Skip to main content

LA TOURNEUSE DE PAGES

Avant-première le jeudi 3 août, du quatrième film de Denis Dercourt, déjà bien accueilli à Cannes 2006, dans la sélection « Un certain Regard ». Hormis le très abouti « Lise et André » sur la rencontre d’une mère – trop sous exploité Isabelle Candelier – dont le fils est malade, qui se confit à un prêtre – formidable Michel Duchaussoy – en 2000, ses trois autres films parlent du milieu de la musique et des concertistes. Le réalisateur concilie à la fois ses cours de musique de chambre au conservatoire de Strasbourg, et sa carrière très originale au cinéma. Après « Les cachetonneurs » (1998) retraçant la difficulté de musiciens itinérants, et le très maîtrisé « Mes enfants ne sont pas comme les autres » (2003) sur un père – Richard Berry – trop exigeant sur les performances musicales de ses enfants. Comme dans ses autres films, il faut saluer la grande crédibilité de ses interprètes lors des morceaux musicaux. Dercourt connaît les écueils à éviter, il est aidé ici par les connaissances de Catherine Frot, qui a fait du piano jusqu’à l’âge de 12 ans, et connais très bien « La marche turque » de Mozart, Xavier de Guillebon qui pratique la clarinette et Clotilde Mollet, musicienne émérite, qui a déjà plusieurs films à son actif. Rarement, on aura vu une représentation de la musique aussi probante. Il est parfois difficile de ne pas ricaner devant des mouvements inconsidérés sur quelques touches de piano, dans certains films confondant agitation et mélomanie. Difficile de parler du film sans parler du thème principal, n’allez pas plus loin si vous voulez préserver le plaisir du film… Disons que le thème pouvait être celui d’un thriller, c’est plus ici un cinéma psychologique proche d’un Claude Chabrol, nom souvent cité lors du débat d’après film. Il y a une tension palpable mise en valeur par une réalisation intelligente qui revisite le thème un peu éculé de la vengeance. François Truffaut se disait gêné par cette utilisation, quand il avait fait « La mariée était en noir », loin d’être d’ailleurs l’une de ses œuvres les plus réussies. Une jeune enfant douée, Mélanie dont les parents sont bouchers – Christine Citti et Jacques Bonnaffé qui arrivent à faire exister leurs personnages en peu de mots -, décide d’abandonner sa pratique du piano, si elle échoue son concours d’entrée au conservatoire. Ariane Fouchécourt, brillante artiste mais bourgeoise assez hautaine, va avoir une attitude assez inconsidérée dans ce moment de grand stress. Ariane c’est Catherine Frot, de plus en plus rayonnante depuis son rôle dans « Le passager de l’été », elle révèle à nouveau ici une certaine séduction et une grande sensualité. Son personnage va d’ailleurs évoluer durant le film. Le destin de Mélanie est ainsi scellé de la manière que je vous laisse découvrir, on peut voir ensuite son effroi assez inconsidéré. Loin de planifier toute idée de représailles, Mélanie adulte – Déborah François, qui confirme ici de son grand talent découvert chez les frères Dardenne dans « L’enfant », se sert en fait des hasards de la vie pour retrouver cette grande pianiste qui a brisé son destin.

Catherine Frot & Déborah François

Le grand talent du réalisateur est qu’il laisse volontairement des zones d’ombres, offre des pistes – l’accident de voiture -, sans que l’on sache le rôle de la jeune Mélanie dans ces évènements. Elle va donc se retrouver dans un grand cabinet d’avocats tenu par une secrétaire zélée – Martine Chevallier excellente -, qui est dirigé par M. Fouchécourt – Pascal Greggory arrivant à concilier ferveur et réserve -. Mélanie va tout faire pour se montrer indispensable en devenant la baby sitter de leur fils Tristan pianiste en herbe très talentueux. Elle va gagner la confiance de toute la famille, et va retrouver la célèbre pianiste en pleine crise artistique. Elle va devenir sa tourneuse de pages – rôle prépondérant pour une grande pianiste -, va installer une certaine intimité, voire amitié amoureuse avec elle, et attendre que le sort lui soit favorable pour accomplir son méfait. Seule l’amie musicienne d’Ariane – Clotilde Mollet donc, une personnalité attachante -, va se méfier. Elle et son mari – Xavier de Guillebon – essaie de monter un trio de concertistes avec Ariane. La pression est grande, le trio est un peu en perte de vitesse, et il faut convaincre un agent artistique important – André Marcon, toujours à la présence aussi forte – et éviter… les fausses notes. La villa luxueuse des Fouchécourt a aussi une grande importance en étant faussement rassurante. C’est en fait un lieu existant nous avait évoqué Denis Dercourt, et si l’on pense inévitablement au superbe « Cat People / La féline » de Jacques Tourneur dans la scène de la piscine, son réalisateur n’a en fait jamais vu le film et a juste utilisé cet élément présent dans cette narration. Si la fin pêche un peu, son réalisateur est le premier à le reconnaître en déclarant avoir été trahi par son scénariste… c’est à dire lui-même -. Il arrive cependant à montrer une fois le petit microcosme musical, ses exigences, ses petites lâchetés ou cruautés, et installe un climat très original. Pour avoir déjà conversé avec lui lors de son précédent film, j’ai retrouvé ce soir là sa grande exigence – il sait ce qu’il veut et peut demander beaucoup -, son grand humour et sa volonté de faire partager ses deux passions la musique et le cinéma, toujours au service de ses interprètes. Il nous confirme une fois de plus sa singularité dans le cinéma français. Déplorons seulement qu’un petit côté mécanique du scénario, nous empêche de faire éclater une ambiguïté étouffante.

MORT DE BERNARD EVEIN

Annonce de la mort du décorateur Bernard Evein, indissociable de l’œuvre Jacques Demy. Il est mort dans « L’île de Noirmoutier » alors que se déroule en ce moment à la Fondation Cartier l’exposition « L’île et elle », œuvre d’Agnès Varda, dont il fut, ironie du sort, aussi le collaborateur. Il avait témoigné pour elle sur l’œuvre de Jacques Demy dans deux de ses documentaires « Les demoiselles ont eu 25 ans » (1993) et « L’univers de Jacques Demy » (1995). Après des études à l’école des Beaux-Arts à Nantes, il entre à l’IDHEC, section décoration, dont il ressort diplômé en 1951. Il travaille en collaboration avec le décorateur Jacques Saulnier, avant d’être associé aussi à la nouvelle vague, on se souvient de son œuvre particulièrement colorée. J’ai le souvenir de magnifiques maquettes vues dans un numéro de Télérama, conçues pour un film de Jacques Demy, situé dans Saint-Pétersbourg qui resta hélas inabouti faute de financements. Il était l’un des plus grands de sa profession.

