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MADAME ÉDOUARD

Michel Blanc incarne le commissaire Léon, flic qui tricote pour se détendre et amène son chien lymphatique – le chien du lieutenant Colombo, c’est beep-beep en comparaison -. Il amène d’ailleurs ce meilleur ami sur les enquêtes, d’où une destruction systématique des indices. Le ton est donné, Nadine Bonfils a un réél univers, ce qui est assez rare. C’est une de ses nouvelles qui est ici transposée, de Montmartre en Belgique. Un tueur jeune fille sévit, Léon flanqué de son second maladroit Bornéo – Olivier Broche, décalé et étonnant -. Nadine Bonfils sait rendre l’humanité d’un petit bistrot et porte un regard attachant sur ses personnages, notamment celui de Madame Édouard, campé par un Didier Bourdon, touchant, jamais caricatural en homme qui a trouvé son équilibre en s’habillant en femme de ménage. Elle prone la tolérance.

Michel Blanc & … Didier Bourdon

Il y a une évidente influence de l’œuvre de Jean-Pierre Mocky, la musique de Bénabar semble d’ailleurs un subtil hommage. Si Josiane Balasko, en secrétaire bimbo maquillée comme un camion volé et Dominique Lavanant en barfly, sont un peu trop dans la surcharge, Annie Cordy en mère obsédée de gadgets – elle s’accorde même une scène d’auto-ironie, avec sa propre photo encadrée par un siège de toilette -, Rufus en consommateur de bistrot triste, André Ferréol en boulangère nymphomane, la charmante Julie-Anne Roth, en fille de Mme Édouard, Fabienne Chaudat en femme acariâtre et Michel Blanc – qui semble ici retrouver un plaisir d’acteur – est épatant. On a plaisir à retrouver Jean-Yves Thual, perdu de vue depuis « Le nain rouge », même si son personnage s’appelle le « Pin’s », ce qui pour un acteur nain n’est pas très subtil, en ludion amusé il est formidable. On devrait le retrouver dans un documentaire, consacré aux nains du cinéma, de Christophe Bier, très prochainement ! C’est aussi l’occasion de retrouver plusieurs comédiens belges, Bouli Lanners (1) en cuistot expérimental, Philippe Grand’Henry, en patron de la « Mort subite », Suzy Falk en vieille folle, François Aubineau, en curé excentrique, etc… un sacré vivier de bons comédiens. La Belgique est un cadre idéal pour cet univers populaire à la limite du fantastique – il y a un hommage au peintre René Magritte -. Reste un problème de rythme et de construction, malgré l’aide de Jean-Pierre Jeunet comme conseiller technique, le film ne trouve pas son rythme et s’éssouffle assez rapidement. L’aspect polar n’intéressant visiblement que peu la réalisatrise, elle s’attarde cependant sur les personnages que l’on devine blessés, mais il manque un brio dans les dialogues. Un rendez-vous manqué, mais prometteur pour un univers atypique…

Bouli Lanners

(1) Pour info un article du Monde, consacré à Bouli Lanners, cinéaste :

Profil – Un réalisateur venu de la télévision par Thomas Sotinel
LE MONDE | 10.05.05 | 14h07 • Mis à jour le 10.05.05 | 14h07

En Belgique, Bouli Lanners est devenu célèbre par la voie rapide : la télévision. Créateur, sur Canal+ Belgique de la série « Les Snuls », il en a tiré une réputation de garçon drôle, qu’il met à mal avec Ultranova. Dans son premier long métrage en tant que réalisateur, l’humour n’est qu’un des ingrédients. Le réalisateur néophyte s’est dit : « Ce premier film sera peut-être aussi mon dernier » , et y a mis ce qu’il voulait y mettre, une bonne part de nostalgie inquiète. A en croire les premiers résultats (le film est déjà sorti en Belgique), les familiers de Bouli Lanners sont finalement plus séduits que déconcertés.

Certains avaient peut-être vu les courts métrages du réalisateur, Travellinckx, qui raconte « la traversée de la Belgique par un hypocondriaque le jour de l’évasion de Marc Dutroux » , ou Una, « le récit d’un reportage en immersion par un journaliste qui s’aperçoit au bout du compte que son magnétophone n’a pas marché » . Comme raison d’être à ces films, Bouli Lanners avance qu’il lui fallait fournir en matière première le festival du film brut qu’il avait cofondé, festival rebaptisé « de Kanne » , du nom d’une petite commune belge à la commode homonymie, port de destination de la péniche à bord de laquelle sont projetés les films.

