Skip to main content

THE QUEEN

Un certain dimanche 31 août 1997, la princesse Diana succombe à un accident de voiture survenu sous le pont de l’Alma. La popularité de cette personnalité est si importante, que la planète entière se met à la pleurer. Tony Blair- Michael Sheen – qui jouit d’une grande popularité, depuis sa récente élection comme « prime minister », pressent le phénomène. Il ne gardera pourtant pas cette clairvoyance durant toute sa carrière et le réalisateur nous le fait remarquer avec beaucoup de justesse. Elizabeth II, la reine – Helen Mirren -, confinée dans son château de Balmoral en Écosse, n’appréciait guère le comportement de Diana Spencer. Aussi elle préfère garder le silence, ne se rendant pas comte dans son isolement de l’ampleur de ce mouvement, ce qui choque les Britanniques. Tony Blair, après une prise de contact assez froide, finit par vouloir la convaincre. Dans ce rôle Michael Sheen, avait déjà expérimenté dans un téléfilm « The deal » en 2003, signé pour la télévision par Frears également, le comédien excelle dans un registre matois et arriviste. Son conseiller de communication lui conseille de célébrer cette icône iconoclaste naissante en qualifiant de « Princesse du peuple ». Il conforte ainsi sa côte médiatique. Cette radiographie de la société anglaise, signée Stephen Frears, dans cet épiphonème qui a suivi ce deuil tragique, est ici faite avec beaucoup de mordant. Mais ce n’est pas une satire, il y a réellement un effort de compréhension de découvrir la véritable personnalité de ceux cachés derrière les arcanes du pouvoir et des rites d’un autre âge et d’une rigueur inouïe. La royauté pouvant présenter pour nous un anachronisme pesant, on finit pourtant par ressentir l’attachement des Anglais envers elle. Le scénario de Peter Morgan est particulièrement brillant – il a reçu d’ailleurs l’Osella du scénario lors de la 63ème Mostra de Venise -, même s’il cède parfois à une symbolique un peu lourde, – l’anecdote du cerf, décidément très en vogue en ce moment -. Il montre brillamment l’inconstance de l’opinion publique, et la manipulation roublarde des médias. Évidemment, ça ne manque pas de sel quand on connaît la position actuelle de Tony Blair, dont l’image est désirlaus ternie pour les Anglais. Le Premier ministre est égratigné avec justesse quand la reine mère – Sylvia Syms – évoque son célèbre sourire du « chat du Cheshire » de Lewis Carroll. l faut voir la colère de cette dernière, quand elle voit que la cérémonie funèbre préparée à son intention, finit par servir pour celle qu’elle déteste. Tout ce petit monde est personnifié, avec un réel bonheur, dans ce petit jeu des convenances, James Cromwell – inoubliable interprète de « Six feet under », et américain type – est réjouissant en Prince Philip, réactionnaire à souhait.

Michael Sheen & Helen Mirren

Mais il faut s’attarder sur l’extraordinaire composition, tout en nuances d’Helen Mirren, dans le rôle d’Elizabeth II – elle a reçu la coupe Volpi toujours à Venise. Elle incarne avec beaucoup de justesse le destin exceptionnel de cette reine. Il suffit de faire la comparaison avec traitement poudré et compassé de Golda Meir et Ben Gourion, joués respectivement par Tovah Feldshuh et Ian Holm dans « O Jérusalem », pour souligner ici les mérites de ce film. Helen Mirren trouve l’essence de son personnage, en lui donnant une grande complexité, une noblesse de port, et nous faisant comprendre ce personnage à priori peu discernable à nos yeux.  Il y a une formidable empathie avec son personnage, dont la grande noblesse est la sauvegarde de son sens du devoir. Elle s’humanise malgré les travers d’une hypocrisie construite. Elle est même touchante quand elle finit par voler des moments de liberté au protocole de sécurité, au volant de son vieux véhicule. Tony Blair et elle, s’observe sans vouloir faire trop de concessions, Cherie Blair s’amusant en plus de ce protocole désuet autour de cette souveraine – Helen McCrory d’une drôlerie superbe -. Ils finissent par s’apprécier finalement, dans une idée de partager des intérêts communs. Ils baisseront la garde devant une situation qui les dépasse, Blair finissant même par la défendre la monarque devant son état major, en maugréant après de l’inconstance la princesse Diana, statufiée par l’opinion comme une sainte laïque. Il faut saluer l’audace de vouloir évoquer la vie privée des grands de ce monde, même si on du mal à retrouver le Prince Charles dans l’incarnation d’Alex Jennings, et d’imaginer avec un vérisme certain ce qui se cache derrière la comédie du pouvoir. Frears prouve que l’on peut être vachard, tout en étant respectueux finalement. On est très loin de la grosse farce que l’on pouvait attendre dans le traitement de ce sujet. Stephen Frears de film en film, continue à se renouveler, garde son acuité au monde, aussi bien dans une grosse machinerie américaine que dans un petit budget se passant en Irlande. Derrière le travail de reconstitution minutieux, il arrive à nous faire comprendre ce que représente cette monarchie, pourtant ruineuse, pour les Anglais, ce qui n’est pas une petite affaire. La mise en scène est enjouée, et il arrive, cas extrêmement rare, à faire parfaitement coexister des images d’archives – celles de Lady Di -, et le jeu de comédiens. Il est étonnant de voir que ce réalisateur avec Mme Henderson présente, nous propose deux des meilleurs films de l’année et continue avec une belle constance de nous montrer son grand talent. God Save the Frears !

C’EST BEAU UNE VILLE LA NUIT

C’était le début 1994, je croise le chemin de Richard Bohringer, venu accompagner le cinéaste Charles Matton et le chef opérateur Jean-Jacques Flori, venus présenter l’avant-première de « La lumière des étoiles mortes » au cinéma L’Arlequin à Paris. La semaine suivante, était présenté « L’Italien des roses », grand premier rôle du flamboyant Richard, signé Matton également, l’occasion de retrouver sa grande flamme dès le début de sa carrière. L’homme est très plaisant, accessible, il est sorti un petit peu avant, peu très sensible au débat d’après film. Je me retrouve à discuter avec lui, ainsi qu’une autre personne. Il nous parle de la mort tragique du cinéaste Maroun Bagdadi, et de l’impossibilité pour lui de lui rendre hommage, dans l’indifférence des médias. Tout naturellement, il parle de son projet de film adapté de son beau roman « C’est beau une ville la nuit », et des divers refus des réseaux de production. Il cite l’institution de « L’avance sur recettes » qui le boude, « Je suis ennemi des intelligents ! », déclarait t’il. A voir sa ferveur, je me mettais à avoir des images du film dans ma tête, et quand on croise un homme comme ce grand comédien, il reste une trace indélébile devant sa passion. Près de 13 ans plus tard, c’est l’avant-première de ce film enfin, à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux, organisé en sa présence, que je découvre enfin ce film. Et ça valait le coup d’attendre toutes ces années pour retrouver son énergie, fort de son expérience de réalisateur à la télévision, avec « Les coquelicots sont revenus » et « Poil de carotte ». Dès les premiers plans, la tendresse est au rendez-vous, avec le petit monde du  » bar de la dernière chance », où chacun refait le monde. Il était conscient de devoir ne pas rater cette scène. C’est le quartier général des amoureux de la nuit, et le point de ralliement des amis. La scène a son dynamisme, tout ce petit monde est embarqué dans la folie ambiante.  Avec le budget d’un téléfilm, et l’absence des régions au financement, Bohringer a réussi enfin à faire son adaptation en trouvant de belles fulgurances, co-écrites avec Gabor Rassov. Il nous montre sa chaleur sur les hommes, et sur ses compagnons de routes, au dénominateur commun d’avoir une âme blessée. Il sublime, la poésie des zincs, la rumeur des villes, il a tourné en France, au Canada et au Sénégal – Il a, on le sait, adopté la double nationalité franco-sénégalaise -. Conciliant 50% d’écritures, et 50% de spontanéité, il nous dresse le portrait de Richard, homme blessé, mais à l’enthousiasme intact. Autour de lui, gravitent ses compagnons de beuveries. Chanteur, il suit ses tournées musicales autour de la France, peu aidé par un manager excentrique – belle folie de Jacques Spiesser -, avec ses fidèles musiciens. Il se sert de ses souvenirs et de ses écrits, pour les récréer, en tirer des essences de vie. Il nous racontait avoir débuté d’ailleurs, en première partie de Vince Taylor, sous le nom, trouvé par ce fameux manager… de Richard Blues ! Le personnage hilarant du cycliste sous amphétamines – joué par Nicolas Tronc -, est aussi un personnage réel.

