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LE CANDIDAT

Bon on digère un peu le traumatisme du 21 avril 2002 avec les résultats d’hier soir, avec la petite satisfaction de voir l’échec – relatif – d’un vieux cabotin d’extrême droite qui a peut être mené son combat de trop. « Le candidat », premier film de Niels Arestrup tombe donc à point nommé, même si son auteur de défend d’avoir voulu coller avec l’actualité dans ce projet vieux de 4 ans. Michel Dedieu – non n’insistez pas je ne ferai pas de jeu de mots ! -, est un homme politique influent dans un pays que l’on arrive pas définir. Il est incarné par un Yvan Attal formidable de justesse, montrant avec sobriété les états d’âmes de son personnage. Il remplace au débotté, aux élections présidentielles, le candidat titulaire, obligé de se retirer pour des raisons de santé. Il s’isole dans son luxueux château, pour préparer le débat télévisé du second tour, avec une équipe de spécialistes, faisant partie des apparatchiks de son parti. L’équipe a fort à faire, car Dedieu a une image négative et austère auprès de l’opinion publique.  Eric Carson son opposant  – Thierry Hancisse dans une excellente composition – est lui beaucoup plus convivial et à l’aise dans ce joyeux monde, il est le favori dans les sondages… Michel s’applique à bien faire, mais doit également gérer son couple qui bat de l’aile, une crise internationale qui se prépare, et la suffisance de la petite équipe qui l’entoure. Le chef du parti – Niels Arestrup en personne qui « brando-ise » – avec brio, semble surveiller tout ce petit monde avec condescendance. L’atmosphère est lourde, cette réunion est la dernière chance de Michel d’éviter le désastre. Même s’il y a une distanciation, dans cette observation de ces petits arrangements avec la politique, on finit inévitablement par faire des recoupements avec notre campagne électorale actuelle. Ainsi le staff de Michel Dedieu donne comme excuse de l’absence du candidat dans un important meeting… un retard de son avion. Ce qui, rétrospectivement ne manque pas que piquant, quand Nicolas S, invoque cette raison pour annuler la visite d’un quartier lyonnais, alors qu’il était attendu par des manifestants hostiles à sa venue. L’ineffable Renaud Bertrand avait d’ailleurs déclaré : « Est-ce qu’on voulait y aller? La réponse est non parce qu’on n’a pas vocation à mettre en valeur la gauche et l’extrême gauche qui n’attendaient que ça“. Source : NouvelObs.com. Le film privilégie l’épure en se servant des liens parfois étroits entre politique et théâtre – Jean-François Balmer et Jacques Weber rejouant actuellement avec succès les débats télévisés entre Valery Giscard d’Estaing et François Mitterrand -« .

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Yvan Attal

On suit le destin presque désincarné de Michel, au bord de l’épuisement. Le film montre avec subtilité, la manière de corriger ses insuffisance – ce qui ne manque pas de sel quand on voit l’importance de l’image dans cette campagne -. Le candidat est ici déshumanisé, modelé pour coller au mieux avec l’idée d’un grand homme d’état. Le protocole est éprouvant, une nouvelle venue est même sérieusement réprimandée car elle donne son avis, qui est d’ailleurs plein de bon sens. Arestrup nous montre des politiques coupés du monde, qui vivent en microcosmes, s’épient, attendent le moindre signe de faiblesse pour affirmer une autorité qui n’est qu’un leurre. Le metteur en scène s’entoure de comédiens remarquable, pour incarner cette équipe peu sympathique. Yvan Attal impressionne dans son incarnation subtile d’un angoissé, dans sa manière de portraitisé les doutes et les réactions de son personnage pour évoluer selon sa conscience. Autour de lui, outre Thierry Hancisse, deux autres sociétaires de la Comédie Française excelle, la trop rare Clotilde Bayser en conseillère désabusée et Guillaume Galllienne monstrueux d’arrogance. Laurent Grévill, en homme fidèle à son parti, Isabelle Le Nouvel en nouvelle venue fragile, devant subir l’arrogance des autres, Cyril Couton – révélé chez Stéphane Brizé – est amusant en rédacteur de discours, toujours affamé. Luc Thuillier en chauffeur énigmatique et Sophie Broustal en femme bafouée sont au diapason. L’actrice italienne Stefania Rocca joue la femme de Michel avec les failles de son personnages, faisant exister son personnage dans l’effacement et le prodigieux Maurice Bénichou nous livre une composition remarquable en mentor charismatique. Sans viser au réalisme – on suit le film sans trop réfléchir aux invraisemblance du scénario – autour du personnage d’Alain Doutey, excellent d’ailleurs ici, c’est normal on n’est pas ici chez Eric-Emmanuel Schmitt -, la vision distanciée du petit monde politique amène à la réflexion. L’écueil de la caricature et du « tous pourri » est ici plutôt évité, pour voir la manipulation générale, dans ce petit jeu des apparence. Arestrup ayant signé le scénario seul, le résultat final est assez convaincant. La manière de voir comment des individus peuvent abandonner ce en quoi il croient pour suivre une sorte d’intérêt général lénifiant me semble probante. L’idée de privilégier l’arrière-plan, l’anti-spectaculaire, la préparation aux meetings et au débats, nous donne une idée de correspondre parfaitement à l’envers du décors. Niels Arestrup a donc réussi son entrée dans la mise en scène, en nous livrant l’acuité de son regard. C’est une proposition de cinéma salutaire dans ce monde charmant en évolution sur les coulisses d’un monde qui nous échappe.

