Daniel Emilfork dans son dernier film : “Faut que ça danse”
Annonce de la mort de Daniel Emilfork, le cinéma ne lui aura pas donné de rôles à la mesure de son talent. Le cinéma français, notamment, était sans doute trop réducteur pour apprécier les subtilités de son jeu, et son phrasé si spécial. Il était pourtant un inoubliable “Le Kanak” dans “Chéri-Bibi”, face à Hervé Sand, qui lui confèrera en 1975 une grande notoriété. Un grand monsieur avec un fort sens de l’autodérision quand il parlait de son visage de gargouille. J’avais eu la chance de le voir jouer en 2000 sa pièce “Pueblo Horno”, un monologue sobre mais poignant, où il évoquait avec beaucoup de sensibilité son enfance au Chili. Il était né d’une famille russe et de culture juive. Il citait sa maîtresse parlant de lui comme “Ni noir, ni blanc, mais gris, juif”. Une enfance difficile, son frère devint proche du régime de Pinochet, il souffrait de sa bisexualité et il avait perdu un talon dans une voie ferrée de son village suite à une tentative de suicide à 17 ans. Il commence à s’intéresser au théâtre avec Alejandro Jodorowski. Il s’exile en 1949, dans le plus complet dénuement. Il fint par suivre les cours de Tania Balachova, suite à une rencontre décisive avec l’EPJD, prônant l’enseignement par le jeu dramatique. Il y rencontre “une autre grenouille” (1) – un bibelot représentant une grenouille joueuse de golf était son totem, dans son modeste appartement -, en la personne de la comédienne Denise Péron. Elle devient sa femme et lui donnera une fille Stéphanie Loïk, également comédienne. Les premiers engagements arrivent, avec les petits rôles à la télévision du temps des “Buttes Chaumont”, ou au cinéma comme dans “Frou-Frou” en 1954, où on le reconnaît en invité d’un bal masqué. Les débuts sont difficiles, il aimait à raconter son permier rôle, le grand méchant loup dans une adaptation du “Petit Chaperon rouge” : “Un jour, il ôte son masque en pleine représentation et des centaines d’enfants se mettent à hurler, il en rit encore”. (1) Il tente de trouver ses marques, il est très vite engagé : “Marc Allégret m’avait vu au théâtre et me proposa le rôle d’un professeur de violon un peu hystérique dans “Future vedettes” (…) J’avais une seule scène, avec Bedos, et en arrivant au studio, j’avais préparé ma propre mise en scène. Alors , je dis : “Voilà comment je vois la chose…” On m’a tout de suite arrêté. Tout le monde rigolait. Je ne comprenais pas pourquoi ! Je ne connaissais rien à la hiérarchie qu’il y avait alors au cinéma… Et ça m’a fait beaucoup souffrir. Vous savez, quand j’ai démarré, on vous serrait la main par rapport au petit fric qu’on gagnait. C’était horrible”. (2) Mais il tire toujours son épingle du jeu, même en barman volubile face à Marina Vlady dans “Sophie et le crime”, où il est doublé… par Jacques Jouanneau ! C’est le théâtre qui lui apporta le plus de satisfactions, notamment avec Patrice Chéreau qui le dirige dans le rôle titre de “Richard II”, il lui demande ensuite d’être son coach pour “Troller”, avant de le placer à la tête de l’école des Amandiers. Il n’avait pas voulu se laisser enfermer dans des rôles souvent improbables de vampires – il semble se caricaturer dans sa composition “draculesque” dans “Au service du diable”, selon un rédacteur du livre-somme “Cinéma Belge” (1999) – ou de truands inquiétants. Il craque un jour devant Alain Robbe-Grillet qui l’employa à deux reprises dans “Trans Europe Express”, et dans l’onirique “Belle captive” : “Contrairement à ce que vous croyez, je ne peux pas avoir une gueule de gangster : quand vos ancêtres grimpaient aux arbres, les miens lisaient le Talmud” (1). Il est vrai que le cinéma n’a pas eu beaucoup d’imagination à son sujet. C’était un personnage au phrasé très spécial, assez curieux avec un comportement de diva, selon Jean-Pierre Jeunet, prêt à faire des procès à tout le monde au moindre prétexte, mais aussi très touchant car blessé par la vie, comme il le confiait dans le commentaire