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LA RAISON DU FAIBLE

Avant-première mercredi 12 juillet à l’UGC-Cité-Ciné Bordeaux du film « La raison du plus faible » en présence de Lucas Belvaux. Grand bonheur, car j’avais un excellent souvenir suite à sa rencontre, avec la présentation d’un de ses films de sa trilogie, « Cavale » en 2002. L’homme est disert, il évoque son travail avec modestie et ferveur. On attendait beaucoup de son dernier film, présenté en compétition à Cannes, d’autant plus qu’il avait mis la barre très haute, après la superbe réussite de ces trois derniers films « Un couple épatant », « Cavale », « Après la vie », ces trois films formant un ensemble cohérent, singulier, maîtrisé et montrant l’exigence aboutie de son réalisateur. La vision de son téléfilm sur France 3 « Nature contre Nature », nous confirmait à nouveau son grand talent de son metteur en scène depuis l’épatant « Parfois trop d’amour » réalisé en 1991. Pour la petite histoire cette oeuvre, diffusé le 3 juin dernie, l’a été deux après la Belgique, en fait France 3 attend, précisait Belvaux, les dernières limites de contrat de diffusion pour diffuser certains films. C’est une brillante comédie utopiste, où Lucas Belvaux jouait un psychanalyste s’installant dans un coin désert de la Creuse, finissant par se faire payer… en dindons et en denrées agricoles. Il s’attaque ici au fondamentaux du film noir, en se présentant comme porte-voix de ceux qui n’ont jamais la parole.  Bien dans la tradition d’un Jules Dassin ou d’un Abraham Polonsky, le réalisateur montre, en utilisant ce genre avec réalisme, un constat social, un peu amer, d’un petit groupe de personnes qui vivent à Liège. Ils sont résignés comme Jean-Pierre, paralysé sans être aigri – le Belge Patrick Descamps déjà vu dans la trilogie à l’étonnante présence, son compatriote Robert – Claude Semal, acteur belge également franc-tireur qui a une importante carrière au théâtre, également très probant -, et Patrick – Éric Cavaca discret et toujours aussi excellent -, qui n’arrive pas à trouver un emploi alors qu’il est bardé de diplômes. Tous les trois, sans emplois subsistent tant bien que mal trouvant des petits moments de joie dans un café, en jouant aux cartes avec un barfly local – truculent Théo Hebrans, qui ne joue au théâtre qu’en langue wallone, et qui campe un personnage très original, clope au bec, alors que l’acteur se savait ni jouer aux cartes et de plus n’avait jamais fumé. Patrick a une femme charmante, Carole qui s’échine dans une blanchisserie. Ils ont un enfant, et le simple fait de la grande difficulté d’acheter une mobylette, pour qu’elle ne perde pas des heures à se rendre à se travail, finit par être le catalyseur de la suite du film. Arrive Marc qui sort de prison pour braquage, il tente une approche avec ce petit groupe, et de se faire accepter pour trouver une chaleur dans cette petite communauté. Un policier jovial mais pas très fin – quoi qu’excellent professionnel… – le suit régulièrement car il est assigné à résidence, et ne cesse de lui rappeler avec une bonhomie un peu roublarde, qu’il n’y a pas de réhabilitation possible. Marc travaille dure dans une usine d’embouteillage. Lui qui a avoué ses méfaits au petit groupe, finit par donner de mauvaises idées à ces gens perdus, mais qui veulent garder une dignité, et lutter contre une résignation très prévisible. Son personnage se veut responsable, à l’image de la scène remarquable et d’une très grande force, où il dissuade le personnage de Claude Semal, en lui demandant de fermer les yeux.

