Évidemment c’était une gageure d’adapter « Le parfum », beau roman de Patrick Süskin et succès mondial de librairie, ce dernier lâchant enfin les droits en raison de la forte insistance de son compatriote, le producteur Bernd Eichinger – producteur du douteux « La chute » -, avec ce film « Le parfum, histoire d’un meurtrier ». On le sait Stanley Kubrick, Milos Forman, Steven Spielberg, Martin Scorsese, Ridley Scott, Tim Burton, sans oublier Patrice Leconte – que la réussite du « Mari de la coiffeuse » pouvait légitimer -. On se demande ce que fait ici le tâcheron Tom Tykwer dans cette entreprise– du moins avec le souvenir de « Cours, Lola, cours », et qui participe en prime à la sirupeuse du film. On découvre donc le destin de Jean-Baptiste Grenouille, né en 1744 d’une femme accouchant et abandonnant son enfant dans un marché aux poissons. Heureusement pour lui, il a un sens très fort de la survie et un odorat hors du commun. Vendu par un orphelinat à une tannerie, il livre un jour des peaux à un célèbre parfumeur. Il va chercher à s’imposer pour arriver à finaliser son obsession, conserver le parfum des femmes… Malgré une débauche de moyens, il n’arrive qu’à une veine illustrative, sans susciter aucune émotion. Je dois confesser ici un ennui profond. Avec le souvenir de la lecture lointain mais persistant du livre, on finit par faire des allers-retours avec les deux œuvres, histoire de se lamenter un peu. On déplore une figuration particulièrement statique, au mieux cela figure un champ d’oignons. La reconstitution est ici compassée et on ne retrouve aucun souffle, aucune vie, même dans un champ de lavande. Tout ici sent le « Matte painting » à plein nez ! (arf, arf). On pouvait attendre mieux, que certaines ellipses, notamment la scène où Grenouille devient ermite dans sa grotte, traitée ici de manière particulièrement anecdotique. Le réalisateur voulant sans doute jouer sur le réalisme, confine sa restitution dans le misérabilisme.
Dustin Hoffman & Ben Whishaw
L’ensemble finit par sombrer dans le grotesque, on finit par ricaner, à voir la mort implacable des personnes quittant notre Grenouillot. Le réalisateur multiplie les maniérismes, des plans de petit malin d’introspection nasale, ou la caméra placée à l’intérieur d’une distillerie, avec des ralentis poussifs ou des accélérations soudaines. C’est un aveu patent d’impuissance à animer l’aseptisation générale dans ce musée Grévin boursouflé. Certes traduire le sens olfactif à l’écran était compliqué, la littérature de Süskin avait un fort potentiel de suggestion. Mais tout ici est vain, le réalisateur échouant lamentablement ici, le frémissement des narines grenouillettes, et une bande-son exacerbée confinant au grotesque. Mais on pouvait espérer au moins un peu de sensualité, même le pataud « Chocolat » de Lars Hallström était plus évocateur. Quant au morceau de bravoure final attendu, c’est un sommet de fadeur. La direction d’acteur laisse à désirer, Dustin Hoffman en roue libre dans le rôle de Baldini, parfumeur poudré à la ramasse, arrive un peu à tromper notre ennui, la présence butée de l’Anglais Ben Whishaw, n’est pas idéale pour avoir de l’empathie avec personnage, la belle allemande Corinna Harfouch fait de la figuration intelligente dans le rôle de Mme Arnulfi, Sarah Forestier ne fait que trépasser. Et Rachel Hurd-Wood, sorte de clone de Franka Potente dans « Cours, manque sérieusement de charisme, le réalisateur semble faire une fixette sur les Lolita à cheveux rouges, au moins il se fait plaisir… Seul Alan Rickman, en père possessif arrive à tirer un peu son épingle du jeu avec autorité. Autre écueil l’utilisation de John Hurt comme récitant. Pourquoi pas se servir de la voix-off comme rustines aux faiblesses du scénario, le comédien anglais pouvant formidablement évoquer certaines émotions. Le problème est que Hurt était aussi le récitant de « Dogville » et « Manderlay », œuvres audacieuses et stylisées du grand manipulateur Lars Von Trier. Le souvenir de la narration de ces deux films, ne font que souligner la platitude de l’ensemble. A noter que Jacques Perrin est le récitant français. Nous ne sommes pas loin d’un désartre. Mais le film semble avoir ses fans, notamment en Allemagne où il triomphe.