du DVD du film “La cité des enfants perdus”. Son rôle de Krantz, savant fou et voleur de rêves d’enfant, sera l’un de ses meilleurs rôles, il refusera cependant le rôle tenu par Serge Merlin dans “Amélie Poulain”. Mais il est aussi bien à l’aise dans la farce, comme dans son inoubliable composition de “libellule”, prenant une incroyable posture d’insecte dans le “Casanova de Fellini” ou son rôle d’Egyptien servile dans “Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ”. Il aura pourtant avec Jacques Baratier une collaboration fructueuse, du joueur de luth dans “Goha le simple” (1956), en passant par “La poupée” d’après Jacques Audiberti et “L’or du duc” (1965). Son côté inquiétant est souvent utilisé, de l’espion joueur d’ocarina dans l’internationale distribution des “Espions” de Clouzot, à l’étrange propriétaire d’un hôtel meublé “Meurtres à domicile”. Mais à un sentiment de menace, il pouvait conférer une drôlerie incroyable, que l’on songe à son rôle de tueur dans “Ballade pour voyou”. Il y joue un convoyeur, répondant au doux nom de “Molok” chargé de récupérer une valise noire auprès du personnage joué par Laurent Terzieff. Il ne cesse en l’escortant de lui dire “Comment va votre sœur ?”, alors que Terzieff lui répond, complètement interloqué qu’il est fils unique. Molok en fait ne parle pas français, et ne fait que répéter la seule phrase qu’il connaît en français pour l’avoir entendu dans une méthode assimil ! C’est l’occasion d’un formidable moment de cocasserie. Il était prompt à participer à des films expérimentaux, ou onirique comme dans “Taxandria” de Raoul Servais. Il pousse même le radicalisme jusqu’à ne prêter que son corps et sa gestuelle pour personnifier la Mort dans “Le passage”, comme me confiait René Manzor, rencontré lors d’une avant-première. Il était ravi que l’on n’utilise pas, pour une fois, son singulier visage. Il reste exigeant dans ses choix de rôles et tient à suivre son parcours sans compromission, il fut d’ailleurs renvoyé du tournage de “Voir Venise et crever “. : “À tel point qu’un jour, pendant un tournage à Venise, j’ai savonné une réplique. Le metteur en scène (qu’il ne citera pas, par élégance… ou par mépris !), offusqué vint me dire : “Emilfork, vous, un professionnel ! ?” La moutarde me monte au nez et je lui ai répondu : “Écoutez, je crois que j’ai dit cette même phrase vingt fois – Que voulez-vous dire ? – Que ce script est une merde. Et vous et moi, on le fait pour le fric. Et on a tort.” (2) C’était l’un de mes acteurs préférés, et je m’aperçois qu’il est difficile de lui rendre véritablement justice. C’est finalement sa fille qui en a le mieux parlé : “Il a été incroyablement sous-employé. Les gens ont peur de lui alors que c’est un grand professionnel. Je pense que ce n’est pas en France qu’il aurait dû aller”. (1). Selon ce même article, il disait avoir achevé un roman autobiographique “Le Batracien”, qu’il ne souhaitait publier qu’après sa mort. On le retrouve une dernière fois, éblouissant en médecin militaire dans “Faut que ça danse” de Noémie Lvovsky, en voisin du personnage de Salomon, superbement campé par Jean-Pierre Marielle. Il faut le voir lui donner son diagnostic en créant une véritable panique, lui parler de l’incongruité d’avoir une vie sexuelle à son patient âgé, un grand moment délirant et jubilatoire. François Jonquet lui a consacré un formidable livre “Daniel” (Sabine Wespieser éditeur, 2008). C’est une belle évocation d’une étonnante rencontre. À lire le compte rendu de Pierre Assouline sur son Blog. Vous pouvez consulter un portrait original à son sujet : Portrait d’un prince hors-norme. En 2007, Christophe Bier a réalisé un excellent documentaire à son sujet “Gargouille de charme – Daniel Emilfork, contre les apparences”, avec les témoignages de sa fille Stéphanie Loïk, et de Jacques Baratier, Jean-Claude Dreyfus, Michael Lonsdale, Daniel Mesguich, Michel Meurger, Pierre Philippe, Jean-Louis Roy, diffusé sur CinéCinémaClassik le 30 octobre 2010.