Filmographie : 1952  La danseuse nue (Pierre Louis, assistant décorateur) – 1957  Le bel indifférent (Jacques Demy, CM) – 1958  Les amants (Louis Malle) – Les quatre cents coups (François Truffaut) – Les cousins (Claude Chabrol) – 1959  À double tour (Claude Chabrol) – La sentence (Jean Valère) – Les jeux de l’amour (Philippe de Broca) – Les scélérats (Robert Hossein) – 1960  Zazie dans le métro (Louis Malle) –  Les grandes personnes (Jean Valère) – L’amant de cinq jours (Philippe de Broca) – Lola (Jacques Demy, + costumes) – Une femme est une femme (Jean-Luc Godard) – L’année dernière à Marienbad (Alain Resnais, costumes seulement) – 1961  Le rendez-vous de minuit (Roger Leenhardt) – Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda) – Vie privée (Louis Malle) – Les spet péchés capitaux [épisodes « L’avarice » (Claude Chabrol) & « La luxure » (Jacques Demy, + petit rôle)] – Le combat dans l’île (Alain Cavalier) – 1962  Les dimanches de Ville d’Avray (Serge Bourguignon) – Le jour et l’heure (René Clément) – La baie des anges (Jacques Demy, + costumes) – 1963  Le feu follet (Louis Malle) – Les parapluies de Cherbourg (Jacques Demy) – 1964  Aimez-vous les femmes ? (Jean Léon) – L’insoumis (Akaub Cavalier) – Comment épouser un premier ministre (Michel Boisrond) – 1965  Viva Maria ! (Louis Malle) – Paris au mois d’Août (Pierre Granier-Deferre) – Qui êtes-vous Polly Maggoo ? (William Klein) – 1966  Les demoiselles de Rochefort (Jacques Demy) –  Le plus vieux métier du monde [épisode « Mademoiselle Mimi »] (Philippe de Broca) –  Seven times Seven (Sept fois femmes) (Vittorio de Sica) – 1967  Adolphe ou l’âge tendre (Bernard Toublanc-Michel) – 1969  Sweet hunters (Tendres chasseurs/ Ternos Caçadores) (Ruy Guerra) – L’aveu (Costa-Gavras) –1970  Le bateau sur l’herbe (Michel Drach) – 1973  L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune (Jacques Demy) – Le grand bazar (Claude Zidi) – Le hasard et la violence (Philippe Labro) – La merveilleuse visite (Marcel Carné, directeur artistique seulement) – 1975  Zerschossene Traüme (L’appât) (Peter Patzak) – L’alpagueur (Philippe Labro) – 1976  Néa  (Nelly Kaplan) – Le jouet (Francis Veber) – 1977  La vie devant soi (Moshe Mizarahi) – 1978  Lady Oscar (Jacques Demy) – 1979  Tous vedettes (Michel Lang) – Chère inconnue (Moshe Mizrahi) – 1980  Une merveilleuse journée (Claude Vital) – 1982  Une chambre en ville (Jacques Demy) – 1984  Notre histoire (Bertrand Blier) – 1986  La rumba (Roger Hanin) – Thérèse (Alain Cavalier) – 1988  Trois places pour le 26 (Jacques Demy).


Catherine Deneuve & François Dorléac dans « Les demoiselles de Rochefort »

ARTICLE / LE MONDE du 10.08.2006

Bernard Evein, décorateur de cinéma et de théâtre, est mort mardi 8 août, dans l’île de Noirmoutier (Vendée). Il était âgé de 77 ans. Né à Saint-Nazaire le 5 janvier 1929, Bernard Evein fut le condisciple du futur cinéaste Jacques Demy à l’école des Beaux-Arts de Nantes, avant de le retrouver au titre de décorateur de huit de ses films, dont Lola (1961), Les Parapluies de Cherbourg (1964), Une Chambre en ville (1982). Bernard Evein, césarisé pour les meilleurs décors de films à six reprises entre 1977 et 1989, collabora également avec Louis Malle (Les Amants, 1958 ; Zazie dans le métro, 1960 ; Le Feu follet, 1963), François Truffaut (Les 400 coups, 1959), Claude Chabrol (A double tour, 1960), Alain Cavalier (Le Combat dans l’île, 1961 ; L’Insoumis, 1964 ; Thérèse, 1986), Jean-Luc Godard (Une femme est une femme, 1961), Agnès Varda (Cléo de 5 à 7, 1962), William Klein (Qui êtes-vous Polly Magoo, 1966), ou Francis Veber (Le Jouet, 1976). Une carrière qui parle d’elle-même, et qui fut complétée au théâtre par ses collaborations avec notamment le metteur en scène Jean-Louis Barrault et Jean-Luc Tardieu.

SUD-OUEST

Evein, grand du cinéma, par Thomas La Noue

Décédé avant-hier à Noirmoutier des suites d’une longue maladie à 77 ans, Bernard Evein était l’homme qui avait osé mettre en couleurs le cinéma français, et quelles couleurs ! Débutant à la fin des années cinquante, époque où le noir et blanc était la règle et la couleur l’exception, il travaille avec les jeunes réalisateurs annonçant la nouvelle vague. Le décor onirique et la robe de plumes de Delphine Seyrig dans « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais (en noir et blanc), c’est lui. Il n’avait pas fini de surprendre. La couleur en vedette. Au début des années soixante, il collabore avec Claude Chabrol (« A double tour »  et Louis Malle (« Les Amants », « Vie privée », « Viva Maria » . En toute complicité avec les chefs opérateurs Henri Decae, Jean Rabier ou Ghislain Cloquet, il introduit une notion nouvelle : la couleur n’est plus seulement un argument commercial et une commodité technique permettant de faire « plus vrai que le noir et blanc », elle devient le principe même du décor. « En-chanté ». C’est bien sûr avec Jacques Demy que Bernard Evein va donner toute la mesure de son talent. Les deux enfants de Nantes sont sur la même longueur d’onde et Evein va faire éclater les couleurs et transfigurer les lieux ordinaires dans les films « en-chanté » de Demy. Première expérience avec « Les Parapluies de Cherbourg » et aboutissement trois ans après avec « Les Demoiselles de Rochefort », ce chef-d’oeuvre en forme d’hommage à la comédie musicale. Il faut s’imaginer ce qu’était la ville il y a quarante ans. Grise, terne, semblant vouée à un inexorable déclin, elle avait déserté son patrimoine historique et architectural et somnolait sur les bords de la Charente. Demy et Evein vont l’investir, la repeindre en rose, orangé, jaune, bleu, vert, la livrer aux danseurs. En un mot, lui offrir une autre vie. Le film sera (et reste) un immense succès, et la collaboration entre les deux hommes se poursuivra avec notamment « Peau d’âne », « Trois places pour le 26 », « Jacquot de Nantes ».