Richard Bohringer

Il y a beaucoup d’humour, du musicien amoureux trahi qui ne cesse de vouloir se supprimer, aux concerts parfois miteux dans quelques campagnes, tel la répétition organisées dans un local, royaume des poules. L’écriture tourmentée de Richard Bohringer trouve ici un écrin dans ce film. Sa manière de filmer les lumières des cités et de ses murmures lointains, son ode amoureux au Sénégal, aux paumés du petit matin chers à Jacques Brel, nous électrise tant son humanité éclate. Il parle de ses dérives, de sa jeunesse meurtrie broyée par le démon de la drogue, mais émaillée de rencontres spectaculaires, comme une prostituée, junkie un musicien noir, un policier désabusé mais humain – Daniel Duval d’une grande justesse – ou l’amour de sa grand-mère – Annie Cordy dont il a salué l’énergie et sa vitalité dans ses improbables tenues de scènes -. Sa fille est aussi présente – lumineuse Romane Bohringer -, présente à ses côtés quand l’alcool lui fait tutoyer les anges, et qui nous donne sa vision du métier d’actrice. Robinson Stévenin personnifie très bien le Paulo, avec sa machine à écrirede la marque « Underwood », une véritable antiquité qui ne serait pas indigne d’un Chester Himes. Les périodes, les livres, les films se télescopent pour cette machine à vivre, si bien personnalisée par ce comédien. Il y a aussi une belle idée d’utiliser quelques mal-aimés du cinéma français, souvent réputés ingérables, suivant quelques échos nous parvenant du petit monde du cinéma français. Le réalisateur dénote n’avoir eu aucun problèmes avec eux, il les utilise avec chaleur, citons Farid Chopel en berbère aveugle, Luc Thuillier en cafetier enthousiaste ou Rémi Martin en ami perdu de vue. François Négret incarne parfaitement Bohringer jeune, apportant avec lui ses propres blessures. Il est ici très touchant, curieux parcours pour ce comédien prometteur, qui se retrouvait, il y a peu, simple figurant dans une scène d’ascenseur dans « Caché » de Michael Haneke. On retrouve aussi Annie Girardot, dans une brève apparition – on la préfère ainsi qu’aux mains de sinistres charognards style « Paris Match » -, Sonia Rolland dans un rôle inattendu, ou une Gabrielle Lazure amusée. On retrouve ici l’univers de « La blonde » et de « Paulo » cher à Bohringer. Il trouve dans une économie de moyens, aidé au financement par l’ex-rugbyman Denis Charvet, présent également avec ses deux musiciens. Le réalisateur tient à défendre son film – il venait de faire le jour même une interview pour RTL -. Il fallait le voir parler des techniciens, avec lesquels ce n’était pas « Une lune de miel », et mimer celui qui désigne sa montre lors de la pause déjeuner. « Mais les poètes n’ont jamais faim ! » -. L’enthousiasme du comédien, inentamé dans ce voyage initiatique, renouait ce soir là avec son public. Si vous aimez cet acteur, nous ne pouvez qu’aimer son film… 

LES FRAGMENTS D’ANTONIN

Avant-première le lundi 23 octobre, du premier long-métrage de Gabriel Le Bonin, en sa présence, celle de la productrice Alexandra Lederman et du comédien Grégory Dérangère. Le film commence sur des images d’archives, d’une grande force, comme intactes et préservées par le temps. Des grands traumatisés de la première guerre mondiale, sont filmés par les psychiatres soignants de l’armée. Ils sont secoués de tics, et montrés nus pour bien montrer que leurs attitudes ne proviennent pas de blessures physiques. Intervient ensuite le personnage d’Antonin, qui alterne cinq gestes de manière obsessionnelle. Antonin est joué par Grégory Dérangère, et il passe aisément le test impitoyable de jouer ses scènes après des archives à fort pouvoir émotionnel. C’est au travers de son regard que l’on va suite les conséquences de la guerre. Il est un colombier, un peu en retrait face aux atrocités des étrangers, mais vite rattrapé par les dures réalités. Il ne trouve de consolation qu’à retrouver l’accorte Madeleine Oberstein – la trop rare Anouk Grinberg, une humanité blessée et un charme fou -, infirmière blessée par la vie, qui doit faire au mieux dans un hôpital de fortune dirigé cyniquement par le professeur Lantier – impressionnant Niels Arestrup -. Il termine pourtant, très traumatisé dans le service du professeur Labrousse – Aurélien Recoing égal à lui-même -, pionnier de la psychiatrie, qui cherche à décoder ses tics nerveux, et refaire surgir l’homme derrière la souffrance, quitte à lui faire revivre des moments limites. Grande est la satisfaction de découvrir un film sans rien connaître de son sujet, et de découvrir une indéniable maîtrise de mise en scène. Le film doit le jour grâce à la ferveur de la productrice Alexandra Lederman, qui séduite par le talent de Gabriel Le Bomin, en ayant vu ses courts-métrages, a souhaité développer un sujet avec lui. La recherche et la documentation, font de ce film, une œuvre originale, d’une grande probité, il est vrai que le metteur en scène avait pour modèle le méconnu « Les hommes contre » de Francesco Rosi – film assez rare, bien que parfois diffusé par Patrick Brion -. La genèse du film, n’a pas été simple, les divers partenaires télévisuels et les maisons de productions furent particulièrement rétive devant ce sujet. C’est donc dans une économie de moyens – difficilement visible tant le film est réussi -, et l’enthousiasme de ses divers participants, que ce film a réussit à voir le jour. Les scènes de guerres sont ici véristes, loin des aspects carton-pâtes de certains films français récents. La vision des tranchées est saisissante, on se souviendra longtemps du lieutenant poussant ses troupes au casse-pipe – formidable Pascal Demolon -, quitte à fustiger les siens.

Grégori Dérangère & Anouk Grinberg

Chaque scène a sa cohérence, le réalisateur décortiquant habilement les mécanismes de l’armée à l’instar du grand comédien Yann Collette, figurant un capitaine pris en contradiction entre ses devoirs de meneurs, et l’absurdité de la guerre. Collette avec son histoire amène une authenticité, une force considérable, et une bel analyse des combats à mener, il a une mission à tenir, il passe outre de ses états d’âmes. On passe aisément des moments douloureux, des choix à tenir, l’ennemi n’étant pas forcément l’Allemand, à l’exemple de la belle scène avec Laure Duthilleul et Richard Sammel. Tout manichéisme est évité avec intelligence. L’émotion est présente, des mains qui se frôlent entre Madeleine et Antonin, ont une sensualité exacerbée. Le débat fut passionnant, Gabriel Le Bonin, parlant admirablement de son travail, de son regard sur la guerre, de ses recherches. Avec une grande force de conviction, il a réussi à faire tenir des propos louangeurs de la part de hauts-militaires présents – il n’y a rien à en dire, venir au cinéma avec la légion d’honneur, ça le fait !, quitte à faire déguerpir quelques pécores venus malencontreusement s’installer à côté d’eux. Il est vrai que de voir un premier film aussi abouti devient extrêmement rare. C’était plaisant de découvrir aussi l’énergie de sa productrice – une jeune femme au lumineux regard -, voulant retrouver la force de films comme « Midnight express » et « Voyage au bout de l’enfer ». Autre force du film, l’interprétation de Grégori Dérangère, qui dégage une grande force, sans que l’on sente aucunement un effort de composition. Il est conscient que c’est un rôle payant, l’Antonin d’avant le traumatisme n’étant pas le même homme en 1919, mais il transcende son personnage. Il a dû commencer par les scènes de l’hôpital – il se mettait en retrait de ses partenaires -, avant de jouer les scènes intimes avec Anouk Grinberg, avant de finir sur les scènes de carnages. Ce comédien est véritablement l’un des meilleurs comédiens actuels, comme le confirme sa superbe incarnation d’un paysan secret, mouvance Gabin première manière dans « Le passager de l’été ». Il reste formidablement modeste, attribuant tous les mérites à son metteur en scène, alors qu’il incarne un homme blessé à la perfection, avec beaucoup de vérisme et de force. Le film ne devant pas avoir beaucoup de couvertures médiatiques, vu son petit budget, il est important de ne pas le rater. Contribuons donc à un « bouche-à-oreille » enthousiaste, car on ne voit que très peu de films de cette qualité. Vous ne le regretterez pas. Sortie le 8 novembre.

