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Fragments d’un dictionnaire amoureux : Jacqueline Doyen

 

Jacqueline Doyen dans l’épisode #1 des « 40 coups de Virginie »

L’annonce de la mort de Jacqueline Doyen, née le 14 février 1930, à Paris nous confirme le site des « Gens du cinéma », au début du mois de septembre, plus chaleureux que l’absence d’hommage à la mort de certains seconds rôles, grâce aux informations du « Courrier de Mantes », journal de Mantes-la-Jolie (78) où elle est morte ce 3 septembre. Ces informations nous rappellent à notre bon souvenir ses rôles enlevés dans bien des comédies, et même parfois dans des petits films égrillards. A l’instar de son dernier rôle, une grande bourgeoise énergique dans « Sam suffit » (1991), elle faisait preuve d’une énergie fabuleuse. Dans « Vas-y maman » (Nicole de Buron, 1978), elle volait même la vedette au couple Annie Girardot-Pierre Mondy. Quoi de plus normal de jouer une mère d’une femme née en 1931, pour une comédienne née en 1930 !, en l’occurrence celle de la grande Annie. C’était l’une des bizarreries habituelles de certaines distributions dans notre cher cinéma français, mais sa composition et une coiffure poivre et sel pouvait faire la farce. Il fallait la voir se plaindre que sa fille ne l’appelle au téléphone que quand elle a besoin d’elle. Elle répond d’ailleurs dans une atmosphère enfumée, jouant aux cartes avec des amis de sa génération, et l’on sent très vite la roublardise de son personnage aimant à culpabiliser sa fille. S’occupant de ses petits enfants, elle a bien évidemment des rapports conflictuels avec son beau-fils, joué par Pierre Mondy, qui la raille constamment en l’appelant « Madame Fout la merde ». Suite à une habituelle scène énervée, elle répond au couple en désignant son beau-fils et en s’adressant à sa fille, « Je veux bien garder tes enfants, mais pas les siens ! ». Un vrai festival montrant les capacités de cette comédienne. Elle joue souvent des femmes de caractère, comme l’épouse narquoise de Jacques François qui campe un vieux général russe réactionnaire dans « Twist again à Moscou » (1986). Elle n’hésite pas à le contredire lors d’un banquet, quitte à lui jeter des boulettes de pain au visage, quand elle est en cours d’arguments. Le cinéma hélas fut pour elle assez peu imaginatif, sauf pour Louis Malle, l’utilisant comme l’une des silhouettes récurrentes de « Zazie dans le métro », où dans « Vie privée », où elle jouait une sorte de nounou chargée de s’occuper des états d’âmes du personnage joué par Brigitte Bardot. Mais elle marquait le moindre de ses petits rôles, comme celui de la postulante recalée pour cause de maturité, pour être vendeuse dans le « Sex-Shop » de Claude Berri (1972), elle repart dépitée, pensant pourtant que son expérience aux « Bains-douches » la légitimait dans cet emploi ! Dans « Les Mohicans de Paris » (1973) et sa suite « Salvator et les Mohicans de Paris » (1975, elle est l’habilleuse de Danielle Volle, un personnage « pète-sec » toujours à rouspéter, mais sur lequel on peut compter en cas de problème. Nous garderons le souvenir de ses savoureuses compositions dans quelques comédies franchouillardes aussi bien que soignées. Ludovic Vincent dans son hommage dans « Le courrier de Mantes » du 06/09/2006, la citait : « Le Dindon, ça j’en suis fière. Le reste, ce n’est pas grand-chose. Je ne suis pas une star. Même si j’aurais aimé être Simone Signoret. Mais il ne faut pas avoir la grosse tête… ».

A déplorer aussi ce mois de septembre, les morts des comédiens Bachir Touré et Nicolas Vogel – excellent chez Claude Sautet notamment – selon « La gazette du doublage », du culte (culturiste) Mickey Hargitay, célèbre M. Jayne Mansfield, du rféalisateur Rémy Belvaux – frère de Lucas – et du grand chef opérateur Sven Nykvist, dont on peut retrouver un portrait dans le très bon site Internet Encyclopedia of Cinematographers.

 Jacqueline Doyen dans « Salvator et les Mohicans de Paris »

Filmographie, établie avec Christophe Bier & Armel de Lorme :1956 Le salaire du péché (Denys de la Patellière) – La roue (André Haguet) – 1957  L’étrange monsieur Stève (Raimond Bailly) –  Fernand clochard (Pierre Chevalier) – La bonne tisane (Hervé Bromberger) – Les œufs de l’autruche (Denys de la Patellière) – 1958  Asphalte (Hervé Bromberger) – 1960  Zazie dans le métro (Louis Malle) – 1961  Vie privée (Louis Malle) – 1962  Nous irons à Deauville (Francis Rigaud) – La vendetta (Jean Chérasse) (1) – Parigi o cara (Vittorio Caprioli) – 1967  Fleur d’oseille (Georges Lautner) – 1969  L’homme-orchestre (Serge Korber) – Une veuve en or (Michel Audiard) – 1970  Le cri du cormoran, le soir au-dessus des jonques (Michel Audiard) – 1971  Le drapeau noir flotte sur la marmite (Michel Audiard) – 1972  Sex-Shop (Claude Berri) – 1973  Ursule et Grelu (Serge Korber) – OK Patron (Claude Vital) – Juliette et Juliette (Rémo Forlani) – On s’est trompé d’histoire d’amour (Jean-Louis Bertuccelli) – Comment réussir… quand on est con et pleurnichard (Michel Audiard) – 1974  Le rallye des joyeuses (signé Alain Nauroy, mais réalisé en fait par Serge Korber) – Sexuellement vôtre (Max Pécas) – Soldat Duroc, ca va être ta fête (Michel Gérard) -Hard Love / La vie sentimentale de Walter Petit (John Thomas [pseudonyme de Serge Korber]) – Salut les frangines / C’est si bon à 17 ans ( Michel Gérard) – Ce cher Victor (Robin Davis) – 1975  Docteur Françoise Gailland (Jean-Louis Bertuccelli) – Indécences (Jack Régis [pseudonyme d’Alain Nauroy]) – Perversions / La grande perversion / Les amours difficiles (Peter Rafaël [pseudonyme de Raphaël Delpard]) – L’essayeuse (John Thomas, [pseudonyme de Serge Korber]) – 1976  Cours après moi que je t’attrape (Robert Pouret) – Le juge Fayard dit « Le Shérif (Yves Boisset) – Dis bonjour à la dame (Michel Gérard) – 1977  Monsieur Papa (Philippe Monnier) – Tendre poulet (Philippe de Broca) – Diabolo menthe (Diane Kurys) – 1978  Vas-y maman (Nicole de Buron) – Je vous ferai aimer la vie (Serge Korber) – Coup de tête (Jean-Jacques Annaud) – Le coup de sirocco (Alexandre Arcady) – Cause toujours… tu m’intéresses ! (Édouard Molinaro) – 1979  Nous maigrirons ensemble (Michel Vocoret) – Gros câlin (Jean-Pierre Rawson) – 1980  Pile ou face (Robert Enrico) – Voulez-vous un bébé Nobel ? (Robert Pouret) – Viens chez moi, j’habite chez une copine (Patrice Leconte) – 1981  La vie continue (Moshe Mizrahi) – Mille milliards de dollars (Henri Verneuil) – 1982  Better late than never (Ménage à trois) (Bryan Forbes) – Coup de foudre (Diane Kurys) – 1983  Charlots Connection (Jean Couturier) – Le garde du corps (François Leterrier) – 1984  The frog prince (Brian Gilbert) – Adieu Blaireau (Bob Decout) – 1986  Twist again à Moscou (Jean-Marie Poiré ) – Club de rencontres (Michel Lang) – 1987  Chouans ! (Philippe de Broca) – 1991  Sam suffit (Virginie Thévenet). (1) Nota : Jacqueline Doyen n’apparaît pas dans « La vendetta » (Jean Chérasse, 1962), bien que ce titre soit crédité dans sa filmographie de « L’ABC du cinéma ». Télévision notamment : 1973  Joseph Balsamo (André Hunebelle, série TV) – Les Mohicans de Paris (Gilles Grangier, série TV) – 1975  Salvator et les Mohicans de Paris (Bernard Borderie, série TV) – L’arc de triomphe (Jacques Samyn, captation) – 1976  Les cinq dernières minutes : Un collier d’épingles (Claude Loursais) – Comme du bon pain (Philippe Joulia, série TV) – Marions les vivantes (Gilles Grangier) – 1979  Histoires de voyous : Le concierge revient tout de suite (Michel Wyn) – Les 400 coups de Virginie (Bernard Queysanne, épisode 1) – Les amours de la belle époque : Mon oncle et mon curé (Jean Pignol) – 1980  Histoires de voyous : Le concierge revient tout de suite (Michel Wyn) – L’enterrement de monsieur Bouvet (Guy-André Lefranc) – Julien Fontanes, magistrat : Les mauvais chiens (Guy-André Lefranc) – 1981  La vie des autres : Vasco (Alain Quercy) – 1982  Au théâtre ce soir : Pieds nus dans le parc (Pierre Sabbagh) – 1986  La fille sur la banquette arrière (Marion Sarraut, captation) – Le dindon (Pierre Badel, captation) – Julien Fontanes, magistrat : Retour de bâton (Guy-André Lefranc) – 1987  Les enquêtes Caméléon : Un panier de crabes (Philippe Monnier) – 1988  La valise en carton (Michel Wyn, série TV) – 1989  La grande cabriole (Nina Companeez, série TV) – Les enquêtes du commissaire Maigret: L’amoureux de madame Maigret (James Thor) – 1991  Pas une seconde à perdre (Jean-Claude Sussfeld) – 1992  Tiercé gagnant (André Flédérick) – À vous de décider : Famille sacrée (Alain Wermus). Non daté : « Vivement dimanche » (1 épisode). Mise à jour du 30/08/2011 

