Planquez vous, profitant de l’abandon d’une certaine tendance nécrophage de ce blog foutraque, voici le retour du « Coin du nanar »… On reproche souvent à Claude Chabrol – dont je suis un inconditionnel -de toujours faire le même film, mais dans un canevas semblable il a toujours su se renouveler ressuscitant même Gérard Depardieu ces derniers temps, c’est dire… « Jours tranquilles à Clichy » est un film curieux, comme « Docteur M. », hommage à Fritz Lang tourné par la suite, souffrant un peu de la mode « euro-puddinge » encore en vigueur dans cette fin des années 80, et aube des années 90. Marin Karmiz a refusé de le produire – il avait alors du nez, curieux itinéraire pour ce réalisateur de « Camarades », devant tomber sous le charme des sirènes de Nicolas S. -. Une analyse de Thierry Jousse dans le numéro des Cahiers du cinéma, spécial Claude Chabrol, paru en octobre 1997, résume d’ailleurs parfaitement ce film : « Collection de souvenirs d’un vieil érotomane fatigué, ce film est un fantasme égaré dans le monde du cinéma. Un fantasme hautement improbable. Parce qu’il est saugrenu de voir les mots de Henry Miller sous la caméra de Chabrol. Parce que tout y est toc : casting, décors, doublage, coproduction franco-italo-allemande, parlée en anglais. Même la chair des filles prend l’air lisse des peaux sans histoire ». Bon ça commence plutôt mal avec un Andrew McCarthy mal grimé façon vieux, en Henry Miller égrillard devant une jeune femme nue qui se refuse, un mystérieux cortège en deuil attendant derrière une porte vitrée. Il y a un décor assumé type Cinecitta lourdingue, type coucher de soleil, annonciateur d’un Chabrol nous déclarant en catimini ne pas croire à ce film ? Là on comprend très vite qu’il faut laisser en berne les souvenirs affriolants à l’adolescence de lecture d’Henry Miller en visionnant une sublimation du sordide de ce génial écrivain. Que celui qui n’a jamais été émoustillé par la lecture de « Sexus » et autre me jette la première bobine de film… Suit un plan sur un exemplaire du journal du « Temps » gisant dans un caniveau, et des badauds marchant allégrement, dont le pas est égaillé par une post synchro des plus approximatives. Un Nigel Havers émacié et McCarthy campant Miller jeune homme se recueillent devant le corps de Manouche, une prostituée embaumée façon baroque, dont le corps va être incinéré. « Le cul de plus chaud de Paris, réduit en cendres ! » pérore le Havers. Havers et Mc Carthy sympathisent parlant de Proust et d’huîtres – de la chair bien vivante -sur fond de bière puis de Montrachet… Henri Attal passant par là, frime, prend son canotier et sort du restaurant. Les deux zigues ramènent une blonde platine « : « L’obscénité est la sainteté, le bien de la chair », citant D. H. Lawrence, déclare l’un…. « Pas de littérature, on est saturé » répond l’autre… Le ton est donné. Les compères sympathisent, les mouvements de caméras sont trop présents, le reste est une visite licencieuse des lieux mal famés de Paris version « cartepostalesque ».
Une orgie selon Chabrol, photo source « Toutlecine.com »
Un saugrenu propose à Miller de se détendre « … Comme la fleur du lotus prise par la neige ». L’érotisme soft, façon fin de soirée de la sinistre M6, est assez terne, mais la désabusion – chère à Nino Ferrer – est assez communicative. Arrive Stéphane Audran – Jeanharlowisée aussi – accompagnant tardivement les pérégrinations nocturnes des deux gus qui dissertent sur la cruauté du Pernod. Les deux larrons vont naviguer de fantasmes en fantasmes, sur fond de nostalgie proustienne. Arrive la supposée petite fille de Manouche – Stéphanie Cotta, fille de Michèle, disparue de nos écrans désormais -, dont la venue va gripper un peu un certain mécanisme d’insouciance forcée. La distribution est au final assez incongrue, les personnages féminins sont décrits avec une rare misogynie – elles sont vénales –comme la belle Barbara de Rossi mariée à un notable rouannais, jaloux et amateur de fromage, campé par… Dominique Zardi, répondant au doux prénom de Gustave. Il faut le voir affublé d’une fausse moustache envahissante et en prime l’entendre doublé en anglais… On retrouve Henri Attal se promenant durant tout le film, Mario Adorf en éditeur roublard, Anna Galiéna qui seule apporte un peu de charme dans un rôle amusant de femme quelque peu borderline, Thomas Chabrol, qui devait passer par là, et même Paul Bisciglia en poinçonneur du métro vindicatif – info ou intox ? -. Une arnaque chère à Chabrol, mais ce dernier jurait que « Le sang des autres » fut la dernière. Quand on lit au sujet de ce dernier film, la définition suivante semble répondre parfaitement à ces « jours tranquilles » : « ..C’est faire des trucs qui me font chier pour faire du pognon tout en montrant bien aux copains que ça me fait chier en même temps. Mentir au mec en lui promettant un beau film. Dieu sait si j’ai pratiqué !, mais je ne le fais plus. Réfléchissons : sur les dix ans, me suis-je tellement plus baladé qu’avant ? » (« Les cahiers du cinéma » N°437, novembre 1990). La vision de cette bizarrerie nous laisse un tantinet perplexe mais Chabrol devait nous régaler d’un de ces plus grands films par la suite avec « Betty », le plus grand rôle de Marie Trintignant.