LE COIN DU NANAR : C’EST PAS PARCE QU’ON A RIEN A DIRE…

« …Qu’il faut fermer sa gueule ! ». Non ce n’est pas le sous-titre du « support-technique » – je mets des guillemets, bien sûr – de mon ancien hébergeur de blog, où un énervé destitué insulte les blogueurs, avant de censurer ensuite une de ses notes vipérine. Ce n’est pas non plus, le résumé général de l’actuelle campagne présidentielle… C’est en fait le titre de l’un des sommets de la comédie désolante franchouillarde. On doit ce monument au cinéastes Jacques Besnard, sorti en janvier 1975, d’après une idée originale de Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, Christian Clavier – ce dernier étant alors, coïncidence, le beau-fils du producteur Yves Rousset-Rouard -. L’histoire est simple, une minable histoire de casse, entre « Le pigeon » et « Faites sauter la banque ». Riton et Max – Jean Lefebvre et Michel Serrault -, deux escrocs pathétiques et benêts, sont renvoyés par Phano, receleur qui se prend pour un génie – Bernard Blier, au mieux de sa forme -, vu la petitesse des résultats. Mais Phano a l’idée du siècle, fracasser le mur dans les toilettes publiques de la Gare de l’Est, dans le WC N°3, qui se trouve être mitoyen avec une pièce contenant un coffre-fort richement pourvu… L’idée n’est pas fracassante, rajoutant à cela les poussifs dialogues de Jean Halain et Albert Kantoff, louchant méchamment sur l’écriture de Michel Audiard, le talent en moins, à l’exemple de cette phrase de Blier à Serrault : « Le jour où on mettra les cons dans un panier, tu ne seras pas sur le couvercle ». Evidemment, à la lourdeur ambiante, aux vapeurs d’urine, vient un petit côté scatologique. Notre trio de bras cassés, doivent percer le mur en plein jour, dans un lieu de forts passages, histoire de voler les recettes de la SNCF. Et il y a un obstacle colossal, le cerbère local qu’est la dame-pipi, – Tsilla Chelton, hilarante, excentrique, et professeur de l’équipe du théâtre du Splendid -. Il faut la voir véritable furie, gouverner son petit monde, déployer ses dons pour les langues avec les touristes étrangers. Mais elle ménage les habitués, dont Gaston, un contrôleur SNCF – mais qui contrôle plus l’accès des quais que sa vessie -. Gaston c’est Gérard Jugnot, dans un running-gag désolant, accompagné d’une petite musiquette de Gérard Calvi.

Tsilla Chelton, Bernard Blier, Michel Serrault & Jean Lefebvre

Evidemment, difficile pour le trio infernal de passer inaperçu avec cette terreur. Ils ne trouvent rien de mieux, que d’aligner les déguisements les plus improbables, un moine, un anglais, un pêcheur, des plombiers, et se disputent même certains costumes – moment culte où Michel Serrault chiale comme un gosse, parce que Lefebvre lui a piqué son costume d’Écossais -. Pas un modèle de discrétion ! Le petit monde trouble des sanisettes n’arrange rien à l’affaire, c’est une série de trognes qui défilent – dont Marcel Gassouk et Sébastien Floche, noms que je viens de soumettre dans la fiche du film chez IMDB -. Cerise sur le pudding, arrive Christian Clavier, en policier homosexuel. Il faut le voir draguer Bernard Blier, grand moment de n’importe quoi, il hume amoureusement sa nuque à grande force de mimiques. Le Clavier 75, ressemblant furieusement à Nicolas S., version minaude, cette représentation des forces de la loi a un petit côté furieusement subversif. Pas de Thierry Lhermitte pourtant souvent crédité dans se film – rôle coupé au montage ? -, mais on retrouve quelques seconds rôles comme Maurice Travail en automobiliste pressé, Max Amyl en agent de police narquois, Marion Game qui ne fait que passer, et Armel de Lorme me signale aussi Henri Coutet en contrôleur et Madeleine Bouchez en vieille dame outragée. Mais le film malgré l’absence de mise en scène chère à Jacques Besnard – déjà évoqué ici même – a un charme fou, un petit côté transgressif dans le mauvais goût assumé, malgré tous les clichés du cinéma comique d’alors. Bernard Blier est superbe, il fait preuve de grandeur même avec ces dialogues frelatés, Michel Serrault joue la carte du décalage amenant un brillant non-sens, et Jean Lefebvre, en improbable tombeur qui a du « Peps » ne démérite pas de ses deux partenaires monstres sacrés, ce qui prouve à nouveau que son talent est sous-estimé. Combien de nos nanars actuels auront ce même charme dans trente ans, tant nos comiques actuels se galvaudent rapidement… 

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Tina Aumont

 

Annonce de la mort de la comédienne Tina Aumont, à l’âge de 60 ans, samedi dernier d’une embolie pulmonaire. Elle était la fille de Jean-Pierre Aumont et de Maria Montez. Son père l’éleva avec Marisa Pavan, après la tragique mort accidentelle de sa mère dans une baignoire, Elle débute au cinéma sous le nom de Tina Marquand après avoir épousé le comédien Christian Marquand en 1963. Le cinéma italien des années 60, se l’arrache, elle tournera une singulière adaptation de « Carmen » de Prosper Mérimée, transformé en western : « L’homme, l’orgueil, la vengeance », avec Franco Nero et Klaus Kinski. « La saison cinématographique » de 1975, n’est d’ailleurs pas très tendre avec elle sur ce film : « …La Carmen interprétée par Tina Aumont est par contre décevante : l’actrice a l’âge de son rôle, mais elle manque de personnalité et on sent moins dans son jeu la passion fantasque de la gitane que les caprices d’une enfant gâtée »… Mais elle devient l’une des icônes des années 60-70,  avant de trouver un rôle important chez Bernardo Bertolucci dans « Partner » en 1968, avec Pierre Clémenti, sur de la schizophrénie à l’adolescence. Mais malgré des cinéastes prestigieux comme Federico Fellini, Roberto Rosselini – elle joue la femme adultère dans « Le Messie », ou Francesco Rosi, c’est surtout le cinéma bis qui la sollicite. Elle aura une traversée du désert, sa carrière étant brisée pour possession de drogue à la fin des années 70. Elle rentre en France, et a du mal à retrouver le vedettariat. Elle tourne avec Philippe Garrel, avant de retrouver de petits rôles, souvent d’ailleurs dans des rôles de prostituées. Les cinéphiles auront le souvenir d’une grande tristesse dans son beau regard.

Filmographie, établie avec Christophe Bier : 1965  Modesty Blaise (Id) (Joseph Losey) – La curée (Roger Vadim) – 1966  Texas across the river (Texas, nous voilà) (Michael Gordon) – 1967  Troppo per vivere… poco per morire (Qui êtes-vous inspecteur Chandler ?) (Michele Lupo) – L’ uomo, l’ orgoglio, la vendetta (L’homme, l’orgueil et la vengeance) (Luigi Bazzoni) – Scusi, lei è favorevole o contrario ? (Alberto Sordi) – 1968  Satyricon (Gian Luigi Polidoro) – Partner (Id) (Bernardo Bertolucci) – L’alibi (Vittorio Gassman, Adolfo Celi & Luciano Luciganini) – L’urlo (Tinto Brass) – 1969  Le lit de la vierge (Philippe Garrel) – Come ti chiami, amore moi (Umberto Silva) – Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova Veneziano (Casanova, un adolescent à Venise) (Luigi Comencini) – Trapianto, consuzione e morte di Franco Brocani (Mario Schifano, film underground) – 1970  Metello (Id) (Mauro Bolognini) – Necropolis (Franco Brocani) – Corbari (Le dernier guet-apens) (Valentino Orsini) – 1971  Il sergente Klems (Sergent Klems) (Sergio Grieco) – Bianco, rosso e… (Une bonne planque) (Alberto Lattuada) – 1972  Racconti proibiti… di niente vestiti (Brunello Rondi) – Arcana (Giulio Questi) – Malizia (Malicia) (Salvatore Sampieri) – Blu Gang / Blu gang e vissero per sempre felici e ammazzati (Luigi Bazzoni) – 1973  I corpi presentano tracce di violenza carnale (Sergio Martino) – Storia de fratelli e de cortelli (Mario Amendola) – 1974  Lifespan (Le secret de la vie) (Sandy Whitelaw) – Les hautes solitudes (Philippe Garrel) – Fatti di gente per bene (La grande bourgeoise) (Mauro Bolognini) – Il trafficone (Bruno Corbucci) – Divina creatura (Divine créature) (Giuseppe Patroni Griffi) – 1975  Il Messia (Le Messie) (Roberto Rosselini) – Salon Kitty (Id) (Tinto Brass) – Il Casanova di Fellini (Casanova) (Federico Fellini) –  1976  Cadaverri eccelenti (Cadavres exquis) (Francesco Rosi) – Giovannino (Paolo Nuzzi) –  La Principessa nuda (La Princesse nue / Parties déchaînées) (Cesare Canevari) – A matter of time (Nina) (Vincente Minelli) – 1977  Un cuor semplice (Giorgio Ferrara) – Le rouge de Chine (Jacques Richard) – 1978  Una splendide giornata per morire / Titre reprise 1980 : Holocaust parte seconda : I ricordi, i deliri, la vendetta (Subliminal) (Angelo Pannaccio) – Fratello crudelle (Mario de Rosa, inédit) – 1979  La bande du Rex (108-13 [Jean-Henri Meunier]) – 1982  Rebelote (Jacques Richard) – 1985  Cinématon N° 509 (Gérard Courant, CM) – 1986  Les frères Pétard (Hervé Palud) – 1991  Sale comme un ange (Catherine Breillat, rôle coupé au montage) – 1993  Dinosaur from de deep (N.G. Mount [Norbert Moutier] , vidéo) – 1995  Nico Icon (Id) (Susanne Ofteringer, documentaire) – Les deux orphelines vampires (Jean Rollin) – 1997  Le marquis de Slime (Quelou Parente, CM) – Cantique de la racaille (Vincent Ravalec) – 1999  Giulia (Roy Stuart) – La mécanique des femmes (Jérôme de Missolz).