EL CUSTODIO

img339/5765/elcustodiosz0.jpg « El custodio – Le garde du corps » nous donne une nouvelle fois une bonne nouvelle du cinéma argentin, nous consolant un peu de la mort de leur cinéaste les plus doués Fabian Bielinsky. Ce film « una historia minima » pour détourner le titre d’un film de Carlos Sorin, narre le quotidien de Rubén, monolithique garde du corps du ministre de la Planification. Il officie son métier d’une manière morne, se raccrochant à des petits rituels d’approches et de surveillance. Il n’a que des rapports distants avec son supérieur qui l’ignore superbement, sauf quand il humilie parfois de manière peut être inconsciente – confère la scène du dessin avec les invités français, d’une violence inouïe… mais ordinaire -. Le cinéaste Rodrigo Moreno livre une mise en scène remarquable pour un premier film. C’est grâce au festival de Sundance qui l’a honoré du prix du meilleur scénario d’Amérique Latine qu’il a réussi à tourner son film. Il dresse un constat amer sur le poids des classes sociales. Le comédien argentin Julio Chávez est absolument remarquable dans le rôle du garde du corps, il a d’ailleurs reçu depuis l’ours d’argent du meilleur acteur au festival de Berlin, pour « El Otro ». Comme encombré par son corps massif, qui est aussi son instrument de travail, il nous fait comprendre son personnage.  Il nous permet de suivre son itinéraire et son intimité, et de sa manière froide de ne plus rester installé dans la résignation. Il est prodigieux dans le rôle de cet homme fondu dans le décors, contenant ses émotions. Le film laisse deviner qu’il avait tout pourtant pour réussir, mais on ne connaît pas les raisons de son échec à vivre autrement que la situation qu’il subit désormais. Il semble se contenter de la routine, de faire partie du décorum de l’entourage du ministre. Souffrant d’une grande solitude, il reste cependant à l’affût, déformation professionnelle oblige, de la vie qui lui semble extérieure.

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Julio Chávez

Rodrigo Moreno a un sens aiguë de l’observation, traquant l’insolite qui peut surgir à tout moment de bureaux aseptisés et impersonnels tout en verre. Rubén semble avoir des difficultés à meubler la vacuité de son quotidien, entre l’ennui qui continue dans son petit appartement. Moreno fait aussi un portrait implacable de la société argentine, montrant le désarroi des petites gens, une révolte sourde qui est près à exploser à tout moment. Il montre aussi les difficultés de la majorité de la population, à l’instar d’une vieille mère déambulant dans l’appartement de sa fille qui se prostitue, offrant un peu de réconfort à Rubèn. Tel un veilleur, Rubén observe de manière froide les vaines agitations politiques, ne pouvant que contenir son dépit, des désillusions sur un monde qui vit de compromissions. Il respecte des codes et des convenances admises de manière implicite, mais ces habitudes rassurantes finalement ne montre que la limite d’une soumission à notre société, renvoyant à nous à réfléchir lui-même sur son propre sort. Il y a dans ce film une manière assez inédite de faire coexister deux mondes, du premier plan sécurisé et en surveillance perpétuelle, et à l’arrière plan, l’exhibition manifeste des arcanes du pouvoir. De ces micros événements, il finit pourtant par naître une grande tension dramatique dans l’expression de l’indicible. A signaler la photographie magnifique signée Alvarez. On reste constamment attentif du sort de Rubèn, qui doit anticiper, toujours toute menace extérieure. De ce fait, il est pour nous une sorte de passeur, entre deux mondes. Il ne trouve d’ailleurs plus aucun réconfort dans aucun d’entre eux. « El custodio » est une proposition de cinéma admirable, annonçant la naissance d’un grand cinéaste, qui en partant d’un état des lieux de la vie en Argentine, finit par toucher à des thèmes universels sur la condition humaine et nous livre mine de rien à notre propre reflet.

