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NIGHT WATCH

« Nochnoy Dozor » : Attention Kulte ! Voici donc la curiosité russe qui a détrônée « Le Seigneur des anneaux ». Le film débute sur un plan de bataille assez violente de la Russie en 1342, avec une voix de récitant anglaise en V.O., petit accent slave de rigueur. On se pose la question, le réalisateur Timur Bekmambetov, petit malin venu du clip, signe ici une carte de visite pour entrer aux USA, ou recycle t’il allégrement les stéréotypes américains ? Les influences sont claires Matrix/Star Wars/Le seigneur des anneaux, Buffy contre les vampires, Bernard & Bianca, Dracula mort ou vif (Mel Brooks), bref tout ce qui leur tombe sous la main, c’est pourtant adapté d’un roman local. La V.O. devient russe, et accrochez-vous aux branches, il y a du vent ! Le combat des chefs étant trop gore, les deux principaux ennemis suspende le temps – déjà vu -, et pour arrêter les massacres, se divisent en deux clans, les gentils, qui vont entrer dans la lumière « Nightwatchers » et les méchants « Les daywatchers » qui ne sont que des vampires assez ridicules finalement optent pour les ténèbres. Le clan du bien a un rôle de veilleur, protéger les populations avec des pouvoirs dignes de la pire série Z. Mais on peut dire qu’ils ne doivent pas briller dans l’efficacité – Ils n’ont pas Nicolas S. et pas d’obligations de résultats, ça tombe bien car entre Tchernobyl, Staline et consorts, ça fait beaucoup de travail tout de même. 1992, ils viennent à la rescousse, d’un jeune gus, plaqué par son amie aux prises avec une sorcière ! Cette dernière prépare un sort à base de sang et de limonade (!), pour faire avorter la fugueuse, enceinte des oeuvres d’un autre galant. La succube est neutralisée de manière assez spectaculaire – elle fait partie des « autres » -.

Konstantin Khabensky

Ca déménage et encore c’est le début, un petit doute sur sa propre santé mentale finit par montrer son nez, mais nom, c’est bien le film. Le pire est évité, sauf que le jeune voit toute l’équipe invisible, une belle bande de brèmes, dont un se transforme en ours, rassurez vous on ne voit pas la métamorphose. Il est donc engagé sur ses dons. Douze ans après, rongé de remords, sur la mort de ce fœtus. Pour faire simple, il va plutôt bien puisqu’il boit énormément, voit des vortex sur la tête d’une blonde dans le métro, chasse les vampires avec une lampe torche (!), se fait dézinguer par un vampire, opéré par le chef des « Nightwatchers » sur une table de bureau, cicatrise très vite (ouf). Pour finir il se fait jeter un collier maléfique par le Prince des ténèbres – pas le mauvais cheval, il aime les jeux vidéos, se sert de sa colonne vertébrale comme épée, a un chien noir, histoire d’innover il remplace les chauve-souris par des moustiques (I). Il y a également un enfant messie qui devra choisir entre l’ombre et la lumière, merci George L. Le Prince du bien, inquiet sur son sort finit par lui donner une chouette, qui se transforme en femme – grand moment de rigolade -, et toute l’équipe d’anges protecteurs se promène dans un van jaune. Il y a de bonnes idées, les Nightwatchers et daywatchers se fréquentent et sont même voisin, il faut voir le héros boire du sang dans un marché, chez un vampire ! Curieux, décalé, fatiguant, on est séduit par un Moscou décalé, et des effets spéciaux à foisons, pas si catastrophique. Ce film presque expérimental est une curieuse expérience roublarde. Au final, c’est comme les coups sur la tête, ça fait du bien quand ça s’arrête… En attendant deux autres opus déjà tournés !