A LITTLE TRIBUTE TO BOLLYWOOD

Initiative intéressante de l’UGC Cité-Viné, en partenariat avec le distributeur « Bodegas Films », de proposer du 2 au 8 août, 5 films estampillés « Bollywood » – où Bombay versus Hollywood -, soit 998 minutes de programme ! Évidemment, rien de plus tentant en période de disette cinématographique entre deux gueules de poulpes et quelques séries B européennes sorties de quelques placards. Par ordre chronologique, sur dix ans on retrouve dans cette série, la star locale au sourire enjoué-enjôleur Shah Rukh Khan. On le retrouve en jeune frimeur « Dilwale Dulhania Le Jayenge » (Aditya Chopra, 1994, inédit), un professeur de musique utopiste dans « Mohabbatein » (Aditya Chopra, 2001, inédit), – en fils chassé par son père pour n’avoir pas accepté un mariage arrangé dans « Kabhi Khushi Kabhie Gham… – La famille indienne » (Karan Johar, 2001), indien charmeur exilé à New-York dans « New-York Masala » (Nikhil Advani, 2003), sauveteur émérite d’Indian Airlines dans « Veer-Zaara » (Yash Chopra, 2004). Très doué dans les scènes dansées, il a aussi un fort potentiel comique. Reste que dans les scènes d’émotions, il est aussi probant, même s’il a tendance à jouer dans la catégorie chargeurs réunis, sanglotant en reprenant les mouvements de têtes d’un petit pigeon dans le désopilant « La famille indienne ». Mais on risque d’ergoter sur une différence de mentalité. On comprend le prestige dont il jouit en Inde, même si sa suprématie indéniable depuis 1990 semble devoir être entamée par l’arrivée de Hrithik Roshan dont on peut apprécier les talents dans « La famille indienne ». On retrouve aussi sur trois films, l’impressionnant Amitabh Bachchan, qui campe des hommes rigoristes tel le directeur de l’université « Mohabbatein » – variante du « Cercle des poètes disparus » -, et le père austère d’une tribue indienne. Il est même assez touchant dans « Veer-Zaare » en fondateur d’un village recueillant des défavorisés qui finit par prendre conscience de l’émancipation de la femme. Il faut le voir aussi avec sa grande stature esquisser des pas de danses ou faire des déclarations à sa fidèle épouse dans les deux derniers titres cités. On se familiarise avec ces comédiens idoles, comme la charmante Kajol, qui a la faculté d’émettre des sons qui vous vrillent les tympans si la bande-son est trop forte, ou Jaha Baduri – « La famille indienne », « New-York Masala » -, personnification de la mère indienne. Et il y a surtout l’ineffable Amrish Puri – père intraitable dans  « Dilwale Dulhania Le Jayenge » – et général ganache dans « Mahabbatein » -, mort en 2005, qui quand il fait les gros yeux par temps de grosse contrariété, déclenche les fous rires. Il est encore plus fort que Marty Feldman et son célèbre strabisme, qui lui au moins tablait dans l’humour volontaire…  Il n’y a que très peu de réalisme, les personnages viennent souvent de milieux privilégiés, sont des fashions victimes, arborent ostensiblement des vêtements de marques. 0n peut constater une certaine occidentalisation, ou est-ce un appel du pied envers le public international.

Shah Rukh Khan, Kajol, Amitabh Bachchan, Jaha Baduri, Kareena Kapoor & Hrithik Roshan, dans « La famille indienne ».

Les personnages voyagent – la Suisse -, où s’exile – L’Angleterre, les États-Unis -. C’est une vision dorée d’un petit monde échappé de l’œuvre de Delly. Nous sommes dans la grande tradition mélodramatique, feuilletonesque, entre la niaiserie d’un Claude Lelouch et le sentimentalisme du soap opéra télévisuel. Pathos s’en faut, effet gondolable garantie. Il y a des figures imposées dans ces amours assez chastes en Cinémascope. On retrouve donc des couples mal assortis qui ne se supportent pas de prime abord, des numéros musicaux dans des tenues chatoyantes, un certain érotisme mouillé – la pluie a un rôle prépondérant -, et les yeux rouges sont de rigueurs. Évidemment, il est difficile de se départir de son petit regard condescendant de petit franchouillard moyen. Mais les yeux des comédiens sont souvent embués voir rouge vif façon lapin russe. C’est donc la vallée des pleurs, nous finissons aussi par les suivre… mais en pleurant de rire, comme dans le plus mal goupillé et le plus rocambolesque, « La famille indienne ». Ce « classique » filmé de manière pataude par un certain Karan Johar qui ne renâcle pas à bâcler son film, a des effets outrés – l’orage grondant lors de fortes tensions, idée reprise dans « Mohabbatein », post-synchronisation approximative -. C’est aussi celui auquel on rit le plus dans ce royaume des courants d’air. Les histoires répondent toujours aux même stéréotypes, les grandes amours contrariées de jeunes gens face à leurs aînés respectant les traditions familiales avec une grande rigueur, et finissant par s’humaniser invariablement à la fin du film. Les personnages sont attachants, comme les femmes âgées résignées mais qui sont les premières à comprendre la détresse des jeunes gens. Il y a aussi des trouvailles, comme celle des bijoux qui s’accrochent aux vêtements quand les protagonistes veulent s’éloigner le temps d’une danse, où le père qui félicite son fils d’avoir raté ces études à Harvard, perpétuant ainsi la grande tradition de ratage d’examen des aînés dans « Dilwale Dulhania Le Jayenge ». Le happy-end est aussi de rigueur – sauf « New-York Masala » -… Mais il faut bien convenir que cette overdose de rose a son petit effet galvanisant. Trêve de sarcasmes, malgré un gros budget glycérine et ventilateur, il y a un indéniable savoir-faire. Il y a un message régulier de tolérance, surtout dans « Veer-Zaara », à mon avis le plus convaincant, sous toile de fond des conflits entre l’Inde et le Pakistan. Les héros s’ingénient parfois à faire le bonheur autour d’eux en sacrifiant volontiers les petits intérêts personnels. Quant à la fameuse durée, il est curieux de constater que passer un certain cap, l’attention ne se relâche que très peu. Un souffle assez unique est à souligner dans ces 5 films. On ne sait finalement si les 200 films annuels produits en Inde ont cette même qualité. J’ai même eu l’agréable surprise de constater que j’avais moins de scènes ennuyeuses à déplorer dans presque 17 heures de films que dans les 150 minutes des « Pirates des Caraïbes – Le secret du coffre maudit ». Ces films ont un charme fou, et sont particulièrement bienvenus en pleine apathie aoûtienne… On en redemande…

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Marie-Pierre Casey

Marie-Pierre Casey dans « Faux coupable »

Une des (très rares) bonnes surprises du film « Les Dalton » de Philippe Haïm, est de retrouver Marie-Pierre Casey dans le rôle de Ma Cassidy. Avec Marthe Villalonga, Ginette Garcin et Sylvie Joly, elles forment un quatuor infernal de mères n’hésitant pas à braquer des banques. Hélas c’est plus une présence qu’un véritable rôle… Elle était formidable dans « Que la lumière soit » (1996) en Madame Michu qui tient tête dans un bus… à Dieu (joué formidablement par Galabru). Elle était la garde-malade de Galabru toujours dans « L’été meurtrier » (1982), subissant la rage d’Isabelle Adjani . Elle formait un couple assez sordide avec Fernand Berset dans « L’affaire Dominici » (Claude Bernard-Aubert, 1972), où ils profitent des vacances pour visiter les lieux du drame. Elle campe une religieuse infirmière dans le feuilleton « L’abonné de la ligne U », une austère professeur chez Pigier dans « Le cinéma de Papa » (Claude Berri, 1970), une nounou débordée pour lequel il faut planifier une garde… bien avant la naissance de l’enfant dans « Elle court, elle court la banlieue » (Gérard Pirès, 1972), une salutiste dans le cultissime « Na ! » (1972) unique film de Jacques Martin et une employée « pète-sec » lisant un télégramme à Henri Guybet dans « Pétrole !, Pétrole ! » (Christian Gion, 1981). On la découvre avec surprise dans « Certains l’aiment froide » (1959) de Jean Bastia, où sous le nom de Marie-Pierre Gauthey, elle joue une malade séduite par un aventurier campé par Robert Manuel, qui cherche à lui voler ses radios, pour une sombre histoire d’héritage, son personnage habituel était déjà bien dessiné.

