Attention navet de compétition ! L’été est souvent l’occasion pour les Majors, qui arrivent pour permettre la sortie de leurs blockbusters, d’imposer celle de leurs fonds de tiroirs. On devait à Marc Foster de culture européenne, deux films très honorables, “À l’ombre de la haine” (2001) et “Neverland” (2004). On attendait légitimement mieux avec ce cauchemar expérimental que ce pensum, qui rate à la fois le spectacle et la réflexion. Dès les premiers plans, on comprend rapidement l’inanité d’une telle œuvre. Un jeune dépressif annonce à son psychiatre – improbable Erwan McGregor -, son suicide prochain sur le pont de Brooklin. Il prend pour cette issue fatale, modèle sur un obscur peindre new-yorkais. Le plus fou des deux, n’étant pas forcément celui auquel on pense, notre vaillant thérapeute, de plus en plus « borderline » va tout faire pour éviter le pire. Pour tenter d’évoquer la tragique frontière entre la réalité/phantasme, la vie et la mort. On sent bien que le réalisateur veuille reproduire un film schizophrénique, à l’exemple du magistral “Lost higway” de David Lynch, mais il ne fait que d’aligner la gratuité des effets dans un exercice de style poussif. On part également sur la piste du « Sixième sens » et on finit par déplorer qu’il n’y ait pas un M. Night Shyamalan, qui arrive à installer un climat avec des scénarios moyens ou un David Fincher initialement annoncé. On reste sidéré devant tant de suffisance, la multiplication de plans alambiqués – genre caméra au fond d’un casier et d’effets d’inversion – finit allégrement par avoir son petit effet comique. C’est peut-être l’humour involontaire du film qui finit par tromper l’ennui… À l’image d’une femme qui laisse son chien attaquer le bras du psychiatre, ce qui lui donne l’idée… d’aller faire à manger ! – le chien affamé voulant en fait se nourrir ? -. On en vient non pas à anticiper l’histoire qui nous passionne moyennement, mais à trouver quel effet bizarre suivra. Le symbolisme est lourdinguissime, surligné et le montage à la serpe n’arrange rien.

Erwan McGregor
En prime, les citations hitckockienne, comme celle gratuite de “Vertigo-Sueurs froides” sont révélatrice d’une panne visible d’inspiration, et le petit jeu avec la notion de”Déjà vu” – en V.O. dans le texte -, ne sont que des pirouettes assez vaines. Mais il y a un côté prétentiard assez énervant en prime, exacerbation du propre savoir-faire du metteur en scène. Ca devrait faire illusion la durée d’un clip musical, mais sur la longueur du long-métrage c’est proprement insipide. Les interprètes sauf Ryan Gosling -… à la rigueur -, sont ectoplasmiques. Erwan McGregor s’agite vainement sans trop y croire, c’est tout juste s’il imprime la pellicule, l’habituelle photogénie de Naomi Watts est ici bien en berne, Bob Hoskins se livre à une piètre composition dans une fausse sobriété et la pauvre Jeanine Garafolo joue les simples utilités. L’image d’un New York aseptisé – et vitré -, idée déjà prise dans “Basic instinct 2”, n’est qu’une stylisation gratuite malgré le savoir-faire indéniable –mais très dans l’esbroufe – de son chef opérateur Roberto Schaeffer. La révélation finale attendue est simplement désolante, avec une astuce de scénario que tout le monde a abandonné depuis au moins trente ans. Le climax final finit par achever cette baudruche infâme avec un amer sentiment d’inachèvement. Le scénario faussement compliqué n’est qu’une compilation de roublardise assez vaine. Louons le réalisateur Marc Foster, pour avoir réussi la performance d’avoir livré l’un des pires films de cette année pourtant déjà fortement cornichone. Et le titre “Stay” devient une évidence c’est une injonction au spectateur à rester jusqu’au bout du film, performance difficile devant tant de monument de vacuité et d’ennui.