(1) Libération du 17/02/1998. (2) Studio N°108 – Mars 1996, “Le K Emilfork…” par Thierry Valletoux.

Daniel Emilfork © François-Marie Banier
CV, établi avec Christophe Bier
Filmographie : 1954 Frou-Frou (Augusto Genina) – Futures vedettes (Marc Allégret) – 1955 Sophie et le crime (Pierre Gaspard-Huit) – 1956 Notre-dame de Paris (Jean Delannoy) – Saint on jamais ? (Roger Vadim) – 1957 Une Parisienne (Michel Boisrond) – Goha (Jacques Baratier) – Les espions (Henri-Georges Clouzot) – Maigret tend un piège (Jean Delannoy) – Sans famille (André Michel) – Le temps des œufs durs (Norbert Carbonnaux) – 1958 Le joueur (Claude Autant-Lara) – Les motards (Jean Laviron) – 1959 Du rififi chez les femmes (Alex Joffé ) – Pantalaskas (Paul Paviot) –1960 Le bal des espions (Michel Clément) – 1961 Le triomphe de Michel Strogoff (Victor Tourjansky) – Seul… à corps perdu (Jean Maley) – La poupée (Jacques Baratier) – Le rendez-vous de minuit (Roger Leenhardt) – 1962 Les bricoleurs (Jean Girault) – Ballade pour un voyou (Claude-Jean Bonnardot) – 1963 L’assassin viendra ce soir (Jean Maley) – OSS 117 se déchaîne (André Hunebelle) – Château en Suède (Roger Vadim) – Des frissons partout (Raoul André ) – Voir Venise et crever (André Versini) – 1964 – Le commissaire mène l’enquête [épisode “Fermez votre porte”] (Fabien Collin & Jacques Delile) – What’s new Pussycat ? (Quoi de neuf Pussycat ?) – Lady L (Id) (Peter Ustinov) – 1965 L’or du duc (Jacques Baratier) – Dis-moi qui tuer (Étienne Périer) – The liquidator (Le liquidateur) (Jack Cardiff) – 1966 Trans-Europ-Express (Alain Robbe-Grillet) – Lotosblüten für Miss Quon (Coup de Gong à Hong Kong) (Jürgen Roland) – 1967 L’inconnu de Shandigor (Jean-Louis Roy) – 1969 Midi-Minuit (Pierre Philippe) – 1971 Kill (Id) – Au service du diable / Le château du vice / La nuit des pétrifiés (Jean Brismée) – 1972 Travels with my aunt (Voyages avec ma tante) (Georges Cukor) – 1975 Il Casanova di Fellini (Le Casanova de Fellini) (Federico Fellini) – 1977 Who is killing the great chefs of Europe ? (La grande cuisine, ou l’art et la manière d’assaisonner les chefs) (Ted Kotcheff) – 1978 The thief of Bagdad (Le voleur de Bagdad) (Clive Donner) (Téléfilm diffusé en salles en Europe) – Subversion (Stanislav Stanojevic, inédit) – 1979 L’extraordinaire ascension de Maurice Bellange (Bruno Decharme, CM) – 1982 Meutres à domicile (Marc Lobert) – Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (Jean Yanne) – La belle captive (Alain Robbe-Grillet) – 1985 Pirates (Id) (Roman Polanski) – 1986 Le passage (René Manzor, silhouette de la mort seulement) – 1987 Niezwykla podróz Baltazara Kobera (Les tribulations de Balthazar Kober) (Wojciech J Has) – 1990 Artcore oder Der Neger (Heinz Peter Schwerfel, film expérimental) – 1993 De Vliegende Hollander (Le Hollandais volant) (Jos Stelling) – L’écriture de Dieu / Die Inschrift des Gottes (Heinz-Peter Schewerfel, CM) – 1994 Lou n’a pas dit non (Anne-Marie Miéville, voix seulement) – Taxandria (Raoul Servais) – 1996 La cité des enfants perdus (Marc Caro & Jean-Pierre Jeunet) – 1997 Babel (Gérard Pullicino, voix seulement) – 1998 Les frères Sœur (Frédéric Jardin) – 2001 Pat (Harold Vasselin, CM) – 2006 L’homme de la lune ((Serge Elissalde, film d’animation, CM, voix) – Faut que ça danse (Noémie Lvovsky).