FRAGMENTS D’UN DICTIONNAIRE AMOUREUX : JONATHAN ZACCAI

Photo « Ubba »

François Berléand se souvient de Jonathan Zaccaï, sur la pièce « L’enfant Do » de Jean-Claude Grumberg, mise en scène par Jean-Michel Ribes, comme d’un comédien délicieux et drôle, inquiet de son avenir, dans l’attente d’obtenir une réponse de François Favrat, pour jouer dans le film « Le rôle de sa vie ». Engagé sur ce film, il nous offre une nouvelle fois la confirmation de son grand talent, tenant jeu égal avec Agnès Jaoui et Karin Viard : il est Mathias Curval, un arboriculteur compétent, secret et lucide devant le jeu des apparences, partagé par l’amour pour une comédienne célèbre et pour une femme réservée qui dévoile un beau talent d’écriture en devenir, une performance pour un rôle formidablement juste. On découvre ce Belge, né le 22 juillet 1970 à Bruxelles, en 1990 dans « La révolte des enfants », où il tient le rôle de »Grande Gueule », fort caractère d’une maison de correction pour enfants et jeunes adultes. Ce lieu carceral, qui se veut humaniste, telle une « colonie paternelle », par son directeur utopiste – André Willms -, subit la loi d’un maton sadique joué avec délectation par Michel Aumont. « Grande Gueule », meneur évident d’une mutinerie, se retrouve dépassé par un adolescent raisonneur. La fougue de son interprétation laisse déjà présager la forte présence de Jonathan Zaccaï. Il retrouve ensuite un personnage de premier plan dans la co-production franco-polonaise « Coupable d’innocence » en maître-horloger, accusé à tort de l’assassinat d’un aristocrate, mais le film connaît une audience confidentielle. C’est avec « Petite chérie », en 1999, qu’il trouve l’un de ses meilleurs rôles, dans un personnage calculateur à froid, il faut le voir tel un oiseau de proie guetter sa prochaine victime, puis jetant son dévolu sur le personnage de Sybille (Corinne Debonnière), pour mieux exploiter son mal de vivre et subsister aux crochets de ses parents (Patrick Préjean et Laurence Février) qui trouvent malgré tout une satisfaction de voir enfin leur fille « casée ». Il est réellement impressionnant dans ce rôle, devenant de plus en plus odieux, même si au final, il ne se révèle pas le personnage le plus monstrueux du film… Suit un rôle plus romantique dans « Reine d’un jour » de Marion Vernoux, puis « Bord de mer » (caméra d’or à Cannes en 2002), où il joue avec brio un personnage de maître-nageur falot d’une station balnéaire, résigné sur son sort, en opposition avec le désir de changement de sa femme, Marie (Hélène Fillières). On le retrouve en professeur timide, objet de fascination d’un adolescent alors qu’il tombe amoureux de sa mère jouée par Ariane Ascaride, dans « Ma vraie vie à Rouen » d’Olivier Ducastel & Jacques Martineau. Dans « Le tango des Rashevski » comédie dramatique subtile sur la question de l’identité du judaïsme d’une famille unie, en frère non pratiquant du personnage de Nina (Tania Gabarski, propre fille du réalisateur), aimée d’Antoine, qui veut changer de religion en guise de preuve d’amour (Hippolyte Girardot). Jonathan fait preuve d’une belle énergie et d’humour dans ce film humaniste, superbe réussite dans la lignée des meilleures comédies de l’âge d’or du cinéma italien. A noter qu’il retrouve ce même thème de la mémoire au théâtre dans la pièce de Jean-Claude Grumberg, et bien que n’ayant jamais joué sur les planches depuis l’école, se retrouve très à l’aise face aux formidables François Berléand – qu’il retrouvera comme beau-père dans le film « Le plus beau jour de ma vie » – et Chantal Neuwirth, en jeune père chômeur.

Dans « Le plus beau jour de ma vie »

Il est désormais très demandé, en raison de la richesse de son registre. Dans « Les revenants « , au sujet original – une petite communauté se demande comment intégrer chez eux des zombies ! – il a une présence incroyable, en ancien mort inquiétant, mari de Géraldine Pailhas. Angoissant et sur actif, il apporte une atmosphère fantastique, dans un jeu minimaliste. Tour de force, il passe dans la même année du registre léger de la comédie de Julie Lipinski, à celui noir et lucide de Jacques Audiard. En jeune premier désinvolte dans « Le plus beau jour de ma vie », il forme un couple incertain avec Hélène de Fougerolles, avec un bel abattage. Ballotté par les événements, il subit les situations et les compromissions, avec de petites lâchetés – le mariage à l’église accepté au chevet de sa grand-mère -, et les influences des copains proches. Dans « De battre mon cœur, s’est arrêté », il est Fabrice, un marchand de biens, associé à Romain Duris et Gilles Cohen, aux méthodes violentes, et personnage veule, mari infidèle d’Aline – Aure Attika -. Il affronte ce rôle d’une antipathie redoutable avec panache et réalisme. Il est pressenti pour jouer dans le film de Steven Spielberg « Mossad » première version de « Munich », mais il ne participe finalement pas au casting final. Sa pratique de haut niveau du violon lui permet d’être l’interprète idéal de l’inventive comédie « Toi et moi », où il campe un musicien romantique tombant amoureux de Marion Cotillard. C’est sa troisième collaboration avec Julie Lopez-Curval, qui s’amuse à dynamiter les codes du roman-photo. Dans le téléfilm en deux parties « La blonde au bois dormant », hélas un peu conventionnel, il montre une nouvelle fois son grand talent, dans le rôle d’un policier bordelais dont la personnalité est assez trouble et qui finit par séduire le personnage joué par l’excellente Léa Drucker, qui recherche sa soeur disparue. Les rôles s’étoffent, comme dans « Vent mauvais », où il est un informaticien en intérim dans un supermarché, qui derrière une nonchalance apparente comprend les règles du lieu. Il est impressionnant dans « La chambre des morts » – il avait remplacé pour ce film son compatriote Jérémie Rénier au pied levé -, en ami de Gilles Lellouche révélant sa véritable personnalité au détour d’un accident. Entre violence et lâcheté, son jeu y est d’une grande force. Dans « Les yeux bandés », son personnage retrouve son frère de lait incarné par Guillaume Depardieu, après des années d’absence. Partagé entre sa nouvelle vie et la volonté de défendre son frère accusé de viol, il est rattrapé par son passé. Il retourne à l’ambiguïté dans « Élève livre » en professeur pervers utilisant son autorité pour se livrer à la transgression avec un jeune adolescent – Jonas Bloquet -. Il nous donne à nouveau une composition très fine face à ce rôle particulièrement périlleux -. Il excelle dans la comédie douce amère et subtile « Simon Konianski », sortie en 2009, en professeur de philosophie désoeuvré retournant vivre chez son père – Popeck dans son plus grand rôle -. A la ferveur d’un voyage initiatique qu’il fait avec son fils, il comprendra l’importance du vécu de son père, ancien déporté, par son histoire avec laquelle il se sentait encombré. Son personnage assez immature est à la fois drôle et émouvant. Toujour inventif Jonathan Zaccaï apporte beaucoup à ses personnages, l’idée de la minerve venant de lui selon le réalisateur Micha Wald. Ce comédien modeste et abordable, ne réalisant pas son entrée dans « la lumière » peut prétendre à une reconnaissance internationale. Audacieux, il est sans contexte un des meilleurs acteurs de sa génération. Chacun de ses films est une nouvelle occasion de montrer la subtilité de son jeu. Il a signé avec bonheur deux court-métrages dont une comédie déjantée avec « Sketches chez les Weiz » en 1999, mais aussi « Comme James Dean » qui reçoit le prix Orange 2005, ce qui devrait augurer chez lui de nouvelles belles perspectives.