Éric Caravaca, Claude Semal, Elie Belvaux, Patrick Descamps & Lucas Belvaux 

On retrouve la maîtrise habituelle de Lucas Belvaux, metteur en scène, il mélange tension dramatique et humour – les amis ont un côté « Pieds Nickelés ». L’interprétation est véritablement exceptionnelle, au service d’un texte particulièrement ciselé. Tous les personnages ont une grande noblesse dans leurs malheurs. Ils sont solidaires, à l’exemple de Robert amenant sur son dos, Jean-Pierre coincé régulièrement dans son appartement par l’habituelle panne d’ascenseur dans un lieu pourtant réservé aux handicapés, mais qui est évidemment oublié de tous. Belvaux lutte contre l’idée que certains mal aimés de la sociétés profiteraient du système et seraient assistés, raisonnement que l’on entend de plus en plus. Ils veulent s’en sortir, à l’image de Patrick, qui passe son temps dans son jardin d’ouvrier, parcelle allouée par la ville. Il ne comprend pas dans son comportement un peu machiste, hérité de son entourage, alors que le père de Carole offre à sa fille une mobylette, que sa femme ne comprenne pas qu’il se sente humilié par cette offre pourtant providentielle pour la jeune femme. Avec réalisme et chaleurs, les personnages sont décris avec chaleur. On ressent une grande empathie avec eux, et on finit par s’inquiéter quand ils ont certains desseins pour tirer un avantage d’un ferrailleur margoulin – Gilbert Melki, qui quasiment sans dialogues, tire son épingle du jeu dans cette participation amicale, dans un rôle particulièrement inquiétant -. Le film est profondément honnête avec des agissements qui ne peuvent qu’amener qu’à souffrir d’une réalité inéducable. Lucas Belvaux filme admirablement – c’est suffisamment rare pour le signaler -, le monde du travail à l’instar de son personnage qui travaille à la chaîne dans le conditionnement de bouteilles, ou avec le personnage de Natacha Régnier. Il montre la dureté absolue de ces automatismes – il a en fait filmé ces scènes en intégrant réellement le cadre du travail -. Il montre le drame que constituer un désœuvrement sans l’aide du « Tripalium », et comment le travail donne même dans sa difficulté, une assise dans l’existence. Liège est admirablement filmé, notamment dans les dernières scènes, il montre l’évolution de la société de manière engagée, il oppose l’harmonie née d’une entraide face à un mode de plus en plus brutal. Le débat d’après film était passionnant, Lucas Belvaux parlant magnifiquement de son travail. C’était curieux de reprendre une conversation avec lui, par sa grande disponibilité, et d’évoquer ces choix citoyens – rappelons que le film est produit par Agat Films, société de production de Robert Guédiguian – et artistiques, la compétition du film à Cannes, en mai dernier, mais aussi son tournage dans « Joyeux Noël » où il disait avoir compris ce que pouvait ressentir les poilus de la guerre de 14. Il continue une œuvre très cohérente et très forte avec ce film, une des grandes surprises de cette année. Le film est très riche, en situations, analyses et émotions, à conseiller vivement…

LES ARAIGNÉES DE LA NUIT

La désormais régulière sortie de l’œuvre de Jean-Pierre Mocky en DVD est aussi l’occasion de découvrir ses films les plus méconnus. Ces derniers temps, ses films sortent uniquement dans son cinéma « Le Brady », ou restent inédits comme « Touristes, oh yes » film « tatiesque » et muet sur un groupe de touristes hollandais. Le réalisateur finissait plus par être connu par ses coups de gueules et ses provocations que par ses films propres. J’ai ainsi le souvenir de lui signant son livre « Mister Flash » dans le Virgin de Bordeaux, et déclarant que les pédophiles ont pour raison première de vouloir, par cette perversion vouloir, éviter d’être contaminer par le sida ! On aimerait pouvoir tordre le coup à sa réputation de bâcler ses films. Elle n’est finalement que très peu fondée, s’il tourne vite, il soigne quand même ses effets. Il aime bien, on le sait, tirer à boulets rouges sur les institutions. Prenons comme exemple le film « Les araignées de la nuit » diffusé en 2002 et toujours inédit à télévision. Il prend pour cible le financement des hommes politiques en campagne électorale, avec une sorte de pré-science, vu les mauvaises surprises au premier tour en 2002 -. Dans le film des 5 candidats à la Présidence – du nombre de 5, « Dugland, Dupont, Durand, Dubois,… » -, aucun ne se distingue véritablement pour gagner les élections. Un mystérieux groupuscule « Les araignées de la nuit », tente d’en supprimer certains par la force… Certes les coutures sont un peu lâches, on a vite fait de deviner par la voix et la silhouette de qui se cache derrière le masque à gaz de la mystérieuse araignée, chef de cette organisation maffieuse. Le film souffre d’un manque de moyens évidents, de par sa post-synchronisation un peu schématique. Reste que Mocky a un incroyable talent pour installer un climat, trouver des lieux de tournages originaux, et dénonce à sa manière, même si c’est un peu à l’emporte-pièce le cynisme ambiant. Le scénario tient plutôt la route, il est cosigné par l’excellent André Ruellan. On suit donc ce jeu de massacre avec un plaisir évident. Il y a bien sûr de nombreuses invraisemblances, comme les membres de la société secrète ont même un tatouage d’araignée comme signe de distinction, ce qui n’est pas idéal, convenons-en pour rester discret.  