Daniel Emilfork dans “Chéri-Bibi”
Télévision : 1955 Crime et châtiment (Stellio Lorenzi) – 1956 La chemise (René Lucot) – Le revizor (Marcel Bluwal) – Cece (Bernard Hecht) – 1959 Cristobal de Lugo (Jean-Paul Carrère) – 1960 Le fils du cirque (Bernard Hecht) – Un beau dimanche de septembre (Marcel Cravenne) – 1961 Youm et les longues moustaches (Yves-André Hubert) – Le massacre des innocents (Roland Bernard) – Le musée hanté – 1962 Magic Story – L’inspecteur Leclerc enquête : Feu monsieur Serley (Jean Lavrion) – L’esprit et la lettre : Candide ou l’optimisme (Pierre Cardinal) – 1963 Babaji et le roi Pataf (Anne-Marie Ullmann) – La caméra explore le temps : La conspiration du général Malet (Jean-Pierre Marchand) – 1964 Le héros et le soldat (Marcel Cravenne) – 1965 L’école de la médisance (François Gir) – La part du pauvre (Éric Le Hung) – 1967 Mars : mission accomplie (Edmond Tyborowski) – Signé Alouette (Jean Vernier) – 1968 Les bas-fonds (Jean-Paul Carrère) – La prunelle (Emond Tyborowski)- Graf Yoster gibt sich die Ehre (Le comte Yorster a bien l’honneur : Johann and co) (HW Schwarz) – 1970 Reportages sur un squelette ou Masques et bergamasques (Michel Mitrani) – Le dernier adieu d’Armstrong (Gilbert Pineau) – Allô police : La pantoufle de jade (Daniel Leconte) – Jumbo ein elefantenleben / Jumbo jet (Michael Phflegar) – Rendez-vous à Badenberg (Jean-Michel Meurice) – 1971 Romulus le grand (Marcel Cravenne) – 1972 La cantonade (Pierre Philippe) – 1973 Le canari (Peter Kassovitz, voix du récitant) – 1974 Chéri-Bibi (Jean Pignol) – Le comte Yoster a bien l’honneur : Un petit détail – 1977 Double détente (Claude-Jean Bonnardot) – Zwei himmlische Töchter : Ein Sarg nach Leech (Michael Phflegar) – 1980 Porporino (André Flédérik, captation) – 1981 Caméra une première : Square X (Jean Kerchbron) – 1986 Riviera (Alan Smithee [John Frankenheimer]) – 1987 Trakal (épisode N ° 4) (Gilles Bastianelli) – La poupée – Les mystères de l’agence K (Gérald Frydman) – La dernière fuite (Yves Turquier & François Verret, CM, + conception, [ captation spectacle dansé ]) – 1988 La fée Carabine (Yves Boisset) – M’as-tu vu : Le trésor des Cardeillac (Éric Le Hung) – Sueurs froides : Mort en copropriété (Arnaud de Sélignac) – 1990 Un film sur Georges Pérec [deux parties : “Te souviens-tu de Gaspard Wincker ?” & “Vous souvenez-vous de Gaspard Wincker ?” (Catherine Binet, récitant présent à l’image) – 1991 The first circle (Le premier cercle) (Sheldon Larry) – 2001 Les archives de Jean-Pierre Jeunet (vidéo) – 2005 Les rois maudits (Josée Dayan).