Barbu, souriant, Bouli Lanners mérite encore son sobriquet. Il fut baptisé il y a quarante ans, à l’est de la Belgique où il est né « dans la minorité francophone de la minorité germanophone belge, c’est-à-dire la plus petite minorité linguistique du pays » . Privé de cinéma, qu’il consommait à dose homéopathique et en allemand à Aix-la-Chapelle, il s’est toujours rêvé, et se rêve encore, peintre. Cette envie l’a emporté dans une fuite vers l’Ouest, qui l’a mené jusqu’à Liège. « A chaque fois, je croyais recommencer une nouvelle vie et reprendre mon vrai prénom. Mais le pays est si petit. Au bout de quinze jours, quelqu’un me criait de l’autre côté de la rue « Salut Bouli ! » et c’était reparti. »

S’ensuivent de multiples aventures à la télévision comme accessoiriste ou comédien, puis l’épisode « Snuls », qui lui a permis de constituer une famille, dont nombre de membres l’ont accompagné dans l’épisode Ultranova.

A venir maintenant, son « prochain dernier film » , inspiré d’un épisode de son existence : « A Liège, où je vis, il y a beaucoup de toxicomanie, et du coup, de la petite délinquance. J’ai été cambriolé plusieurs fois, encore il y a quinze jours. Et une fois, je suis rentré à temps pour rencontrer mes cambrioleurs. C’est un film sur les relations qui se sont installées. »

Il ne faut jurer de rien !

 

Quoi qu’un peu pépère, il y a  ici la volonté de faire un spectacle de qualité. Alfred de Musset, ne sert ici que de prétexte, pour mieux s’en débarrasser, il s’agit d’en faire une comédie populaire parodique. Il vaut mieux ne pas avoir en mémoire la maestria d’un Jean-Paul Rappeneau dans « Les mariés de l’an II » par exemple. Le résultat du réalisateur Éric Civanyan – auteur du laborieux « Tout baigne » – est assez honorable. Mais j’ai bizarrement entendu plus de rires dans « Les âmes grises », qu’ici – il y avait une bande d’adolescents ricaneurs, devoirs d’école obligent ? -. Le trio Gérard Jugnot-Mélanie Doutey-Jean Dujardin, s’en donne à cœur joie, dans cette cavalcade de quiproquos. Jugnot rusé et matois, Mélanie Doutey dans le charme, et le bondissant Dujardin anime ce film avec brio, même si on peut déplorer une mise en scène peu inventive, malgré des moyens conséquents.

Mélanie Doutey, Jean Dujardin & Gérard Jugnot

A l’instar des films de Gérard Jugnot, comme réalisateur, il y a un soin particulier sur les seconds rôles de Michèle Garcia en mère maquerelle  – qui sévit sur une publicité bancaire en ce moment « ni fly boat, ni même les fleurs », Henri Garcin – que l’on est ravi de voir plus souvent en ce moment, en Talleyrand idéal et cynique, Hubert Saint-Macary en contremaître souffre-douleur, Arno Chevrier en truand indélicat, Philippe Magnan en intendant désabusé, Jean-Luc Porraz en Haussmann suffisant, Marie-France Santon – un tempérament – en baronne outrée, Lorella Cravotta en domestique complice, Patrick Haudecoeur en curé obsédé, Jacques Herlin en Lafayette liquide, Jacky Nercessian en apache inquiétant, etc… Au final c’est un bon divertissement, si l’on ne se formalise pas de la tendance « digest ».

LES AMES GRISES

Difficile ici de ne pas penser à l’inévitable cliché de la froideur des films de chefs opérateurs. Dans cette étude de mœurs, tiré du roman de Philippe Claudel – droits achetés d’après les épreuves, avant publication -, Yves Angelo livre un glacis dans l’ensemble du film. Curieusement, peut-être par l’artifice des images numériques, on ne sent pas la froideur de la température chez les personnages ce qui est assez gênant. L’atmosphère inquiète et le désordre de l’après seconde guerre mondiale finit cependant par être probante. Tout est ici « plombé » mais Yves Angelo est à l’aise pour se livrer à une critique acerbe des notables, la difficulté de retrouver une société après le traumatisme de la première guerre mondiale, à l’image de cet instituteur devenant fou devant des enfants, ou les soldats joués par Cyrille Thouvenin et Marius Colucci, qui ne maîtrise plus leurs instincts et se vengent sur les premiers venus. Il faut ici faire l’éloge de la performance magistrale de Jean-Pierre Marielle. Bertrand Blier lui faisait dire dans « Les acteurs » (1999), qu’il était arrivé à une sorte de justice, il faut voir ce que le comédien arrive à faire avec ce personnage terne et austère du procureur Destignat , fort antipathique qui retrouve un sursaut d’humanité en rencontrant Lysia – Marina Hands -, jeune institutrice inquiète pour son jeune mari parti au front et qui loge chez lui. On suit son personnage qui se dévoilera finalement que très peu avec intérêt, et voir sa morgue envers le juge Mierck – Jacques Villeret, dans son dernier rôle, en fonctionnaire en représentation permanente -.