Les temps sont à l’irrespect, un pâle imitateur singe d’une façon grossière le chanteur Renaud, dans une parodie grotesque “Les bobos” sous fond de musique du dessin animé “Kirikou”, notre vénérable ministre de la culture se reçoit des tomates à Avignon, un doigt d’honneur géant fait de la pub pour une banque, cynisme éhonté involontaire ? – Il paraît que c’est un pouce, mais la symbolique est là -. 20six d’ailleurs ne déroge pas à cette mode, faisant l’attaque régulière de Spams malins – les bloggueurs chantant en cœur “Tirez pas sur l’ambulance !” de Françoise Hardy, entre les deux problèmes techniques habituels. Bref le sarcasme est hissé le pathétique au niveau des beaux-arts, je songe d’ailleurs à changer le nom de ce blog par “20six’s reject”, occasion de faire un hommage au film évoqué à la suite. Le gendre du film d’horreur succombe régulièrement d’ailleurs à cette mode. Il est vrai qu’en ce moment le genre ne se renouvelle guerre, les Majors se contentant de refaire des remakes (“Terreur sur la ligne”,” Fog”, “La colline a des yeux,” mais il faut louer le talent d’Alexandre Aja pour ce dernier). Curieux objet que ce “The Devil’s Rejects”, d’un certain Rod Zombie – de son vrai nom Robert Cummings -, qui par son patronyme nous annonce déjà la couleur. Le film est l’œuvre la plus secouée que l’on puisse voir en ce moment, difficile de trouver une comparaison, citons peut-être la trilogie “Dead or alive” de Takashi Miike. Alexis Bernier, dans “Libération” décrit comme “Punk gothique, tatoué et poilu comme un Hells Angel sorti des enfers”. Son précédent film – pas vu, pas pris…-, “La maison des 1000 morts” vient de sortir en DVD bénéficie déjà d’un statut de film culte. C’est un véritable jeu de massacre entre le shérif revanchard – étonnant William Forsythe –, encore plus frappé que la famille infernale et la famille Firelly dirigée par un clown sinistre et adipeux – singulière performance du tarantinien Sig Haig – et déjà présente dans “La maison des 1000 morts”. 

Annonce de la mort de Mako, figure familière du cinéma américain, le 21 juillet dernier, des suites d’un cancer. Il faisait partie de ce type de comédiens comme Philip Ahn, Keye Luke ou James Hong, distribué dans tous les rôles asiatiques possibles et imaginables par Hollywood, dans trop de discernements parfois. Ce Japonais né à Kobe en 1933, de son vrai nom Makoto Iwamatsu, avait suivi ses parents partis aux USA en 1941, travailler pour l’Office of War. Il rejoint l’armée des États Unis au début des années 50, puis fut naturalisé citoyen américain en 1956. Formé au “Pasadena Playhouse”, il joua de nombreux spectacles sur Broadway. En 1965, il crée la “East West Players”, une prestigieuse troupe orientale. Son rôle le plus connu reste celui du jeune coolie Poo-Han, qui se fait lyncher par les siens pour être suspecté de collaboration avec les Américains, performance qui lui vaut d’ailleurs une nomination à l’oscar du meilleur second rôle en 1966 et une autre aux Golden Globes en 1967. Robert Wise l’avait découvert lors d’une représentation de Rashomon. En 1966 il rencontre Bruce Lee pour l’un des épisodes du “Frelon vert”, qui connu en 1974 une diffusion dans les salles de cinéma. Karatéka doué, il participe souvent à des films d’arts martiaux, souvent avec Chuck Norris qui l’appréciait beaucoup, il joue d’ailleurs de grand maître de Jackie Chan dans “Le Chinois” (Robert Clouse, 1981). Il a beaucoup de télévision à son actif, il apparaît régulièrement en “guest star” dans des séries comme “Colombo”, “Hawaïï, police d’état”, etc… Il prête aussi sa voix dans des jeux vidéos ou des dessins-animés. On se souvient aussi de son rôle impressionnant de sorcier dans “Conan le barbare” (John Milius, 1982) et sa suite. On l’avait revu dernièrement dans le rôle de l’amiral Yamamoto dans l’affligeant “Pearl Harbour” de l’ineffable Michael Bay en 2001 et cette année dans un court rôle dans l’académique “Mémoires d’une Geisha”.. A noter qu’il a son étoile dans la mythique “Walk of fame”. 