©   Le coin du cinéphage (reproduction strictement interdite, textes déposés)

CARNET TROUVÉ CHEZ LES FOURMIS (SUR IMDB)

IMDB : C’était 2000, « Les acteurs » de Bertrand Blier, viennent de sortir, évidemment le site incontournable pour un cinéphile est « Internet Movie Data Base ». Câblé depuis peu, c’est l’instrument idéal pour repérer le 36ème second rôle, scène 14, celui qui monte les escaliers dans un film hollywoodien de 1943. Mais côté français, c’était alors du très léger, les « Laurence » sont toutes créditées comme des acteurs !, pour certains films il n’y avait parfois qu’un seul nom d’acteur, par exemple Jean Gabin dans « Le drapeau noir flotte sur la marmite » de Michel Audiard, et rien sur le mythique – et unique film – de Jacques Martin « Na ! », etc… Et il y a une énormité de manques et une belle foule d’erreurs, volontaires ou non – Les membres de l’équipe du splendid crédités dans des films où ils ne figurent pas, et quelques mauvaises blagues -. Il y a peu d’informations sur les courts métrages et il y a deux ou trois téléfilms avant 1990, qui se battent en duel, « Les Perses » de Jean Prat, crédité comme un téléfilm américain ! ou un téléfilm de Serge Moati établit par un Allemand, deux titres de Jean-Christophe Averty et quelques séries recopiées d’un très bon livre de Jean-Jacques Jelot-Blanc.

J’envoie donc, alors, des informations, respectant la règle du crédit du générique, les autres figurant avec la mention « uncredited », pendant un certain temps ou un temps certain c’est selon… Et puis un jour on ne sait pas pourquoi ils commencent à prendre vos informations, sans interrogations, sans aucun échange, et de plus en plus rapidement, par regroupements sans doutes… Ils ont dû voir que j’étais un poil sérieux, de plus mon intérêt concernant les seconds rôles a fait que j’avais une mine d’informations, publiées – Les saisons cinématographiques,  les catalogues du CNC, génériques de vieux Télérama, Ciné-Revue – ou non. J’ai la fâcheuse manie de lister les génériques de films et de répertorier des éternels non crédités des génériques…

Et là c’est un boulevard qui s’offre à moi, IMDB devient une sorte de site perso, sauf que c’est la base la plus importante du monde… Il m’est impossible de savoir combien de temps j’ai passé sur cette base, je me dis que si un site à l’intelligence de se faire de l’argent avec les informations des internautes pourquoi pas. C’était à la base un site de cinéphile mais repris par le grand groupe « Amazon », pas de philanthropie donc -. Télérama avait publié un article très juste sur le sujet – il faudrait que je le retrouve… -,  comparant ces cinéphiles amoureux des listes, très justement à des fourmis. Chacun amenant sa petite pierre à l’édifice, dans un véritable travail de bénédictin,  avec une belle idée de partage. Il y a toujours une satisfaction à voir un internaute rajouter ensuite une information ou un commentaire à une fiche que vous avez créé. Notamment pour les télévisions, il y a toujours le douzième assistant du son, qui va rajouter son nom, omettant complètement ceux de ses collègues que ce qui me semble révélateur d’une certaine mentalité du cinéma français…

IMDB est donc devenu une sorte de monstre froid, un Moloch à nourrir, car il y a toujours quelque chose à faire, un court, un téléfilm recopié sur un Télérama consulté en bibliothèque, ou un téléfilm trouvé sur les sites de programmes TV – en rentrant ceux qui sortent largement avant la France en Belgique et en Suisse, pour des raisons de co-productions -… J’ai vu souvent des cinéphiles conserver ses propres informations pour soi, je me suis dit que c’était plus intéressant de les partager, le site restant gratuit -. De plus, l’anonymat qui me convenait parfaitement. Car les gestionnaires d’IMDB ne communiquent pas les noms des participants, hormis qu’ils vous citent désormais dans le « Top contributors » depuis 2003, sur le site. Le site évolue, et semble très compartimenté, il y a un responsable pour chaque rubrique – les titres étrangers notamment -. Certaines rubriques fastidieuses à compléter « guest-star » pour une série sont simplifiées depuis 20030 On peut depuis le début d’année dresser un générique complet d’un épisode de série. Il y a un forum pour les utilisateurs en cas de problèmes.

Reste que l’équipe du site s’ils acceptent volontiers vos infos, cloisonnent, ils refusent de communiquer la liste des autres participants, il y a peu de contact, sinon les rituels vœux de bonne année. Les 100 premiers, ont un accès gratuit à la version IMDP pro, – payante pour les autres -. Mais l’intérêt pour un non professionnel peut échapper et une ribambelle d’accusés réceptions des compléments, d’où l’intérêt de créer une adresse mail spécifique. Le seul message un peu personnel a été pour me demander si j’étais sûr de la participation de Myriam Mézières dans « La vie facile » un film de 1971, après un article, paru sur elle, dans « Les cahiers du cinéma ».

La participation à ce site peut apporter différentes satisfactions, le comédien Jean-Jacques Moreau me parlant d’un de ses amis lui ayant envoyé sa filmo venant d’ « Américains » et me citant des films dont j’avais créé la fiche comme « La soupe froide » (1974), et celle de revoir des informations reprises par des sites d’extrême orient. L’idée que ces informations sont consultables de n’importe quel coin du monde, est assez vertigineuse. Participer à une sauvegarde d’une certaine mémoire du cinéma, y compris des nanars, a tout de même sa petite importance. En créant, l’an dernier une fiche d’une série de courts-métrages « Mon meilleur Noël » en 1981, avec pléthore de débutants (Catherine Frot, Pierre Arditi, Robin Renucci, etc…), je me dis que peut-être telle « la madeleine de Proust » la lecture de la fiche réveillera quelques souvenirs émus chez quelques internautes.


Reste qu’il faut rester en vigilance constante, puis qu’atteint un certain seuil chacun peut aisément compléter la base, il y en a toujours un pour rajouter une erreur, de bonne foi : les catalogues de Raymond Chirat – non exempt d’erreurs – créditent à tort Henri Virlojeux dans « Horace 62 » et « Du grabuge chez les veuves » dans des rôles joués respectivement par François Darbon et Hubert De Lapparent, son nom revient régulièrement sur la base, ainsi que Françoise Arnoul, Brigitte Bardot et Roger Vadim dans « Le testament d’Orphée » (Jean Cocteau, 1959), noms figurant par erreur dans bien des dictionnaires.

. Il y a des petits malins qui s’amusent à mettre des erreurs, tel un inconnu – nom supprimé – qui figurait sous le personnage de « Le pute (sic) » dans tous les noms de films ayant « frite » dans le titre ! Si vous distinguez les homonymes, il y a trois Christian Barbier, et Georges Guéret n’est pas Georges Géret…, il y en aura toujours un peu pour refondre les noms. IMDB avait déjà fait mourir Gérard Brach, bien avant l’heure, ainsi que Luigi Comencini ! il serait trop laborieux de faire un listing exhaustif. Il suffit qu’un internaute rajoute la mentions mini à la série des « Vidocq » version Claude Brasseur, pour que la liste des « guests – vedettes invités » disparaissent. Donc on est toujours à la merci d’un autre indélicat ou non, plus les « bugs » fréquents comme Maurice Baquet qui avait un jour, complètement disparu de la base. Et l’erreur étant humaine, comme disait un de mes amis, si un jour je prenais un coup sur la tête, l’équipe du site continuerait à rentrer mes informations même si ça devient du parfait n’importe quoi.

On a bien compris que l’on doit une masse d’informations inédites aux internautes – je n’en connais que quelques autres, Jean-Marcel Erre, auteur du roman « Prenez soin du chien »,  Grégory Alexandre « ancien » nègre de Jean Tulard, la cinéaste Isabelle Broué et l’ami Jean-Louis Sauger… IMDB se garde bien de mettre tout ce petit monde en rapport, on ne sait jamais s’ils venaient à faire une base parallèle. Le site IMDB doit être une base de départ et n’est pas toujours fiable. Pour une filmographie ils datent à partir de la date de sortie par exemple, « Jet pilot / Les espions s’amusent » figure à l’année 1957, alors que le tournage date de 1950. Il est à déplorer une nouvelle catégorie de filmographes qui ne font que dresser des listes sans voir les films !, et vont dénigrer ensuite la base IMDB alors qu’ils ne font que du recopiage myope, ce qui est assez curieux. Autre exemple, pour un ami cinéphile participant aux « joutes du cinéma », je rentre régulièrement ses rôles et figurations, même s’il n’est jamais crédité à un générique… Résultat un figurant peut donc se retrouver bien placé dans un « Annuel du cinéma » par exemple, même s’il disparaît au montage. Certaines fiches restent mimalistes, comme celle de « Quand j’étais chanteur », où j’ai dû rajouter le nom de Jean-Pierre Gos, oublié alors qu’il y a un rôle important.