Peu de films, finalement (mais avec Jacques Tati ou Claude Sautet), mais elle était très populaire à la télévision (chez Stéphane Collaro, « Vivement Lundi, etc…). Dans « Palace » elle intervenait auprès de  l’homme aux clefs d’or (Claude Piéplu), pour faire remonter l’Audimat. Il fallait voir la tête de Piéplu, avant que Marie-Pierre Casey fasse rentrer une femme nue. Grand moment de TV. En définitive derrière son image vampire de femme de ménage d’une publicité « plizzesque », il se cache un réel univers, tel ses spectacles au théâtre : « Peinture sur soi », « Du coq à l’âme », « Marie-Jeanne a disparu »,  « Décalogue de sourd », voir lien Théâtre en scène. On la retrouve en 2007 en servante alcoolique, dans la création originale de Francis Perrin « La dame de chez Maxim’s » de Georges Feydeau, spécialement capté pour France 2. Son rôle de vieille dame aux chats, plus maligne qu’il n’y paraît dans le téléfilm « Faux coupable » face à Emma de Caunes et Guillaume Gouix, nous démontre qu’elle est toujours aussi percutante… Elle revient en force dernièrement, notamment à la télévision en tante d’Yves Pignot dans « En famille », et en candidate cougar d’un émission de télé-réalité dans « Le flambeau ». Au cinéma on la retrouve en cliente pénible passant en caisse énervant Kev Adams dans « Maison de retraite », et en villageoise bretonne esseulée dans « Les petites victoires », déplorant le temps où « il y avait un docteur », mais gardant le moral malgré ses problèmes de santé.

 

Filmographie : 1959  Certains l’ aiment froide / Les râleurs font leur beurre… (Jean Bastia) – 1964 Playtime (Jacques Tati) – 1969  Les choses de la vie (Claude Sautet) – La peau de Torpédo (Jean Delannoy) – 1970  Le cinéma de Papa (Claude Berri) – 1971  L’humeur vagabonde (Édouard Luntz) – 1972  Elle court, elle court la banlieue (Gérard Pirès) – L’affaire Dominici (Claude Bernard-Aubert) – Na !…. (Jacques Martin) – 1973  OK Patron (Claude Vital) – On s’est trompé d’histoire d’amour (Jean-Louis Bertuccelli) – Un nuage entre les dents (Marco Pico) – 1976  L’hippopotamours (Christian Fuin) – 1980  La banquière (Francis Girod) – Le coup du parapluie (Gérard Oury) – Viens chez moi j’habite chez une copine (Patrice Leconte) – 1981  Pétrole ! Pétrole ! (Christian Gion) – Mille milliards de dollars (Henri Verneuil) – 1982  Ca va faire mal ! (Jean-François Davy) – La petite bande (Michel Deville) – L’été meutrier (Jean Becker) – 1983  Y a-t-il un pirate sur l’ antenne ? / Titre vidéo : Superflic se déchaîne (Jean-Claude Roy) – 1985  Gros dégueulasse (Bruno Zincone) – 1988  Sortie de route (Bruno Mattei) – 1996  À deux pas des étoiles (Claude Philippot, CM) – Que la lumière soit ! (Arthur Joffé) – 2004  Les Dalton (Philippe Haïm) – 2017 Le créneau (Nina Ralanto, CM) – 2018 Le créneau (Nirina Ralantoaritsimba, CM) – 2020  Maison de retraite (Thomas Gilou) – 2022  Les petites victoires (Mélanie Auffret).

Télévision (notamment) : 1964  L’abonné de la ligne U (Yannick Andréi, série) – 1968  L’orgue fantastique (Jacques Trébouta & Robert Valey) – 1969  Au théâtre ce soir : Le congrès de Clermont-Ferrand (Pierre Sabbagh) – 1970  Les zazous « La mémoire courte » (Maurice Dumay, divertissement) – Le Noël de Madame Berrichon (François Chatel) – 1971  La lucarne magique : Féérie contemporaine (Pierre Desfons, divertissement) – Les nouvelles aventures de Vidocq : Échec à Vidocq (Marcel Bluwal) – 1972  Le seize à Kerbriant (Michel Wyn, Série) – Docteur Pierre et mister Perret (Pierre Desfons, divertissement) – Les Boussardel (René Lucot, mini-série) –  1973  Le jeune Fabre (Cécile Aubry, série) – Témoignages : Peter (Edouard Luntz, CM) – La dérobade (Gérard Poitou-Weber) – Le chat sous l’évier (Pierre Neel) – L’ange de la rivière morte (Édouard Logereau) – 1975  Une Suédoise à Paris (Patrick Saglio, série) – Sara (Marcel Bluwal) – 1976  Le milliardaire (Robert Guez) – 1977  Les folies Offenbach : Les bouffes Parisiens (Michel Boisrond) – 1978  La filière (Guy-André Lefranc) – 1979  Les 400 coups de Virginie (Bernard Queysanne) – 1980  Des vertes et des pas mûres (Maurice Delbez) – Les incorrigibles (Abder Isker, série) – La mort en sautoir (Pierre Goutas) – La faute (André Cayatte) – 1981  Un chien de saison (Bernard-Roland) – La guerre des insectes (Peter Kassovitz) – À nous de jouer (André Flédérick) – 1982  L’épingle noire (Maurice Frydman, mini-série) – Paris-Saint-Lazare (Marco Pico) – Julien Fontanes, magistrat : Cousin Michel (Guy-André Lefranc) – 1982/1983 Merci Bernard (Jean-Michel Ribes, série) – 1983  Médecins de nuit : Le groupe rock (Gérard Clément) – Thérèse Humbert (Marcel Bluwal) – Emmenez-moi au théâtre : Une journée particulière (Pierre Badel, captation) – Le nez à la fenêtre (Jean-Claude Charnay) – 1985  Un bonheur incertain (Vittorio De Sisti, série) – Le réveillon (Daniel Losset) – 1987  Maguy : La marche funeste (Jean-Pierre Prévost, CM) – 1987/1997  Marc et Sophie (plusieurs réalisateurs, série) – 1988  Palace (Jean-Michel Ribes) – Deux locataires pour l’Élysée (Éric Le Hung) – 1993  Le gourou occidental (Danièle J. Suissa) – Cluedo (Stéphane Bertin, série) – 1993 Les Gromelot et les Dupinson (Christophe Andrei, Fred Demont et Olivier Guignard, série) – 1996  Sexe et jalousie (Georges Folgoas, captation) – 1997  Baby-sitter Blues (Williams Crépin) – 2003/2004  Laverie de famille (Frédéric Demont, série) – 2006  Duval et Moretti : L’imposteur (Jean-Pierre Prévost) – 2008  La dame de chez Maxim’s (Jean-Luc Orabona, captation en direct) – 2011  Faux coupable (Didier Le Pêcheur) – 2018/2020  En famille (plusieurs réalisateurs, série) – 2019  La flamme (Jonathan Cohen et Jérémie Galan, mini-série) – 2019/2021  En famille (plusieurs réalisateurs, série). Divers : Amour, paillettes et patates à l’eau (série).