2 choses
1/ ne vous fâchez pas, mais je préfère que vous vous soyez fait plagier, vu que la rubrique RIP me filait le bourdon. Le Coin Du Nanar, c’est plus rigolo!
2/ je vous remercie de m’avoir cité à l’occasion, ça me fait dire que au moins que ce soit pour vous ou pour moi, ce qui se retrouve sur notre blog ou site est produit intégralement par nos petites cellules grises, et quand c’est pas le cas, on cite et on cite très précisément. Hardi petit! Du nerf! Retournons!
Bravo de poursuivre le blog, ça fait quand même déjà cinq ans, maintenant!
Ravi de le revoir
Ravi de revoir le « Coin du nanar » ! Bonne continuation sur cette pente glissante… mais réjouissante !
Page disparue, perte de commentaires
Même problèmatique que pour Robert Etcheverry, si les utilisateurs de Canalblog peuvent me dire comment retrouver les pages disparues, merci de me le signifier.
Commentaires disparus :
Quelle triste idée!
C’est vraiment dommage cette décision. Avec toute l’énergie que vous avez consacrée à ce coup de gueule, vous auriez pu nous mitonner quelques RIP, comme celui à Christian Barbier que j’attends toujours.
Qu’importe finalement les plaigiaires? Des artistes que j’adore comme Reiser ou Audiard ont eu des dizaines de copieurs.
De qui se souvient-on aujourd’hui?
Posté par géry, 07 mai 2010 à 17:13
Je persiste et saigne
Hélas je persiste et saigne comme chantait le groupe Marc Seberg. C’est irrévocable, car comme on dit dans « mon Sud-Ouest », « t’es con ou t’es basque », hors je suis les deux. Ce qui ne m’empêchera peut-être d’évoquer dans l’avenir, via la rubrique « Fragments… », le chef opérateur William Lubtchansky, ou d’autres personnalités disparues comme la comédienne Germaine Delbat. Je promets aussi de faire l’hommage au comédien Christian Barbier.
Posté par Coinducinéphage, 08 mai 2010 à 10:42
A l’ami basque
J’avoue n’avoir pas tout saisi Christian.Mais je comprends parfaitement ton point de vue.L’un des travers du Net est justement cette propension à la facilité doublée de malhonnêteté de certains. Tu comprends aisément ce que je pense de
cette « cinéphilie » de suceurs de roue comme on dit en jargon cycliste.C’est d’ailleurs injuste pour les coureurs car eux,au moins,montent quand même les cols.A bientôt j’espère.
Posté par Eeguab, 08 mai 2010 à 16:53
R.I.P pas mort !!!
Même si je reviens sur les écrans de cinéma français mercredi prochain, j’anticipe mon retour pour vous adresser ce message préventif ( a ne pas confondre avec une menace ! ) : Méfi….Méfi….N’abandonnez pas la rubrique » RIP » sinon je serai contraint d’hanter les songes de toutes les Cécile ou tous les Christian que cette misérable terre emplis de succubes puisse encore porter ( Prénoms pris complétement au hasard, vous me l’accorderez ! )
Cauchemardement Votre,
Freddy Krueger
Posté par Freddy Krueger, 08 mai 2010 à 21:52
no comment (enfin, si).
Mon cher Christian,
Tu sais mieux que personne ce que je pense des mauvais plagiaires (des baffes !!), même si depuis quelques minutes, l’expression « suceurs de roue » (empruntée au commentateur précédent, contrairement à nos amis copistes, je site volontiers mes sources) me paraît à la fois plus pertinente et plus jouissive.
Tu sais également ce que je pense de l’arrêt de RIP.
Je me réjouis, en parcourant ces premiers commentaires déposés par les uns et les autres, de voir que tu as été entendu, et que ta position a été perçue pour ce qu’elle est : une colère légitime et fondée, à en juger notamment par le copié-collé sans source de ton portrait sur l’affreuse page spacienne consacrée (grand mot) à Jean Luisi, beaucoup plus que comme le discours un peu redondant d’un donneur de leçons prêchant l’exemplarité à tout va.
Et donc, avec toi, de tout coeur.
Armel.
Posté par armel de lorme, 08 mai 2010 à 21:59