Jean-Pierre Marielle

Marielle ici semble au sommet de son art, maîtrisant le silence, l’effleurement ambigu d’une jeune enfant, la guerre ne faisant qu’exacerber les sentiments. Le réalisateur sait montrer l’immédiateté de la guerre – belle scène entre Destinat et Lysia, en haut d’une colline dominant la tourmente. L’évocation du climat de la guerre sans la montrer est la performance du film. Quelques excellent comédiens viennent accompagner la performance de Marielle, de Marina Hands – digne fille de sa mère Ludmila Mikaël, et révélée dans « Sur le bout des doigts » d’Angelo également -, jeune femme perdue dans la tourmente, Denis Podalydès en policier mutique tentant de survivre, Michel Vuillermoz en maire exaspéré par les bassesses de son petit monde, Serge Riaboukine en bistrot résigné, Franck Manzoni en colonel caricatural, Henri Courseaux en médecin de campagne, Alain Frérot excellent en curé qui se révèle homme dessous la défroque, Jean-Michel Lahmi en inculpé blessé, pour ne citer que les plus repérables, à noter que le dossier de presse consultable sur le web n’offre que très peu de noms, je n’ai pu que très incomplètement compléter la fiche IMDB, qui fête ce jour ces quinze ans. Au final même si on déplore une absence de lyrisme, le film habité par Jean-Pierre Marielle laisse une impression plutôt positive. On peut regretter que tous les metteurs en scène n’aient pas su utiliser comme ici toute la palette du talent de Jacques Villeret, on finit à le voir par oublier, les règlements de comptes absolument sordides et indignes de son entourage dans les médias après sa mort, ne pensant qu’à utiliser à mauvais escient son actualité tragique.

A VOT’ BON COEUR

La trop rare Catherine Lachens en prostituée scande son dialogue de manière musicale, face à sa fille qui lui répond en chantant… Un « robin des bois » mutique donne de l’argent à des pauvres, et un réalisateur cherche un financement pour continuer son film « La guêpe », sur un boulanger drogué et fatigué. Le metteur en scène c’est Paul Vecchiali, qui voit son vingtième refus de la commission de l’avance sur recettes. Suite à une réflexion de sa femme, il décide de dezinguer ses 9 membres. « À vot’ bon coeur » est un film comme il le qualifie lui-même « sauvage ». Après avoir lu un de ses articles dans libération, évoqué ici même il y a peu, on pouvait craindre de la rancoeur mais il en est rien au contraire. Vecchiali avec l’aide de sa fidèle troupe, déconstruit son film tourné en 2003 et présenté à Cannes l’an dernier, à la Quinzaine des réalisateurs. Avec peu de moyens, il laisse Noël Simsolo analyser sans complaisance l’une de ses scènes de film. Il se livre à une pamphlet sur l’état actuel du financement du cinéma, qui est juste – Jean-Claude Guiguet, inspiré par lui n’a pas pu monter son dernier film, Jacques Doillon a du mal à tourner… -. Cet électron libre déplore qu’un certain artisanat ne peut perdurer désormais, à cause de la frilosité des télévisions et de la commission de l’avance sur recette – béquille nécessaire aux films d’auteurs typiquement française -. Cet auteur aussi inventif qui a aidé Jean-Claude Biette, Guiguet, Simsolo, Marie-Claude Treilhou – ici en membre de la commission sur recette -, Gérard Frot-Coutaz, Jacques Davila, etc…, n’a plus la possibilité de tourner, comme il le souhaite.

Françoise Lebrun & Paul Vecchiali

La narration vole ici en éclat, il y a une série de chansons – à la manière des films des années 30 français nourricier pour cet auteur – et un bel hommage à Jacques Demy – « Le prince de naguère/n’habite plus rue Daguerre » chante Françoise Lebrun. Le film est très plaisant, nostalgique mais vivant. On retrouve avec bonheur, Hélène Surgère en concierge amoureuse des chapeaux, Béatrice Bruno – inchangée depuis 20 ans – en suiveuse du voleur, flanquée de son grand-père triste – El Kébir -, Jacqueline Danno en femme triste, Jean-Christophe Bouvet, Jacques Le Glou – producteur du film – et le revenant Michel Delahaye ricanant, en membres de la commission dans une scène cinglante, etc…. Par amitié il y a plein d’habitués de Nicolas Silberg et Patrick Raynal en journalistes ou Fabienne Babe en amoureuse… Une distribution remarquable, dont il faut saluer la venue d’Elsa Lepoivre. Paul Vecchiali titube à la fin du film comme Belmondo dans « À bout de souffle », mais Françoise Lebrun livre un monologue – « La maman et la putain » revient à notre mémoire – poignant et plein d’espoir. Un certain cinéma peut mourir, mais une caméra légère peut faire que l’on peut continuer une oeuvre. Salutaire et ludique, ce film est un beau pied de nez à la médiocrité actuelle.