Daniel Emilfork dans “Les amants puérils” (source, le documentaire “Gargouille de charme”)
Théâtre : 195? Le petit chaperon rouge – Les méfaits du tabac, d’Anton Tcheckhov – L’autoclète, d’Alfred Jarry. Mise en scène de Pierre Alec Quains. Théâtre de la Huchette. 1951 La Tour de Nesle, d’après Alexandre Dumas fils. Mise en scène Pierre-Alec Quains – 1952 Doña Rosita de Federico Garcia Lorca. Mise en scène Claude Régy. Théâtre des Noctambules. – 1954 La matinée d’un homme de lettres. Théâtre de la Huchette- La peur de Georges Soria. Mise en scène Tania Balachova. Théâtre Monceau – Les Trois Sœurs de Tchekhov. Mise en scène Sacha Pitoëff. Théâtre de L’Oeuvre. – 1955 Homme pour homme. Théâtre de l’Oeuvre. – Les poissons d’or, de René Aubert. Mise en scène d’André Villiers. Théâtre en Rond. -1956 Les amants puérils de Crommelynck. Mise en scène Tania Balachova. Théâtre des Noctambules. – 1958 Ubu-Roi d’Alfred Jarry, au TNP – 1961 Dommage qu’elle soit une putain de John Ford. Mise en scène Lucchino Visconti.- Miracle en Alabama, de William Gibson. Mise en scène de François Maistre. Théâtre Hébertot. – 1965 L’autre royaume, de Marc Desclozeaux. Théâtre de Poche-Montparnasse. Mise en scène seulement. – Zoo story, d’Edward Albee. Mise en scène seulement. 1966 Hélas ! Pauvre Fred de James Sanders. Mise en scène Daniel Emilfork. Théâtre de Lutèce. – 1968 Le Manteau d’astrakan de Pauline Macauly. Mise en scène Daniel Emilfork. Comédie de Paris. – 1970 Richard II deWilliam Shakespeare. Mise en scène Patrice Chéreau. Théâtre de L’Odéon. – 1973 Toller, scènes d’une révolution allemande. Mise en scène Patrice Chéreau TNP Villeurbanne et Théâtre de L’Odéon – 1974 Zalmen ou la folie de Dieu d’Elie Wiesel. Mise en scène Daniel Emilfork. Nouvelle Comédie.- 1979 Kafka, Théâtre complet. Mise en scène André Engel. Théâtre National de Strasbourg. – 1980 Archéologie. Mise en scène Christiane Cohendy. Le Lucernaire – Porporino, de Domique Fernandez. Festival d’Aix en Provence. 1981 Les fiancés de Loches. Théâtre de Boulogne Billancourt. 1983. Lulu au Bataclan de Franck Wedekind. Mise en scène André Engel. – 1983 Minetti de Thomas Bernhard. Mise en scène Gilles Atlan. Festival d’Avignon.- 1986 Marat-Sade de Peter Weiss. Mise en scène Walter Le Moli. MC93 Bobigny. – 1987 Mindadoo Mistiru, mise en scène de François Verret. Festival de danse d’Aix en Provence – 1988 La Journée des chaussures de Denise Péron, Daniel Emilfork, Frédéric Leidgens. Festival d’Avignon et Nanterre-Amandiers. – 1991 Pas là de Samuel Beckett. Mise en scène Jean-Claude Fall. Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. – Voyage à Weimar, de Dominique Guilhard. Théâtre de la Bastille. – Le voyage, spectacle en 2 parties composé d’une reprise d'”Archéologie” et de la création de “Domus”, de Daniel Emilfork & Frédéric Leidgens. Théâtre Paris-Villette. – 1997 Comment te dire de La Métaphore à Lille, puis au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis – 2000 Pueblo Horno de Daniel Emilfork. Théâtre Le Lucernaire. – 2003 Lettre ouverte à Renée Saurel de et mis en scène de Daniel Emilfork.