Jonathan Zacccaï, photo © R. Schroeder

Filmographie : 1990  La révolte des enfants (Gérard Poitou-Weber) – 1991  Coupable d’innocence / Kiedy Rozum Spi (Marcin Ziebinski) – 1994  3000 scénarios contre un virus : L’attente (Daniel Vigne, CM) – 1995  Luc et Marie (Philippe Boon & Laurent Brandenbourger, CM) – 1999  Petite chérie (Anne Villacèque) – Sketches chez les Weiz (+ réalisation, CM) – Very basic instinct (Vanessa Zambernardi, CM) – 2000  Reines d’un jour (Marion Vernoux) – Les déclassés (Tony Baillargeat) – 2001  Mademoiselle Butterfly (Julie Lopez-Curval, CM) – Bord de mer (Julie Lopes-Curval) – Ma vraie vie à Rouen (Olivier Ducastel & Jacques Martineau) – Je suis venu pour elle (Ivan Taïeb) – 2002  Le tango des Rashevski (Sam Gabarski) – 2003  Le rôle de sa vie (François Favrat) – Les revenants (Robin Campillo) – 2004  Les parallèles (Nicolas Saada, CM) – Le plus beau jour de ma vie (Julie Lipinski) – De battre son cœur s’est arrêté (Jacques Audiard) – Entre ses mains (Anne Fontaine) – 2005  Toi et moi (Julie Lopez-Curval) – Paris je t’aime [épisode « Le 8 à 8 d’Angelina Jolie »] (Christoffer Boe, sketche coupé au montage final) – 2006  Vent mauvais (Stéphane Allagnon) – Les yeux bandés (Thomas Lilti) – Par amour (Aure Attika, CM) – 2007  La chambre des morts (Alfred Lot) – Élève libre (Joachim Lafosse) – 2008  Simon Konianski (Micha Wald) – 2009  Blanc comme neige (Christophe Blanc) – Quartier lointain (Sam Gabarski). Comme réalisateur : 1999  Sketches chez les Weiz, court-métrage – 2006  Comme James Dean, court-métrage.

Théâtre : 2002 L’enfant do de Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Jean-Michel Ribes.

Télévision (notamment) : 1995 Highlander : Take by the night (Paolo Barzman) – 1996 Strangers : costumes – Lifeline – 1997 Sous le soleil (plusieurs réalisateurs) – 2005  La blonde au bois dormant (Sébastien Grall) – 2008  A New York thing (Une aventure New-Yorkaise) (Olivier Lecot).

Remerciements à Jonathan Zaccaï & François Berléand (Mise à jour du 10/08/2009)

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Gérard Brach

Gérard Brach en 1987 Son dernier scénario, « Minor », pour Jean-Jacques Annaud, se tourne en Espagne Ph Camera Press

Annonce de la mort du discret Gérard Brach, qui disait écrire des histoires compliquées avec des idées simples. C’est l’un des créateurs les plus singuliers du cinéma français, son univers était suffisamment riche pour s’adapter à des récits cosmopolites souvent chez de grands réalisateurs Danièle Parra et Pierre Laurenti le présentait ainsi : « Gérard Brach ne sort jamais de son appartement parisien. Le monde, il le parcourt en observant ses chats ou en jetant son regard clair au plus profond de nos angoisses. Sans principes, ni règles, il pratique l’art de rêver sous liberté contrôlée » (1). De ses névroses – il était à la fois agoraphobe et claustrophobe -, il pouvait installer des climats inquiétants à des récits d’angoisses ou picaresques « Je suis quelqu’un d’extrêmement angoissé qui en même temps n’est pas complètement sérieux. Ce sont souvent les plus angoissés qui manifestent le plus de fantaisie » (1). Souffrant de la tuberculose, le surréalisme l’aide à tenir de plusieurs années passées en sanatorium. Il fait la rencontre la plus importante rencontre de sa vie, avec le cinéaste Roman Polanski sur le tournage du film « L’amour à 20 ans » – il travaillait dans une agence de presse, et il s’occupait du sketch de Wajda -. Suivent une prolifique collaboration, ils collaborent aussi ensemble au curieux « Aimez-vous les femmes ? » de Jean léon, teinté d’humour noir avec Guy Bedos et Sophie Daumier. Avec lui, il aussi à l’aise dans des récits fantastiques – « Répulsion », « Le locataire » -, parodiques – le jubilatoire « Bal des vampires », d’aventures – le mésestimé « Pirates », ou dans les adaptations littéraires – « Tess ». Il pouvait aussi bien travail chez le rigoureux Michelangelo Antonioni, l’imaginatif Otar Iosseliani, que chez le corrosif Marco Ferreri, avant de suivre Jean-Jacques Annaud dans des films ambitieux. Ces dernières années, il aidait à l’écriture de nombreux jeunes metteurs en scène, Delphine Gleize par exemple. Comme réalisateur, il avait signé deux films en 1970, « La maison » avec le génial Michel Simon, et « Le bateau sur l’herbe », original récit d’un jeune homme oisif et désabusé qui achète un bateau pour gagner « L’île de Pâques », navire qui restera sur la pelouse de la maison familiale. On ne peut que déplorer la relative discrétion autour de la mort de cet auteur complet, bien à son image.

(1) « La revue du cinéma N°416 » en 1986.

Filmographie : Comme réalisateur-scénariste : 1969 Des bleuets dans la tête (CM) – 1970  La maison – Le bateau sur l’herbe – 1985  Le papillon et le dragon (CM, + musique). Comme scénariste : 1963  Les plus belles escroqueries du monde [épisode « La rivière de diamants »] (Roman Polanski) – Repulsion (Répulsion) (Roman Polanski) – Aimez-vous les femmes ? (Jean Léon, + musique) – 1965  Cul-de-sac (Id) (Roman Polanski) – 1966  Le vieil homme et l’enfant (Claude Berri) – G.G. passion (David Bailey, CM) – 1967  The fearless vampire killers (Le bal des vampires) (Roman Polanski) – Le départ (Jerzi Skolimowski) – La fille d’en face (Jean-Daniel Simon) – 1968  Wonderwall (Id) (Joe Massot) – La promesse (Paul Feyder & Robert Freeman) – 1972  Che ?/ What ? (Quoi ?) (Roman Polanski) – 1974  Chinatown (Id) (Roman Polanski, adaptation française seulement) – 1975  Emmanuelle 2 (Francis Giacobetti & Francis Leroi) – La table (Éric Brach, CM) – 1976  Le locataire (Roman Polanski) – 1977  Ciao maschio (Rêve de singe) (Marco Ferreri) – Le point de mire (Jean-Claude Tramont) – 1978  Tess (Id) (Roman Polanski) – 1979  Chiedo asilo (Pipicacadodo) (Marco Ferreri) – Chère inconnue (Moshe Mizrahi) – 1980  Le cœur à l’envers (Franck Apprederis) – La guerre du feu (Jean-Jacques Annaud) – 1982  Identificazione di una donna (Identification d’une femme) (Michelangelo Antonioni) – Une pierre dans la bouche (Jean-Louis Leconte) – L’Africain (Philippe de Broca) – 1983  La femme de mon pote (Betrand Blier) – 1984  Équinoxe (Olivier Chavarot, CM) – Dagobert (Le bon roi Dagobert) (Dino Risi) – Maria’s lovers (Id) (Andreï Konchalovsky) – Les favoris de la lune (Otar Iosseliani) – Les enragés (Pierre-William Glenn) – Gaz el banat (Une vie suspendue / L’adolescente sucre d’amour) (Jocelyne Saab) – Les enragés (Pierre-William Glenn) – 1985  Le meilleur de la vie (Renaud Victor, collaboration scénaristique) – Jean de Florette (Claude Berri, + version TV) – Manon des sources (Claude Berri, + version TV) – Pirates (Id) (Roman Polanski) – 1986  Le nom de la rose (Jean-Jacques Annaud) – Fuegos (Alfredo Arias) – Où que tu sois (Alain Bergala) – 1987  Shy people (Le bayou) ((Andreï Konchalovsky)) – Frantic (Id) (Roman Polanski) – 1988  L’ours (Jean-Jacques Annaud) – Domino (Ivana Massetti) – 1990  I divertimenti della vita privata (Les amusements de la vie privée) (Cristina Comencini) – 1991  Un jour comme un autre (Sylvie Ballyot, CM) – City of joy (La cité de la joie) (Roland Joffé ) – L’amant (Jean-Jacques Annaud) – Bitter Moon (Lune de fiel) (Roman Polanski) – 1994  Le mangeur de lune (Daï Sijie) – 1995  Anna Oz (Éric Rochant) – 1998  Il fantasma dell’opera (Le fantôme de l’Opéra) (Dario Argento) – 2001  La nuit de noces (Éliette Abécassis, CM) –  La guerre à Paris (Yolande Zauberman) – L’idole (Samantha Lang) – 2003  Blueberry l’expérience secrète (Jan Kounen) – Pornografia (La pornographie) (Jan Jakub Kolski) – 2006  Sa majesté Minor (Jean-Jacques Annaud). Télévision : 1983  L’étrange château du docteur Lerne (Jean-Daniel Verhaeghe) – 1985  Esclave et pharaons (Patrick Meunier) – 1987  Les idiots (Jean-Daniel Verhaeghe) – 1988  Le sacrifice (Patrick Meunier) – 1990  La nuit des fantômes (Jean-Daniel Verhaeghe) – Cadavres exquis : Pour le restant de leurs jours (Peter Kassovitz). Interprétation : 1987  Les amoureux du cinéma (Philippe Le Guay, TV) – 1989  Cinématon N° 1094 (Gérard Courant, CM) – 1992  De domeinen ditvoorst (Thom Hoffman, documentaire).