BROKEN FLOWERS

Cette variation du mythe de Don Juan, dédiée à Jean Eustache – divine surprise -, donne ici un nouvel exemple de la maîtrise de la mise en scène de Jim Jarmush, il a obtenu lors du dernier festival de Cannes, le grand prix . Il renouvelle l’idée convenue de rencontres d’ « ex ». Don Johnston, ne pas oublier le « t », se fait quitter par sa dernière conquête, Sherry – Julie Delpy superbe -, dans broncher en regardant affalé sur son canapé le « Don Juan » d’Alexandre Korda, avec Douglas Fairbanks. Rien ne semble devoir de troubler dans sa vie très structurée, mais il reçoit une lettre intrigante laissant entendre la présence d’un enfant ignoré d’une de ses conquêtes qui ne donne pas son nom, mais qui stipule que ce dernier est à sa recherche après avoir fugué. Son voisin sympathique, un Éthiopien symphatique père d’une petite tribue, , Winston – virevoltant Jeffrey Wright, étonnant déjà dans le rôle titre « Basquiat », en 1996, dans une composition enlevée -, tente de le sortir de son empathie, en planifiant une rencontre, avec les mères potentielles.

 

Le film renouvelle le thème convenu, de l’homme désabusé et de sa quête de son identité à travers des personnes de son passé, Bill Murray, dans le registre très « underplaying » qu’on lui connaît est excellent, arrivant à nous toucher avec un personnage loin d’être aimable, il nous donne une nouvelle performance, d’homme désabusé, revenu de tout, qui se trouve une lueur d’espoir dans la vacuité de sa vie, avec l’idée d’une paternité possible. Le clan imaginaire des anciennes amies, donne l’occasion à plusieurs comédiennes de faire un petit tour, des personnages de Laura Miller – Sharon Stone, libre et sensuelle -, et sa fille Lolita ! – nabokovienne Alexis Dziena -, la bourgeoise décalée Dora – Frances Conroy, dans une autre tonalité que la série « Six feet under » et adepte de la nouvelle cuisine -, de Carmen – Jessica Lange toujours radieuse, assistée d’une Cloë Sevigny aguicheuse -, et ses hilarantes communications avec les animaux à la frustre paumée Penny – Tilda Twinston, toujours à l’aise dans la composition, après son rôle mémorable dans « Orlando » -.De la sobriété élégante de l’ensemble – les fondus au noir -, à la musique lancinante et formidable de Mulatu Astatke, qui colle parfaitement au personnage, tout ici est parfait. Louons le talent de Jim Jarmusch pour intégrer de belles personnalités comme ici Bill Murray, le film a été écrit pour lui, Tom Waits ou Roberto Begnini. Certaines critiques – le film est parfois qualifié de réactionnaire – me semblent difficilement recevables … Jarmusch décortique les rapports homme-femme, et les leurres des nouvelles possibilités de communication, tout en gardant son humour subtil. C’est toujours un bonheur de retrouver sa petite « musique » et ses petites observations – la rencontre avec la jeune fleuriste ou le jeune voyageur -.

Jeffrey Wright et Bill Murray

ENTRE SES MAINS

Anne Fontaine confirme avec ce film la singularité de son univers, dans ce « thriller intime » selon sa propre expression, adapté du roman de Dominique Barbéris « Les kangourous ». Ce film est très habile à installer un climat, comme une aspiration dans le vide, pour les deux personnages de Claire et Laurent, incarnés magnifiquement par Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde. La réalisatrice est très à l’aise dans l’intime, et traduire sans ficelles, un climat pesant, tout en rendant hommage à la magnifique lumière d’une ville du Nord – le chef opérateur est Denis Lenoir -. Claire, mène une vie sans histoires, entre son travail dans une assurance dans une équipe assez pressurisée par son directeur – Bernard Bloch entre rectitude et affabilité -, son mari – Jonathan Zaccaï , très juste dans un rôle en retrait – et sa petite fille. Elle rencontre Laurent, un vétérinaire, pour un problème de dégâts des eaux. Hâbleur et séducteur, il entre dans la vie rangée de la jeune femme, de manière inattendue, animée par une attraction-répulsion. Cyclothymique, l’attitude de Laurent intrigue Claire, d’autant plus qu’un tueur en série rode dans le département. A nouveau Anne Fontaine est à l’aise dans l’intime, l’indicible d’un quotidien morne, évitant les scènes à esbrouffes et exacerbant les sentiments. Elle ne joue pas sur les codes du polar, mais elle nous livre une observation ténue, description au scalpel de deux personnages luttant contre leurs démons. Tout est ici dans des tons feutrés, elle décèle habillement les manques et les malaises, voir les fêtes de famille habilement rendues, et les rapports de Laurent avec sa mère –  Véronique Nordey, ancienne Mme Mocky, dont c’est le retour -. 