Changement de ton dans l’œuvre de Robert Guédiguian, avec ce “Voyage en Arménie”, sur le thème du retour aux sources, après la rupture du film “Le promeneur du champ de Mars”, magnifié par la superbe interprétation de Michel Bouquet. Robert Guédiguian quitte le quartier de l’Estaque, pour un voyage initiatique autour du thème des origines. Il s’adjoint au scénario Ariane Ascaride et la romancière Marie Desplechin. Ariane Ascaride dans le rôle d’Anna, rayonne dans ce rôle très fort. Déplorons sa sous-utilisation ces derniers temps, son statut d’égérie de Robert Guédiguian, semblant freiner les autres metteurs en scène. Anna cardilogue réputée de Marseille, examine son père Barsam, malade du cœur – joué avec malice par Marcel Bluwal, compagnon de longue route des Guédiguian -. Barsam, buté et déterminé, qui a jadis fait souffrir la mère d’Anna par son tempérament, décide de disparaître pour éviter une opération qui est pourtant de toute urgence. Anna peste contre lui, et se rend avec son mari – le fidèle Jean-Pierre Darroussin, dans un petit rôle -, dans la maison paternelle. Il y a des indices flagrants, trop visibles pour ne pas être une invitation à le rechercher, de son départ en Arménie. Il est parti dans les hautes montagnes du Caucase, lieu de ses origines. Anna ignore totalement ses racines, alors que sa fille – jouée par sa propre fille Madeleine – renoue avec la tradition en faisant de la danse folklorique. Elle décide donc de partir le retrouver, sur la base d’une vieille photo. La petite communauté des Arméniens de Marseille, recommande à Anna, de se faire accompagner par un homme d’affaires assez retord, Sarkis Arabian, – Simon Abkarian, apportant une ambiguïté à son personnage, et comédien toujours aussi probant -. Arrivée en Arménie, Anna est finalement livrée à elle-même, elle finit par accepter de suivre le vieux Manouk – formidable présence de Romen Avinian, qui se propose comme chevalier servant avec sa petite voiture. Elle va faire plusieurs rencontres dans son périple, de la jeune Schaké – épatante Chorik Grigorian -, jeune coiffeuse débrouillarde, Yervanth – Gérard Meylan très crédible dans la veine picaresque – ancien petit truand en exil français qui est devenu une figure locale -, Simon – Jalil Lespert, convaincant – jeune médecin sans frontières assez désabusé, ou Vanig – étonnant Serge Avedikian -, ancien militaire. Tous vont apporter une aide pour qu’elle puisse retrouver son père, même si Anna se trouve mêlée dans quelques déboires, en raison de petits trafics de Sarkis. Le regard d’Anna suite à ce séjour d’Erevan, va ébranler ses certitudes. La générosité de Robert Guédiguian, est toujours présente, il concilie l’humour – la voiture de Manouk tombant en morceaux -, la réflexion sur la perte des illusions politiques – Sarkis parlant du confort d’être communiste quand on vient d’un pays privilégié, face à Anna qui défend ses idées -, le marasme économique de l’Arménie – trafics, débrouillardise, maffia locale, plutôt biens vus etc…-. 