JE VAIS BIEN, NE T’EN FAIS PAS

Avant-première le lundi 21 août dernier, du dernier film de Philippe Lioret, en sa présence et celles de Mélanie Laurent, Julien Boisselier et Kad Mérad. C’est l’adaptation du roman éponyme d’Olivier Adam, qui avait déjà fait l’objet d’une autre adaptation très réussie « Poids léger » de Jean-Pierre Améris. Il a co-signé l’adaptation avec le romancier, pour la petite histoire, c’est une émission de radio où l’auteur parlait de son livre, qui lui a donné l’idée d’adapter cette œuvre. Lili – Mélanie Laurent absolument remarquable -, rendre d’un séjour d’un mois en Espagne, avec son amie – Aïssa Maïga excellente -, accompagnée de son compagnon – Julien Boisselier, renouvelant son emploi habituel d’amoureux trentenaire -. Quand ses parents – Isabelle Renauld et Kad Mérad, probants -, viennent la chercher, elle sent rapidement que quelque chose ne va pas à la mine attristée de ses parents. Son frère jumeau Loïc, vient de fuguer sans donner de nouvelle. Il est coutumier de violentes disputes avec son père, mais cette fois là ils semblent avoir atteint un point de non-retour. Lili, très proche de son frère s’étonne de son silence, et s’inquiète, puis s’insurge devant la résignation et la passivité de ses parents devant cette disparition. Déstabilisée, par la situation dont elle n’a aucune responsabilité, elle sombre dans l’anorexie… Le réalisateur a trouvé la juste mesure entre le drame et l’émotion, sans une once de pathos. Après un parcours exemplaire comme ingénieur du son, il a réussit à faire une œuvre marquante en 5 films, en étant aussi bien à l’aise dans la comédie que dans le romanesque,  Lioret a un grand sens des non-dits, il instille une humanité à ses personnages. Avec sobriété et sans esbroufe, il nous tient en haleine, évitant ce qui pourrait être chez d’autres la simple exploitation de ficelles scénaristiques.

Mélanie Laurent & Philippe Lioret

Mélanie Laurent rayonne dans son rôle de jeune femme meurtrie, dépassée par sa souffrance, qui cherche des raisons d’exister avec la perte de son alter-ego, Loïc, musicien chanteur doué dont personne n’arrive à expliquer son comportement. C’est une étude de mœurs faite avec beaucoup de rigueur, sur la difficulté de communiquer au sein d’une famille – voir l’idée d’une émission TV animée par Patrick Sébastien, meublant ce vide affectif -. L’évocation de l’anorexie est faite avec beaucoup de respect et sans voyeurisme. Sentant la difficulté d’en parler dans une chambre d’hôpital. Mélanie Laurent a tourné ces scènes un mois après la fin des autres scènes, en devant respecter un régime très strict. Là où Philippe Lioret est remarquable, c’est par l’utilisation d’une comédienne conseillée par une assistante qui avait connu une jeune femme anorexique lors d’un tournage de court-métrage. L’acuité de son regard – elle partage la chambre de Lili – est simplement inoubliable, car il y a ici une véritable interprétation et ce fait il n’y a pas de misérabilisme dans ce personnage mutique.

Isabelle Renauld, Kad Merad & Mélanie Laurent

Isabelle Renauld et Kad Merad, en parents impuissants, sont remarquables de subtilité et de pudeur. Le reste de l’interprétation est à l’avenant, comme toujours chez Lioret, citons Jean-Yves Gautier saisissant en psychiatre déterminé, Blandine Pélissier en employée d’hôtel d’un abord réfrigérant ou Martine Chevallier en infirmière revêche. Le débat d’après film prolongeait le plaisir du film. Mélanie Laurent lumineuse porte le film avec une grande force. Philippe Lioret parlait avec une grande chaleur de son travail, Julien Boisselier lui a rendu un hommage particulièrement émouvant, en parlant de ses qualités de directeur d’acteurs et Kad Merad fidèle à lui-même faisait preuve de son humour habituel – en disant mais c’est un public polonais, il n’est donc pas nécessaire de lui parler -. Par un hasard de calendrier, on a découvert cette année la très riche palette de Merad, passant de la farce « Un ticket pour l’espace », « Essaye-moi », il était particulièrement émouvant dans « Les irréductibles » digne d’être dans la tradition des « grands excentriques du cinéma français », et dans son rôle de glandeur sympathique dans J’invente rien. Il prouve encore ici son grand talent de comédien, instillant de l’humour mais avec retenue, à l’exemple du moment où il manque de faire brûler sa viande. Il est assez difficile de parler du film, qualifié avec justesse de thriller social par son auteur, afin de le préserver, rendez-vous donc ce 6 septembre.

THE OFFICE VS LE BUREAU

Ricky Gervais

Sortie DVD de la série culte de la BBC « The office », soit 12 épisodes de 29 minutes de 2001 à 2002, + 2 épisodes plus long dans un spécial Noël de 2003, formant un épilogue. C’est l’occasion de découvrir l’univers de Ricky Gervais, humoriste anglais particulièrement mordant. On avait vu en début d’année sur TPS, « Extras », hilarante série sur deux figurants aigris, hantant les tournages, et bénéficiant de guest stars, succès précédent oblige, comme Samuel L. Jackson et Ben Stiller particulièrement désopilants et se parodiant eux-mêmes. Co-écrite avec Stephen Merchant, « The office » se présente sous la forme d’un reportage pris sous le vif, façon « Strip-tease » – émission belge culte passant régulièrement sur France 3 -, sur une plateforme de travail, dans les bureaux d’une importante société de ramettes de papier. Les caméras filment les employés, les suivant dans toutes les occasions, en boîte de nuit, lors du concours annuel de trivial poursuite ou dans une réunion catastophique animée par un intervenant extérieur. David Brent – Ricky Gervais dans un formidable numéro d’acteur -, un quadragénaire vulgaire, agité permanent, plaisante allégrement avec une lourdeur considérable, histoire dit-il de remonter le moral de ses subordonnés. Mais rien n’y fait,  une menace de licenciements planant sur eux, suite à une restructuration avec une autre branche de l’entreprise. Cabotin en diable, il ne supporte cependant pas toute dérision à son sujet. Il bénéficie d’une bêtise assez prononcée, lui évitant de voir le ridicule dont il fait preuve à chaque instant. Orgueilleux, machiste, un tantinet raciste, fêtard, il se voit comme quelqu’un de très sympathique. Il est flanqué d’un adjoint, réserviste à l’armée, psychorigide, conformiste et suffisant, nommé Gareth Keenan. Il est campé par le désopilant Mackenzie Cook, déjà excellent en Ragetti dans le pataud « Pirates des Caraïbes 2 », son côté grand blond efflanqué et suffisant est très efficace. Gareth a un rapport assez énervé avec son collègue Tim – brillant Martin Freeman – qui trompe son ennui en compagnie de la standardiste dont il tombe amoureux alors qu’elle est déjà en couple. Le petit monde du bureau, perplexe devant le numéro permanent de David Brent, ronge son frein, avec parfois une distante ironique, comme le désopilant et permanent numéro de pince-sans-rire du personnage de Keith – singulier Ewan MacIntosh -. Les situations sont très cocasses, nous vengeant allégrement de nos propres tracas de bureaux –fortement appréciable si vous oeuvrez comme moi dans ambiance panier de crabes  -. C’est ici une excellente radiographie du monde du travail, montrant le nivellement par le bas d’un travail de groupe. Il y a pourtant une émotion assez flagrante dans ce lieu clos, qui a pour épée de Damoclès le chômage, loin d’être consolé par la stupidité d’un petit chef.

