Michel Blanc incarne le commissaire Léon, flic qui tricote pour se détendre et amène son chien lymphatique – le chien du lieutenant Colombo, c’est beep-beep en comparaison -. Il amène d’ailleurs ce meilleur ami sur les enquêtes, d’où une destruction systématique des indices. Le ton est donné, Nadine Bonfils a un réél univers, ce qui est assez rare. C’est une de ses nouvelles qui est ici transposée, de Montmartre en Belgique. Un tueur jeune fille sévit, Léon flanqué de son second maladroit Bornéo – Olivier Broche, décalé et étonnant -. Nadine Bonfils sait rendre l’humanité d’un petit bistrot et porte un regard attachant sur ses personnages, notamment celui de Madame Édouard, campé par un Didier Bourdon, touchant, jamais caricatural en homme qui a trouvé son équilibre en s’habillant en femme de ménage. Elle prone la tolérance.

Michel Blanc & … Didier Bourdon

Il y a une évidente influence de l’œuvre de Jean-Pierre Mocky, la musique de Bénabar semble d’ailleurs un subtil hommage. Si Josiane Balasko, en secrétaire bimbo maquillée comme un camion volé et Dominique Lavanant en barfly, sont un peu trop dans la surcharge, Annie Cordy en mère obsédée de gadgets – elle s’accorde même une scène d’auto-ironie, avec sa propre photo encadrée par un siège de toilette -, Rufus en consommateur de bistrot triste, André Ferréol en boulangère nymphomane, la charmante Julie-Anne Roth, en fille de Mme Édouard, Fabienne Chaudat en femme acariâtre et Michel Blanc – qui semble ici retrouver un plaisir d’acteur – est épatant. On a plaisir à retrouver Jean-Yves Thual, perdu de vue depuis « Le nain rouge », même si son personnage s’appelle le « Pin’s », ce qui pour un acteur nain n’est pas très subtil, en ludion amusé il est formidable. On devrait le retrouver dans un documentaire, consacré aux nains du cinéma, de Christophe Bier, très prochainement ! C’est aussi l’occasion de retrouver plusieurs comédiens belges, Bouli Lanners (1) en cuistot expérimental, Philippe Grand’Henry, en patron de la « Mort subite », Suzy Falk en vieille folle, François Aubineau, en curé excentrique, etc… un sacré vivier de bons comédiens. La Belgique est un cadre idéal pour cet univers populaire à la limite du fantastique – il y a un hommage au peintre René Magritte -. Reste un problème de rythme et de construction, malgré l’aide de Jean-Pierre Jeunet comme conseiller technique, le film ne trouve pas son rythme et s’éssouffle assez rapidement. L’aspect polar n’intéressant visiblement que peu la réalisatrise, elle s’attarde cependant sur les personnages que l’on devine blessés, mais il manque un brio dans les dialogues. Un rendez-vous manqué, mais prometteur pour un univers atypique…

Bouli Lanners

(1) Pour info un article du Monde, consacré à Bouli Lanners, cinéaste :

Profil – Un réalisateur venu de la télévision par Thomas Sotinel
LE MONDE | 10.05.05 | 14h07 • Mis à jour le 10.05.05 | 14h07

En Belgique, Bouli Lanners est devenu célèbre par la voie rapide : la télévision. Créateur, sur Canal+ Belgique de la série « Les Snuls », il en a tiré une réputation de garçon drôle, qu’il met à mal avec Ultranova. Dans son premier long métrage en tant que réalisateur, l’humour n’est qu’un des ingrédients. Le réalisateur néophyte s’est dit : « Ce premier film sera peut-être aussi mon dernier » , et y a mis ce qu’il voulait y mettre, une bonne part de nostalgie inquiète. A en croire les premiers résultats (le film est déjà sorti en Belgique), les familiers de Bouli Lanners sont finalement plus séduits que déconcertés.

Certains avaient peut-être vu les courts métrages du réalisateur, Travellinckx, qui raconte « la traversée de la Belgique par un hypocondriaque le jour de l’évasion de Marc Dutroux » , ou Una, « le récit d’un reportage en immersion par un journaliste qui s’aperçoit au bout du compte que son magnétophone n’a pas marché » . Comme raison d’être à ces films, Bouli Lanners avance qu’il lui fallait fournir en matière première le festival du film brut qu’il avait cofondé, festival rebaptisé « de Kanne » , du nom d’une petite commune belge à la commode homonymie, port de destination de la péniche à bord de laquelle sont projetés les films.

Barbu, souriant, Bouli Lanners mérite encore son sobriquet. Il fut baptisé il y a quarante ans, à l’est de la Belgique où il est né « dans la minorité francophone de la minorité germanophone belge, c’est-à-dire la plus petite minorité linguistique du pays » . Privé de cinéma, qu’il consommait à dose homéopathique et en allemand à Aix-la-Chapelle, il s’est toujours rêvé, et se rêve encore, peintre. Cette envie l’a emporté dans une fuite vers l’Ouest, qui l’a mené jusqu’à Liège. « A chaque fois, je croyais recommencer une nouvelle vie et reprendre mon vrai prénom. Mais le pays est si petit. Au bout de quinze jours, quelqu’un me criait de l’autre côté de la rue « Salut Bouli ! » et c’était reparti. »

S’ensuivent de multiples aventures à la télévision comme accessoiriste ou comédien, puis l’épisode « Snuls », qui lui a permis de constituer une famille, dont nombre de membres l’ont accompagné dans l’épisode Ultranova.

A venir maintenant, son « prochain dernier film » , inspiré d’un épisode de son existence : « A Liège, où je vis, il y a beaucoup de toxicomanie, et du coup, de la petite délinquance. J’ai été cambriolé plusieurs fois, encore il y a quinze jours. Et une fois, je suis rentré à temps pour rencontrer mes cambrioleurs. C’est un film sur les relations qui se sont installées. »