C’est donc en temps que « petite fourmi » et dans une idée de partage que j’ai pris l’habitude de travailler sur ce site, depuis plusieurs années maintenant. A l’instar du vieux garçon, décrit par Philippe Garnier dans l’article de « Libération » repris ici,  je tente de rentrer les téléfilms et des court-métrages, ce qui reste une goutte d’eau dans l’océan. Si jamais vous aviez des informations à me communiquer, surtout pour les dramatiques d’avant 1972, elles seraient bienvenues. Il y a aussi une interactivité salutaire, avec la base, puisque l’on peut rajouter de nombreux liens, histoire de faire connaître d’autres sites. IMDB doit donc beaucoup aux internautes et à quelques cas cliniques dont mézigue…

ARTICLE : LIBÉRATION

Zoom
IMDb, de la mine au filon
Il y a une quinzaine d’années, un étudiant lançait ce site cinéphile aujourd’hui incontournable.

Par Philippe GARNIER
mercredi 04 janvier 2006
Los Angeles correspondance

Cherchez trace d’un obscur film MGM dans lequel Robert Blake joue Corky, un mécanicien taré mais marié à CHARLOTTE RAMPLING (!) qui cherche à percer comme pilote de stock-cars, et bam, merci IMDb, non seulement vous apprenez que Ben Johnson, le transfuge de John Ford, était dedans, mais aussi plein de pilotes de course célèbres comme Jo Petty. Vous apprenez du même coup que, surprise, le film n’a plus jamais refait surface depuis sa sortie en 1972 sur le circuit des drive-in, et n’a jamais existé ni en VHS ni en DVD. Or on n’imagine pas vraiment la sortie imminente du coffret Robert Blake pour les fêtes («Kiss Kiss, Bang Bang, the Robert Blake Collection» ?). Et, IMDb étant réellement un site interactif, vous êtes immédiatement mis en contact avec un avocat texan défroqué qui ne peut pas CROIRE qu’on lui parle de ce film auquel il n’a pas songé depuis trente ans. «Non seulement je l’ai vu quand il est sorti, j’étais sur le TOURNAGE à Dallas, et sur le circuit de course près de Fort Worth…» Tout ça pour vous dire qu’il n’a pas de cassette du film.

Science et manies. Il est difficile d’imaginer, aujourd’hui, la vie sans IMDb (www.imdb.com) , ou un monde sans ce site qui répertorie les plus infimes et futiles détails sur près de 471 000 films (du muet aux productions en cours), 1 200 000 personnes (du réalisateur au maquilleur, en passant par la distribution quasi complète), et enregistre plus de trente millions de visites chaque mois. On a autant de peine à se rappeler à quoi ressemblait le site, disons, au début 1996, quand on l’a découvert pour la première fois. L’entreprise existait depuis six ans sous forme embryonnaire, changeant aussi vite que les progrès techniques informatiques, mais venait de se mettre en société, sans pour autant améliorer son blase (Internet Movie Data Base, Ltd). On se souvient, après avoir frimé une semaine à peu de frais sur le plateau culture de Libé, dévoilant le clic magique aux collègues, et les répercussions. Le site n’avait alors pas grand-chose à voir avec celui d’aujourd’hui. Ses ressources étaient déjà impressionnantes, d’ampleur et d’exactitude, mais l’habillage restait spartiate.

A l’origine de ce succès industriel, il y a naturellement un cinéphage ou deux. Et tant qu’il y aura des vieux garçons, il y aura des listes. Qu’il s’agisse de rock ou de cinéma, le fanatique vieux garçon compile, classe, hiérarchise, compare. Col Needham était de ceux-là, un étudiant de Bristol (il a 38 ans maintenant) qui a un jour eu l’idée de mettre sa science au service de ses manies. Voulant partager ses génériques et ses listes avec d’autres fadas de la même eau, Needham, en octobre 1990, a commencé un newsgroup sur Usenet, un des réseaux préhistoriques, pré-World Wide Net, surtout connus des hackers et étudiants. L’entreprise de ces premiers chrétiens avait un nom encore plus tartignole, rec. arts. movies movie data base, trahissant bien ses origines boutonneuses et universitaires. C’est d’ailleurs l’université de Cardiff qui a un temps abrité cette banque de données en formation, jusqu’à ce que la demande d’espace explose, malgré la création de sites miroirs aux Etats-Unis et Royaume-Uni.

En 1993, révolution Number Nine : Needham adapte son site au Net et adopte une interface e-mail permettant une interactivité simple et essentielle au développement d’IMDb : il est désormais possible à tout utilisateur de corriger les fautes, ou combler les lacunes, sans avoir à jouer les cyber-Sherlock pour trouver à quel collaborateur du site s’adresser. Car c’est là la force de cette confrérie frapadingue, et la fascination qu’elle provoque : encore aujourd’hui, le bureau de Seattle qui lui sert à la fois de façade et de raison sociale, ne loge qu’une vingtaine de ses cent employés. Les autres, y compris le patron, sont dans le cyberspace. Needham, qui réside toujours à Bristol, n’a rencontré ses premiers collaborateurs qu’en 1996, une fois la décision prise de se mettre en société. Et encore aujourd’hui leurs noms demeurent secrets, provoquant toutes les curiosités.

Shazam ! Quand on demande à Kevin Brownlow, un des plus célèbres spécialistes du cinéma muet, s’il a un jour été «recruté», il rétorque qu’il n’a même pas l’Internet. Mais l’identité des contributors est devenue d’autant plus cruciale que le site a changé de peau du tout au tout, du jour où Needham a rencontré Jeff Bezos, en 1998. Le fondateur d’Amazon.com envisageait étendre son empire au-delà du livre ­ vendre du contenu audiovisuel. IMDb lui semblait être un support essentiel pour s’ouvrir le marché vidéo naissant. Non seulement IMDb vous indiquerait si le film existe en VHS ou DVD, et dans quel pays, mais vous seriez désormais à un clic du magasin, et à deux du chariot. Shazam ! Needham et ses mystérieux actionnaires ont accepté de se laisser acheter par Amazon, Bezos leur ayant assuré leur complète autonomie.

Mais, bien au-delà de l’habillage plus jazzy et des banderoles publicitaires, IMDb a irrémédiablement changé. L’utilisateur est aujourd’hui constamment confronté aux promos de toutes sortes, et aux «si vous avez aimé ceci, vous aimerez cela» (attrape-con si familier des piégés d’Amazon) ; invité de plus à participer à toutes sortes de referendums tarés, le meilleur de ci, le pire de ça, «et qu’en pensez-vous ?». C’est-à-dire, comme sur les télés du monde entier, le travesti de l’interactivité, en réalité l’invitation à la passivité.

Collusion. De la caverne des cent un nunuches qu’il était, IMDb est devenu un emporium de zombies qui se croient obligés de tartiner leur ego et leurs opinions sur tout. Si IMDb a perdu de son intégrité et de son exactitude (encore très remarquables, par les temps qui courent), c’est que le site est phagocyté par les blogueurs, ragoteurs et poseurs de canulars et autres véroles de l’époque. Mais aussi, plus grave, une grande partie d’IMDb est devenue une version en ligne de Variety ou du Hollywood Reporter, avec l’avantage d’être gratuit (mais une version «pro» payante existe aussi). Comme les magazines professionnels, le site est désormais truffé d’infos plus volontaristes qu’exactes ­ surtout en ce qui concerne les films en production, ou simplement «annoncés». Il est souvent utile pour un producteur d’annoncer un projet avec telle ou telle vedette, même si c’est du pipeau complet.

Et on retrouve aujourd’hui sur IMDb la même collusion insidieuse corporatiste qui a toujours fait les choux gras de Variety. Par exemple, si vous explorez le site au sujet de Capote, aucune mention n’est faite de l’AUTRE film sur l’écrivain, fait cette année aussi, et sur la même époque de sa vie (celle de De sang froid). C’est seulement si vous cliquez sur le titre du film, Infamous, que vous apprenez que Warner a un pareil oiseau sur les bras. Warner et Sony Classic ont probablement depuis conclu un pacte et décidé d’espacer et désassocier le plus possible les deux films. Mais ce silence radio, même par simple omission, est preuve que Hollywood peut encore tenir le couvercle sur quelques infos gênantes ou inopportunes. Et que, indépendance ou pas, IMDb roule surtout pour la promo des films. Maintenant, cliquez sur «cet article vous a-t-il été utile ?» Mais auparavant, n’oubliez pas de vous enregistrer et de participer au référendum de l’article le plus con de l’année.