ANNA M.

  Avant-première à l’UGC-Cité-Ciné Bordeaux, le 27 mars dernier du film de Michel Spinosa, en sa présence et celle toujours aussi chaleureuse d’Isabelle Carré. Anna – Isabelle Carré saisissante -, vit avec sa mère joué par Geneviève Mnich, toute en subtilité dans un personnage retenant ses émotions. Pour la petite histoire elle qui fut aussi sa partenaire au théâtre -. Elle restaure avec minutie les vieux livres de la Bibliothèque nationale. Un soir de désespoir, elle se jette sous les roues d’une voiture. Hospitalisée, elle est soignée par le docteur Zanevsky. Ce dernier est joué par le toujours impeccable Gilbert Melki dans un rôle voisin de celui qu’il tenait dans « Ca brûle », étonnant film de Claire Simon -. Elle focalise totalement son attention sur lui, malgré la distance qu’il installe en tant que soignant… Michel Spinosa a mis 5 ans à réussir à faire ce film. Il voulait raconter une histoire d’amour fou, dont le modèle était « L’histoire d’Adèle H » – voir l’allusion dans le titre -. Le scénario ne laisse rien au hasard, la narration est au service du personnage d’Anna, de son évolution et dans l’élaboration contruite de sa pathologie – voir l’évocation du « Cantique des cantiques ». On rentre dans son mode de pensée, ses priorités – les personnages de son entourage existent surtout selon qu’ils peuvent la servir dans son délire psychologique. Les personnages secondaires sont donc souvent dans l’ellipse, comme Anne Consigny probante en épouse dépassée par les événements, Samir Guesmi irrésistible en réceptionniste d’hôtel – grand moment d’humour, Eric Savin en papa de fillettes – elles sont dans des situations parfois fortes, mais sont restée dans l’amusement pour les jouer -, Francis Renaud en paumé ou Gaëlle Bona en bonne copine attentive -. Le personnage joué par Melki, est une victime désabusée, souffrant de la manipulation d’Anna et réduit au silence par les circonstances – voir le personnage dubitatif de l’inspecteur joué par le toujours étonnant Pascal Bongard. Il dresse le constat du problème de l’érotomanie – difficilement curable dit-il -, mais en évitant le côté clinique. La grande idée est d’avoir pris ici, d’avoir pris Isabelle Carré pour incarner Anna. Elle apporte une grande empathie à son personnage, même quand il est difficilement défendable. Le personnage joué par Catherine Deneuve dans le génial « Répulsion » de Polanski, était vu par exemple, au travers d’un prisme assez froid. Michel Spinoza assume ses nombreuses références cinématographiques et picturales, mais en ajoutant une observation baroque… On évite les roublardises de ce type de scénario, se limitant souvent qu’à une vaine manipulation du public en vu d’un twist final, les exemples sont légions, y compris dans le cinéma français – citons « A la folie… pas du tout » de Laetitia Colombani, avec déjà Isabelle Carré dans un rôle secondaire – .