VIVE LA VIE

La bande annonce et les teasers, laissait entrevoir une pochade racoleuse et assez lourde à l’image du couple Didier Bourdon-Armelle Deutsch, restés collés après le coït, idée piquée au couple Sami Frey-Carole Laure dans « Sweet Movie » de Dusan Makavejev, en 1974. Mauvais service rendu à ce film plus sensible, du réalisateur Yves Fajnberg, car cette comédie neurasthénique a des qualités. Richard, patron d’une prospère société de vidéo, divorce sans fracas de sa femme – la très belle Natacha Lindinger -. Sa conception de la vie vole en éclat quand il apprend d’une femme qui insiste beaucoup sur son nom – Isabelle Petit-Jacques, très juste -, qu’il a un Q.I. proche de celui de l’huître comme disait Jean Yanne. Cette information est révélatrice des manques de sa vie, il finit par s’humaniser en rencontrant Maud, un mannequin dépressive – Alexandra Lamy, décidément très bien dans les premiers rôles -, Colombe, une jeune femme en attente d’une greffe de cœur – Armelle Deutsch attachante -. Il finit par se rapprocher de ses deux amis d’enfance Rachid, un clown triste mais d’une drôlerie incroyable, se laissant porté par les événements – Zinedine Soualem, au jeu toujours subtil – et un chirurgien brillant – Frédéric van den Driessche, amoureux transi de la jolie Colombe -.

Zinedine Soualem & Armelle Deutsch

On retrouve également Didier Flamand, étonnant en psychiatre, loin des clichés habituels, Lise Larnicol en secrétaire indécise et la trop rare Sophie-Charlotte Husson, en sœur de Maud, Didier Bourdon, bon comédien donne une épaisseur à son personnage, autoritaire et névrosé. Cette comédie douce amère est à réévaluer, même si elle connaît par moment une baisse de régime et est un peu maladroite et convenue, mérite que l’on s’y attarde. La grande force de ce film, est la présence de Zinedine Soualem. Le réalisateur qui le connaît depuis plusieurs années, a utilisé ses facultés expérimentées dans le théâtre de rue et auprès des enfants malades dans les hôpitaux. Il faut le voir dans la scène cultissime inspirée du court d’Yves Fajnberg « Harakiri », où travesti en samouraï il se livre à une étonnante prestation, parodie amusante des films de Kurosawa. Soulignons l’extraordinaire efficacité dans l’humour de ce comédien, et qui amène encore une fois une humanité prodigieuse. Il n’a pas fini de nous surprendre et le film lui doit beaucoup.

MORT DE SERGIO CITTI

Sergio Citti

Annonce discrète, par Les gens du cinéma de la mort du cinéaste Sergio Citti, ami et collaborateur de Pier Paolo Pasolini, on lui doit des films co-écrits avec lui « Ostia » (1970), avec Laurent Terzieff, Storie scellerate (Histoires scélérates) (1973), une comédie douce amère « Due pezzi di pane / Deux bonnes pates » (1978), avec Philippe Noiret et Vittorio Gassman, et quelques films inédits chez nous « Casotto » (1977), avec Jodie Foster, Il minestrone (1981), avec Roberto Benigni, Mortacci (1989), avec Vittorio Gassman et Malcolm McDowell, « I magi randagi » (1996), avec Silvio Orlando, « Vipera » (2001), avec Harvey Keitel, etc… Il a souvent travaillé avec les deux acteurs fétiches de Pier Paolo Pasolini, Franco Citti et Ninetto Davoli.

ARTICLES

LE MONDE : Article paru dans l’édition du 16.10.05 

Sergio Citti, cinéaste italien :

Sergio Citti, cinéaste italien, collaborateur de premier plan de Pier Paolo Pasolini, est mort, mardi 11 octobre, dans un hôpital d’Ostie, la ville voisine de Rome qui avait donné son nom au premier long métrage que Citti avait réalisé sous son nom.

