Avant-première lundi 12 avril à l’UGC-Cité-Ciné, en présence de Benoît Delépine, de Mammuth film qu’il a coréalisé avec Gustave Kervern. Il a ensuite filé pour un débat à l’Utopia. Serge Pilardosse vient d’avoir 60 ans. C’est Gérard Depardieu qui joue ce rôle, ici dans sa meilleure interprétation depuis assez longtemps, un contemporain de la moto « Münch Mammuth » crée en 1973, l’année où il tournait dans « Les valseuses ». Il a droit pour son pot de départ à la retraite en tant qu’équarisseur dans un abattoir porcin, à un discours assez gratiné et à un superbe cadeau… un puzzle ! – Il faut voir Depardieu le regarder comme une poule, un couteau -. L’heure des comptes a sonné, pour retrouver les annuités et les trimestres manquants pour avoir une retraite à taux plein. Sa femme – Yolande Moreau jubilatoire -, employée dans un supermarché s’inquiète de voir son mari devenu oisif et qui tourne dans l’appartement comme un lion dans une cage. Elle le pousse à retrouver les trimestres manquants. Il enfourche donc sa mythique moto …une Mammuth , et part à la recherche de ses états de service dans les années 70, accompagné du fantôme de son amour perdu – étonnante Isabelle Adjani – disparue dans un accident, qui veille sur lui. S’en suivent des rencontres rocambolesques, des retrouvailles incongrues – celle avec son cousin joué par Albert Delpy, dans une scène promise à devenir culte -, de chasse vaine aux fiches de paies et de mauvaises rencontres – étonnante Anna Mouglalis, dont le personnage a trouvé un solution bien à elle pour régler les problèmes de retraites ! –
Yolande Moreau & Gérard Depardieu dans « Mammuth » (source Ad Vitam Distribution)
Mélange de drame et de drôlerie telle la scène où Bruno Lochet en père de famille pendu à son téléphone, pleure d’être loin de sa progéniture. On connaît l’admiration que portent nos deux compères à Aki Kaurismaki, nous sommes ici au même niveau. On est ainsi un tantinet vengé de l’insupportable habitude de certains de nos congénères qui se répandent allégrement sur leurs portables, bien qu’ici Lochet apporte une touche d’émotion. La distribution comme souvent chez Delépine/Kervern est hétéroclite, outre ceux cités, il y a l’étonnante Miss Ming en nièce artiste – l’équivalent d’une Muni chez Luis Buñuel -, Catherine Hosmalin – voir la mise à jour de sa fiche ici -, Benoît Poelvoorde en « concurrent » à la chasse au trésor, Bouli Lanners en recruteur libidineux, Philippe Nahon en directeur de maison de retraite fatigué, Siné en viticulteur méprisant, Dick Annegarn en fossoyeur chanteur, le dessinateur Blutch en employé de caisse de retraite circonspect. Et il y a même une apparition « artistique » de Noël Godin en…. Tartobole ! La présentation par Bruno Delépine fut très intéressante, notamment à propos de l’adhésion de Gérard Depardieu en 20 minutes après une première rencontre dans son restaurant avec les deux loustics. Delépine assez étonné l’a recontacté pour avoir confirmation mais il avait donné sa parole, en affirmant dans un message que Delépine a gardé longtemps sur son répondeur « Entre pompiers on ne se marche pas sur le tuyau ». Il a également évoqué celle d’Isabelle Adjani, comme eux timide mais avec un grain – c’est elle qui filme Depardieu dans certaines scènes en 16 millimètres. Il a parlé du vin –Bordeaux oblige – en évoquant l’idée d’un film festif sur l’alcool, confiant l’abstinence record de Depardieu sur le tournage et l’évolution du festival de Caïen – surveillé par la police –. Au final, avec ce film, collant parfaitement au malaise du temps, le duo confirme une singularité très salvatrice.
Hello
Je suis fasciné par le talent qu’il faut à un acteur grand bourgeois et nageant dans l’opulence financière comme GD pour jouer un ouvrier smicard ou peu s’en faut, équarisseur de porcs! Ca va peut-être me réconcilier avec « le Gros », qui joue vraiment dans n’importe quoi et me gonfle sérieux quand je l’entends débiter des âneries bien calibrées chez Denisot ou autre.
Vous noterez que le cinéma français montre peu de smicards dans la daube et un peu trop d’amours gentillettes apolitiques et « asociales » (merci, Rohmer, qui a infecté le cinéma français avec sa vision nunuche catastrophique de la société) dans des comédies à la mords-moi-le-noeud, mi figue mi raisin, douce amères, entre chien et loup poil au nez…
Donc, une bonne raison d’aller voir le film des deux briscards… à bientôt…
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