LE COIN DU NANAR : STAY

Attention navet de compétition ! L’été est souvent l’occasion pour les Majors, qui arrivent pour permettre la sortie de leurs blockbusters, d’imposer celle de leurs fonds de tiroirs. On devait à Marc Foster de culture européenne, deux films très honorables, « À l’ombre de la haine » (2001) et « Neverland » (2004). On attendait légitimement mieux avec ce cauchemar expérimental que ce pensum, qui rate à la fois le spectacle et la réflexion. Dès les premiers plans, on comprend rapidement l’inanité d’une telle œuvre. Un jeune dépressif annonce à son psychiatre – improbable Erwan McGregor -, son suicide prochain sur le pont de Brooklin. Il prend pour cette issue fatale, modèle sur un obscur peindre new-yorkais. Le plus fou des deux, n’étant pas forcément celui auquel on pense, notre vaillant thérapeute, de plus en plus « borderline » va tout faire pour éviter le pire. Pour tenter d’évoquer la tragique frontière entre la réalité/phantasme, la vie et la mort. On sent bien que le réalisateur veuille reproduire un film schizophrénique, à l’exemple du magistral « Lost higway » de David Lynch, mais il ne fait que d’aligner la gratuité des effets dans un exercice de style poussif. On part également sur la piste du « Sixième sens » et on finit par déplorer qu’il n’y ait pas un M. Night Shyamalan, qui arrive à installer un climat avec des scénarios moyens ou un David Fincher initialement annoncé. On reste sidéré devant tant de suffisance, la multiplication de plans alambiqués – genre caméra au fond d’un casier et d’effets d’inversion – finit allégrement par avoir son petit effet comique. C’est peut-être l’humour involontaire du film qui finit par tromper l’ennui…  À l’image d’une femme qui laisse son chien attaquer le bras du psychiatre, ce qui lui donne l’idée… d’aller faire à manger ! – le chien affamé voulant en fait se nourrir ? -. On en vient non pas à anticiper l’histoire qui nous passionne moyennement, mais à trouver quel effet bizarre suivra. Le symbolisme est lourdinguissime, surligné et le montage à la serpe n’arrange rien.

Erwan McGregor

En prime, les citations hitckockienne, comme celle gratuite de « Vertigo-Sueurs froides » sont révélatrice d’une panne visible d’inspiration, et le petit jeu avec la notion de »Déjà vu » – en V.O. dans le texte -, ne sont que des pirouettes assez vaines. Mais il y a un côté prétentiard assez énervant en prime, exacerbation du propre savoir-faire du metteur en scène. Ca devrait faire illusion la durée d’un clip musical, mais sur la longueur du long-métrage c’est proprement insipide. Les interprètes sauf Ryan Gosling -… à la rigueur -, sont ectoplasmiques. Erwan McGregor s’agite vainement sans trop y croire, c’est tout juste s’il imprime la pellicule, l’habituelle photogénie de Naomi Watts est ici bien en berne,  Bob Hoskins se livre à une piètre composition dans une fausse sobriété et la pauvre Jeanine Garafolo joue les simples utilités. L’image d’un New York aseptisé – et vitré -, idée déjà prise dans « Basic instinct 2 », n’est qu’une stylisation gratuite malgré le savoir-faire indéniable –mais très dans l’esbroufe – de son chef opérateur Roberto Schaeffer. La révélation finale attendue est simplement désolante, avec une astuce de scénario que tout le monde a abandonné depuis au moins trente ans. Le climax final finit par achever cette baudruche infâme avec un amer sentiment d’inachèvement. Le scénario faussement compliqué n’est qu’une compilation de roublardise assez vaine. Louons le réalisateur Marc Foster, pour avoir réussi la performance d’avoir livré l’un des pires films de cette année pourtant déjà fortement cornichone. Et le titre « Stay » devient une évidence c’est une injonction au spectateur à rester jusqu’au bout du film, performance difficile devant tant de monument de vacuité et d’ennui.

THE DEVIL’S REJECTS

Les temps sont à l’irrespect, un pâle imitateur singe d’une façon grossière le chanteur Renaud, dans une parodie grotesque « Les bobos » sous fond de musique du dessin animé « Kirikou », notre vénérable ministre de la culture se reçoit des tomates à Avignon, un doigt d’honneur géant fait de la pub pour une banque, cynisme éhonté involontaire ? – Il paraît que c’est un pouce, mais la symbolique est là -. 20six d’ailleurs ne déroge pas à cette mode, faisant l’attaque régulière de Spams malins – les bloggueurs chantant en cœur « Tirez pas sur l’ambulance  ! » de Françoise Hardy, entre les deux problèmes techniques habituels. Bref le sarcasme est hissé le pathétique au niveau des beaux-arts, je songe d’ailleurs à changer le nom de ce blog par « 20six’s reject », occasion de faire un hommage au film évoqué à la suite. Le gendre du film d’horreur succombe régulièrement d’ailleurs à cette mode. Il est vrai qu’en ce moment le genre ne se renouvelle guerre, les Majors se contentant de refaire des remakes (« Terreur sur la ligne », » Fog », « La colline a des yeux, » mais il faut louer le talent d’Alexandre Aja pour ce dernier). Curieux objet que ce « The Devil’s Rejects », d’un certain Rod Zombie – de son vrai nom Robert Cummings -, qui par son patronyme nous annonce déjà la couleur. Le film est l’œuvre la plus secouée que l’on puisse voir en ce moment, difficile de trouver une comparaison, citons peut-être la trilogie « Dead or alive » de Takashi Miike. Alexis Bernier, dans « Libération »  décrit comme « Punk gothique, tatoué et poilu comme un Hells Angel sorti des enfers ». Son précédent film – pas vu, pas pris…-, « La maison des 1000 morts »  vient de sortir en DVD bénéficie déjà d’un statut de film culte. C’est un véritable jeu de massacre entre le shérif revanchard – étonnant William Forsythe –, encore plus frappé que la famille infernale et la famille Firelly dirigée par un clown sinistre et adipeux – singulière performance du tarantinien Sig Haig – et déjà présente dans « La maison des 1000 morts ». 

Bill Moseley, Sig Haig & Sheri Moon Zombie

Nous sommes bien dans la tradition du Grand Guignol, mais qui se révèle un bel hommage à la liberté du cinéma américain des années 70 mais si au final il se révèle aussi assez malsain. Il s’amuse avec des références avouées de l’œuvre de Sam Peckinpah, Tobe Hooper, Bela Lugosi ou Quentin Tarantino. On n’est donc pas surpris de retrouver Michael Berryman – le célèbre Pluto de « La colline a des yeux », pour une fois dans un rôle sympathique, le seul du film d’ailleurs !  Il faut le voir absolument hilarant fantasmer sur Carrie Fischer dans « La guerre des étoiles » et s’indigner qu’un fermier puisse le soupçonner de zoophilie avec des poulets. Le distribution est étonnante de Geoffrey Lewis en chanteur de country pathétique et Danny Tréjo en tueur tatoué sans oublier la propre femme du réalisateur Sheri Moon Zombie en bimbo dégénérée et l’inquiétant Bill Moseley en sanguinaire christique. Tout ce petit monde rivalise en bêtise et en ignominie. L’humour est présent mais on ne sait pas finalement à quel degré il est présent…. Reste qu’il y a des scènes d’anthologie comme le cinéphile fan de Groucho Marx – le Charles Manson local prenant les noms de ses personnages comme celui Cap’tain Spaulding venu du film « American crackers » -, se livrant à une violente dispute avec le shérif fan d’Elvis Presley. Il arrive à les digérer, pour un résultat curieux, la violence flirtant avec la complaisance. Hommage aux road-movies seventies, le film a une tension – à l’instar du personnage de la femme de ménage d’un hôtel découvrant les exactions de la famille Firelly -, une folie gore Un cinéaste à suivre, de par la manière dont il peut évoluer, canaliser son énergie. Il a une originalité secouée bienvenue en ces périodes de recyclage. Entre trash, grotesque, contestation et folie furieuse, ce film risque de devenir culte.

