Avant-première lundi 16 octobre, à l’UGC-Cité Ciné, du nouveau film d’Anne Fontaine « Nouvelle chance » et troisième film de la trilogie autour du personnage d’Augustin Dos Santos, interprété par son frère le singulier Jean-Chrétien Sibertin-Blanc. On retrouve ce corps comique avec grand plaisir, ses trajets en vélos – son accessoire privilégié, l’équivalent du parapluie pour M. Hulot », sa famille japonaise – la véritable famille du comédien d’ailleurs -, et son incroyable manière de donner une légèreté aux situations les plus improbables. On le retrouve à la fois comme metteur en scène de théâtre, et homme à tout faire dans une piscine de luxe à l’hôtel Ritz, lieu échappé d’un péplum hollywoodien. Il rencontre Odette Saint-Gilles – , ancienne chanteuse d’opérette – Danielle Darrieux simplement magnifique -, une grande dame dynamique et ne sombrant pas dans la nostalgie, malgré quelques souvenirs épars – on reconnaît d’ailleurs en passant une photo d’ « Occupe-toi d’Amélie » de Claude Autant-Lara, avec Grégoire Aslan -. Augustin monte des spectacles pour les comités d’entreprise. Il a un spectacle très rodé, où il campe une Geisha, mais il ne correspond pas au goût de l’un de ses commanditaires, qui souhaite choyer ses clients suédois. Odette, qui a beaucoup aimé son spectacle, lui parle d’une pièce de théâtre qu’elle adore, « Les salons », contant les rapports entre deux femmes du XVIIIème siècle, Mme du Deffand et Julie Lespinasse, élaboré à partir de la correspondance entre des deux femmes d’esprits. Augustin rencontre une actrice de télévision, Bettina Flescher, utilisée dans des œuvres médiocres – en illustration on a droit à un extrait du cornichonesque Milady de Josée Dayan ! qui joue d’ailleurs ici son propre rôle -. L’actrice est suffisamment excentrique pour s’embarquer dans cette aventure. Un ami comédien d’Augustin, à la virilité encombrante – Christophe Vandevelde, un nom à retenir, Anne Fontaine l’avait découvert dans le film de Jacques Audiard : « Sur mes lèvres », va jouer le rôle du diaphane amant de Julie de Lespinasse, mais Bettina, lui préférera Raphaël, un gracile et ambigu jeune homme – joué par Andy Gilet -. L’œuvre finira par avoir une curieuse influence sur le destin de cette curieuse petite troupe… Si vous avez aimé « Augustin » (1995) et « Augustin, roi du kung-fu » (1999), vous connaissez l’originalité du personnage d’Augustin, lunaire, un peu obsessionnel, porté par la forte personnalité de Jean-Chrétien Sibertin-Blanc. Son travail avec sa sœur, la réalisatrice nous précisait qu’elle fait beaucoup de répétitions avec lui -, a pour résultat l’un des personnages les plus drôles – mais il peut en irriter certains – et les plus originaux du cinéma français. J’ai parlé avec Anne Fontaine, de la même émotion que j’avais en voyant Claude Melki débouler dans l’univers de Jean-Daniel Pollet – idée partagée avec une autre personne, qu’elle a rencontré lors d’une avant-première -.

Arielle Dombasle, Danielle Darrieux & Jean-Chrétien Sibertin-Blanc

Il est à la fois touchant, imprévisible, d’une cocasserie inouïe, nous amène dans une sorte de fantastique du quotidien.. Quand on demande à sa sœur, le manque d’intérêt des autres réalisateurs à son sujet, elle répond que l’homme semble aussi particulier, ne souhaite pas tourner pour tourner s’il n’est pas à l’aise avec l’univers d’un metteur en scène – Mais il a tourné tout de même chez Alain Resnais, je me souviens de lui poursuivant Juliette Binoche dans un « Tour de manège », une nuit de pleine lune, et il a intéressé Godard.  Il faut le voir discuter pilosité avec Christophe Valverde, avoir une rencontre hors du commun dans un vernissage avec un ex-futur candidat aux Présidentielles pour paraphraser Al Gore – je vous en laisse la surprise -, ou découvrir une scène de répétition, impromptue  dans une chapelle. Autre petit miracle du film, le retour en grâce et dans un premier rôle de Danielle Darrieux. Son bagou, son charme superbe malgré son âge, sa capacité d’émotion – moment d’émotion où ses yeux se rougissent soudainement -, et son improbable rencontre avec une vedette – Arielle Dombasle, actrice sous-utilisée, appréciée par la réalisatrice chez Rohmer -, prête à casser ses codes et son emploi de bimbo comme elle dit elle-même. Belle rencontre avec Anne Fontaine, qui a beaucoup de charme, d’aplomb et de lucidité. Elle répond avec franchise, de son joyeux surnom de Leni Riefenstahl par Benoît Poelvoorde, évoquant avec l’humour qu’on lui connaît sa direction d’acteur, de l’insatisfaction de son parcours de comédienne. Elle évoque l’homme politique cité précédemment, dont la femme précise qu’il devrait faire l’acteur, et les rapports entre Danielle Darrieux et Arielle Dombasle, polis mais sans « atomes crochus », l’aînée évoquant à propos de sa partenaire « La petite jeune », l’idée d’une moitié de femmes. Danielle Darrieux rayonne ici – elle demandait, elle était âgée de 88 ans lors du tournage, avec humour à la réalisatrice de se dépêcher, car elle pouvait mourir à tout instant ! -. Sa palette incroyable de jeu est utilisée au mieux, son dynamisme, sa séduction et ses dons de chanteuses – sa mère était professeur de chants -, elle nous livre d’ailleurs une version d’anthologie de la chanson de Charles Trenet « La folle complainte ». Saluons l’audace habituelle – on connaît son brillant et original parcours – d’Anne Fontaine, rebondissant à partir d’une commande de ses amis Bernard Minoret et Claude Arnaud, de faire un film à partir des « Salons », avec Isabelle Huppert et Danielle Darrieux. Elle en fait un en fait un projet personnel, trouvant une habile correspondance entre les « salons » et la société du spectacle. Elle nous livre ici un spectacle comique d’une grande finesse, tout en donnant un superbe rôle à l’une de nos plus prestigieuses actrices. Une liberté de ton salutaire.