Jean-Pierre Mocky & Patricia Barzyk

Mocky puise dans l’esthétique de la série B, avec un plaisir renouvelé et une certaine désinvolture. On retrouve aussi avec plaisir le Mocky Circus, qui hélas s’amenuise un peu avec les années, malgré de nouveaux venus – Jackie Berroyer pour une simple apparition en légiste en grève, Rodolphe Pauly azimuté, Ludovic Schoendoerffer en journaliste, etc… -. Les habitués se livrent à des numéros réjouissants, d’Hervé Pauchon, tueur débrouillard et bondissant, Dominique Zardi, homme politique suffisant et coiffé d’une improbable perruque, Michel Bertay politicard infatué de lui-même, François Toumarkine excellent en policier cauteleux et corrompu, Jean Abeillé en préfet de police indolent, les étonnantes Nadia Vasil et Evelyne Harter, en respectivement femme et sœur possessives d’hommes politiques, Maurice Vallier, perdu de vu ces derniers temps en homme blasé, etc… Mocky lui-même se réserve le rôle principal dans un registre proche d’ « Un linceul n’a pas de poches », en électron libre revanchard, il réserve à son actuelle compagne Patricia Barzyk, un rôle complexe d’où se dégage son charme habituel. Les bonus sont hélas de plus en plus léger, deux entretiens assez mal sonorisé avec Patricia Barzyk et Mocky lui-même. Mais on peut retrouver une curiosité, avec, assurément, la bande-annonce la plus cheap de tous les temps… Sur une image vidéo de mauvaise qualité on retrouve la course de fond de quelques candidats… nus. Le film étant mal distribué, Mocky l’a donc élaboré avec les moyens du bord. Même sur le mode mineur, Mocky reste Mocky et déploie souvent des trésors d’inventions, même avec un tout petit budget. Saluons encore une fois, son mordant, sa drôlerie, son irrévérence et son originalité constantes.

PARIS, JE T’AIME

Saluons la bonne idée de Tristan Carné, dans cette production de Claudie Ossard, de reprendre le principe du film à sketches de « Paris vu par » (signés par Chabrol, Jean , Jean-Luc Godard, Jean Rouch, Éric Rohmer et Jean-Daniel Pollet) qui avait déjà fait objet d’un remake en 1984, « Paris vu par… vingt ans après » signé par certains dignes héritiers de la nouvelle vague (Garrel, Mitterrand, Akerman, etc.  L’idée intéressante était cette fois de privilégier le regard de cinéastes étranges, histoire de vérifier si notre réputation de peuple inhospitalier et arrogant pouvait ce vérifier par le biais de la fiction. Les réalisateurs ont eu comme contrainte, un temps très court de tournage – 2 jours et deux nuits – et une durée de 5 minutes. Le résultat est forcément inégal comme tout film à sketches, mais après l’épouvantable meringue de Luc Besson sur la ville Lumière on ne craint plus rien… L’idée initiale étant de faire un épisode par arrondissement, soit 20 au total. C’est évidemment les réalisateurs les moins connus qui voient leur résultat rester sur la table de montage – Christoffer Boe – « Le 8 à 8 d’Angelina Jolie » avec Jonathan Zaccaï, Camille Japy et Éric Poulain, et celui de Raphaël Nadjari dont il subsiste quelques plans avec Eric Caravaca à la fin du film. On engage le yes man habituel de Gérard Depardieu, le tâcheron Frédéric Auburtin pour « créer une fluidité dans le récit » (sic), c’est dommage de ne pas voir ces deux courts ne prennent que 10 minutes sacrifiés ainsi sur l’autel de la rentabilité, il est évident que la production a pensé uniquement au nombre de séances. Le projet a été mouvementé, le tournage ayant commencé en 2002 avec l’épisode signé Tom Tykwer, avec Nathalie Portman, pas le meilleur du film d’ailleurs. Le parti pris d’éviter la carte postale – les frères Coen tournant dans le métro, Walter Salles utilisant Paris et sa banlieue comme une ville anonyme – est plaisant, tout comme celle de retrouver un Paris méconnu. Le film commence agréablement par le segment de Bruno Podalydès, « Montmartre »,  rendant hommage à Pierre Étaix avec l’idée de l’automobiliste qui n’arrive pas à se garder dans le XIIIème, avant qu’il ne rencontre une jeune femme qui a un malaise.