MORT DE LISE DELAMARE

Un nouveau décès à déplorer celui de Lise Delamare, célèbre Marie-Antoinette dans le film de Jean Renoir « La marseillaise » en 1937. Déplorons le relatif silence à la mort de cette comédienne. Yvan Foucart lui avait rendu un bel hommage de son vivant dans le site des Gens du cinéma, où l’on retrouve une bio-filmo.  On peut aussi retrouver un entretien avec elle dans l’excellent « Le cinéma des années 30 par ceux qui l’ont fait » (Christian Gilles, L’Harmattan, 2000). Avec l’amusante évocation de la fameuse scène de « Fer rouge » dans « Forfaiture (Marcel L’Herbier, 1937) avec Sessue Hawakaya qu’elle n’appréciait guère : « Elle n’était pas du tout simulée, le fer était vraiment rouge ! Au moment où je devais être marquée, un machiniste accroupi par terre me glissait sur l’épaule un morceau de veau sur lequel, ensuite, Hayakawa appuyait de toutes ses forces (Je sentais d’ailleurs la chaleur à travers une chaleur tiède)… ». Elle se faisait rare au cinéma, préférant privilégier un parcours théâtral exemplaire, voir sa biographie dans le site de « La Comédie Française« . Mais Yves Robert qui l’appréciait beaucoup l’avait dirigé dans deux films « Clérambard » (1969) et « Salut l’artiste » (1973). Dans « La carpate » (Gérard Oury, 1978), elle était une grande bourgeoise, épouse de Jean-Pierre Darras, malmènée lors des évenements de mai 1968.  Elle était étonnante en propriétaire étouffante d’un bull-terrier inquiétant dans le singulier « Baxter » (Jérôme Boivin, 1988). Elle était la soeur de la comédienne Roselyne Delamare.

Filmographie : 1933  Georges et Georgette (Reinhold Schünzel & Roger Le Bon) – 1934  Les précieuses ridicules (Léonce Perret, CM) – Pension Mimosas (Jacques Feyder) – Un soir à la Comédie Française (Léonce Perret, CM documentaire) – 1936  Notre-Dame d’amour (Pierre Caron) – 1937  La Marseillaise (Jean Renoir) – Forfaiture (Marcel L’Herbier) – 1941  Péchés de jeunesse (Maurice Tourneur) – Le destin de Désirée Clary (Sacha Guitry) – La symphonie fantastique (Christian-Jaque) – La duchesse de Langeais (Jacques de Baroncelli) – 1942  Le comte de Monte-Cristo (Robert Vernay) – La fausse maîtresse (André Cayatte) – 1943  Graine au vent (Maurice Gleize) – La valse blanche (Jean Stelli) – 1944  Farandole (André Zwobada) – Lunegarde (Marc Allégret) – Le père Goriot (Robert Vernay) – 1945  Le Capitan (Robert Vernay) – Rabiolot (Jacques Daroy) – 1947  Monsieur Vincent (Maurice Cloche) – 1949  Un certain Monsieur (Yves Ciampi) – 1950  Le roi du bla-bla-bla (Maurice Labro) – 1955  Les grandes manoeuvres (René Clair) – Lola Montes (Max Ophuls) – 1957  Escapade (Ralph Habib) – Nathalie (Christian-Jaque) – 1960  Le Capitan (André Hunebelle) – L’ennemi dans l’ombre (Charles Gérard) – Il suffit d’aimer (Robert Darène) – Vive Henri IV, vive l’amour (Claude Autant-Lara) – 1961  Les démons de minuit (Marc Allégret é Charles Gérard) – 1969  Clérambard (Yves Robert) – 1973  Salut l’artiste (Yves Robert) – 1988  Baxter (Jérôme Boivin).

©   Le coin du cinéphage (reproduction strictement interdite, textes déposés)

MORT DE MAKO

Annonce de la mort de Mako, figure familière du cinéma américain, le 21 juillet dernier, des suites d’un cancer. Il faisait partie de ce type de comédiens comme Philip Ahn, Keye Luke ou James Hong, distribué dans tous les rôles asiatiques possibles et imaginables par Hollywood, dans trop de discernements parfois. Ce Japonais né à Kobe en 1933, de son vrai nom Makoto Iwamatsu, avait suivi ses parents partis aux USA en 1941, travailler pour l’Office of War. Il rejoint l’armée des États Unis au début des années 50, puis fut naturalisé citoyen américain en 1956. Formé au « Pasadena Playhouse », il joua de nombreux spectacles sur Broadway. En 1965, il crée la « East West Players », une prestigieuse troupe orientale. Son rôle le plus connu reste celui du jeune coolie Poo-Han, qui se fait lyncher par les siens pour être suspecté de collaboration avec les Américains, performance qui lui vaut d’ailleurs une nomination à l’oscar du meilleur second rôle en 1966 et une autre aux Golden Globes en 1967. Robert Wise l’avait découvert lors d’une représentation de Rashomon. En 1966 il rencontre Bruce Lee pour l’un des épisodes du « Frelon vert », qui connu en 1974 une diffusion dans les salles de cinéma. Karatéka doué, il participe souvent à des films d’arts martiaux, souvent avec Chuck Norris qui l’appréciait beaucoup, il joue d’ailleurs de grand maître de Jackie Chan dans « Le Chinois » (Robert Clouse, 1981). Il a beaucoup de télévision à son actif, il apparaît régulièrement en « guest star » dans des séries comme « Colombo », « Hawaïï, police d’état », etc… Il prête aussi sa voix dans des jeux vidéos ou des dessins-animés. On se souvient aussi de son rôle impressionnant de sorcier dans « Conan le barbare » (John Milius, 1982) et sa suite. On l’avait revu dernièrement dans le rôle de l’amiral Yamamoto dans l’affligeant « Pearl Harbour » de l’ineffable Michael Bay en 2001 et cette année dans un court rôle dans l’académique « Mémoires d’une Geisha ».. A noter qu’il a son étoile dans la mythique « Walk of fame ».