Mise à jour du 05/11/2010
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Avant-première lundi 16 octobre, à l’UGC-Cité Ciné, du nouveau film d’Anne Fontaine “Nouvelle chance” et troisième film de la trilogie autour du personnage d’Augustin Dos Santos, interprété par son frère le singulier Jean-Chrétien Sibertin-Blanc. On retrouve ce corps comique avec grand plaisir, ses trajets en vélos – son accessoire privilégié, l’équivalent du parapluie pour M. Hulot », sa famille japonaise – la véritable famille du comédien d’ailleurs -, et son incroyable manière de donner une légèreté aux situations les plus improbables. On le retrouve à la fois comme metteur en scène de théâtre, et homme à tout faire dans une piscine de luxe à l’hôtel Ritz, lieu échappé d’un péplum hollywoodien. Il rencontre Odette Saint-Gilles – , ancienne chanteuse d’opérette – Danielle Darrieux simplement magnifique -, une grande dame dynamique et ne sombrant pas dans la nostalgie, malgré quelques souvenirs épars – on reconnaît d’ailleurs en passant une photo d’ “Occupe-toi d’Amélie” de Claude Autant-Lara, avec Grégoire Aslan -. Augustin monte des spectacles pour les comités d’entreprise. Il a un spectacle très rodé, où il campe une Geisha, mais il ne correspond pas au goût de l’un de ses commanditaires, qui souhaite choyer ses clients suédois. Odette, qui a beaucoup aimé son spectacle, lui parle d’une pièce de théâtre qu’elle adore, “Les salons”, contant les rapports entre deux femmes du XVIIIème siècle, Mme du Deffand et Julie Lespinasse, élaboré à partir de la correspondance entre des deux femmes d’esprits. Augustin rencontre une actrice de télévision, Bettina Flescher, utilisée dans des œuvres médiocres – en illustration on a droit à un extrait du cornichonesque 
Curieux parcours pour la sympathique Charlotte de Turckheim, de l’infirmière, joyeusement massacrée et disséquée par des membres d’une maison de retraite dans “La nuit de la mort” de Raphaël Delpard, à son improbable “Marie-Antoinette” chez l’académique James Ivory, dans “Jefferson à Paris”, en passant par sa prestation style chaînon manquant entre Danièle Delorme et Eva Darlan dans “Mme le (la) proviseur”. Rien de très probant, mais un petit côté agressif, il fallait la voir dans un talk-show, régler ses comptes avec le cinéaste Claude Confortès, qualifié de libidineux. C’est sa seconde réalisation après “Mon père, ma mère…” (1999) – pas vu, pas pris… -, il y avait eu aussi une captation assez mollassone de ses spectacles avec “Une journée chez ma mère” (1992). La réalisatrice chasse comme d’habitude, sur la terre de l’aristocratie désargentée. Pourquoi pas, ce thème a donné lieu a de superbes réussites, du “Diable par la queue”, un grand Philippe de Broca, cuvée 1968, ou le chef d’œuvre absolu “Noblesse oblige”, où Dennis Price avait une méthode bien a lui pour survivre à ses revers de fortune. Le comte Charles Valerand d’Arbac de Neuville et son épouse Solange, née Poitou Castilla de la Taupinière – Jacques Weber et la Charlotte, se livrant à une compétition de cabots, résultat match nul -, doivent au Trésor Public – je mets une majuscule, on ne sait jamais -, la modique somme de 1 991 753 euros. Le château familial tombe en ruine, ils sont réduits à la débrouille, Weber fait des faux meubles en les vieillissants avec du yaourt – encore un qui crache dans la soupe, il doit se venger de son image ternie à faire des pubs pour Danacol, le laitage anti-cholestérol -. La châtelaine en fait de même en vendant de la pâtée pour chiens aux gogos dans de jolis bocaux, imitation “Comtesse du Barry” – métaphore sur ce film ? -. L’huissier débarque, cerise sur le gâteau c’est Sébastien Cauet qui l’incarne – Le Bill Murray français, ben quoi, la voix du dessin animé “Garfield” aux États-Unis, c’est Murray, en France, c’est Cauet, CQFD -. Le regrettable vendeur de cerveau disponible, qui sévit non seulement sur TF1, mais dans la presse trash et la mal-bouffe, – une sorte de synthèse donc… -, peine à composer un personnage intraitable. Il faut le voir avec sa moumoute, essayer de faire valoir son petit regard vicelard en fantasmant sur Mme la châtelaine, garanti culte en 2058. 