“La mort du Chinois” est un film réalisé en 1997, troisième film de Jean-Louis Benoît, après “Les poings fermés” (1984), et “Dédé” (1989), un CV théâtral à tomber. Le problème à l’issue de ce film, c’est que l’on se pose des questions sur sa santé mentale. Je vais essayer de vous raconter l’histoire du film, “Hellzapoppin” c’est du Bernanos en comparaison… 0 minute, zéro seconde, le générique débute sous fond de hard rock tonitruant, apparaît le titre “La mort du Chinois” en jaune sous fond noir, ça dépote, je me jette sur la télécommande, il convient de baisser un peu…1 minute 25 secondes, on entend un râle dans un appartement en bordel – deux figurines de cochons en plein coït, un plateau repas renversé, une vieille paire de basket -, ça pannote jusqu’à deux pieds remuants, on aperçoit une paire de ciseau, Denis Podalydès (de la Comédie Française) téléphone, “Allô Michel, Françoise m’a coupé les couilles !”. 2 minutes, zéro seconde, José Garcia en complet blanc et chemise rouge, fonce furieusement la civière de son ami Podalydès au grand dame d’un infirmier – Eriq Ebouaney, énervé également -. Il est collant le Garcia, Podalydès hurle à la mort en crachant des cachets multicolores, Ebouaney furibard vitupère “Qu’est-ce que c’est que ses dingues”. Podalydès se met à gueuler, il vient de se faire esmaculer ce qui n’est pas idéal, il doit interpréter Don Juan au théâtre, et le faire sans couilles ce n’est pas très sérieux, on peut en convenir. Il veut donc qu’on les lui recouse. Trois membres du personnel médical arrivent à neutraliser le Garcia, période surcharge pondérale. 2 minutes 46, Garcia prend l’ascenseur, rencontre un malade sous perf qui lui demande des nouvelles. Il est au bout du rouleau, et son couple bat de l’aile. Pas facile de vivre à deux, mais pas “facile de vivre tout seul”, lui rétorque le malade. – Ca c’est ben vrai, ça -.3 minutes 45, Garcia remonte chez lui, et pousse un cri… Il y a un Asiatique, une culotte de sa femme à ma main, qui lui parle des malheurs de son pote. Garcia demande qu’il est, ce à quoi notre intrus répond obligeamment qu’il se nomme Tong et vient récupérer les affaires de la femme adultère. Désabusé de voir que sa femme le quitte et qu’il est cocu en prime, il répond “elle me quitte pour un homme qui à un nom de pantoufle” – c’est très subtil comme jeu de mots, d’autant plus qu’en 98, les “tongs” ne bénéficiaient pas de l’effet “Camping” -. Il demande depuis quand le Tong connaît sa femme – qui attend dans une camionnette -, depuis que “tu un con”. Tong part une guitare sous le bras, ergotant sur les rapports du couple “trop de dissonances…. 6 minutes 10, Garcia demande un délai à son employeur, François Morel, qui tente de le rassurer en mimant des oreilles de lapins, c’est normal il édite des livres pour enfants et Michel écrit pour eux. 




Le cinéma a comme art certaines limites, comme dans la représentation de faits atroces. Aucun film ne pourrait avoir, par exemple, la force du livre de Robert Antelme, “L’espèce humaine”, sur le récit de la vie dans un camp de concentration. On finit par songer au fameux article de Jacques Rivette dans “Les cahiers du cinéma”, “Le travelling de Kapo”, qui avait si fortement impressionnée Serge Daney. Il qualifiait d’abject le cinéma de Gillo Pontecorvo dans “Kapo” film de 1959. Rivette vilipendait le travelling suivant Emmanuelle Riva qui court se jeter sur les barrières électrifiées d’un camp nazi pour ce suicider. En reprenant l’idée godardienne que le travelling est affaire de morale, il avait trouvé particulièrement abject cette mise en scène. Les événements du 11 septembre 2001, marque le traumatisme majeur de nos sociétés contemporaines. Évidemment on attendait de voir qui pouvait dépasser le tabou de sa représentation, en livrant une version cinématographique, le choix des Américains étant de ne pas montrer ses images d’horreurs à chaud. C’est un Paul Greengrass, pontifiant allégrement et posant dans les médias, à l’occasion de la présentation de son film “United 93”, en compétition à Cannes, avec ces faux airs d’Albert Algoud, qui précède Oliver Stone avec son blockbuster “Word Trade Center”, que l’on appréhende fortement d’ailleurs. Greengrass se veut légitime et honnête pour relater ce drame. Il évoque le “Vol 93”, l’un des 4 vols détournés ce jour là et le seul a ne pas avoir pas atteint sa cible. La critique est dithyrambique, devant ce procédé de représentation docu-fiction, mélange des genres ici pourtant assez peu convaincant à mon avis. Le souvenir de la réflexion de Jacques Rivette, peut donc ici se révéler salutaire. Il y a certes une honnêteté foncière, dans l’évocation du grand désarroi chez les aiguilleurs d’une tour de contrôle, une volonté de ne pas glorifier le côté patriotique dans le courage des passagers. La confusion générale face à ce nouveau mode de terrorisme, profitant des failles, l’indécision de certains responsables face à cette situation de crise, paraissent assez justes. Mais il a aussi aussi une grande roublardise. 