Filmographie : 1959  Never so few (La proie des vautours) (John Sturges) – 1966  The Sand Pebbles (La canonnière du Yang-Tsé ) (Robert Wise) – The ugly dachsand (Quatre bassets pour un danois) (Norman Tokar) – 1968  The private navy of Sgt. O’Farrel (La marine en folie) (Frank Tashlin) – 1969  The great bank robbery (Le plus grand des hold-up) (Hy Averback) – 1970  Fools (Tom Gries) – The Hawaiians / Master of the islands (Le maître des îles) (Tom Gries) – 1971  Chinmoku (Silence) (Masahiro Shinoda) – 1972  Yokohama Mama (Gerry Chiniquy, animation, CM, voix) – 1974  The island at the top of the world (L’île sur le toit du monde) (Robert Stevenson) – 1975  Prisoners / Physical assault (William H. Bushnell) – The killer elite (Tueur d’élite) (Sam Peckinpah) – 1980 The big brawl (Le Chinois) (Robert Clouse) – 1981  The Bushido blade (Shusei Kotani) – An eye for an eye (Dent pour dent) (Steve Carver) – Under the rainbow (Steve Rash) – 1982  Conan the barbarian (Conan le barbare) (John Milius) – 1983  Testament (Le dernier testament) (Lynne Littman) – Conan the destroyer (Richard Fleischer) – 1985  Behing enemy lines / P.O.W. the escape (Dans les bras de l’enfer) (Gideon Amir) – 1986 The Jade Jungle / Armed response (Armés pour répondre) (Fred Olen Ray) – 1987  Silent assassins (Doo-yong Lee & Scott Thomas) – 1988  The Wash (Michael Toshiyuki Uno) – Tucker : The man and his dream (Tucker) (Francis Ford Coppola) – Fatal mission (George Rowe) – 1989  An unremarkable life (Amin Q. Chaudhri) – 1990  Pacific Heights (Fenêtre sur Pacifique) (John Schlesinger) – Taking care of Business / Filofax (Arthur Hiller) –Sutoroberi rodo / Strawberry road (Koreyoshi Kurahara) – 1991 The perfect weapon (L’arme parfaite) (Mark DiSalle) – My samurai (Fred H. Dresch) – Nightingale (Michael Sporn, voix) – Sidekicks (Aaron Norris) – 1992  RoboCop 3 (Fred Dekker) – 1993  Red sun rising (Francis Megahy) – Rising sun (Soleil levant) (Philip Kaufman) – 1994  Crying Freeman (Id) (Christophe Gans) – Cultivating Charlie (Alex Georges) – Highlander III : The sorcerer (Highlander 3) (Andrew Morahan) – Midnight Man (John Weidner) – 1995  A dangerous place / No surrender (Jerry P. Jacobs) – 1996  Balance of power / Hidden tiger (Rick Bennett) – Seven years in Tibet (Sept ans au Tibet) (Jean-Jacques Annaud) – Sworn to justice / Blonde justice (Paul Maslak) – 1998  Alegria (Franco Dragone) – Chûgoku no chôjin (Bird people in China) (Takashi Miike) – 1999  Fukuro no shiro (Masahiro Shinoda) – Kyohansha (Kazuhiro Kiuchi) – 2000  Talk to Taka (Richard K. Kim) – Conscience and the constitution (Frank Abe, MM, voix) –  The Rugrats in Paris – The movie (Les Razmokets à Paris, le film) (Stig Bergqvist & Paul Demeyer, animation, voix) – 2001  Pearl Harbor (Pearl Harbor) (Michael Bay) – She said I love you / Cruel game / Deception / Twists and turns (Masashi Nagadoi) – 2002  Bulleproof monk (Le gardien du manuscrit sacré ) (Paul Hunter) – 2005  Cages (Graham Streeter) – Memoirs of a Geisha (Mémoires d’une geisha) (Rob Marshall) – Rise (Sebastian Gutierrez) – 2006  The slanted screen (Jeff Adachi, documentaire).

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Jack Warden

 Série noire aux États-Unis, après la disparition des comédiens June Allyson, Red Buttons, Mako et du réalisateur Hubert Cornfield – je vais tâcher d’y revenir avec celle du réalisateur Fabian Bielinsky -, Jack Warden nous quitte le 19 juillet dernier des suite d’u problème cardiaque. à l’âge de 85 ans. Woody Allen de dirigea a trois reprises dans « September » (1987), « Coups de feu à Broadway » (1994) et « Maudite aphrodite » (1995). Le physique athlétique, de son vrai nom John H. Lebzelte, il fait partie des derniers acteurs américains dans le style « Bigger than life », de sa carrière de boxeur professionnel de sa participation comme marin à la seconde guerre mondiale, en 1942. Blessé à la jambe durant le débarquement en Normandie en 1944, il prend des cours de comédie, avant de se faire remarquer à Broadway. On se souvient de lui comme le septième juré, un modeste représentant, de « 12 hommes en colère » (Sidney Lumet, 1957), du rédacteur en chef des « Hommes du président » (Alan J. Pakula, 1975), du juge routinier dans « Justice pour tous » (Norman Jewison, 1979) à l’ancien associé de Paul Newman qui souhaite aider son ami avocat alcoolique dans « Verdict » (Sidney Lumet, 1982). Il avait eu deux nominations aux oscars dans deux films auprès de son grand ami Warren Beatty « Shampoo » (Hal Ashby, 1975) et « Le ciel peut attendre » (Warren Beatty & Buck Henry, 1978), curieux remake du célèbre film d’Ernst Lubisch. Dernièrement, l était très émouvant dans le méconnu « L’étoile de Robinson » (Soren Kragh-Jacobsen, 1996), en grand oncle protecteur d’un enfant rêveur dans le ghetto de Varsovie. Même dans des personnages faisant preuve d’une grande dureté, il y avait chez lui toujours une grande humanité. C’est une belle page de l’histoire du cinéma américain qui part avec lui.

Bibliographie « Quinlan’s Character Stars » par David Quinlam (Éditions Raynolds & Hearn Ltd, 2004).

Jack Warden dans « Les hommes du Président »

Filmographie :

1950  The Asphalte Jungle (Quand la ville dort) (John Huston, figuration) – -You’re in the navy now ! / U.S.S. Teakettle (La marine est dans le lac) (Henry Hathaway) – 1951  The man with my face (Edward Montaigne) – The frogmen (Les hommes-grenouilles/ Commandos sous-marins) (Lloyd Bacon) – 1952  Red Ball Express (Les conducteurs du diable) (Budd Boetticher) – 1953  From here to eternity (Tant qu’il y aura des hommes) (Fred Zinnemann) – 1957  Edge of the city / A man is ten feet tall (L’homme qui tua la peur) (Martin Ritt) –  Twelve angry men (Douze hommes en colère) (Sidney Lumet) – The bachelor party (La nuit des maris) (Delbert Mann) – 1958  Darby’s rangers (Les commandos passent à l’attaque) (William A. Wellman) – Run silent run deep (L’odyssée du sous-marin Nerka) (Robert Wise) – 1959  The sound and the fury (Le bruit et la fureur) (Martin Ritt) – That kind of woman (Une espèce de garce) (Sidney Lumet) – 1960  Wake me when it’s over (L’île sans-soucis) (Mervyn Le Roy) – Escape from Zahrain (Les fuyards de Zahrain) (Ronald Neame) – 1962  Donovan’s reef (La taverne de l’Irlandais (La taverne de l’Irlandais) (John Ford) – Flashing spikes (John Ford, téléfilm parfois diffusé en salles) – 1963  The fin red line (L’attaque dura sept jours) (Andrew Marton) – 1964  Blindfold (Les yeux bandés) (Philip Dunne) – 1968  Bye bye Baverman (Sidney Lumet) – 1970  The sporting club (Larry Peerce) – Welcome to the club (Walter Shenson) – 1971  Summertree (Anthony Newley) – Who is Harry Kellerman and why is he saying those terrible things about me ? (Qui est Harry Kellerman ?) (Ulu Grosbard) 1972  Dig (John Hubley, CM) – 1973  The man who loved Cat Dancing (Le fantôme de Cat Dancing) (Richard C. Sarafian) – Billy two hats (Un colt pour une corde) (Ted Kotcheff) – 1974  The apprenticeship of Duddy Kravitz (L’apprentissage de Duddy Kravitz) (Ted Kotcheff) – 1975  Shampoo (Id) (Al Ashby) –1976  Raid on Entebe (Raid sur Entebbe) (Irvin Kerschner) – All the President’s men (Les hommes du président) Alan J. Pakula) – Voyage of the Damned (Le voyage des damnés) (Stuart Rosenberg, rôle coupé au montage) – 1977  The white buffalo (Le bison blanc) (J. Lee Thompson) – Heaven can wait (Le ciel peut attendre) (Warren Beatty & Buck Henry) – Death on the Nile (La mort sur le Nil) (John Guillermin) – 1978  The champ (Le champion) (Franco Zeffirelli) – Beyound the Poseidon adventure (Le dernier secret du Poseïdon) (Irwin Allen) – Dreamer (Noel Nosseck) – 1979  …And justice for all (Justice pour tous) (Norman Jewison) – Being there (Bienvenue mister Chance) (Al Ashby) – Used cars (La grosse magouille)  (Robert Zemeckis) – 1980  Carbon copy (Michael Schultz) – So fine (Les fesses à l’air) (Andrew Bergman) – 1981  The great Muppet caper (Jim Henson) – Chu Chu and the Philly Flash (David Lowell Rich) – 1982   The verdict (Verdict) (Sidney Lumet) – Crackers (Vidéo : Effraction avec préméditation) (Louis Malle) – 1984  The aviator (George Miller) – 1986  The cosmic eye (Faith Hubley & John Hubley, animation, voix) – 1987  September (Id) (Woody Allen) – 1988  The Presidio (Presidio, base militaire, San Francisco) (Peter Hyams) – Everybody wins (Chacun sa chance) (Karel Reisz) – 1989  Problem child (Junior le terrible) (Dennis Dugan) – 1991  Problem child II (Brian Levant) – Toys (Id) (Barry Levinson) – 1992  Passed away (Charlie Peters) – Night and the city (Les forbans de la nuit) (Irwin Winkler) – 1993  Guilty as sin (L’avocat du dibale) (Sidney Lumet) – Bullets over Broadway (Coups de feu sur Broadway) (Woody Allen) – While you were sleeping (L’amour à tout prix) (Jon Turtleltaub) –  1995  Mighty Aphrodite (Maudite Aphrodite) Woody Allen) – Things to do in Denver when you’re dead (Dernières heures à Denver) (Gary Fielder) – 1996  Ed (Bill Couturie) – The island on Bird Street (L’étoile de Robinson) (Soren Kragh-Jacobsen) – 1997  Diry work (Bob Saget) – Chairman of the board (Alex Zamm) – 1998  Bullworth (Id) (Warren Beatty) – 1999  A dog of Flanders (Nello et le chien des Flandres) (Kevin Brodie) – The replacements (Les remplaçants) (Howard Deutch).