Né à Rome le 30 mai 1933, Sergio Citti était issu des quartiers pauvres de la ville. Après sa rencontre avec Pier Paolo Pasolini, il a collaboré aux dialogues d’Accatone, le premier film du réalisateur de Porcherie . Après Ostie (1977), il avait également réalisé La Cabine des amoureux (1977), dans lequel jouaient Catherine Deneuve et Ugo Tognazzi, et Deux bonnes pâtes (1978), avec Philippe Noiret et Vittorio Gassman. Après le meurtre de Pasolini, en 1975, Sergio Citti avait protesté contre les lacunes de l’enquête, affirmant que la police ne l’avait jamais interrogé alors qu’il avait passé en compagnie du cinéaste la nuit précédant le crime.

LA REPUBBLICA Sempre al fianco del regista, prima come consulente dialettale per i romanzi, poi come aiuto per la direzione dei film (11/10/2005) Cinema, addio a Sergio Citti raccontò Roma con Pasolini In primavera aveva detto: « So come è stato ucciso Pier Paolo Pelosi ha mentito. Erano in cinque. E’ stato un complotto ROMA – E’ morto questa mattina all’alba il regista Sergio Citti. Si è spento verso le 6 all’ospedale Grassi di Ostia dove era stato ricoverato venerdì scorso per un peggioramento delle sue condizioni di salute. Citti abitava a Fiumicino. Negli ultimi tempi il suo stato si era molto aggravato: oltre ai problemi di cuore, l’attore non si muoveva quasi più e si spostava su una sedia a rotelle. Citti era nato il 30 maggio 1933 a Fiumicino (Roma), e aveva esordito a metà degli anni ’50 come consulente dialettale del Pasolini scrittore, per i suoi romanzi Ragazzi di vita e Una vita violenta. Era iniziato così un sodalizio artistico che era continuato nel cinema e si era concluso solo con la morte di Pasolini, del quale Citti aveva raccolto l’eredità artistica. E dell’omicidio di Pasolini aveva parlato di recente, a maggio, per dire che Pino Pelosi era stato soltanto un’esca e che dietro l’assassinio c’era un complotto. Citti aveva esordito dietro la macchina da presa con Ostia (1971), da una sceneggiatura scritta insieme allo stesso Pasolini, film nel quale affioravano tematiche che saranno sempre centrali nella sua carriera: l’attenzione per gli umili e gli emarginati, l’ambiguità nei rapporti familiari e d’amicizia, la complicità maschile. Aveva collaborato alle sceneggiature di Salò o le 120 giornate di Sodoma, Mamma Roma e Accattone (per il quale fu anche attore), ed era stato anche aiuto regia nei principali lavori di Pasolini: La ricotta (1962), Uccellacci e uccellini (1965) e gli episodi La Terra vista dalla Luna (1966) e Che cosa sono le nuvole? (1967) con Totò e Ninetto Davoli. Sergio Citti aveva collaborato anche con Federico Fellini per i dialoghi di Le notti di Cabiria, con Mauro Bolognini per La notte brava e La giornata balorda e con Bernardo Bertolucci nella Commare secca. Dopo l’esordio Citti aveva diretto Storie scellerate e poi Casotto (1977), Duepezzidipane (1979) e Il minestrone (1981), quest’ultimo con Roberto Benigni attore alle prime prove. Dopo alcuni anni di assenza era tornato alla regia con Mortacci (1989), curiosa storia a episodi ambientata in un cimitero e con I magi randagi (1996), grazie al quale aveva vinto il Nastro d’argento ai David di Donatello. Nel ’98, Cartoni animati diretto insieme al fratello Franco, poi nel 2001 aveva diretto Giancarlo Giannini e Harvey Keitel in Vipera, scritto con Vincenzo Cerami, ennesima storia di sottoproletari sfruttati, chiusa con una massima che rispecchia l’ideologia di fondo dell’autore: « Le storie non devono piacere ma dispiacere ». L’ultimo film è uscito quest’anno: Fratella e sorello con Claudio Amendola, Ida Di Benedetto, Rolando Ravello, Laura Betti e Youma Diakite.

Les gens du cinéma sont les seuls à parler de la mort du comédien, Roger Tréville, on peut y lire un remarquable  portrait d’Yvan Foucart.