PAR DISCIPLINE CHRÉTIENNE, IL EST DEMANDÉ DE S’ABSTENIR D’ALLER VOIR LES FILMS COTES 5

Connaissez-vous « Le répertoire général des films », des années 50-60, éditons « Pensée vraie », édités par la « Centrale catholique du cinéma » ? C’est l’ami Christophe Bier, qui m’en avait parlé. L’idée est simple, dresser la liste des films visibles par tous, histoire de chasser les « détails anti-éducatifs » ou des films « qui prônent ouvertement des idées mauvaises et subversives ». Il fallait bien protéger les chères petites têtes blondes d’alors, qui doivent former d’ailleurs, l’élite de notre joyeuse nation. C’est forcément édifiant ! Évidemment quand on voit les films aujourd’hui on ricane ferme, évolution des mœurs oblige ! Il y avait une cote morale, dressée par quelques ecclésiastiques, de la Cote 3, des films visibles par tous, à l’horrible Cote 5 « Par discipline chrétienne, il est demandé de s’abstenir d’aller voir les cotes 5 », qui « attaquent la religion ou qui la rendent méprisable, odieuse et ridicule », et qui en passant « font complaisamment étalage de vices, de crimes ou de dérèglements… ». L’intolérance est parfois visible – le racisme point son nez en passant, confère la note sur « Avec André Gide » . Ce regard effrayé devant les bassesses de ce bas monde ainsi étalées, finit par être assez croquignolet. Elevé par une école catholique, un tantinet plus tard, je retrouve de manière assez caricaturale, la morale rigoriste, complaisamment inquisitrice. Si ces catalogues sont très utiles pour les cinéphiles, « La saison cinématographique » débutant en 1957, c’est aussi un absolu régal à lire. Toute une époque… pas si lointaine…  

Extraits – pris au hasard ! – : tirés du « Répertoire général des films » volume « 1952-1953 » & « 1953-1954 ».  

Adorables créatures (Christian-Jaque, 1952), avec Daniel Gélin, Edwige Feuillère : « …Les auteurs tendant, au travers des histoires d’alcôves, à présenter sur les femmes des considérations fausses, stupides et méprisantes. De nombreuses scènes sensuelles : amoralité et cynisme de tous les personnages ». – Cote 5.

L’affaire Ciceron, Five Fingers (Joseph L. Mankiewicz, 1952), avec James Mason, Danielle Darrieux : « ..Le châtiment final des deux coupables ne rétablit que faiblement la moralité de cette histoire. Mais le caractère historique de l’aventure relatée en atténue la nocivité ». 

Agence matrimoniale (Jean-Paul Le Chanois, 1951), avec Bernard Blier, Michèle Alfa : « … »Les critiques contenues dans ce film sont justifiées ; elles montrent à quel point certaines moeurs habituelles à notre société peuvent avoir sur des individus faibles de caractères de fâcheuses répercussions. Réserves pour remariage après divorce, considéré comme une solution normale ». 

A l’abordage, Against all flags (George Sherman, 1952), avec Errol Flynn, Maureen O’Hara : « …La fille du grand Mogol aime se faire embrasser et la femme corsaire aussi… Tous ces corsaires ne sont pas des enfants de choeur et ça se voit ». 

Alice aux pays des merveilles, Alice in Wonderland (Walt Disney, 1951) : « …Rien à dire du point de vue moral. Le public doit cependant savoir que le caractère abracadabrant et parfois impressionnant de ce film risque de heurter de très jeunes enfants sensibles ». 

Les amants de Bras-Mort (Marcel Pagliero, 1951), avec Frank Villard, Nicole Courcel.  « …L’atmosphère d’union libre et de violence motive de sérieuses réserves morales malgré l’indéniable leçon morale donnée par l’amour du travail et le renoncement final de la jeune fille ». 

L’amour, Madame (Gilles Grangier, 1951), avec Arletty, François Périer : « …Les situations, le dialogue, quelques toilettes légères, telles qu’on en voit sur la Côte d’Azur, appellent des réserves ». 

Au coeur de la casbah (Pierre Cardinal, 1951), avec Viviane Romance, Claude Laydu : « …La compagnie des personnages aussi inquiétants durant une heure et demie risque de faire participer le spectateur à leur univers intérieur, et c’est l’univers du péché, envoûtant et désirable. Une danse de cabaret spécialement suggestive oblige à plus de sévérité encore. » – Côte 5. 

Avec André Gide (Marc Allégret, 1951), avec André Gide, Maurice Garçon : « …Une allusion aux moeurs de Gide, des danseuses nègres à moitié nues, tout cela entraînent certaines réserves ».

L’étrange amazone (Jean Vallée, 1952), avec Madeleine Lebeau, Gérard Landry : « … Il est admis qu’un homme ne peut vivre longtemps sans une maîtresse. Mais ce sont surtout les photos qui sont répréhensibles (Scènes de nudités au bord de l’étang, numéro de strip-eause, chansons, etc…) ». 

Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952), avec Gérard Philipe, Gina Lollobrigida : « …Le dialogue léger et des scènes suggestives obligent à des réserves morales ». 

Le Fauve en liberté, Kiss tomorrow Goodbye (Gordon Douglas, 1950), avec James Cagney, Barbara Payton : « …Ce film baigne dans une ambiance lourde, qui soulève le coeur. Tous les personnages sont des brutes ou des hommes moralement abjects ». 

Le masque de Dimitrios, The mask of Dimitrios  (Jean Negulesco, 1944), avec Peter Lorre, Sidney Greenstreet : « …On montre beaucoup d’indulgence avec plusieurs personnages sans scrupules. Le mal n’est pas assez désapprouvé ». 

Mina de Vanghel (Maurice Clavel, 1953), avec Odile Versois, Alain Cuny : « …Les réserves portent sur l’atmosphère sensuelle de ce film et sur l’attitude de la jeune fille qui n’hésite pas à convoiter un homme marié et à tenter de détruire un ménage uni, pour finir par se suicider. Seul le caractère romantique et artistique de cette oeuvre empêche une cote plus sévère ». 

Mon gosse de père (Léon Mathot, 1952), avec Maurice Teynac, Jean Tissier : « …Le plaisir est considéré comme le bien suprême, la vertu, présentée sous l’aspect d’un puritanisme rigide, est ridiculisée. Les dialogues sont légers, l’attitude de l’aumônier des girls (sic !…) est sujette à caution et la plupart des personnages sont immoraux ». 

La mort d’un commis voyageur, Death of a Salesman (Laslo Benedek, 1951), avec Frederic March, Mildred Dunnock : « …Les éléments qui seraient susceptible d’entraîner des réserves : la liaison du héros, qui est marié, et son suicide – qui est un suicide d’homme détraqué – renforcent dramatiquement un contexte de valeur.

La tournée des Grands-Ducs (André Pellec, 1952), avec Raymond Bussières, Sophie Sel : « …Dialogues vulgaires, situations équivoques et surtout exhibitions indécentes au cours de spectacles de cabarets. – Cote 5.

Un caprice de Carloline Chérie (Jean Devaivre, 1952), avec Martine Carol, Jean-Claude Pascal : « …Malheureusement, les déshabillages renouvelés de Martine Carol et la mentalité d’ingénue-libertine prêtée à son personnage, à quoi il faut ajouter un language dévergondé, font rejeter ce film par tous ceux qui ont un souci de propreté ». – Cote 5.

Victoire sur l’Annapura (Marcel Ichac, 1953, documentaire) : « …Aucune réserve sur le plan moral. Tout au contraire, on ne peut que recommander un tel film, réelle leçon dénergie, relatant un exploit dont la France peut à juste titre s’enorgueillir ».

CHANGEMENT D’HERBAGE, REJOUIT LES VEAUX…

« Le coin du cinéphage » prototype du blog foutraque est né en mars 2005, chez un autre hébergeur. Tout allait bien, mais la plate-forme a hélas fortement pâti d’une migration non préparée en janvier dernier, pour d’obscures raisons de sécurités. Les promesses n’engageant que ceux qui les reçoivent, comme le disait si bien l’ineffable Charles Pasqua, me voilà à changer d’herbage, après 9 mois à devoir vivre avec un électroencéphalogramme presque plat. Rien ne va fondamentalement changer sur le contenu, la platitude et les lieux communs régneront toujours en maîtres, mais l’ergonomie est ici beaucoup plus probante. Certaines rubriques vont être rapatriés ici…

Samedi 21 octobre dernier, c’était le 20ème anniversaires des joutes, à Toulouse. C’est l’occasion pour quelques amis cinéphiles de se retrouver pour discuter cinéma, se livrer à un petit jeu, loin des affres de la médiatisation. Cette association est née, suite à des retrouvailles d’anciens candidats du célèbre jeu de Pierre Tchernia, lors d’une émission spéciale. J’avais déjà relaté les précédentes éditions dans une note du 12 juin 2005. Désormais, cette réunion est à une période charnière de son histoire, mais il y a désormais un forum de rencontres: http://joutes-cinema.aceboard.fr/ , ou vous retrouverez des amoureux du cinéma très érudits, il est très rare que les questionnaires proposés ne trouvent pas une réponse, tant chacun a son époque de prédilection, ces coups de coeur. Les conversations fusaient, chacun rebondissant sur une réflexion. Le gagnant est à nouveau cette année l’ami Claude Baugée, qui a désormais son blog également chez « Canalblog », http://eeguab.canalblog.com/, Je l’ai suivi en voyant que ce cadre me correspondait mieux, suivi d’un basque au nom imprononçable et de Jackie Martel, collectionneur enthousiaste et que l’on retrouve souvent dans la foire des « Cinglés du cinéma », qui se déroule en début d’année à Argenteuil. Pour vous donner un petit goût à cette manifestation, je vous propose mon questionnaire, vous retrouverez les réponses dans le commentaire. La moyenne générale est de 8. Le forum des « Joutes » devrait désormais continuer à animer notre passion commune, vous pouvez nous retrouver, il suffit juste de s’inscrire.