Benoît Poelvoorde

Isabelle Carré continue à nous surprendre, avec ce mélange de force et de grâce, avec ce personnage en rupture, elle  nous livre une composition saisissante. Et Benoît Poelvoorde est simplement marquant et très crédible en vétérinaire avec une économie de jeu, il traduit parfaitement les troubles de son personnage, sa performance est très juste, il nous offre une nouvelle face de son talent, dans un nouveau registre, on attend avec intérêt son prochain film « Selon Charlie », signé par Nicole Garcia. Valérie Donzelli, dans le rôle de la bonne copine « cœur d’artichaut » brille par sa vivacité, et Jonathan Zaccaï nous prouve une nouvelle fois son grand talent, son personnage sent que quelque chose lui échappe, artiste photographe il essaie de vivre de son art, mais accepte de s’investir dans un petit boulot, par fierté, par ce que sa femme gagne plus d’argent que lui. La toujours très juste Martine Chevallier joue la mère de Claire et Jean-Chrétien Sibertin-Blanc – inoubliable « Augustin » et propre frère de la réalisatrice – complètent la distribution. L’œuvre d’Anne Fontaine est une des plus marquantes du cinéma français actuel.

L’ENFANT

Avant-première, hier soir du film de Jean-Pierre et Luc Dardenne, « L’enfant », en leur présence à l’UGC-Cité Ciné pour présenter le film, et pour un débat à l’ « L’utopia », ces Belges célèbres étant les parrains de cette salle d’art et essai – il me semble que l’on soit assez veinards dans cette ville, en comparaison de beaucoup d’autres…-. J’étais présent à l’UGC, ce qui est frappant c’est l’humour et la modestie des deux frères, pratiquant la décontraction et l’autodérision, se présentant comme une seule personne dans leur travail, parlant de leur ville d’origine avec chaleur, en déplorant l’évolution d’une ville florissante, devenue très précaire. Ils continuent leur sillon, avec méthode – beaucoup de répétitions -, privilégiant les comédiens et les techniciens de leur Belgique natale, on retrouve Jérémie Rénier, et même Olivier Gourmet – inoubliable dans « Le fils », venu ici le temps d’une courte scène, on retrouve aussi des visages désormais familier, pour l’anecdote dans un rôle de truand, une figure familière, Frédéric Bodson, l’un des « Pit et Rik » de notre enfance chez Stéphane Collaro. Deux nouveaux venus intègre l’univers des Dardenne, Déborah François, une vulnérabilité attachante, choisie après 200 autres jeunes femmes filmées aux essai – elle avait alors 17 ans, et le jeune Jérémie Ségard, buté mais qui reste un enfant.

Jérémie Rénier

Le film parle d’un jeune couple, Sonia – Déborah François – qui vient d’avoir un nourrisson, Jimmy et Bruno – Jérémie Rénier, une présence stupéfiante et une grande vitalité dans une sorte de retour aux sources -. Ce dernier vie de combine, flambe l’argent qu’il trouve par des petits trafics pour s’acheter un blouson ou un landau. Tout semble se monnayer pour lui, y compris l’appartement de Sonia. Sans le réaliser vraiment, mais il va jusque dans l’abjection accomplir un acte inqualifiable. La force de ce film est la réalisation, sans fioritures, avec un grand réalisme, un climat parfois joyeux, mais avec l’obligation de se livrer à un combat permanent, mais si Bruno y trouve une sorte de satisfaction. Les événements vont faire qu’il va réussir une sorte de rédemption et se découvrir une âme de père, dont il prend conscience qu’assez tard, même quand il doit signer dans ce rôle un document. Son raisonnement ne l’ayant conduire qu’à penser au jour le jour, il ne voit son fils que de manière abstraite, voire la terrible phrase qu’il prononce pour consoler Sonia à un moment critique – On ne va pas épiloguer sur le sujet, même si la bande-annonce n’en fait pas mystère -. Les Dardenne ont une empathie incroyable avec les personnages du film, le film suivant le personnage de Bruno que l’on suit finalement avec intérêt. Il n’y a ici aucune compromission, la musique provient de la radio, rien de vient interférer dans le réel, et le résultat est absolument magistral. La seconde palme d’or  – après « Rosetta » obtenue par les frères lors du 58ème festival de Cannes, a occasionné quelques polémiques, mais ils le méritent, ils se renouvellent à chaque fois – le ton semble plus assagi -, tout en gardant leurs lignes. Du grand art pour ce film qui prend aux tripes et ne laisse pas indemne.