François Berléand

Canal + a adapté à la lettre la série avec pour titre « Le bureau « , montant le peu de créativité de cette chaîne, loin d’être une HBO a la Française, malgré des séries comme « Engrenages » ou des téléfilms traitant de problèmes contemporains ou du XXème siècle – « Nuit noire », etc… -. C’est le tandem Nicolas et Bruno qui s’y colle, j’avoue n’avoir pas perçu l’humour de leurs « messages à caractère informatif ». La sortie DVD suivant de près celle de « The office », donne l’occasion de retrouver ce remake, après un passage réservé pour les abonnées – en pleine coupe du monde -, puis en clair les dimanches de cet été. Le duo me semble ici plus inspiré, même s’ils doivent énormément à l’œuvre de Ricky Gervais, qui est suffisamment forte, pour une transposition en France. A noter qu’il y avait déjà eu une adaptation américaine avec 2005, avec Steve Carell. Aucune référence n’apparaît sur la jaquette du DVD sur l’œuvre originelle, présentée comme une création originale, ce qui est assez désobligeant pour les vrais créateurs. Le duo reprennent strictement les mêmes histoires et les dialogues des 6 premiers épisodes et en adaptant les situations à la mentalité française. Mais il y a ici la formidable idée de prendre François Berléand dans le rôle du petit chef faussement sympathique. Ils n’hésitent pas à charger encore plus son personnage de Gilles Triquet, le rendant encore plus veule que celui de Ricky Gervais, ce qui nous vaut une réjouissante performance de Berléand. Il faut le voir faire preuve de veulerie, et son interprétation est suffisamment subtile, pour éviter le travers pour un acteur de se montrer plus malin que son personnage. Il faut voir ses regards caméras, tel un gamin pris au piège quand il a fait une bêtise, jouer façon Indochine des morceaux de sa composition dans un morceau d’anthologie ou sa manière de se complaire dans sa propre suffisance. A noter pour la petite histoire, qu’il avait une épaule cassée durant le tournage de la série, et qu’il avait eu du mal à mémoriser son dialogue, une suite continue d’enfilage d’idées reçues. Le reste de la troupe est excellent, comme Anne-Laure Balbir en standardiste hésitante, Benoît Carré reprenant avec bonheur le rôle de Gareth Keenan et Jérémie Elkaïm, apportant un décalage bienvenu, pour ne citer que les principaux. Connaissant un peu François Berléand, il m’a parlé d’un projet de suite pour cette série, avec cette fois ci, une histoire se démarquant de la version originale, avec un séminaire à l’étranger pour tout les employés de la COGIREP. Vivement la saison 2… On peut donc recommander vivement les 2 DVD pour ces 2 variations, riches en bonus, scènes coupées. On retrouve des similitudes entre Ricky Gervais et François Berléand, qui sont des trublions lors des tournages, plaisantant sans discontinuer, qui apportent leurs génies comiques à ce rôle riche en nuances.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Liliane Rovère

 

Cette grande égérie du Jazz a imprégné cet art de sa présence, Chet Baker avait décidé de se rendre en Europe en 1955, par amour pour elle.  » Elle fut également la compagne de Dexter Gordon, ce qui lui vaut une participation au trop sous-estimé « Autour de minuit » (1985) de Bertrand Tavernier à ses côtés. Elle était également amie de Charlie Parker et Dizzie Gillespie notamment. « Des nuits entières, à l’hôtel, à Saint-Germain-des-Prés, à apprendre à écouter cette musique avec ceux qui la faisaient. Ou au Birdland, à New York, où elle débarque en 1954, dans sa petite robe noire, avec les cheveux courts et les yeux charbonneux qui ont séduit Chet Baker. Dans son jeu, on pourrait percevoir la trace de cette imprégnation. Quelque chose dans sa voix grave, colorée d’un chuintement, dans la nonchalance ou dans l’élan. Un swing. Au fil de la conversation, on devine ce mouvement irrésistible qui peut nous conduire à habiter un autre monde. Ou à élire le monde de l’art, de la musique, de la littérature, comme sa propre maison. » Texte de présentation par Séverine Nikel, de l’émission sur France Culture en 2002 d’Anna Szmuc « Liliane Rovère, portrait d’une jazz lady ». Même si elle confiait dans cette émission, de sa voix chaude, vivre au rythme du jazz, rôle après rôle, on la remarque durablement dans ses prestations. Elle personnifie souvent des femmes que la vie n’épargne pas, mais qui garde une bonne humeur communicatrice. Après des cours chez René Simon, elle se lance dans la comédie. Elle participe activement au théâtre comme dans « L’avare », « la sonate des spectres », « La passion de Jeanne d’Arc selon Gilles de Rais », etc… Elle écrit et joue également comme dans « Lili », en 1992, dans une mise en scène de Jean Gilibert. Selon le journal « L’humanité du 6 octobre 1992 » : « c’est un spectacle qui «  bénéficie, pour le mini-programme de son spectacle, d’un dessin de Siné qui la montre se marionnettisant elle-même, tout en se fendant la tronche ou grimaçant au vinaigre. Sa « Lili » n’en finit plus de ne pas accepter de vieillir face au monde ravageur que les adultes font aux enfants. Le long d’un remblai de chemin de fer, la vie qui passe la porte à jacasser des naïvetés hargneuses : « Bonjour monsieur, comment ça va, vous vous portez bien pour un vieux. – Merci madame, vous aussi ? » Tout est dans ce « aussi » ». Son grand tempérament, révélé par Bertrand Blier, qui l’utilise superbement dans trois films. Dans « Calmos »,  provocation misogyne réalisé en 1975… l’année de la femme !, elle figure sous les ordres de Dora Doll irrésistible en général Bigeard au féminin, en militaire castratrice, dans un petit groupe de femme voulant violer le tandem désabusé Jean-Pierre Marielle-Jean Rochefort, paniqués par cette image de femme, elle fait partie des plus virulentes, transcendent l’évidente vulgarité de la situation. On la retrouve en serveuse d’un café dans « Préparez vos mouchoirs » (1977), consolant Gérard Depardieu, qui a laissé l’amour de sa vie qui sombre dans la neurasthénie – Carole Laure – trouver réconfort dans les bras de Patrick Dewaere. Depardieu la raille, en lui disant qu’elle a une gueule de « Bernadette », et avait beaucoup d’émotion, elle lui confit avec une belle sensibilité, comment avec cette gueule là, elle pouvait lui apporter en tendresses dans une autre occasion. Elle retrouve Depardieu, dans le chef d’œuvre de son auteur « Buffet froid » (1979), partageant la morosité de son chômeur de mari, essayant de subsister et de ne pas se résigner avec de croiser malencontreusement la route d’un assassin poète, superbement joué par Jean Carmet. Surprise, elle a même un premier rôle, dans ce que l’on présume être un nanar de premier classe – et que l’on aimerait voir – « Comment passer son permis de conduire », sorti en 1980, aux côtés du sympathique Claude Legros qui joue son mari malmené.

Dans « Voyages »

On ne la retrouve malheureusement ensuite que dans de courts rôles dans les années 80, mais qu’elle marque durablement comme dans « Prisonnières » (1988) où désespérée, elle montre à ses codétenues, la photo de ses enfants qu’ils l’ignorent superbement. Sa connaissance de l’Anglais, lui vaut de participer à plusieurs tournages de films américaines en France. Mais ses rôles deviennent de plus en plus important. En alternant des rôles de victimes ballottés par la vie, et des personnages à « grande gueule » Elle est toute désignée donc pour figurer la mère de Béatrice Dalle dans « La fille de l’air » (1992). Les rôles s’étoffent, elle joue une « maîtresse femme » initiant Vincent Cassel dans un rituel exhibitionniste avec Amy Romand dans « Adultère mode d’emploi » (1995) de Christine Pascal, où elle est particulièrement impressionnante. Hélas, France 2, dans un accès rigoriste particulièrement frileux, supprime carrément cette scène lors d’une diffusion TV, ce qui fit l’objet de quelques polémiques. On la retrouve ensuite, dans quelques rôles de belle-mère quelque peu encombrantes, comme dans « Le bleu de villes » (1998), où elle prépare le sévices redoutable de l’effroyable de gâteaux aux cerises non-dénoyautées, avec une perversité régulière, ou dans « Harry, un ami qui vous veut du bien », où ses manières déclenchent vitesse grand V la névrose du personnage de Sergi Lopez. Cédric Klapisch la choisit pour figurer l’épouse de Jean-Paul Belmondo, dans « Peut être », elle l’interprète idéale pour être à la hauteur de l’abattage du comédien. Elle est une figure assez autoritaire, à la tête d’une petite tribue perdue dans futur proche, d’un Paris recouvert de sable. Toujours avec humour, car elle fait preuve toujours d’une auto-dérision, comme en cliente à l’épilation, au verbe facile dans « Vénus, beauté (institut) » (1998). Elle personnifie souvent des personnages libres et culottés comme celui frondeur dans « Je vous trouve très beau » (2005) où elle poursuit de ses assiduités Michel Blanc, paysan esseulé, quelque peu paniqué par la dame. Et elle fait toujours preuve d’une belle humanité, comme son rôle dans « Passionnément » (1998) , sorte de variation du personnage de Véronique Silver, dans « La femme d’à côté », où elle personnifie la raison face aux tourments de la paisson du couple Gérard Lanvin-Charlotte de Gainsbourg, la secrétaire résignée de François Berléand dans « La fille de son père » (2000), ou la mère (trop) aimante de Jacques Gamblin dans « À la petite semaine » (2002). Elle peut aussi faire preuve de réserve, comme dans le personnage de la domestique dans « La captive » (1999).

