Curieux parcours pour la sympathique Charlotte de Turckheim, de l’infirmière, joyeusement massacrée et disséquée par des membres d’une maison de retraite dans « La nuit de la mort » de Raphaël Delpard, à son improbable « Marie-Antoinette » chez l’académique James Ivory, dans « Jefferson à Paris », en passant par sa prestation style chaînon manquant entre Danièle Delorme et Eva Darlan dans « Mme le (la) proviseur ». Rien de très probant, mais un petit côté agressif, il fallait la voir dans un talk-show, régler ses comptes avec le cinéaste Claude Confortès, qualifié de libidineux. C’est sa seconde réalisation après « Mon père, ma mère… » (1999) – pas vu, pas pris… -, il y avait eu aussi une captation assez mollassone de ses spectacles avec « Une journée chez ma mère » (1992). La réalisatrice chasse comme d’habitude, sur la terre de l’aristocratie désargentée. Pourquoi pas, ce thème a donné lieu a de superbes réussites, du « Diable par la queue », un grand Philippe de Broca, cuvée 1968, ou le chef d’œuvre absolu « Noblesse oblige », où Dennis Price avait une méthode bien a lui pour survivre à ses revers de fortune. Le comte Charles Valerand d’Arbac de Neuville et son épouse Solange, née Poitou Castilla de la Taupinière – Jacques Weber et la Charlotte, se livrant à une compétition de cabots, résultat match nul -, doivent au Trésor Public – je mets une majuscule, on ne sait jamais -, la modique somme de 1 991 753 euros. Le château familial tombe en ruine, ils sont réduits à la débrouille, Weber fait des faux meubles en les vieillissants avec du yaourt – encore un qui crache dans la soupe, il doit se venger de son image ternie à faire des pubs pour Danacol, le laitage anti-cholestérol -. La châtelaine en fait de même en vendant de la pâtée pour chiens aux gogos dans de jolis bocaux, imitation « Comtesse du Barry » – métaphore sur ce film ? -. L’huissier débarque, cerise sur le gâteau c’est Sébastien Cauet qui l’incarne – Le Bill Murray français, ben quoi, la voix du dessin animé « Garfield » aux États-Unis, c’est Murray, en France, c’est Cauet, CQFD -. Le regrettable vendeur de cerveau disponible, qui sévit non seulement sur TF1, mais dans la presse trash et la mal-bouffe, – une sorte de synthèse donc… -, peine à composer un personnage intraitable. Il faut le voir avec sa moumoute, essayer de faire valoir son petit regard vicelard en fantasmant sur Mme la châtelaine, garanti culte en 2058.
Armelle, Jacques Weber & Charlotte de Turckheim
La petite famille composée de quatre générations, des de Turckheim partout, en rejetons à rejeter, + Vincent Desagnat, pitoyable en alcoolique mondain, Edith Perret en aïeule liquéfiée, Armelle qui ne se renouvelle guerre dans une composition lourdingue, avec un accent teuton d’une rare bêtise, le falot Rudi Rosenberg – pourtant formidable dans « Le tango des Rashevski » – fait gravure de mode, va chercher à travailler pour la première fois de sa vie… Suit une pantalonnade sans rythme, égaillée par quelques caméos amusants, Rossy de Palma et Victoria Abril en aubergistes parvenues, Hélène de Fougerolles – enlaidie, si, si – et Éric Le Roch en cousins radins, Catherine Hosmalin et Chantal Ladesou, en aristos dégénérées, Catherine Jacob et Urbain Cancelier en nobles fortunés cyniques. Trois petits tours et puis s’en vont. On a même droit à Stéphane Bern, qui nous livre son fond de commerce habituel, qui commence à devenir lassant, une autodérision forcée. Compatissons pour la pauve Gaëlle Lebert dans son rôle de Marie-Astrid, laideron frappé de stupidité, mais reconnaissons qu’elle est finalement la seule ici à tirer son épingle du jeu. Impossible d’imaginer une distribution plus hétéroclite. L’enchaînement de saynètes outrées peut amuser, si vous avez comme moi une petite perversité à voir tout ce petit monde s’enliser allégrement. Charlotte de Turckheim et son comparse Jean-Marie Duprez, nous régalant en prime d’un dialogue faisandé : « Le trésor Public, c’est le seul trésor que tu ne peux pas trouver, mais lui il te trouve toujours !. ». La caricature peut avoir un charme salutaire, chez Jean-Pierre Mocky par exemple – Christophe Bier citait très justement Daumier à son sujet -, tout est ici un simple prétexte à meubler une historiette minimale. Le bâclage global est ici patent, et l’enfilage des clichés haineux, pourtant portés disparus depuis belle lurette, ne sert qu’à conforter la bêtise ambiante. Si le cinéma français continue ces oeuvrettes, il ne faudra pas s’étonner de la désertion des salles du public visé, qui certes cherche un peu de gaudriole, mais ne mérite pas un pareil mépris. On est en train de dépasser les périodes fastes des années 50, et celle du début des années 80, dans le style de la comédie désolante. Chapeau bas donc pour Charlotte de Turckheim, pour arriver à baisser encore le niveau de cette année cinématographique, ce qui tient, en ce moment, de l’exploit.
et vlan! dans les dents !