Annonce de la mort prématurée hier de Bernard Rapp à l’âge de 61 ans. Triste nouvelle, j’ai gardé un bon souvenir de lui, l’ayant rencontré à deux reprises dont une pour l’avant-première d’une « Affaire de goût » avec le scénariste Gilles Taurand. J’ai gardé l’impression d’une grande affabilité, un flegme tout britannique cachant quelqu’un de passionné, et ayant une forte volonté de transmettre ses passions. Il fait partie de ses figures de la télévision, en proposant des missions dignes d’une certaine notion du service public, et c’est regrettable à la vision du PAF actuel, où même Arte a tendance à devenir une sous-France 3. On se souvient de lui journaliste, présentateur du journal télévisé – de 1983 à 1987 – et grand reporter. On lui doit d’excellentes émissions dont « l’assiette anglaise », entourés de chroniqueurs brillants. Il produit et présente « Un siècle d’écrivains » de 1995 à 2000, en laissant une liberté à ses auteurs et donnant de véritables réussites comme « Le cas Howard Philipps Lovecraft ». On lui doit sur le câble « Les feux de la rampe » de 2001 à 2003 habile adaptation française « Inside the actors studio » émission cultissime de l’excellent James Lipton, sur un ton intimiste. Il avait animé avec beaucoup d’intelligence une émission littéraire « Caractères » qu’il n’avait pût mener à terme faute d’audiences, mais aussi un Ciné-Club intelligent les mercredis soirs sur France 3, où il proposait des versions originales et invitait les auteurs pour discuter du film proposé – Jan Kounen pour parler de la polémique sur la sortie de « Dobermann » par exemple -. Comme Bernard Pivot, il était l’un des rares à arrêter une émission, même en plein succès pour pouvoir se renouveler.
Le cinéphile landa lui sera toujours reconnaissant de son « Dictionnaire Larousse des films », très utile ouvrage fait en collaboration avec Jean-Claude Lamy. Grand cinéphile, il avait signé son premier scénario en 1985 pour un film destiné au circuit « Omnimax » : « L’eau et les hommes ». Il se lance en 1995 dans la réalisation avec « Tiré à part », film à réévaluer – pour l’avoir vu dans sa version anglaise à privilégier -, habile polar se passant dans les milieux de l’édition et porté par un Terence Stamp magistral se vengeant d’un Daniel Mesguich, plus sobre qu’à l’accoutumée. Son second film, « Une affaire de goût » en 1999, variation subtile du « Servant » de Joseph Losey, en offrant l’un des meilleurs rôles de Bernard Giraudeau, en restaurateur ambigu, manipulant un goûteur un peu naïf joué brillamment par Jean-Pierre Lorit. A la télévision il signe l’aimable « L’héritière » en 2001, où rayonne Géraldine Pailhas en femme d’affaires, aidée dans sa tâche par François Berléand tout en désinvolture. Sur le mode picaresque en 2002, il réussit « Pas si grave » comédie douce-amère, où trois enfants adoptés – Sami Bouadjila, Romain Duris, Jean-Michel Portal -, envoyés par un exilé de la guerre d’Espagne – le cinéaste Alejandro Jodorowsky -, essaient de retrouver en Espagne ses anciens compagnons. Plus conventionnel, il signe, en 2004, « Un petit jeu sans conséquence », une adaptation assez mordante cependant de la pièce de Jean Dell et Gérald Sibleyras, avec Yvan Attal, Sandrine Kiberlain, Jean-Paul Rouve et le formidable Lionel Abelanski. Un grand salut à ce passeur selon la formule de Serge Daney, qui s’est avéré un artiste très convaincant.