Dans « Le fils de l’épicier »

Elle participe volontiers à de nombreux courts-métrages, n’hésitant pas à participer parfois au scénario. Elle trouve peut-être son meilleur rôle, dans « Voyages » (1998), magnifique film d’Emmanuel Finkiel. Il raconte dans le dossier de presse : « C’est Maurice Chevit qui nous a raconté en Pologne, alors que nous cherchions encore Régine, que Liliane Rovère parlait yiddish ; même son agent l’ignorait ! Elle était très émue de jouer ce rôle et de retrouver cette langue qu’elle ne parle plus depuis longtemps. Elle n’a jamais joué en Yiddish ! ». Elle est particulièrement touchante dans ce rôle de Régine, qui accepte un imposteur comme père, ne supportant pas la déception de retrouver un père perdu. Dernièrement, elle irrésistible dans « J’invente rien » (2005), en  inventrice iconoclaste. Il faut la voir nous faire adhérer à l’improbable présentation d’inventions insolites, comme la pizza par fax !, elle nous amène même dans une certaine dimension fantastique. Mais toujours dans la générosité et le désintéressement comme dans ce patin d’anthologie accepté par Kad Mérad, sous le regard bienveillant d’Elsa Zylberstein. Avec le « Fils de l’épicier », sorti en 2007, elle trouve le rôle jubilatoire de Lucienne, habitante d’une zone rurale désertique. Elle régale Nicolas Cazalé de son animosité, ce dernier remplaçant son père dans une épicerie ambulante. Elle lui a gardé une grande rancune, car enfant, il aimait avec ses petits camarades à la surprendre dans ses « galipettes ». A la moindre contrariété, elle refuse toute commande, se cabre, résiste, peste, lui renvoie ses quatre vérités à la figure, et finit par être carrément sur la défensive, un casque sur la tête après un malheureux accident de devanture. Mais derrière cette façade de femme revêche, se cache une grande, une gourmandise – il faut la voir découvrir des loukoums -, une générosité et un grand cœur inexploité. C’est une superbe performance pour cette comédienne qui alterne dans ce film, drôlerie et émotion. Suivent les retrouvailles avec son amour du jazz et Sam Karmann avec « La vérité ou presque ». Elle joue avec beaucoup de dignité et de pudeur, la fille d’une grande chanteuse de jazz disparue face à Karin Viard et André Dussollier. Gardienne du temple de la mémoire de sa mère, elle construit un personnage touchant, émaillé de souvenirs personnels, les photos de son personnage étant les siennes propres,  selon Sam Karmann. Elle est également remarquable en mère tendre et impuissante face aux difficultés de son fils campé par Vincent Lindon dans « Pour elle ». Elle tente d’aplanir les problèmes entre lui et son père taiseux – le très juste Olivier Perrier -. En mère parfaite, elle se réserve pourtant une zone d’ombre en doutant de l’innocence de sa belle-fille. Souhaitons qu’on lui propose toujours des rôles à sa mesure, elle saura de toute manière amener un note attachante, une gouaille, une drôlerie ou un appétit de vivre. Elle figure dans les indispensables du cinéma français, et personnellement je la mets volontiers dans mon petit panthéon des comédiens français les plus remarquables, catégorie des formidables.

Filmographie : 1969  Le portrait de Marianne (Daniel Goldenberg) – 1971  Une larme dans l’océan (Henri Glaser) – 1972  The day of the Jackal (Chacal) (Fred Zinnemann) – 1975  Calmos (Bertrand Blier) – Je t’aime, moi non plus (Serge Gainsbourg) – Monsieur Albert (Jacques Renard) – Andréa (Henri Glaeser) – Mon coeur est rouge (Michèle Rosier) – 1976  March or die (Il était une fois la légion) (Dick Richards) – 1977  Préparez vos mouchoirs (Bertrand Blier) – La jument vapeur (Joyce Buñuel) – 1979  Buffet froid (Bertrand Blier) – Comment passer son permis de conduire (Roger Derouillat) – La bande du rex (Jean-Henri Meunier) – 1981  Enigma (Id) (Jeannot Szwarc) –  1985  Pour quelques je t’aime de plus (Marc Adjadj, CM) – Autour de minuit / Round Midnight (Bertrand Tavernier) – 1986  Waiting for the moon (Jil Goldmilow) – 1987  De guerre lasse (Robert Enrico) – La troisième solution (Henri-Paul Korchia, CM) – 1988  Prisonnières (Charlotte Silvera) – Black mic-mac 2 (Marco Pauly) – 1989  La Révolution française : les années Lumière (Robert Enrico) – 1990  Does this mean we’re married ? (En france présenté comme téléfilm sous les titres : Les époux ripoux / Un drôle de contrat) (Carol Wiseman) – 1992  La fille de l’air (Maroun Bagdadi) – 1995  Adultère, mode d’emploi (Christine Pascal) – Un samedi sur la terre (Diane Bertrand) – 1996  Artemisia (Agnès Merlet) – Sept étages sans ascenceur (Bruno Joly, CM) – Le sujet (Christian Rouaud, CM) – 1997  Lila Lili (Marie Vermillard) – 1998  De l’art ou du cochon (Yves Beaujour, CM) – Le bleu des villes (Stéphane Brizé ) – Vénus beauté (institut) (Tonie Marshall) – Voyages (Emmanuel Finkiel) – Le plus beau pays du monde (Marcel Bluwal) – Passionnément (Bruno Nuytten) – Peut être (Cédric Klapisch) – 1999  La captive (Chantal Akerman) – Les fantômes de Louba  (Martine Dugowson) – Harry, un ami qui vous veut du bien (Dominik Moll) – 2000  La fille de son père (Jacques Deschamps) – Laissez-passer (Bertrand Tavernier) – Recouvrance (Frank Saint-Cast & Anaïs Monnet, CM) – Ici (Jérôme Bouyer, CM) – 2001  Veloma (Marie de Laubier) – Bord de mer (Julie Lopes-Curval) – L’écharpe (Éric Le Roux, CM, + co-scénario) – 2002  L’idole (Samantha Lang) – Variété française (Frédéric Videau) – À la petite semaine (Sam Karmann) – Méprise (Éric Le Roux, scénario seulement) – 2003  Le souffle (Mathieu Vadepied, CM) – 2004  Alex (José Alcala) – L’origine du monde (Erick Malabry, CM) – 2005  Prozac tango (Michael Souhaité, CM) – Je vous trouve très beau (Isabelle Mergault) – J’invente rien (Michel Leclerc) – 2006  Le fils de l’épicier (Éric Guirado) – La vérité ou presque (Sam Karmann) – 2007  Vilaine (Jean-Patrick Benes & Allan Mauduit) – Pour elle (Fred Cavayé) – 2009  La grande vie (Emmanuel Salinger) – Agosto (Marc Picavez, CM) – 2010  Coup d’éclat (José Alcala) – 2011  Cino, l’enfant qui traversa la montagne (Carlo Alberto Pinelli) – Les chrysanthèmes sont des fleurs comme les autres (Yann Delattre, CM) – 2012  La ville lumière (Pascal Tessaud, CM) – 2014  Le combat ordinaire (Laurent Tuel) – Brooklyn (Pascal Tessaud). Comme réalisatrice-scénariste : 2009  Modus vivendi (CM). Voxographie : Le voyage en douce (Michel Deville) – 2001  La prophétie des grenouilles (Jacques-Rémy Girerd, animation) – 2009  Kerity la maison des contes (Dominique Monféry, animation) .