Politique et cinéma :

1. Dans quel film, sorti en 1961, d’Henri Verneuil, avec Jean Gabin et Bernard Blier, retrouve t’on ce dialogue de Michel Audiard « Je suis un mélange d’anarchiste et de conservateur, dans des proportions qui restent à déterminer ».

2 Qui joue le rôle du président de la République de la France, dans « Les œufs brouillés » (Joël Santoni, 1975).

3 Titre du film militant de 1936, commandité par le Parti Communiste Français, pour s’opposer à la montée de groupuscules fascistes, et réalisé notamment par Jean Renoir, Jean-Paul Le Chanois et Jacques Becker..

4 Qui joue dans « État de siège », de Costa-Gavras, en 1972, le conseiller américain, Philip Michael Santos, enlevé à Montevidéo par un groupuscule révolutionnaire, les Tupamaros. 

5 Dans « Good night and good luck » de George Clooney, sorti en 2005, qui tient le rôle du sénateur Joseph McCarthy.

6 Film italien de 1973 de Mario Monicelli, avec Ugo Tognazzi, Claude Dauphin et François Périer, où un député et d’anciens généraux fascistes, fomentent un coup d’état.

7 Quel est le nom du réalisateur d’ « Ogro » (1979), où Gian Maria Volonté joue un terroriste basque, et qui vient de mourir en octobre.

8. Titre d’un film français de 1955, de Paul Carpita, sur des tensions avec des dockers marseillais, et qui fut interdit. Le film fut finalement diffusé en 1990, grâce à la réapparition de l’unique copie existante confisquée par la censure politique.

9. Film de Pascal Aubier, tourné en 1970, où Alain Cuny joue le rôle d’un révolutionnaire de salon, avec Bernadette Lafont et Fabrice Luchini.

10. Qui joue « Norma Rae », Martin Ritt (1977), une ouvrière qui lutte pour obtenir de meilleures conditions de travail, dans une usine de textile.

11. Titre du film de John Frankenheimer de 1964 , avec Burt Lancaster, Kirk Douglas et Frederic March, où un général, hostile à la politique de désarmement du Président des Etats-Unis, prépare un putsch..

12. Nom du réalisateur de « L’ombre rouge » (1981), avec Nathalie Baye, Claude Brasseur et Jacques Dutronc, sur la lutte indirecte des communistes français dans « La guerre d’Espagne ».

13 Film espagnol de Juan Antonio Bardem (1979), où l’on retrouve les interprètes français Madeleine Robinson et Jacques François, traitant de la tentative de coup d’État fomentée par les nostalgique du Franquisme en 1977.

14. Quel comédien, décédé en juillet dernier, joue le rôle d’Harry M. Rosenfeld, rédacteur en chef du journal où travaillent Dustin Hoffman et Robert Redford, dans « Les hommes du président » d’Alan J. Pakula (1976) et qui joue dans « Bulworth », joué et réalisé par Warren Beatty, en 1998, où un sénateur suicidaire fait ses discours en rappant et se met à dire la vérité.

15. Nom du co-réalisateur de la période politique des films de Jean-Luc Godard, membre du groupe « Dziga Vertov », pour notamment « Vent d’Est » (1969), « Vladimir et Rosa » (1971), « Tout va bien » (1972)… .

LADY CHATTERLEY

Avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux de « Lady Chatterley », en présence de Pascale Ferran et de Jean-Louis Coulloc’h. La célèbre œuvre de D.H. Lawrence a été adaptée à plusieurs reprises, citons « L’amant de Lady Chatterley » de Marc Allégret, avec Danielle Darrieux en 1955 – que l’on imagine bien édulcoré -, l’érotico-soft film de Just Jaeckin, avec Sylvia Kristel en 1981, deux obscurs « Young Lady Chatterley », une préquel ? signé Alan Roberts en 1977 puis 85,  et un téléfilm, « Lady Chatterley » de 1993 de Ken Russel, qui semble légitime pour le réalisateur du célèbre « Love » en 1969, autre adaptation culte de l’écrivain. Personnellement, j’avais été fortement impressionné par la maîtrise de ses « Petits arrangements avec les morts », en 1993, l’un des meilleurs films français des années 90. L’annonce d’une nouvelle version de l’œuvre de D.H. Lawrence pouvait surprendre dans le cliché que l’on pouvait avoir sur cette œuvre, sans l’avoir lue. Le silence de Pascale Ferran pouvait surprendre, depuis « L’âge des possibles » réalisé pour Arte en 1995. Elle répond avec franchise, qu’elle s’était totalement investi dans son premier film, et qu’elle manquait d’inspiration pour d’autres œuvres. La créativité revenue, elle n’a pas hélas réussi à obtenir un budget conséquent pour un film d’auteur ambitieux : « Paratonnerre ». Elle a fait beaucoup de travaux d’écritures, de la version française « Eyes Wide Shut » de Stanley Kubrick, et a était scénariste sur « La sentinelle » ou « Mange ta soupe », ce qui l’a aidé pour l’écriture du film, avec Pierre Trividic. La réalisatrice a utilisé la troisième version écrite de l’œuvre « Lady Chatterley et l’homme des bois ». Elle a eu un véritable coup de cœur pour cette œuvre éditée chez Gallimard, et qui est sensiblement différente de l’œuvre la plus connue. L’adaptation est originale, même si les conditions ne furent pas optimales ce soir là. Ca a commencé par une adepte de « La dame aux camélias », qui jalouse de voir une de ses rivales sur l’écran, s’est mise à cracher ses miasmes durant tout le film, avec la dernière énergie. Crachant tripes et âme, la « tubarde » doit avoir contaminé la moitié de la ville désormais. Jamais on aura vu autant de ferveur à élaborer une toux inédite, entre le brame du cerf et le marteau piqueur. N’importe qui serait mort à sa place… d’épuisement. En plus, le film a carrément cassé à deux reprises, dont durant une jolie et sensuelle scène florale, résultat une partie du public, panurgiste se mit à sortir, devant penser que c’était une audace de mise en scène de terminer un film d’une manière aussi abrupte… Si le film est parfois inégal, trop riche peut être et souffrant peut-être d’un trop plein filmique – le personnage de Bernard Verley, dans le rôle du père de Constance, doit se contenter d’une simple apparition, mais on devrait retrouver sous peu, une version feuilleton TV sur Arte, plus complète sous le titre éponyme « Lady Chatterley et l’homme des bois ».

Marina Hands & Jean-Louis Coullog’h

Pascale Ferran évite tout académisme – à déplorer par exemple chez Jean-Daniel Verhaeghe, qui a signé une adaptation trop classique du « Grand Meaulnes », alors qu’il est beaucoup plus probant sur le petit écran -.En effet, loin des clichés attendus, on redécouvre l’œuvre originelle d’une grande sensibilité. Constance – étonnante et superbe Marina Hands, déjà sensible dans « Sur le bout des doigts » d’Yves Angelo, se fane littéralement d’ennui dans le château des Chatterley. Son mari Clifford – Hippolyte Girardot, rarement aussi bon, sauf chez Arnaud Desplechin -, handicapé physique, a du mal à la comprendre. Il dispose de sa domination sociale, et a une fierté avec son handicap le raidissant encore plus – confère la scène très drôle de la petite voiture qui refuse d’avancer -. Elle ne peut que se distraire qu’écouter ses conversations avec ses anciens amis militaires ou recevoir les rares visites d’Hilda, sa sœur – Hélène Fillières, étonnante en « garçonne » -. Les convenances la pèsent, et elle finit par tomber malade, mais la rencontre avec le garde-chasse Wragby, fruste et mutique – Jean-Louis Coullog’h, sorte d’amalgame entre Nicolas Silberg et Daniel Mesguich, avec une fragilité derrière un aspect « brut de décoffrage » -. Le désir physique naît entre ces deux personnes. Ils finissent par se découvrir, avec sensualité au fil de la relation, chacun donnant de l’énergie à l’autre, et s’obligeant à se transcender contre les conventions du voisinage. Le cinéma a rarement montré aussi justement l’amour fusionnel et une intimité fragile dans un couple. Ils transgressent une époque rigoriste sans obscénité, l’amour est un dénominateur commun pour ceux que tout oppose. Loin de l’agitation « gymastiquatoire » d’un Just Jaeckin – sans avoir vu son film cependant -, Pascale Ferran s’approche de l’essence charnelle des êtres. Le débat était passionnant, de découvrir le comédien Jean-Louis Coullog’h, très intuitif et au parcours singulier – de la cuisine au théâtre exigeant de Claude Régy -, timide, semblant à l’aise avec les scènes physiques, mais beaucoup moins dans les scènes de dialogue, il pulvérise par une grande sensibilité son personnage. La rencontre avec Pascale Ferran fut magnifique, rarement on peut retrouver dans le cinéma français une grande richesse, un investissement de tous les instants, une attention aux moindres détails. D’une œuvre de fiction, elle en fait un projet personnel, réussit à recréer une Angleterre puritaine mais fantasmée, à partir des superbes paysages du Limousin. Elle montre le passage des saisons, et l’évolution de la nature selon les périodes, elle la domestique, la recrée, en replantant des fleurs par exemples, pour magnifier les sens et cette histoire d’amour. Pascale Ferran livre une eau forte absolument originale, souhaitons que nous n’attendions pas 10 ans pour retrouver cet univers si riche, à l’écran.

