Avant-première mardi 13 octobre à l’UGC-Cité Ciné Bordeaux en l’absence de Marie-Josée Croze – las ! – et de François Berléand – mais il a un alibi, quand je l’ai eu au téléphone il embarquait pour Lyon pour les derniers jours de tournage du prochain Chabrol – annoncés, mais en présence de Guillaume Canet, Gilles Lelllouche, Philippe Lefebvre et du producteur du film, Alain Attal. Arrive également une célébrité locale, Joël Dupuch – qui fait dans le film du panouille -, adulé par Guillaume Canet, qui ne manque pas de chanter ses louanges à chacun de ses passages. C’est un ostréiculteur côté, je vous vois venir… non, ce n’est pas le tueur du film, puisque son pote a survécu à une forte consommation de mollusques bivalves durant tout l’été… Il fallait le voir monter et tituber sur scène, « beurré », comme il se doit… comme une huître ! Difficile de parler du film sans le déflorer, disons qu’Alexandre Beck – François Cluzet, un de nos meilleurs comédiens -, ressassent le souvenir de sa femme Margot, enlevée dans la forêt de Fontainebleau et assassinée de manière violente par un tueur en série. Mais ce dernier arrêté depuis a avoué tous ses crimes, mais a toujours nié avoir assassiné cette femme. La découverte de deux corps de 2 hommes, près du lieu du crime, détermine la réouverture de l’enquête. Alex qui a désormais voué sa vie à son métier de pédiatre, reçoit un jour un e-mail anonyme, dont le libellé du titre rappelle à son souvenir, les entailles laissés par le couple, gravées dans l’écorce d’un arbre. C’est un signe évocateur que seule Margot pouvait connaître… Guillaume Canet et Philippe Lefebvre séduits par le roman éponyme d’Harlan Coben, gros succès de libraire souhaitaient l’adapter de longue date. Mais le cinéaste Michael Apted avait déjà une option sur le livre, et avait déjà en Keenu Reeves, l’interprète principal. Mais le projet s’avérant décevant est annulé, et Guillaume Canet a eu la chance de prendre connaissance de l’annulation du projet de la bouche des intéressés aux États-Unis, avant de foncer contacter Alain Attal, pour relancer le projet avec l’accord de Michael Apted et de l’écrivain séduit par la vision de « Mon idole » sur DVD. L’intelligence du réalisateur de ce brillant premier film – un coup d’essai, un coup de maître – et co-scénariste est de donner un point de départ fort, sans laisser tomber la tension dramatique. La mise en scène nerveuse, au service d’une brillante distribution – le moindre rôle est tenu par un solide comédien -. Marie-Josée Croze donne dans ce rôle bref mais marquant une interprétation sensuelle – à l’instar de son rôle sur « Ordo » -, mais aussi elle confère à son rôle un mystère, elle est idéale pour donner crédit aux zones d’ombres de son personnage. D’André Dussollier et Martine Chevallier, en parents déchirés mais rassurants, Kristin Scott-Thomas en confidente amoureuse de Marina Hands et Nathalie Baye en avocate réputée et efficace. François Berléand touchant en flic compatissant et un peu maniaque – il faut le voir rabrouer Philippe Lefebvre qui joue son partenaire, pour le tri des déchets, vérifier sa gazinière avant de prendre congé de sa mère joué par l’excellente Françoise Bertin -. Son talent fut loué par la petite équipe, sa capacité à jouer des rôles peu valorisant, seul Guillaume Canet déplorait sa boulimie, le privant de grands rôles, à l’évocation du claquage de son épaule dans la scène de l’aéroport. Philippe Lefebvre un peu trop en retrait hélas lors du débat, reste très sympathique et modeste – il était étonné de voir que c’était un internaute, en l’occurrence mézigue, qui avait fait le distinguo entre lui et son homonyme réalisateur sur IMDB -. On retrouve aussi Jean Rochefort, dans un bref rôle de patriarche propriétaire d’un haras – il joue le père de Guillaume Canet, dont la présence sur la fiche laisse augurer qu’il a son importance dans l’histoire -. C’est une digne filiation pour ces deux amoureux des chevaux, et qui étaient déjà partenaires sur « Barracuda » (Philippe Haïm, 1997).

Gilles Lellouche & François Cluzet

Gilles Lellouche – fort capital de sympathie – présent sur la scène, nous livre aussi une interprétation subtile de loubard balieuesard au grand cœur, loin des poncifs habituels, il a une palette de jeu très large comme on a pu le constater de « Ma vie au grand air » à « On va s’aimer ». Il devrait diriger son premier film seul en 2007, et vient de tourner « Ma vie avec Meg Ryan ». On retrouve la folie habituelle de Florence Thomassin, Brigitte Catillon en capitaine efficace, Eric Naggar en avocat miteux, Olivier Marchal en mystérieux homme de main, Jalil Lespert en gros bras, Jean-Pierre Lorit en adjudant-chef précautionneux, Éric Savin en procureur suffisant, Sarah Martins qui a une forte présence dans un rôle muet, pour ne citer que quelques noms. Il est rare de retrouver un tel effort dans la distribution dans notre joyeux cinéma, rétif à chérir nos chers seconds rôles. Mais le meilleur du film reste la composition de François Cluzet, éblouissant et humain, dans un rôle très physique. Alain Attal, me confiait en aparté son osmose avec Guillaume Canet, son investissement y compris dans les scènes spectaculaires. Il a exécuté lui-même les scènes au bord du lac et de courses-poursuites, laissant le pourtant trentenaire Philippe Lefebvre complètement essoufflé-. S’il reçoit ici un rôle à la mesure de son talent, il aura pourtant fallu à l’équipe du film se battre pour l’imposer ici, certaines chaînes de télé, comme TF1, lui préférant un nom plus « bankable ». Autant d’absence de discernement chez ces lessiviers peut surprendre – d’où un « casting » béton autour de Cluzet –  quand on voit l’explosion de son talent. On comprend mieux la régulière livraison de produits manufacturés de secondes zones. La sous-utilisation de François Cluzet ces derniers temps reste un mystère pour les spectateurs. Guillaume Canet, particulièrement disert, a parlé brillamment de sa mise en scène, de l’emploi de la courte focale, et de la revanche du cerf par rapport à « Mon idole » – vous comprendrez ce fait en voyant le film… -. Le choix de la B.O. est aussi très convaincant et la musique de M effectuée en live, et arrivé au pied levé après la démission d’un musicien préférant partir pour comme le disait son réalisateur – faire un petit court-métrage pour un metteur en scène nommé Oliver Stone -. Petit bémol cependant, si le film est d’une excellente facture, je ne sais finalement pas quoi penser du résultat final. Si l’on comprend parfaitement l’histoire pourtant très complexe, le film pâtit peut-être de son montage – l’intérêt baisse un peu quand on ne voit plus François Cluzet -, mais la première version faisait 160 minutes, et peut être bizarrement de trop de maîtrise et de morceaux de bravoures. Il reprend une idée, déjà traitée dans « Stage fright / Le grand alibi » d’Hitchcock (1950), pour le « twist » – mot désormais à la mode pour retournement de situation – final, idée reprise par Brian Singer, pour ses « Usuals suspects », mais qui ici jette une sorte de distance dans la narration dans la révélation finale, pourtant traitée avec beaucoup de sobriété. Mais tout cela est finalement très relatif quand on voit le résultat à la hauteur de l’ambition initiale, servi par une admirable photographie de Christophe Offenstein. On retrouve un polar, enfin sans la roublardise de certains films de genres et la confirmation d’un grand talent de cinéaste pour Guillaume Canet.