Télévision : (notamment) : 1964  Christine ou la pluie sur la mer (Maurice Chateau, CM) – 1969  Les cinq dernières minutes : Le commissaire est sur la piste / Sur la piste (Claude Loursais) – 1971  Le tambour du Bief (Jean Prat) – 1972  Raboliot (Jean-Marie Coldefy) – Les cinq dernières minutes : Chassé-croisé (Claude Loursais) – 1973  La chamaille (Jacques Pierre) – 1976  Hôtel Baltimore (Arcady) – Cinéma 16 : Esprit de suite (Jean Hennin) – 1978  Les grands procès témoins de leur temps : Le pain et le vin (Philippe Lefebvre) – Messieurs les jurés : L’affaire Moret (André Michel) – Médecin de nuit : Michel (Philippe Lefebvre) – 1979  Saint Colomban et moi (Hervé Baslé) –  Une femme dans la ville (Joannick Desclercs) – Julien Fontanes, magistrat : Une femme résolue (Bernard Toublanc-Michel) – 1980  Les dossiers éclatés : Le querellé ou la la nécessité d’être comme tout le monde (Alain Boudet) –  Une faiblesse passagère (Colette Djidou) – 1981  Sans famille (Jacques Ertaud) – Joëlle Mazart (Serge Leroy, série TV) – 1982  L’ours en peluche (Edouard Logereau) – 1983  Quidam (Gérard Marx) – 1984  Mistral’s daughter (L’amour en héritage)  (Douglas Hickox et Kevin Connor) – Les enquêtes du commissaire Maigret : Maigret se défend (Georges Ferraro) – 1985  Nazi hunter : The Beate Klarsfeld story (Beate Klarsfeld) (Michael Lindsay-Hogg) –  1986  Série noire : Mort aux ténors (Serge Moati) – 1989  Les sirènes de minuit (Philippe Lefebvre) – Le hérisson (Robert Enrico) – Renseignements généraux : Jeux dangereux (Philippe Lefebvre) – 1992  Les danseurs du Mozambique (Philippe Lefebvre) – 1993  C’est mon histoire : Soif de s’en sortir (Dominique Tabuteau) – 1994  Les grandes personnes (Daniel Moosmann) – Navarro : Le choix de Navarro (Nicolas Ribowski) – 1995  Chercheurs d’héritiers : Les gens de Faillac (Laurent Heynemann, pilote inédit de la série, mais diffusion tardive sur le câble) – L’avocate : Linge sale en famille (Philippe Lefebvre) – 1996  Les cinq dernières minutes : Mise en pièces (Jean-Marc Seban) – 1999  Mary Lester : Maéna (Christine Leherissey) – 2001  Demain et tous les jours après (Bernard Stora) – La crim’ : Le dernier convoi (Denis Amar) – 2002  Froid comme l’été (Jacques Maillol) – 2003  La nourrice (Renaud Bertrand) – La bastide bleue (Benoît d’Aubert) –  2004  La crim’ : Skin (Vincent Monnet) – Nature contre nature (Lucas Belvaux) – Les Montana : Dérapage (Benoît d’Aubert) – 2005  Retrouver Sara (Claude d’Anna) – 2009  Les Bougon (Sam Karmann) – Panique ! (Benoît d’Aubert) – 2011  Quand les poules auront des dents… (Bertrand Van Effenterre) – 2014  Détectives : Adjugé vendu (Renaud Bertrand) – Les yeux ouverts (Lorraine Lévy) – Dix pour cent (Cédric Klapisch, Lola Doillon et Antoine Garceau, mini-série).

MORT DE BERNARD RAPP

Annonce de la mort prématurée hier de Bernard Rapp à l’âge de 61 ans. Triste nouvelle, j’ai gardé un bon souvenir de lui, l’ayant rencontré à deux reprises dont une pour l’avant-première d’une « Affaire de goût » avec le scénariste Gilles Taurand. J’ai gardé l’impression d’une grande affabilité, un flegme tout britannique cachant quelqu’un de passionné, et ayant une forte volonté de transmettre ses passions. Il fait partie de ses figures de la télévision, en proposant des missions dignes d’une certaine notion du service public, et c’est regrettable à la vision du PAF actuel, où même Arte a tendance à devenir une sous-France 3. On se souvient de lui journaliste, présentateur du journal télévisé – de 1983 à 1987 – et grand reporter. On lui doit d’excellentes émissions dont « l’assiette anglaise », entourés de chroniqueurs brillants. Il produit et présente  « Un siècle d’écrivains » de 1995 à 2000, en laissant une liberté à ses auteurs et donnant de véritables réussites comme « Le cas Howard Philipps Lovecraft ». On lui doit sur le câble « Les feux de la rampe » de 2001 à 2003 habile adaptation française « Inside the actors studio » émission cultissime de l’excellent James Lipton, sur un ton intimiste. Il avait animé avec beaucoup d’intelligence une émission littéraire « Caractères » qu’il n’avait pût mener à terme faute d’audiences, mais aussi un Ciné-Club intelligent les mercredis soirs sur France 3, où il proposait des versions originales et invitait les auteurs pour discuter du film proposé – Jan Kounen pour parler de la polémique sur la sortie de « Dobermann » par exemple -. Comme Bernard Pivot, il était l’un des rares à arrêter une émission, même en plein succès pour pouvoir se renouveler.

Le cinéphile landa lui sera toujours reconnaissant de son « Dictionnaire Larousse des films », très utile ouvrage fait en collaboration avec Jean-Claude Lamy. Grand cinéphile, il avait signé son premier scénario en 1985 pour un film destiné au circuit « Omnimax » : « L’eau et les hommes ». Il se lance en 1995 dans la réalisation avec « Tiré à part », film à réévaluer – pour l’avoir vu dans sa version anglaise à privilégier -, habile polar se passant dans les milieux de l’édition et porté par un Terence Stamp magistral se vengeant d’un Daniel Mesguich, plus sobre qu’à l’accoutumée. Son second film, « Une affaire de goût » en 1999, variation subtile du « Servant » de Joseph Losey, en offrant l’un des meilleurs rôles de Bernard Giraudeau, en restaurateur ambigu, manipulant un goûteur un peu naïf joué brillamment par Jean-Pierre Lorit. A la télévision il signe l’aimable « L’héritière » en 2001, où rayonne Géraldine Pailhas en femme d’affaires, aidée dans sa tâche par François Berléand tout en désinvolture. Sur le mode picaresque en 2002, il réussit « Pas si grave » comédie douce-amère, où trois enfants adoptés – Sami Bouadjila, Romain Duris, Jean-Michel Portal -, envoyés par un exilé de la guerre d’Espagne – le cinéaste Alejandro Jodorowsky -,  essaient de retrouver en Espagne ses anciens compagnons. Plus conventionnel, il signe, en 2004, « Un petit jeu sans conséquence », une adaptation assez mordante cependant de la pièce de Jean Dell et Gérald Sibleyras, avec Yvan Attal, Sandrine Kiberlain, Jean-Paul Rouve et le formidable Lionel Abelanski. Un grand salut à ce passeur selon la formule de Serge Daney, qui s’est avéré un artiste très convaincant.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Bruno Kirby

L’acteur américain Bruno Kirby ou Bruno Kirby jr, de son vrai nom Bruno Giovanni Quiadaciolu, vient de mourir à l’âge de 57 ans des suites d’une leucémie. Né à New York en 1949, il était le fils du vétéran Bruce Kirby. Il étudie avec Stella Adler et Peggy Fleury, avant de débuter au cinéma, sous le nom de B. Kirby Jr ou Bruce Kirby. C’était un grand habitué des seconds rôles. On se souvient aussi de lui dans le « Parrain II », personnifiant Richard S. Castellano jeune en reprenant son rôle de Clemenza. Un comédien doué et bénéficiant d’un fort capital de sympathie. Fidèle à l’univers de Billy Crystal, il était désopilant dans son coup de foudre avec Carrie Fisher dans « Quand Harry rencontre Sally… ». Il devait le retrouver dans la comédie décalée « La vie, l’amour… les vaches » en vendeur dynamique. Il fallait le voir devant l’impassible Jack Palance. Il était aussi le faire-valoir idéal face au génie comique de Robin Williams dans « Good morning Vietnam », en officier désabusé. On le retrouvait donc souvent dans des rôles de bons copains ou de maffieux italo-américain. Un comédien doué et bénéficiant d’un fort capital de sympathie.

Bibliographie : « Quinlan’s character stars » par David Quinlan Éditions Reynolds &  Hearn Ltd, 2004).

 

Filmographie : 1971  The Young Graduates (Robert Anderson) – 1973  The Harrad Experiment (Ted Post) – Cinderella Liberty (Permission d’aimer) (Mark Rydell) – 1974  The Godfather: Part II (Le parrain 2) (Francis Ford Coppola) – Superdad (Vincent McEveety) – 1976  Baby Blue Marine (John D. Hancock) –  1977  Between the Lines (Joan Micklin Silver) –  1978  Almost Summer (Martin Davidson) – 1980  Borderline (Chicanos, chasseur de têtes) (Jerold Freedman) – Cruising (Cruising – La chasse) (William Friedkin) – Where the Buffalo Roam (Art Linson) –  1981  Modern Romance (Albert Brooks) –  1982  Kiss My Grits (Jack Starrett) – 1983  This is Spinal Tap (Spinal Tap) (Rob Reiner) – 1984  Birdy (Id) (Alan Parker) – 1985  Flesh & Blood (La chair et le sang) (Paul Verhoeven) –  1987  Tin Men (Les filous) (Barry Levinson) –  Good Morning, Vietnam (Id) (Barry Levinson) – 1988  Bert Rigby, You’re a Fool (Vidéo : Hollywood Follies) (Carl Reiner) – 1989  When Harry Met Sally (Quand Harry rencontre Sally…) (Rob Reiner) –  We’re No Angels (Nous ne sommes pas des anges) (Neil Jordan) –  1990  The Freshman (Premiers pas dans la mafia) (Andrew Bergman) – 1991   City Slickers (La vie, l’amour… les vaches) (Ron Underwood) – 1992  Hoffa (Id) (Danny DeVito) –  1993  Golden Gate (John Madden) – 1995  The Basketball Diaries (Basketball Diaries) (Scott Kalvert) –1996  Heavenzapoppin’ ! (Robert Watzke, CM) –  Sleepers (Id) (Barry Levinson) –  Donnie Brasco (Id) (Mike Newell) –  1999  A Slipping Down Life (Toni Kalem) –  History Is Made at Night (Id) (Ilka Jarvilaturi) –  Stuart Little (Id) (Rob Minkoff, animation, voix) – 2001  One Eyed King (Vidéo : Une histoire d’hommes) (Nathaniel Ryan) – 2003  The Trailer (Steve Altman, CM) -Waiting for Ronald (Ellen Gerstein, CM) –  2006  Played (Sean Stanek).