SAINT-JACQUES… LA MECQUE

Inauguration hier, 3 octobre du 7ème festival du cinéma au féminin à Bordeaux, festival original présentant des longs et courts-métrages, gratuits et des rencontres. Camille Japy, présidente du jury de courts-métrages, a déclaré la cérémonie ouverte. Le festival a commencé a l’UGC Cité-Ciné, avec la diffusion en avant-première du film de Coline Serreau, « Saint-Jacques… la Mecque », en présence de la réalisatrice, Muriel Robin, Pascal légitimus et Artus de Penguern. L’équipe du festival semblait un peu contrariée de commencer ces festivités dans ce complexe cinématographique – le producteur en étant UGC, avec Charles Gassot, d’ailleurs présent mais en retrait -. Les films ce déroulant habituellement – et gratuitement – au théâtre « Fémina » et au cinéma le « Jean Vigo » – salle d’art et essai, animée par des passionnés -. D’où l’empressement cavalier d’une partie des organisateurs pour reconduire, tout le petit monde des invités, ce qui est un peu frustrant et pas franchement convivial, loin de l’habituelle hospitalité du directeur de l’UGC, Pierre Bénard.

Avec ce nouveau film, on retrouve le grand talent de Coline Serreau, après les déceptions de « La belle verte » et « 18 ans après ». La cinéaste retrouve la veine de ses films utopistes, comme « Pourquoi pas »,, analysant les travers de son temps et nos petites lâchetés comme dans « Chaos ». Un notaire – Olivier Claverie, décidément indispensable -, réunit Clara, une enseignante un peu aigrie – Muriel Robin -, Pierre, homme d’affaire survolté – Artus de Penguern -, et Claude, alcoolique désœuvré – Jean-Pierre Darroussin -, frères et soeur fâchés depuis longtemps, à la lecture du testament de leur mère qui vient de mourir. C’est l’idée de base de bien des comédies, subir, pour toucher à l’héritage, une épreuve qui risque évidemment de rapprocher tout ce petit monde. Il faut ici parcourir en pèlerinage à pied, l’itinéraire partant du Puy-en-Velay à Saint Jacques de Compostelle, sous l’œil d’un guide patenté – Pascal Légitimus, humain et désabusé -. Ils partent avec un groupe hétérogène composé de Mathilde, une femme discrète – Marie Bunel -, et quatre jeunes adultes, Saïd – Nicolas Cazalé, mettant en émoi toute la gente féminine -, son cousin naïf Ramzi – Aymen Saïdi – et deux amies Camille, camarade de classe de Saïd et Elsa – Marie Kremer et Florence Vannier Moreau -.

Artus de Penguern, Pascal Légitimus & Muriel Robin

Tout ce petit monde est dirigé avec maestria par la cinéaste – qui fait beaucoup de répétitions -, d’Artus de Penguern jubilatoire en P.D.G. survolté, son rôle a été refusé par plusieurs comédiens – voir la scène d’anthologie de son énervement devant le notaire – impuissant devant l’alcoolisme de sa femme, Muriel Robin retrouvant son sillage de son personnage dans « Mari-Line » (Mehdi Charef, 1999), amenant une grande humanité, Marie Bunel – lumineuse – et Aymen Saïdi, sont les personnages les plus attachants du film, Nicolas Cazalé, Marie Kremer et Florence Vannier-Moreau sont très justes, Pascal Légitimus temporise les humeurs, blessé d’être loin de ses proches et Jean-Pierre Darroussin touchant en alcoolique désinvolte… Quelques clichés, certes, mais avec beaucoup d’énergie.