Parlons du film qui a touché notre vénérable président – enfin ce qu’il en reste -, “Indigènes”. Soucieux de ne pas laisser seulement lors de son passage à l’Élysée, le seul souvenir d’avoir celui qui a réhabilité le néologisme “abracadabrantesque”, il daigne enfin s’occuper de la question des pensions versées aux anciens combattants. Tardive consolation pour ces vétérans de la seconde guerre mondiale, venant du Maghreb et d’Afrique noire, certains vivant dans des foyers Sonacotra -, avec un l’effet non rétroactif à déplorer. Organisons-lui donc des projections privées à l’avenir, la “Raison du plus faible” de Lucas Belvaux par exemple, sur la précarité, si ça semble le réveiller un peu. Pourvu que ne lui montre pas des classiques, comme “Vos gueules les mouettes”, de Robert Dhéry, il va y voir un message contre une certaine nuisance sonore durant cette campagne électorale pourtant d’une grande tenue. Et le film lui-même… et bien il fait mentir l’adage, “Les grands sujets ne font pas forcément des bons films”. Au-delà du devoir de mémoire, son cinéaste Rachid Bouchareb, 5 ans après le poignant “Little Sénégal”, nous invite à découvrir ce point d’histoire méconnu, salutaire en cette période où de nombreux politiques continue à vanter les mérites de la colonisation des pays africains par la France, avec une arrogance ethnocentrique. Le film est porté par ses cinq interprètes, tous formidables. Jamel Debbouze dans le rôle de Saïd, est émouvant quand il sort du giron de sa mère pour s’affirmer, et découvre sa rage de se défendre quand on l’humilie. Sami Bouadjila dans le rôle d’Abdelkader, joue le soldat le plus instruit de ce bataillon, il est en attente de reconnaissance – Le réalisateur Jean- Pierre Sinapi, avec raison évoquait à son sujet la classe d’un Marcello Mastroianni -. Roschdy Zem dans le rôle de Messaoud, est excellent et touchant quand il tombe amoureux d’une belle marseillaise, Samy Naceri dans le rôle de Yassir, violent mais qui protège son père et Bernard Blancan, est très convaincant dans un personnage complexe. Dans le rôle de Martinez, un sergent “pied-noir” en prise avec ses contradictions, finit par nous donner une véritable empathie avec son personnage. Il confirme ici son grand talent, après son personnage touchant et lunaire de Cloclo dans “Peau d’homme, cœur de bête” (Hélène Angel, 1999). Le prix collectif d’interprétation à Cannes est donc amplement mérité. Le film a une grande qualité pédagogique, mais sans manichéismes, les personnages ne sont pas des héros, ils ont des faiblesses à l’instar de Yassir n’hésite pas à piller ses ennemis. Ce sont des individus qui cherche à survivre, qui cherche à s’en sortir, ballottés par le destin et en prise avec une armée française qui ne cesse de les dénigrer…
Évidemment c’était une gageure d’adapter “Le parfum”, beau roman de Patrick Süskin et succès mondial de librairie, ce dernier lâchant enfin les droits en raison de la forte insistance de son compatriote, le producteur Bernd Eichinger – producteur du douteux “La chute” -, avec ce film “Le parfum, histoire d’un meurtrier”. On le sait Stanley Kubrick, Milos Forman, Steven Spielberg, Martin Scorsese, Ridley Scott, Tim Burton, sans oublier Patrice Leconte – que la réussite du “Mari de la coiffeuse” pouvait légitimer -. On se demande ce que fait ici le tâcheron Tom Tykwer dans cette entreprise– du moins avec le souvenir de “Cours, Lola, cours”, et qui participe en prime à la sirupeuse du film. On découvre donc le destin de Jean-Baptiste Grenouille, né en 1744 d’une femme accouchant et