur “Tirez pas sur l’ambulance  !” de Françoise Hardy, entre les deux problèmes techniques habituels. Bref le sarcasme est hissé le pathétique au niveau des beaux-arts, je songe d’ailleurs à changer le nom de ce blog par “20six’s reject”, occasion de faire un hommage au film évoqué à la suite. Le gendre du film d’horreur succombe régulièrement d’ailleurs à cette mode. Il est vrai qu’en ce moment le genre ne se renouvelle guerre, les Majors se contentant de refaire des remakes (“Terreur sur la ligne”,” Fog”, “La colline a des yeux,” mais il faut louer le talent d’Alexandre Aja pour ce dernier). Curieux objet que ce “The Devil’s Rejects”, d’un certain Rod Zombie – de son vrai nom Robert Cummings -, qui par son patronyme nous annonce déjà la couleur. Le film est l’œuvre la plus secouée que l’on puisse voir en ce moment, difficile de trouver une comparaison, citons peut-être la trilogie “Dead or alive” de Takashi Miike. Alexis Bernier, dans “Libération”  décrit comme “Punk gothique, tatoué et poilu comme un Hells Angel sorti des enfers”. Son précédent film – pas vu, pas pris…-, “La maison des 1000 morts”  vient de sortir en DVD bénéficie déjà d’un statut de film culte. C’est un véritable jeu de massacre entre le shérif revanchard – étonnant William Forsythe –, encore plus frappé que la famille infernale et la famille Firelly dirigée par un clown sinistre et adipeux – singulière performance du tarantinien Sig Haig – et déjà présente dans “La maison des 1000 morts”. 

Bill Moseley, Sig Haig & Sheri Moon Zombie

Nous sommes bien dans la tradition du Grand Guignol, mais qui se révèle un bel hommage à la liberté du cinéma américain des années 70 mais si au final il se révèle aussi assez malsain. Il s’amuse avec des références avouées de l’œuvre de Sam Peckinpah, Tobe Hooper, Bela Lugosi ou Quentin Tarantino. On n’est donc pas surpris de retrouver Michael Berryman – le célèbre Pluto de “La colline a des yeux”, pour une fois dans un rôle sympathique, le seul du film d’ailleurs !  Il faut le voir absolument hilarant fantasmer sur Carrie Fischer dans “La guerre des étoiles” et s’indigner qu’un fermier puisse le soupçonner de zoophilie avec des poulets. Le distribution est étonnante de Geoffrey Lewis en chanteur de country pathétique et Danny Tréjo en tueur tatoué sans oublier la propre femme du réalisateur Sheri Moon Zombie en bimbo dégénérée et l’inquiétant Bill Moseley en sanguinaire christique. Tout ce petit monde rivalise en bêtise et en ignominie. L’humour est présent mais on ne sait pas finalement à quel degré il est présent…. Reste qu’il y a des scènes d’anthologie comme le cinéphile fan de Groucho Marx – le Charles Manson local prenant les noms de ses personnages comme celui Cap’tain Spaulding venu du film “American crackers” -, se livrant à une violente dispute avec le shérif fan d’Elvis Presley. Il arrive à les digérer, pour un résultat curieux, la violence flirtant avec la complaisance. Hommage aux road-movies seventies, le film a une tension – à l’instar du personnage de la femme de ménage d’un hôtel découvrant les exactions de la famille Firelly -, une folie gore Un cinéaste à suivre, de par la manière dont il peut évoluer, canaliser son énergie. Il a une originalité secouée bienvenue en ces périodes de recyclage. Entre trash, grotesque, contestation et folie furieuse, ce film risque de devenir culte.