Marie Bunel & Jean-Pierre Darroussin

Coline Serreau joue avec les clichés, elle privilégie la liberté d’une image en DV – à souligner les progrès réalisés avec ce support -, l’abondance de son matériel donne cependant un côté dispersé, le montage devant être plus délicat que le support 35 mn. Pourtant il faut souligner le rythme, l’abattage des personnages, la réalisatrice se montrant plus convaincante dans la méchanceté, que dans l’affabilité et l’évolution un peu brusque des personnages. Elle a un sens unique de la comédie, retrouvant ici des moments de grâce de « La crise » (1992) – pour moi ce film est une grande réussite. Elle nous dresse une critique assez réjouissante de la religion catholique – ce qui va sans doutes déplaire, à l’image des personnages de religieuses joués avec mordant Hélène Vincent et Michèle Simonnet édulcorant les prières écrites par les pèlerins dans la cathédrale du Puy – en fait tourné à Rouen suite à un refus des autorités ecclésiastiques -, ou le curé espagnol raciste. Ce film surprend, n’est pas immédiatement aimable, Coline Serreau prenant des risques – les scènes oniriques originales mais mal perçues par une partie du public. Dans les seconds rôles on retrouve également Stéphane de Groodt en curé sympathique à Navarrenx et Michel Lagueyrie en curé peu hospitalier, Pierre Ausset en chauffeur servile. J’ai rajouté quelques noms sur la fiche IMDB, mais n’ayant trouvés que très peu outre ceux de l’affiche sur le web, merci de me signaler des compléments si vous en trouvez. Plaisant, parfois naïf et singulier, ce film prouve que Coline Serreau n’a rien perdu de son talent, malgré un ton parfois lénifiant.

FRANKIE WILDE

« Frankie Wilde », « It’s all gone Pete Tong », en V.O., film signé Michael Dowse est une curiosité. Un film dressant le portrait imaginaire d’un DJ, qui trouve son inspiration en regardant ses tongues pendant des heures, ne peut être que digne d’intérêt. Faux Biopic – on pense au mythique « This is spinal tap » (1984) de Rob Reiner -, mais la réussite est ici beaucoup moins probante. On assiste ici la déchéance de Frankie Wilde, brûlant sa vie, et à la rédemption d’un DJ prodige, mi Shane McGowan – le chanteur des Pogues -, mi David Guetta, aidé par la performance hallucinée de Paul Kaye, bondissant, vomissant, « phobisant », euphorisant, remuant, virevoltant, titubant, tombant, pour finir par devenir sourd, drame absolu pour lui on en convient.

Paul Kaye, plus dure sera la chute…

Sa « cour » le laisse rapidement tombé, il se cache avant de trouver l’espoir. Le cinéaste se sert donc de la surdité de Beethoven – le compositeur, pas le chien…-, et on se demande si le cinéaste a vu « Un amour de Beethoven », film de 1936 d’Abel Gance, avec le magistral Harry Baur, car c’est sensiblement la même histoire – utiliser les vibrations pour constituer une musique -. Si la première partie est vraiment probante, on finit par croire à ce personnage autodestructeur, les personnages sont presque cartoonesques, et la représentation d’une descente aux enfers dans un Ibizza écrasé de soleil est assez enlevée. La suite est plus simpliste, la seconde partie de l’histoire avec la rencontre d’une jeune enseignante sourde étant moins originale, et souligne les manques de l’entreprises. Le film reste plaisant surtout par la performance de Paul Kaye, qui a beaucoup travaillé son personnage, et la crédibilité de son personnage, argumentés par des témoignages originaux et une bande-son s’adressant directement à votre estomac.

MOI, TOI, ET TOUS LES AUTRES

L’attendrissante Miranda July, comédienne dans le rôle de Christine Jesperson, réalisatrice et scénariste de ce film peint avec beaucoup de sensibilité un petit monde de personnages perdus, à la croisée des chemins, avec un sens de l’observation remarquable et un humour mélancolique. Dans une banlieue assez triste des États Unis, où les rares lieux de vie semblent être un centre commercial ou une galerie d’art, oasis dans un mode hostile, les personnages n’aspirent souvent qu’à rentrer chez eux, dans une bulle protectrice, loin des soucis du quotidien. Force est de constater la réussite de ce film parle assez librement de la peur de l’autre, de la sexualité, de la difficulté d’établir un contact – une femme refuse le travail de  car elle n’a pas respecté la procédure d’envoie, d’une K7 de Christine -.