BALLES A BLANC

« Revolver » : Légitimé par Luc Besson, Guy Ritchie – pas un yes man pour une fois pour Europa Corp -, sort son film, projet très personnel semble t’il… Il a du talent, « Arnaques, Crimes et Botanique », »Snach », sur le mode de l’esbroufe- mais sort d’un bide abyssal « À la dérive » avec sa femme Madonna, qui est un remake d’un film de Lina Wertüller. Difficile de trouver une cohérence, dans cette suite d’effets formalistes. Pour preuve, les citations fumeuses sont répétées à l’envie. Les fameuses scènes schizophréniques de dans l’ascenseur, rappelle furieusement le « Exit » d’Olivier Mégaton (2000), produit par… Luc Besson. Ce salmigondis reprend les idées de Quentin Tarantino – les mangas, les intertitres, « Mister Green », comme dans « Reservoir dogs » : citation ? Le tout est noyé dans une bande-son efficace et il reprend l’idée de récupérer un acteur perdu de vue – ici Ray Liotta, des « Affranchis » au … »Muppets dans l’espace » il est d’ailleurs ici assez culotté -. Le film narre une histoire de manipulation entre escrocs louchant l’œuvre de David Mamet, sans son brio. Dernier maniérisme final, il n’y a pas de générique, juste un fond noir sur une musique d’Erik Satie – las, Jean Cocteau l’avait déjà fait avec son « Testament d’Orphée -. On peut être intrigué par Jason Statham qui sort de son registre monolithique habituel mais semble avoir trop préparé son nouveau look devant une glace. André « 3000 » Benjamin – plus calme que dans « Be Cool », hélas – et Vincent Pastore – « Les Soprano » – forment un couple inattendu mais efficace. Les autres personnages sont assez creux, plus des présences que des rôles, à l’image de Francesca Annis – ex « Lady Macbeth » chez Polanski -, qui n’a juste qu’à faire preuve de raideur. Ritchie s’amuse avec les clichés – le jeu, la nièce -, mais il manque une tension, et une empathie avec ses personnages. Reste une ambiance et deux-trois scènes d’actions, c’est peu. Novateur non, racoleur oui. Le film semble avoir ses fans. Ce n’est pas ça qui va nous réconcilier avec le label « Europacorp », souhaitons au moins que le sieur Besson n’ai pas encore une responsabilité dans ce naufrage.

PALAIS ROYAL !

Clôture ce samedi 8 octobre, du 7ème festival du cinéma au féminin au théâtre Fémina à Bordeaux. Grand merci au sieur Zébulon faitou qui m’a filé une invite. L’ambiance est conviviale, avec la cérémonie de clôture, animée avec chaleur par François Marthouret. Macha Méril vient également donner un joli discours, et le jury présidé avec classe par Marisa Berenson, est assez turbulent, grâce à François Morel, Bernard-Pierre Donnadieu, Jeanne Labrune et Fanny Cottençon, voir palmarès ici.

Gisèle Casadesus, Valérie Lemercier, Lambert Wilson et Catherine Deneuve

Suit l’avant-première du film de Valérie Lemercier « Palais royal ! ». On pense évidemment au « Mariage du siècle » (1985), de Philippe Galland – homonyme d’un des organisateurs du festival, avec déjà Michel Aumont, déchu du rôle de roi, à celui dans ce film du chef du protocole -. Le film commence dans l’Eurostar, la princesse Armelle, cœur d’or aide une vieille dame indigne à poser sa valise – Marie Mergey -, devant les ricanements de son mari le prince Arnaud – Lambert Wilson jouant avec son image et s’essayant à la trivialité -. Ce dernier est un grossier personnage, mais fils de roi. Ils partent en week-end pour Londres, en compagnie de « Titi » – Denis Podalydès, amusé -, ami d’enfance peu contrariant d’Arnaud, et sa femme Laurence – Mathilde Seigner dans le registre frondeur qu’on lui connaît 6. Un ambassadeur – Pierre Vernier circonspect et décalé – les reçoit à l’aéroport, suit un quiproquo sur l’accident du roi d’une principauté imaginaire, qui meurt des suites de ses blessures. La reine – Catherine Deneuve, retrouvant son aise pour la comédie des films de Jean-Paul Belmondo – a ourdi un complot pour évincer son fils aimé – Michel Vuillermoz, formidable -, qui devient ainsi le « prince qu’on sort ». Le prince Arnaud devient donc le roi. Valérie Lemercier qui s’est attribué le personnage principal, narre donc cette femme dans l’ombre de son mari, et de son évolution. On assiste ici à la mise en pièce d’une royauté d’opérette, si n’est pas sans évoquer la vie de la princesse Diana. On retrouve avec plaisir l’univers singulier de Valérie Lemercier, même si le film est moins abouti que « Le derrière », elle retrouve son mordant. Elle semble ne pas avoir suffisamment confiance aux spectateurs, insistant parfois sur ses nombreuses trouvailles.

