Anne Consigny, « Mme la présidente », comme Al Gore, travaille avec « Apple » !

A voir le sieur Patrick de Carolis, faire des vœux pieux dans un numéro de septembre de « Télérama », on pouvait se demander s’il y a actuellement, des améliorations dans la fiction française via le service public. Il fallait le voir, figurer dans ce magazine, posant façon style Harcourt, avec un sourire encore plus effrayant que celui de Jean Lecanuet – mon traumatisme enfantin ! – Il est vrai que l’on peut avoir une certaine lassitude via bien des téléfilms, et retrouver un ennui habituel face à nos héros récurrents récurés. La fiction France Télévision  a souvent des qualités, quand elle table toujours sur les sujets de sociétés « Harkis », ou les téléfilms historiques « Les vauriens », « La volière aux enfants », etc… », en attendant la nouvelle mode des adaptations de faits divers.  Mais on le sait, on peut se souvenir des témoignages de scénaristes dans feu la revue « Synopsis », pour passer au Prime time, il ne faut surtout heurter personne, et surtout ne faire aucune preuve d’originalité. Petit saut chez « L’état de Grace », en 6 épisodes, réalisé par Pascal Chaumeil. C’est bien Grace et non grâce, c’est un jeu de mot infâme avec le prénom du personnage principal, enceinte durant son quinquennat -. Le public a boudé dès les premiers épisodes – les deux premiers épisodes furent classés 4ème en résultat d’audience ! -. Mais la distribution particulièrement brillante et le sujet abordé – la représentation des politiques – pouvait titiller notre curiosité. Cette mini série est présentée sous le format de 52minutes. C’est ici un procédé particulièrement roublard – le tout ne dépasse pas en fait les 100 minutes -, ce découpage permet en fait de placer entre les deux épisodes un écran de pub supplémentaire en contournant la législation, de là à croire que l’on nous prend pour des cochons de payants… Grace Bellanger – la délicieuse Anne Consigny, qui danse ici le tango comme dans le subtil « Je ne suis pas là pour être aimé » -, venant de la société civile et du militantisme, a été élue présidente de la République Française. C’est un coup de tonnerre dans le Landerneau politique, elle était au second tour face à face avec le socialiste Victor Tage – l’excellent André Marcon, pas vraiment gâté par son son rôle -, qui se retrouve Premier ministre, et la première présidente de la France, s’entoure de conseillers, et combat pour maintenir sa probité face aux arcanes du pouvoir et des sondages en baisse. La France est à la fois devenue le pays des fées, sorte de royaume d’opérette, avec une petite touche de cauchemardesque cependant, Ariane Massenet étant ici une animatrice à part entière ! – il faut la voir, tétanisée, avec l’aisance d’un condamné à la chaise électrique -. Évidemment quand on voit le romanesque de nos deux précédents présidents de la République, entre maladie, nudisme sur son lieu de vacances, bestiaire amusant, chiens ou canards, trahisons, cocufiages, passés troubles divers, on se dit pour reprendre un mot de Patrice Delbourg que la réalité dépasse l’affliction.

Anne Consigny & Zinedine Soualem

Évidemment, la fiction paraît bien mièvre en comparaison, on peut constater le même problème avec « Président », pâtissant de la mise en scène pataude de Lionel Delplanque, et où malgré le talent d’Albert Dupontel, on ne croit guerre à cette incarnation de cette personnification de l’État. Il fallait un peu plus de tonus, d’irrévérence et de crédibilité, à l’exemple des anglais dans « Les années Tony Blair » ou « The Queen », qui sort la semaine prochaine. Le scénariste Jean-Luc Gaget, peut être bridé par des cahiers des charges restrictifs, nous raconte une bluette, sans trouver ses marques. Il se perd en de toutes petites évocations de notre réalité – reprise du pssshittt chiraquien -, évocation plombée de personnages réels – Edith Cresson sacrifiée sur l’autel du machisme, Chirac réduit à être un ventre, Marc-Olivier Fogiel – au service du pouvoir, le dialogue précisant « Il nous doit bien çà ! » -. En prime, il s’auto cite, le personnage joué par Michèle Godet se nomme Clémence Acéra en référence à son film comme réalisateur. Il y a pourtant la caution de Christophe Barbier – chroniqueur régulier dans une émission d’Yves Calvi sur la Cinquième -, mais ces greffons ne font que surligner l’incohérence de l’ensemble. On pouvait voir à la rigueur, la réaction d’un homme désemparé de voir sa femme le dépasser. Dans cet emploi de « first man »,  Frédéric Pierrot fait ce qu’il peut pour animer l’ensemble. Mais son machisme et son problème de couvade flirtent avec la guimauve. La charge contre le pouvoir de l’image est bien niais, à l’instar de l’interminable casting du chien Jean-Paul. Les 6 épisodes semblent délayés, et la satire bien inoffensive. On peut sourire, notamment avec Martine Chevallier en mère dragon de Mme la présidente, où quand on voit André Marcon se servir d’un « Sac à hurler » – qui permet de crier sans se faire entendre -. Mais les personnages sont très caricaturaux, malgré le grand talent des acteurs, voir la distribution que j’ai complétée sur IMDB, il manque encore les noms des participants aux deux derniers épisodes, mais on dépasse déjà les 100 noms. Zinedine Soualem insuffle un peu d’humanité à son rôle de confident, Daniel Martin – son rôle est trop court – est formidable en leader de l’opposition particulièrement retord,  Bernard Ballet en père un peu paumé, Marie-Sonha Condé est irrésistible en séguélette – elle veille sur l’image de Mme la présidente -, Yves Jacques en conseiller qui se déride, Annelise Hesme est ravissante… Le moindre petit rôle est joué par de brillants comédiens, Philippe Laudenbach en serveur dissertant sur les estomacs de politiques, Jean-Pierre Becker en chef des Renseignements Généraux travaillant dans le secret, Rémy Roubakha en kiosquier sympathique, etc… reste que les rôles sont un peu légers pour une telle distribution. La mise en scène est très sage, même quand elle pille « Six feet under », avec des numéros musicaux rêvés ou des interventions intempestives des personnages à la Blier, regard caméra. Mais, quand on voit, l’audace, l’imagination et le talent aux États-Unis, dans les séries estampillées HBO, on se dit que décidément nos fictions TV traînent laborieusement la patte. Si la tâche de Patrick de Carolis, est de nous jeter dans un sommeil profond, en période électorale, il a pleinement rempli sa mission.