John Hawkes et Miranda July

Ce film choral réunit plusieurs générations des enfants précoces –le « moi » et le « toi » sont deux enfants dont les parents viennent de se séparer, des étudiantes faussement délurées, de trentenaires solitaires, au septuagénaire qui découvre enfin l’amour. La réalisatrice insiste sur les difficultés de la vie, les rêves brisés, elle s’est  entourée d’interprètes remarquables, donc John Hawkes, blessé par la vie, venu de la télévision. Miranda joue elle-même une artiste conceptuelle, s’occupant d’un « taxi vermeil » pour vivre, et très à l’écoute des autres. Ce film a mérité ses nombreux prix dont à Cannes la prestigieuse Caméra d’Or – ex-æquo avec « La terre abandonnée » – et Prix de la Semaine de la Critique à Cannes 2005. Le ton final se révèle d’un optimisme salutaire, ce film est un oasis dans la grisaille cinématographique ambiante. D’un constat amer et drôle – inoubliable rencontre assez improbable de deux internautes, révélant le piège de ce média -. Elle questionne habillement les difficultés de se rencontrer dans nos sociétés, tout en captant formidablement l’air du temps. Une artiste à suivre indéniablement

LE PARFUM DE LA DAME EN NOIR

D’où viens cette petite insatisfaction à l’issue du film. Après la formidable réussite du « Mystère de la chambre jaune », Bruno Podalydès continue à insuffle son univers personnel à l’œuvre de Gaston Leroux, rendant comme à son habitude hommage à Hergé – apparaissant lui-même en portrait du capitaine Haddock – et trouvant des gags subtils, sans se prendre au sérieux, rajoutant même un côté potache à l’ensemble – « le running gag » du dialogue « il est gentil, mais… ». Le film débute sous l’égide du magicien Houdini, Pierre Arditi retrouvé en Larsan, faisant un numéro stupéfiant sous le regard suspicieux d’un spectateur perplexe – Patrick Ligardes, burlesque -.  Privé de Pierre Arditi, son absence étant l’enjeu du film, le film perd malheureusement ce côté hommage à Alain Resnais, on retrouve tous les autres comédiens, même Claude Rich, le temps d’un cameo venu faire un passage sympathique. Si le film part bien, Michel Vuillermoz, un fidèle, est un truculent curé, ayant une conception du mariage très peu conventionnelle. Il marie Mathilde – Sabine Azéma, un peu évaporée – et Olivier Gourmet – impressionnant d’angoisse sourde – Suit le séjour chez les époux Rance – Zabou Breitman et le réalisateur lui-même, très bon avec un phrasé à la « Édouard Baer ».

Denis Podalydès, comment trouver le bon bout de la raison ?

Ce qui pêche ensuite, c’est le huis-clos, dans ce châteaux d’hercule, il manque une tension, une atmosphère, que compense la bonne humeur générale, d’une distribution particulièrement brillante, mention spéciale à Michael Lonsdale en professeur Stangerson, lunaire, constamment en décalage avec la situation présente, il amène son univers à chacune de ses apparitions, et Zabou Breitman, s’évertuant à donner une bonne ambiance, chaque fois que l’angoisse pointe son nez. Le reste de la distribution est à l’avenant, d’Isabelle Candelier – autre en Mme Bernier à la fois sombre et sensuelle, Jean-Noël Brouté retrouvant son personnage pétillant, Julos Beaucarne, en inventeur décalé et Vincent Elbaz amusant et intriguant Prince Galitch. Denis Podalydès assez décrié nous livre un Rouletabille plus inquiet et mature, ce qui semble désorienté, le personnage initial ayant, il est vrai 20 ans de moins. Plaisant, mais un peu décevant à l’aune des précédents films du tandem des frères Podalydès. Ne boudons cependant pas notre plaisir…

Parmi les précédentes adaptation de ce roman, on peut recommander le DVD des 3 aventures de « Rouletabille », dans l’épisode réalisé par Yves Boisset en 1966 pour l’O.R.T.F. avec le juvénile Philippe Ogouz, dans le rôle titre, voir la distribution que j’avais ajoutée IMDB, il existe une version de 1931 de Marcel L’Herbier avec Rolain Toutain, et une autre de 1949 Louis Daquin, avec Serge Reggiani.