Michel Aumont, Lambert Wilson et Valérie Lemercier

La grande force de ce film est l’interprétation, l’alchimie du couple Deneuve-Aumont fonctionne, manipulateurs et fourbes, il y a un plaisir communicatif à leurs compositions. Il faut voir Catherine Deneuve, recevoir des gens du peuple – Catherine Hosmalin et Patrick Massieu -, lors d’une journée porte ouverte, et la dévotion amoureuse de Michel Aumont, calculateur et dépassé. Outre les précédents cités, on retrouve donc Michel Vuillermoz, qui a enfin un rôle à sa mesure, en prince écrasé par sa mère qui finit par se révolter – avec une scène d’anthologie dans un chalet -, Gilbert Melki est parfait en coach, Gisèle Casadesus en reine-mère est amusante. On retrouve énormément de seconds rôles – c’est assez rare dans les comédies actuelles pour le signaler. Citons Véronique Barrault en désopilante journaliste TV, Michel Fortin et Chick Ortega en paparazzi, Franck de la Personne en ministre frondeur, Philippe Béglia singulier vendeur de lingerie, Didier Bénureau en curé grandiloquent, Hubert Saint-Macary en condescendant directeur de maison de retraite. Il y a même dans leurs propres rôles Maurane en amie sûre et même Noël Godin en entarteur. Au final c’est une comédie enlevée, quoi qu’un peu inégale mais décalée. Sortie prévue le 23 novembre…

LA MAISON DE NINA

Vu hier « La maison de Nina » dernier film de Richard Dembo, mort prématurément à l’âge de 56 ans, le 11 novembre 2004, en plein montage de ce film. Un petit débat était organisé à l’UGC Cité-Ciné, à Bordeaux, à l’issue de ce film. C’est assez difficile de parler de ce film qui ne cède à aucun moment à l’émotion facile. On a du mal à comprendre le reproche fait de « distance », fait par certaines critiques, le mot juste étant trouvé par une spectatrice : la pudeur. Le film traite d’un événement assez méconnu de la Libération, les maisons d’enfants. C’était un havre pour recueillir les enfants juifs qui se cachaient durant l’occupation dans un premier temps, et les rescapés des camps nazis d’extermination, dans un second temps. Georges Pérec a d’ailleurs écrit un roman à ce sujet, sur sa propre expérience « W ou le souvenir d’enfance ». Elie Wiesel a été également un de ses enfants. Nina – Agnès Jaoui, excellente dans la justesse et l’émotion retenue -, s’occupe d’une de ses maisons avec autorité et compassion, instaurant un climat apaisant. Elle essaye avec l’aide des alliés de trouver des vivres et d’organiser la vie de la demeure avec des adultes de bonne volonté. Les rescapés des camps après 6 semaines, où ils ont pu un peu récupérer, viennent avec fracas dans cette petite communauté bien installée. La confrontation est assez violente, le nouveau groupe dirigé par un prénommé Gustav, ancien Kapo – étonnant  Tómas Lemarquis, sorti tout droit d’un film expressionniste allemand -. Le sujet est délicat, on pouvait craindre quelques maladresses, à l’image du texte de Jacques Rivette « Le travelling de Kapò », qui avait tant marqué Serge Daney, sur l’abjection de la représentation des camps dans le film de Gillo Pontecorvo  – confère Trafic N°4 -. Comment représenter l’irreprésentable, ici le retour des camps. L’écueil de la reconstitution de l’interdit moral de cette abomination est donc évité, c’est à souligner. L’écueil est évité, on peut penser qu’un enfant peut récupérer des forces assez rapidement, la gêne initiale se dissipe assez rapidement.

Agnès Jaoui

Le cinéaste pose habilement ce postulat de « Retour à la vie ». Il montre les difficultés à dire les récits de ce cauchemar absolu, la difficulté de retrouver les choses simples – l’odeur d’un vêtement en cuir, rappelant une odeur de mort pour un jeune adolescent, l’importance des non-dits ou de garder une culture – belle scène où le personnage de Nina, laïque, pose sur sa tête la mantille de sa grand-mère – . Le choix de la laïcité ou de garder la force d’une religion, montre la diversité des réactions après la Shoah, se détacher d’elle ou au contraire la faire perdurer pour reconstruire une identité meurtrie. Cet éloge de la vie est remarquablement subtil, Richard Dembo a gardé ce projet en tête de longues années. Mort prématurément c’est grâce à l’énergie des producteurs, et d’Agnès Jaoui, et des conseils avisés des cinéastes Costa-Gavras et Jean-Paul Rappeneau, d’avoir terminé la post-production. Il y avait beaucoup de matériel à monter, louons le talent de la monteuse Isabelle Devinck, d’avoir donné cette fluidité dans le récit. Le film n’est donc pas finalisé selon la volonté du metteur en scène, le film aurait été différent s’il avait vécu, mais le résultat final est remarquable. Le film met tous les personnages en égalité, ne choisit pas de privilégier un par rapport aux autres, et Agnès Jaoui s’intègre parfaitement à cette distribution nuancée. Des jeunes interprètes, reconnus – Lola Naymark, inoubliable dans « Brodeuses », Gaspard Ulliel…- ou non, sont d’une justesse remarquable. Les seconds rôles sont parfaitement campés, Gilles Gaston-Dreyfus en père retrouvant goût à la vie, Philippe Morier-Genoud en professeur bienveillant – sa participation est presque une citation à « Au revoir les enfants », Hubert Saint-Macary en chef de gare serviable, Jean-Pierre Becker en paysan roublard, Judith Henry résolue en mère adoptive, etc… Quelques personnalités comme Charles Berling, Yann Collette et Michel Jonasz – très belle scène où ce dernier entend d’un enfant rescapé qu’il peut pleurer pour lui – viennent aider le film. Ces maisons d’enfants sont restées ouvertes jusqu’aux années 60, Richard Dembo réussit à concilier le devoir de mémoire, tout en évoquant la difficulté de la transmettre et la qualité artistique. Ce film foncièrement honnête et probe, mérite qu’on s’y arrête. Sortie ce 12 octobre. Une internaute a consacré un blog à Agnès Jaoui, souhaitons-lui bon vent !