ARRIVEDERCI AMORE, CIAO

On était curieux de retrouver Michele Soavi, perdu dans les limbes de la télévision italienne, depuis son dernier film, l’iconoclaste « Dellamorte Dellamore », avec Rupert Everett et François Hadji-Lazaro et son célèbre « gnâ ! »», datant de 12 ans déjà. Il s’était un peu perdu dans les limbes de la télévision italienne, mais on retrouve ici sa patte de petit maître maniériste qu’il avait dans de petits films d’horreurs originaux comme « La setta », avec Herbert Lom et surtout « Bloody Bird », où un tueur portait un curieux masque de hibou. De bons souvenirs dans quelques soirées câblées désœuvrées, ce type de film revenant souvent dans la programmation. On retrouve Alessio Boni, inoubliable interprète de « Nos meilleures années » film fleuve de Marco Tullio Giordana -, où il avait un personnage beaucoup plus sensible ici que ce personnage de Giorgio Pellegrini ancien révolutionnaire devenu nihiliste dans cette adaptation d’un roman de Massimo Carlotto. On le découvre au milieu de guérilleros armés jusqu’aux dents, avec une barbe « cheguevarresque ». Dans ce recoin oublié de l’Amérique Latine, il trompe son ennui en jouant avec les perspectives en ouvrant et fermant un œil, à la vue d’un crocodile fonçant sur un cadavre. Dégoûté d’avoir dû répondre à un ordre imbécile, il décide de fuir cette vie d’activiste.  De retour en Europe, il va tenter, en se transformant en maître chanteur, de soutirer de l’argent à l’un des ses anciens compagnons, ancien communiste reconverti dans le polar. Son but final est finalement d’aboutir à une réhabilitation, pour enfin refaire sa vie, après une peine de prison symbolique. Giorgio va comprendre que seul la violence peut l’amener à ses fins. Il est conforté dans cette idée avec sa rencontre avec un flic ripoux d’anthologie nommé Anedda – Michele Placido impressionnant -. Opportuniste, Giorgio va se servir de son expérience passée, pour organiser des casses avec la complicité du policier. Même si on pense au « Romanzo criminale » de Placido, vu cette année, ce film n’est en rien une réflexion politique. C’est plutôt dans la tradition du film noir, du « Poliziotteschi » italien, genre qui avait eu son heure de gloire dans le cinéma italien des années 70, et reconsidéré ces derniers temps par la sortie DVD de trois d’entre eux « Rue de la violence » , « La rançon de la peur » et « Brigade spéciale » sortis chez Neo Publishing.

Michele Placido & Alessio Boni

C’est un genre violent, où les policiers franchissent allégrement la légalité pour arriver à leurs fins. Ici il n’y a finalement aucune psychologie dans le personnage de Giorgio, juste une sorte de traumatisme originel dans un attentat qui avait fait une imprévisible victime innocente, ce qui nous vaut une très belle scène poético-macabre à la vision d’un arbre sanglant. Giorgio n’a plus d’illusions, ni d’états d’âmes, arriviste dans l’âme, il se sert de petites crapules apatrides pour voler de l’argent, participe aux compromissions politiques avec un art consommé. Rentrant comme homme de main dans une boîte de nuit, et se servant de sa belle gueule avec une rouerie assumée, pour séduire une femme riche – Isabelle Ferrari, qui montre ici une gravité inattendue -, où organiser de petits trafics… Si la mise en scène de Michele Soavi, semble plus sage qu’au paravent, il ne résiste pas à certaines virtuosités. Il y a des citations d’autres œuvres – une célèbre scène du « Soupçons » d’Hitchcock, sans vouloir déflorer le film par exemple -. On sent qu’il prend un plaisir évident avec ce monstre froid, même s’il se complait dans une noirceur évidente mais avec une certaine stylisation et un humour noir assez salvateur. Seule la jeune Roberta – révélation d’une belle sensibilité : Alina Nadela – apporte un souffle d’air frais dans un monde cynique et impitoyable en attendant un climax final particulièrement suffocant. Mais elle ne va servir qu’à une caution de moralité lorsqu’elle rencontre Giorgio. L’immoralité de l’ensemble tranche singulièrement avec la moyenne du cinéma actuelle. Alessio Boni campe ce personnage avec conviction et ambiguïté, et sa confrontation avec Michele Placido passé bien au-delà de la corruption est très réussie. Un film qui ne laisse personne indifférents, qui distille une ambiance torve particulièrement singulière, dans ce jeu de massacre des archétypes du policier.

ADIEU CUBA

Andy Garcia originaire de la Havane, évoque ici le Cuba de la fin des années 50, au travers d’un portrait d’un directeur d’une boîte de nuit – Garcia himself se réservant le premier rôle –. Le passage du régime totalitaire de Batista à celui de Fidel Castro vont causer la perte de ses privilèges et vont le contraindre à l’exil à New-York… On se dit pourquoi pas évoquer Cuba, comme ici dans ce film « The lost city » – « Adieu Cuba » – qui bénéficie de la signature prestigieuse de l’écrivain cubain G. Cabrera Infante au scenario juste avant sa mort l’an dernier, sous la forme d’une saga familiale… Il y a pourtant de bons moments dans ce film mais il faut aller au-delà des limites d’une évocation renvoyant dos à dos le président Batista, montré comme un tyran d’opérette et le mythique Che qui tue sans vergogne pour ces idées. C’est un peu le musée Grévin, avec une prédilection toute particulière pour la fausse barbe castriste du frère cadet-castriste souffrant sans doutes de l’utilisation d’une mauvaise colle. C’est une vision nostalgique des choses, mais aussi partiale, car il s’agit d’une famille de nantis. L’utilisation de documents réels d’archives en noir et blanc est presque ici un aveu d’impuissance de recréer une histoire perdue, avec suprême roublardise d’y intégrer Garcia fuyant les vrais révolutionnaires. Cette mise en abyme est assez vaine. Il s’agit ici de dresser une fresque où domine un petit côté fleur bleue, plutôt que de tabler sur un discours démonstratif. Le peuple est tragiquement absent ici, le protagoniste principal – joué par Andy Garcia formidable acteur mais un peu en roue libre ici -, ne privilégiant que la vie de son cabaret « El Tropico », l’occasion de nous livrer d’excellents numéros musicaux – soit une quarantaine de classiques -, surfant un peu sur la mode « latino » de ces dernières années. Il montre parfois l’absurdité, de nouveau régime, comme l’hallucinante réflexion d’une femme soldate du régime castriste qui interdit le saxophone dans son établissement, comme instrument de l’impérialisme américain…

Andy Garcia, lui précise que c’est l’invention d’un certain Sax qui est Belge, elle répond avec aplomb en dénigrant la Belgique dans ses exactions au Congo. Mais il manque sérieusement un souffle dans cette série de clichés. Dans ce mode romanesque il y a un autre écueil important, la présence d’Inès Sastre qui dans le rôle féminin principal nous régale d’un festival de bouderies puériles. A grands coups de moues renfrognées, elle n’arrive qu’à camper un pantin déshumanisé, la photogénie sur papier glacé n’allant pas obligatoirement de pair avec le talent sur l’écran. Une suggestion qu’elle adopte un nouveau prénom : Haydée ! Le reste de l’interprétation est assez inégale, mais on a plaisir à retrouver le vieux routier Tomas Milian, cubain d’origine, apportant un peu d’humanité dans son rôle de patriarche transpirant et intraitable sur la ponctualité, ou Steven Bauer en militaire conformiste. Dustin Hoffman imprègne de sa présence son court rôle, le temps de 2 scènes -… et 2 fois le même numéro – en maffieux local.  Reste la présence de Bill Murray, dans un superbe numéro. Dans un rôle un peu trop écrit d’écrivain sans nom, il amène un souffle de liberté, de contestation dans cet univers de carton-pâte. Il faut le voir en short disserter sur la vie, le pouvoir, préparer ses effets à grand coup d’éventail. Là on vient bien croire à l’histoire, à l’instar de la scène où le personnage d’Andy Garcia, conscient d’un univers qu’il va perdre et gardera un moment de complicité avec Murray qu’il chérira à jamais. Chapeau bas pour Bill Murray, car il faut bien le dire, il me semble sauver le film. Dommage car on sentait bien qu’Andy Garcia était très attaché à ce projet.

Bill Murray à la rescousse