NE LE DIS A PERSONNE

Avant-première mardi 13 octobre à l’UGC-Cité Ciné Bordeaux en l’absence de Marie-Josée Croze – las ! – et de François Berléand – mais il a un alibi, quand je l’ai eu au téléphone il embarquait pour Lyon pour les derniers jours de tournage du prochain Chabrol – annoncés, mais en présence de Guillaume Canet, Gilles Lelllouche, Philippe Lefebvre et du producteur du film, Alain Attal. Arrive également une célébrité locale, Joël Dupuch – qui fait dans le film du panouille -, adulé par Guillaume Canet, qui ne manque pas de chanter ses louanges à chacun de ses passages. C’est un ostréiculteur côté, je vous vois venir… non, ce n’est pas le tueur du film, puisque son pote a survécu à une forte consommation de mollusques bivalves durant tout l’été… Il fallait le voir monter et tituber sur scène, « beurré », comme il se doit… comme une huître ! Difficile de parler du film sans le déflorer, disons qu’Alexandre Beck – François Cluzet, un de nos meilleurs comédiens -, ressassent le souvenir de sa femme Margot, enlevée dans la forêt de Fontainebleau et assassinée de manière violente par un tueur en série. Mais ce dernier arrêté depuis a avoué tous ses crimes, mais a toujours nié avoir assassiné cette femme. La découverte de deux corps de 2 hommes, près du lieu du crime, détermine la réouverture de l’enquête. Alex qui a désormais voué sa vie à son métier de pédiatre, reçoit un jour un e-mail anonyme, dont le libellé du titre rappelle à son souvenir, les entailles laissés par le couple, gravées dans l’écorce d’un arbre. C’est un signe évocateur que seule Margot pouvait connaître… Guillaume Canet et Philippe Lefebvre séduits par le roman éponyme d’Harlan Coben, gros succès de libraire souhaitaient l’adapter de longue date. Mais le cinéaste Michael Apted avait déjà une option sur le livre, et avait déjà en Keenu Reeves, l’interprète principal. Mais le projet s’avérant décevant est annulé, et Guillaume Canet a eu la chance de prendre connaissance de l’annulation du projet de la bouche des intéressés aux États-Unis, avant de foncer contacter Alain Attal, pour relancer le projet avec l’accord de Michael Apted et de l’écrivain séduit par la vision de « Mon idole » sur DVD. L’intelligence du réalisateur de ce brillant premier film – un coup d’essai, un coup de maître – et co-scénariste est de donner un point de départ fort, sans laisser tomber la tension dramatique. La mise en scène nerveuse, au service d’une brillante distribution – le moindre rôle est tenu par un solide comédien -. Marie-Josée Croze donne dans ce rôle bref mais marquant une interprétation sensuelle – à l’instar de son rôle sur « Ordo » -, mais aussi elle confère à son rôle un mystère, elle est idéale pour donner crédit aux zones d’ombres de son personnage. D’André Dussollier et Martine Chevallier, en parents déchirés mais rassurants, Kristin Scott-Thomas en confidente amoureuse de Marina Hands et Nathalie Baye en avocate réputée et efficace. François Berléand touchant en flic compatissant et un peu maniaque – il faut le voir rabrouer Philippe Lefebvre qui joue son partenaire, pour le tri des déchets, vérifier sa gazinière avant de prendre congé de sa mère joué par l’excellente Françoise Bertin -. Son talent fut loué par la petite équipe, sa capacité à jouer des rôles peu valorisant, seul Guillaume Canet déplorait sa boulimie, le privant de grands rôles, à l’évocation du claquage de son épaule dans la scène de l’aéroport. Philippe Lefebvre un peu trop en retrait hélas lors du débat, reste très sympathique et modeste – il était étonné de voir que c’était un internaute, en l’occurrence mézigue, qui avait fait le distinguo entre lui et son homonyme réalisateur sur IMDB -. On retrouve aussi Jean Rochefort, dans un bref rôle de patriarche propriétaire d’un haras – il joue le père de Guillaume Canet, dont la présence sur la fiche laisse augurer qu’il a son importance dans l’histoire -. C’est une digne filiation pour ces deux amoureux des chevaux, et qui étaient déjà partenaires sur « Barracuda » (Philippe Haïm, 1997).

Gilles Lellouche & François Cluzet

Gilles Lellouche – fort capital de sympathie – présent sur la scène, nous livre aussi une interprétation subtile de loubard balieuesard au grand cœur, loin des poncifs habituels, il a une palette de jeu très large comme on a pu le constater de « Ma vie au grand air » à « On va s’aimer ». Il devrait diriger son premier film seul en 2007, et vient de tourner « Ma vie avec Meg Ryan ». On retrouve la folie habituelle de Florence Thomassin, Brigitte Catillon en capitaine efficace, Eric Naggar en avocat miteux, Olivier Marchal en mystérieux homme de main, Jalil Lespert en gros bras, Jean-Pierre Lorit en adjudant-chef précautionneux, Éric Savin en procureur suffisant, Sarah Martins qui a une forte présence dans un rôle muet, pour ne citer que quelques noms. Il est rare de retrouver un tel effort dans la distribution dans notre joyeux cinéma, rétif à chérir nos chers seconds rôles. Mais le meilleur du film reste la composition de François Cluzet, éblouissant et humain, dans un rôle très physique. Alain Attal, me confiait en aparté son osmose avec Guillaume Canet, son investissement y compris dans les scènes spectaculaires. Il a exécuté lui-même les scènes au bord du lac et de courses-poursuites, laissant le pourtant trentenaire Philippe Lefebvre complètement essoufflé-. S’il reçoit ici un rôle à la mesure de son talent, il aura pourtant fallu à l’équipe du film se battre pour l’imposer ici, certaines chaînes de télé, comme TF1, lui préférant un nom plus « bankable ». Autant d’absence de discernement chez ces lessiviers peut surprendre – d’où un « casting » béton autour de Cluzet –  quand on voit l’explosion de son talent. On comprend mieux la régulière livraison de produits manufacturés de secondes zones. La sous-utilisation de François Cluzet ces derniers temps reste un mystère pour les spectateurs. Guillaume Canet, particulièrement disert, a parlé brillamment de sa mise en scène, de l’emploi de la courte focale, et de la revanche du cerf par rapport à « Mon idole » – vous comprendrez ce fait en voyant le film… -. Le choix de la B.O. est aussi très convaincant et la musique de M effectuée en live, et arrivé au pied levé après la démission d’un musicien préférant partir pour comme le disait son réalisateur – faire un petit court-métrage pour un metteur en scène nommé Oliver Stone -. Petit bémol cependant, si le film est d’une excellente facture, je ne sais finalement pas quoi penser du résultat final. Si l’on comprend parfaitement l’histoire pourtant très complexe, le film pâtit peut-être de son montage – l’intérêt baisse un peu quand on ne voit plus François Cluzet -, mais la première version faisait 160 minutes, et peut être bizarrement de trop de maîtrise et de morceaux de bravoures. Il reprend une idée, déjà traitée dans « Stage fright / Le grand alibi » d’Hitchcock (1950), pour le « twist » – mot désormais à la mode pour retournement de situation – final, idée reprise par Brian Singer, pour ses « Usuals suspects », mais qui ici jette une sorte de distance dans la narration dans la révélation finale, pourtant traitée avec beaucoup de sobriété. Mais tout cela est finalement très relatif quand on voit le résultat à la hauteur de l’ambition initiale, servi par une admirable photographie de Christophe Offenstein. On retrouve un polar, enfin sans la roublardise de certains films de genres et la confirmation d’un grand talent de cinéaste pour Guillaume Canet.