Au petit jeu des préférences évidemment subjectives, on s’amuse à retrouver l’univers de Sylvain Chomet, dans « Tour Eiffel » avec un fabuleux duo de – cons – de mimes joués par Paul Putner et Yolande Moreau. Gurinder Chadha dans « Quais de Seine » retrace une jolie rencontre amoureuse entre une jeune femme voilée –Leïla Bekhti – et un jeune homme flanqué de copains lourdinguissimes avec beaucoup de subtilité et nous livre une ôde à la tolérance.  Steve Buscemi dans « Tuileries », en touriste en goguette agressé par un couple de jeunes marginaux et le moufflet farceur  de Frankie  Pain dans l’épisode des frères Coen, Wes Craven fait un bilan du couple dans le cimetière du « Père Lachaise » avec Rufus Sewell et Emily Mortimer et Olivier Assayas avec « Quartier des enfants rouges », confirme son style brillant avec le brillant exercice de style autour de Maggie Gyllenhaal, comédienne souffrant de solitude, qui cherche à se droguer. Mais le meilleur – et de loin – est celui d’Alexander Payne – composant Oscar Wilde dans l’épisode cravenien -, avec « Quatorzième arrondissement », un portrait d’une postière américaine – Margot Martindale émouvante -, tout émue de faire du tourisme et de se retrouver devant la tombe de Jean-Paul Sartre .et… Simone Bolivar ! qui va vivre un instant unique, assise sur un banc dans un grand parc. Le reste est plus convenu… L’ineffable tandem Depardieu-Auburtin filme platement et ratent « Quartier Latin » ou les retrouvailles Gena Rowlands – qui signe le scénario de cet épisode – et Ben Gazzara, on s’émeut cependant sur ces deux acteurs mythiques. L’hommage aux films de vampire – avec une apparition de Wes Craven – malgré la belle présence d’Olga Kurylenko et le prolifique Elijah Wood – est assez vaine. Nobuhiro Suwa rate superbement sa cible dans « Place des Victoires », un tableau mystique avec Juliette Binoche qui semble se complaire dans les rôles spirituels, on se demande où le metteur en scène veut en venir avant d’être interloqué de voir Willem Dafoe en cow-boy fantasmé. Christophe Doyle avec « Porte de Choisy », tente un délire musical en utilisant la singulière personnalité de Li Xin de manière un peu vaine, mais on se réjouit à voir Barbet Schroeder comme acteur qui semble visiblement s’amuser. Le duo Fanny Ardant-Bob Hoskins dans « Pigalle » manque de flamme dans l’épisode signé Richard LaGravenese. Isabel Coixet, avec « Bastille »,  déçoit dans une sorte de conte moral avec Sergio Castellito et Miranda Richardson. Gus Van Sant avec « Le Marais » ne se renouvelle guère. Certains tentent cependant de sortir du lot comme Olivier Schmitz, avec la belle Aïssa Maïga, ou Alfonso Cuarón dans « Parc Monceau » faisant un plan séquence avec Nick Nolte et Ludivine Sagnier et  Walter Salles, dans « Loin du 16ème » – en suivant la journée d’une jeune baby-sitter – joué par la lumineuse Catalina Sandino Moreno,  révélation de « Marie pleine de grâce » – sont les seuls à faire un constat social et nous rappellent que Paris est une ville qui loge surtout des privilégiés. Le film se révèle assez plaisant, bien que pas très original. C’est l’occasion – à moindre frais – de réunir quelques talents. Le film a fait aussi l’objet d’un album, dont l’intérêt m’échappe un peu. Le film a le mérite de vouloir montrer un Paris différent, cosmopolite et multiple,  qui a déjà donné bien d’émotions cinéphiliques.