LE VOYAGE EN ARMÉNIE

Changement de ton dans l’œuvre de Robert Guédiguian, avec ce « Voyage en Arménie », sur le thème du retour aux sources, après la rupture du film « Le promeneur du champ de Mars », magnifié par la superbe interprétation de Michel Bouquet. Robert Guédiguian quitte le quartier de l’Estaque, pour un voyage initiatique autour du thème des origines. Il s’adjoint au scénario Ariane Ascaride et la romancière Marie Desplechin. Ariane Ascaride dans le rôle d’Anna, rayonne dans ce rôle très fort. Déplorons sa sous-utilisation ces derniers temps, son statut d’égérie de Robert Guédiguian, semblant freiner les autres metteurs en scène. Anna cardilogue réputée de Marseille, examine son père Barsam, malade du cœur – joué avec malice par Marcel Bluwal, compagnon de longue route des Guédiguian -. Barsam, buté et déterminé, qui a jadis fait souffrir la mère d’Anna par son tempérament, décide de disparaître pour éviter une opération qui est pourtant de toute urgence. Anna peste contre lui, et se rend avec son mari – le fidèle Jean-Pierre Darroussin, dans un petit rôle -, dans la maison paternelle. Il y a des indices flagrants, trop visibles pour ne pas être une invitation à le rechercher, de son départ en Arménie. Il est parti dans les hautes montagnes du Caucase, lieu de ses origines. Anna ignore totalement ses racines, alors que sa fille – jouée par sa propre fille Madeleine – renoue avec la tradition en faisant de la danse folklorique. Elle décide donc de partir le retrouver, sur la base d’une vieille photo. La petite communauté des Arméniens de Marseille, recommande à Anna, de se faire accompagner par un homme d’affaires assez retord, Sarkis Arabian, – Simon Abkarian, apportant une ambiguïté à son personnage, et comédien toujours aussi probant -. Arrivée en Arménie, Anna est finalement livrée à elle-même, elle finit par accepter de suivre le vieux Manouk – formidable présence de Romen Avinian, qui se propose comme chevalier servant avec sa petite voiture. Elle va faire plusieurs rencontres dans son périple, de la jeune Schaké – épatante Chorik Grigorian -, jeune coiffeuse débrouillarde, Yervanth – Gérard Meylan très crédible dans la veine picaresque – ancien petit truand en exil français qui est devenu une figure locale -, Simon – Jalil Lespert, convaincant – jeune médecin sans frontières assez désabusé, ou Vanig – étonnant Serge Avedikian -, ancien militaire. Tous vont apporter une aide pour qu’elle puisse retrouver son père, même si Anna se trouve mêlée dans quelques déboires, en raison de petits trafics de Sarkis. Le regard d’Anna suite à ce séjour d’Erevan, va ébranler ses certitudes. La générosité de Robert Guédiguian, est toujours présente, il concilie l’humour – la voiture de Manouk tombant en morceaux -, la réflexion sur la perte des illusions politiques – Sarkis parlant du confort d’être communiste quand on vient d’un pays privilégié, face à Anna qui défend ses idées -, le marasme économique de l’Arménie – trafics, débrouillardise, maffia locale, plutôt biens vus etc…-.

Gérard Meylan, Simon Abkarian & Ariane Ascaride

On évite ici le côté office du tourisme, car les paysages sont superbes, pour faire ici preuve de tolérance, de compréhension dans un monde en construction, qui semble échapper à notre petit confort. L’évocation de la notion d’identité est subtile, à l’instar de la vision du « Mont Ararat », regardé avec tendresse par le vieux Manouk qui souhaite qu’il retrouve un jour son identité arménienne. La découverte de ses racines n’est pas ici repli communautaire, mais une manière au contraire de s’ouvrir au monde, de confronter la richesse de cultures différentes. Une petite solidarité finit par naître de personnages aux mentalités différentes. Anna est acceptée très vite par les Arméniens comme l’un des leurs, elle finit par comprendre cette culture – belle métaphore du « berceau du monde chrétien ». Elle s’adapte très vite par la langue, la vie locale, son énergie généreuse et sa capacité à vouloir comprendre un monde inconnu pour elle et pourtant si proche. Robert Guédiguian, prend  son temps, laisse naître les émotions et décrit ses personnages avec une formidable empathie. Ses réflexions sont toujours salutaires de la manière de disposer de sa vie et de sa santé pour le père d’Anna, ou sa vision d’une ancienne république soviétique et ses contradictions. La découverte de son œuvre par « À la vie, à la mort », fut pour moi une formidable rencontre, et la découverte de ses films suivants, et précédents via les DVD, furent pour moi la rencontre avec un univers fort, parfois naïf, mais généreux, enthousiaste, ne sombrant jamais dans la carte postale. D’années en années, le réalisateur confirme la richesse de son œuvre, dans la continuité comme dans la rupture. Il a un regard sincère sur le monde, tout en évitant un sentimentalisme outré. Il a une belle croyance en l’homme avec sa petite troupe qui ne cesse de s’agrandir. Il est important de dire combien ce cinéaste compte dans le cinéma, aussi bien comme artiste que comme homme. Son regard singulier nous manquerait vraiment, s’il n’existait pas…