abandonnant son enfant dans un marché aux poissons. Heureusement pour lui, il a un sens très fort de la survie et un odorat hors du commun. Vendu par un orphelinat à une tannerie, il livre un jour des peaux à un célèbre parfumeur. Il va chercher à s’imposer pour arriver à finaliser son obsession, conserver le parfum des femmes… Malgré une débauche de moyens, il n’arrive qu’à une veine illustrative, sans susciter aucune émotion. Je dois confesser ici un ennui profond. Avec le souvenir de la lecture lointain mais persistant du livre, on finit par faire des allers-retours avec les deux œuvres, histoire de se lamenter un peu. On déplore une figuration particulièrement statique, au mieux cela figure un champ d’oignons. La reconstitution est ici compassée et on ne retrouve aucun souffle, aucune vie, même dans un champ de lavande. Tout ici sent le “Matte painting” à plein nez ! (arf, arf). On pouvait attendre mieux, que certaines ellipses, notamment la scène où Grenouille devient ermite dans sa grotte, traitée ici de manière particulièrement anecdotique. Le réalisateur voulant sans doute jouer sur le réalisme, confine sa restitution dans le misérabilisme. 
Avant-première le 3 octobre à l’UGC cité-ciné Bordeaux de “Poltergay” en présence de l’équipe du film. C’était une belle consolation pour mézigue, pour avoir raté dans ce lieu, des rencontres au mois de septembre avec excusez du peu, Jamel Debbouze, Bernard Blancan, Rachid Bouchareb, Emmanuel Bourdieu, Jean-Pierre Darroussin, Asia Argento, Tony Gatlif et Bruno Dumont. Éric Lavaine très en verve – il a participé à l’écriture des “Guignols” et de la série “H”, et avait réalisé “Le 17” -, éphémère sitcom avec Jean Benguigui et Jean-Paul Rouve, tenait à présenter le film. Il a commencé par nous faire peur, en nous précisant que des fantômes existent à Bordeaux… En effet il nous citait l’exemple d’un individu ayant disparu pendant un an, et qui circulerait beaucoup en ce moment pour retrouver ses anciennes responsabilités… Renseignement pris, c’est même un ancien collègue blogueur, mais son blog, bien que non hébergé chez 20six, fabrique ectoplasmique, mord désormais, lui les pissenlits par les racines. Je crois que le réalisateur a raison, je dois témoigner aussi de phénomènes inexpliqués et paranormaux dans cette fille. En effet, j’arpente chaque jour la même rue, et je vois la bobine de l’ancien spectre en question sur des affiches électorales, salués par quelques citadins inscrivant quelques noms d’oiseaux sur la relative honnêteté du susdit candidat. Comme par miracle, les affiches redeviennent immaculées chaque matin ! Dans le petit matin blême, l’effroi est saisissant. Si ce n’est pas un phénomène à la “X-files” !. Il y a matière à un débat à la con chez feu Stéphane Bern, chez (F)rance 2, dirigé par aussi un esprit frappeur n’ayant pas survécu d’être le biographe officiel de Bernadette C. Après ses digressions cinquièmedimensionesques sans aucun intérêt, venons au sujet du film. Marc – Clovis Cornillac, remarquable comme à l’accoutumée -, s’installe avec l’amour de sa vie – Julie Depardieu -, dans une grande maison isolée. Comme il est chef de chantier, il rénove ce bâtiment, abandonné depuis 30 ans. Mais ce lui, est une ancienne boîte de nuit homosexuelle, “L’ambigu”, lieu d’un incendie accidentel en 1979. 5 ectoplasmes “gay” sont prisonniers du lieu depuis ce drame. Esseulés, et confinés dans la cave, ils sont émoustillés par le corps d’athlète de Marc – Clovis Cornillac, s’étant entraîné de manière spectaculaire pour interpréter un champion de boxe-thaï -… 