GABRIELLE

Ah, la France, pays des fromages et des étiquettes. Le cinéma de Patrice Chéreau, continue à diviser même chez ses pairs. Il reste dans l’esprit de beaucoup un grand metteur en scène de théâtre, alors qu’il ne cesse de surprendre par sa maîtrise ces dernières années. Peut-on trouver beaucoup de metteurs en scène, qui comme lui fouillent ainsi aussi justement l’âme humaine. Porté par l’interprétation magistrale du couple Pascal Gréggory – Isabelle Huppert, le réalisateur est habile à dresser un tableau sans concession du petit jeu des conventions, d’une représentation permanente pour palier aux manques et aux troubles des Hervey. Adapté d’une nouvelle de Joseph Conrad, le film narre la suffisance du personnage de Jean Hervey, maître absolu de l’art du paraître, son hôtel particulier semble pour lui une forteresse. Son couple organise des réceptions fastueuses, salons prisés par beaucoup de notables. sa préoccupation est de composer un personnage digne de son rang, sa femme, Gabrielle n’étant qu’un atout de plus, elle est belle et brillante. Mais cette dernière fuit le domicile pour retrouver son amant, grand rival de son mari avec lequel il se livre à des joutes verbales, mais cette dernière se ravise au dernier moment…

 

Isabelle Huppert

Loin d’être un maniériste Chéreau joue avec les codes, d’une voix off envahissante, des ralentis ou du noir et blanc, pour installer un climat précis, sans fioritures. La lumière joue un rôle prépondérant, les personnages pouvant chercher un secours dans l’obscurité. Le subtil jeu des lumières est servi par la très belle photo d’Éric Gautier. Le petit monde ancillaire est aussi brillamment décrit, voyant sans voir, de même que le petit monde des invités, vachards et suffisant, ne formant finalement qu’un petit groupe de spectateurs, pour une représentation théâtrale pour ce couple. L’austérité apparente des personnages vole en éclats, laissant paraître des meurtrissures singulières. Dans un cadre feutré, une passion exacerbée, que rien ne pouvait laisser deviner, éclate. La description de la cruauté du petit monde des faux-semblants est impitoyable, et les sentiments occultés finissent par remonter à la surface, aussi rapidement, malgré les années de dissimulations construites dans un artifice permanent.

 

Pascal Gréggory

L’illusion que l’on puisse connaître parfaitement une personne même proche est magnifiquement décrite. Après 10 ans de vie commune, le couple fait voler en éclats les postures, les distances, et les petites médiocrités pour enfin afficher des sentiments et une humanité blessée. Après sa performance dans le « Raja » de Jacques Doillon, Pascal Gréggory confirme son immense talent, sa force affichée cachant une grande vulnérabilité. Son personnage boursouflé de suffisance tombant dans une mélancolie terrible est d’une justesse constante. Isabelle Huppert, dans un jeu moins distant que dans ces dernières années est éblouissante, entre calcul et lâcheté. Le reste de la distribution est particulièrement brillante de Thierry Hancisse, massif et en ébriété constante, cachant quelques faiblesses, Chantal Neuwirth, en bourgeoise narquoise et observatrice, Claudia Coli est une émouvante petite bonne, confidente et réservée, Thierry Fortineau est surprenant en bourgeois installé…Loin d’être aussi stylisé que l’on dit, le film ironique se révèle charnel, et est indéniablement l’un des grandes œuvres de cette année…