CHANGEMENT D’ADRESSE

On reprend ! Face à l’overdose de comédies françaises ces derniers temps, c’est un grand plaisir de retrouver un ton particulier, celui du cinéma d’Emmanuel Mouret, présent le 14 juin à l’avant-première de son film « Changement d’adresse » à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux. C’est un rire intelligent comme le disait Pierrot dans son blog. Présenté avec succès à la quinzaine des Réalisateurs à Cannes, ce film confirme l’originalité du travail d’Emmanuel Mouret après « Laissons Lucie Faire » et « Vénus et Fleur ». Paul – Emmanuel Mouret en personne – est un musicien provincial timide, il emménage par le hasard d’une rencontre avec la volubile Anne – Frédérique Bel -, histoire de partager les frais au vu des difficultés croissantes pour se loger à Paris et dont il devient le confident. Il tombe amoureux d’une de ses élèves, la discrète Julia, après avoir répondu à la demande de sa mère – petite participation d’Ariane Ascaride, en grande bourgeoise -. Il finit par la séduire, avant que n’intervienne Julien, homme d’affaires qui promène une certaine assurance.  La distribution est atypique et très inventive. Frédérique Bel dans un flot verbal qui serait loin d’être indigne d’un  est étonnante à des années lumière de son personnage de « La minute blonde » – un des rares exemples de drôlerie dans un Canal + sinistré -, elle se retrouvait évidemment ric Rohmer, il faut la voir « attaquer » une bouteille. Souvent cantonnée à des rôles de blondes nunuches à l’image de son désolant personnage dans le très surfait « Camping », ou son rôle de Miss France, limite figuration intelligente, dans « Un ticket dans l’espace », plus inventif que le précédent, elle prouve ici son grand talent. Fanny Valette, rivalise avec elle de charme, en jeune femme un peu renfermée, qui se cherche un peu, performance d’autant plus louable que son personnage est assez mutique au début du film, elle confirme après « La petite Jérusalem » ses capacités d’actrices, montrant les contradictions de son personnage entre maladresses et incertitudes, elle habite le film avec une très belle présence. Autre bonne surprise, c’est de retrouver Dany Brillant, séducteur frondeur qui se révèle très convaincant comme comédien après quelques apparitions sur le grand écran. Le réalisateur a eu l’idée de le choisir en le voyant dans la retransmission TV de l’élection de Miss France ! – encore elle… -.


Dans le rôle de Paul, entre tempérament fleur bleue et désenchantement, Mouret a trouvé une manière habile et décalée de camper son personnage, une silhouette, une manière de jouer avec ses vêtements. Il joue adroitement des situations, mémorable scène où il paye dans un café avec de la petite monnaie, scène digne d’un burlesque muet américain, et les mots, à l’exemple de son instrument Il un sens particulier des lieux, retrace les incertitudes de ses personnages, les hésitations et les difficultés avec la vie, le cor idéal pour quelqu’un qui trouve son corps encombrant, ce n’est jamais gratuit. On s’attache à son personnage et on a même envie de le « secouer » quand il s’efface derrière son rival amoureux. Quand j’ai évoqué le souvenir de la présence de François Truffaut comme comédien de ses films, il m’a rappelé son aphorisme, jouer dans son film, c’est la même chose que d’écrire une lettre à la main, contre taper un texte à machine si on utilise un comédien. Son jeu parfois irritant dénote pourtant d’un univers poétique. La mise en scène, bien que peu spectaculaire, est très élaborée, de la manière de mettre en valeur les hésitations et les échanges des personnages dans ce marivaudage léger. C’est amusant d’écouter les commentaires d’Emmanuel Mouret après le film, jouant de modestie, de ses origines marseillaises, avec une bonne dose d’autodérision. Il provoquait même des réactions singulières des spectateurs. Le retrouver, c’était une manière finalement de rencontrer son personnage de Paul comme tombé du film. En prenant connaissance du faible temps entre l’écriture, le tournage en début d’année et la post-production, on ne peut être qu’admiratif du résultat final. Une bouffée d’air frais fantaisiste dans le tout venant de la comédie à la franchouille, que l’on finit par ne plus trop supporter même quand on est comme moi, plutôt grand public.