Isabelle Carré

Le film génère une grande tension, un attachement qui bascule à une aversion pour l’héroïne du film… Le public riait parfois, d’un rire défensif, ce qui a valu quelques discussions avec le réalisateur, l’atmosphère du film pesait visiblement sur le public. Isabelle Carré, vive et toujours souriante, discute très volontiers avec le public, j’ai eu le plaisir de l’entendre sur sa rencontre avec Alain Resnais, qu’elle évoque avec chaleur. Elle le décrit comme secret, mais aussi très bavard, mais aussi à l’affut de tout – voir son grand intérêt sur les séries américaines -. Elle parle aussi de ses partenaires avec bonheur et reconnaissance, elle n’oublie pas de saluer Pierre Arditi, qu’il l’avait réconforté par téléphone à ses début, quand elle fut refusée par un casting à ses débuts. C’était passionnant de l’entendre parler de son travail, elle n’est d’ailleurs pas très tendre avec elle-même – elle était déçue par son jeu, lors du monologue de l’hôpital aux yeux rougis, elle se trouvait peu crédible alors que le public trouve la scène saisissante. Elle évoquait les méthodes de travail opposées d’Alain Resnais – qui privilégie les répétitions -, et de Michel Spinosa, qui préférait la spontaneité. Elle s’est donc nourrie d’œuvres musicales, littéraires ou cinématographique. Elle dit joliment que préparer son rôle, c’est comme répondre à une invitation à diner en venant avec un présent. Elle dit avoir été bluffé par le culot d’Ingrid Thulin dans l’un des chefs d’œuvres d’Ingrid Bergman « Le silence », où elle pratique l’onanisme, elle a d’ailleurs une scène similaire d’une même force. Elle qui se définit volontiers comme étant un G.O. – gentil organisateur – sur les tournages. Mais elle est resté dans l’isolement sur le tournage pour trouver les émotions du personnage. C’était un régal de l’entendre, de converser librement avec elle, toujours plus enthousiaste envers les autres qu’elle-même, et d’évoquer avec d’autres le tournage de « La reine blanche » ou du superbe « La femme défendue ». Je ressort un cliché déjà bien usé sur ce blog, mais elle est véritablement « Le stradivarius » du cinéma français – même pas foutu d’être original, je sais… -. Michel Spinosa confirme son talent – il avait signé un « Emmene-moi » claustrophobique révelant Karin Viard. Et Isabelle Carré, nous montre un nouvel aspect de son grand talent et de l’intensité de son jeu, régalant de sa grande gentillesse – c’est la troisième fois que je la rencontre et elle est toujours aussi agréable – . « Anna M. » est un film angoissant, minutieusement mis en scène, et une exploration probante d’une âme meutrie, teinté d’un romantisme noir.

DANS LES CORDES

Avant-première à l’UGC-Ciné Bordeaux le 23 mars dernier, du premier long métrage de Magaly Richard-Serrano, en sa présence et celle des comédiens Richard Anconina, Louise Szpindel et Stéphanie Sokolinski. Après le premier film de Carine Tardieu, c’est à nouveau une excellente surprise – on était plus habitué à la mode assez laborieuse des premières réalisations de « pipoles » ces derniers temps -. La réalisatrice met en scène le milieu de la boxe française, loin des stéréotypes habituels de ces types de films – le chant du cygne de Sylvester Sallone dans son curieux retour aux sources dans « Rocky Balboa », flirtant avec le hautement improbable -.  A la voir ainsi charmante, enceinte de 8 mois, la grossesse rayonnante, on ne se douterait pas qu’elle fut deux fois championne de France de ce noble art dans son adolescence. Elle a bien connu le parcours des deux jeunes héroïnes de son film. L’histoire, Joseph  vivote en affrontant les difficultés économiques d’un petit club de boxe qu’il dirige en région parisienne. Il entraîne avec sévérité sa fille Angie – Louise Szindel, étonnante de colère rentrée – et sa nièce Sandra – Stéphanie Sokolinski, un joli tempérament frondeur -, pour les prochains championnats de France. Elles sont complices, même si une petite rivalité sourde existe entre elle, les deux comédiennes font d’ailleurs preuve de beaucoup de justesse. Joseph ignore souvent sa femme Térésa – Maria de Medeiros, surprenante en blonde -, dont la sœur décédée était la mère de Sandra, elle tente de s’échapper de sa condition en se confiant parfois à une animatrice radio – la voix de Macha Béranger -. Le jour de la finale arrive, Angie semble être submergée par le trac… A l’évocation du film, on s’attend de voir une variation sur « Million dollar baby ». En fait le scénario est écrit avant la sortie du film, la réalisatrice ayant eu des difficultés à monter son film. Mais bien qu’ayant adoré le film de Clint Eastwood,  l’approche n’est pas du tout la même, personnellement je n’ai plus du tout pensé à son auguste prédécesseur en voyant l’univers de Magaly Richard-Serrano.

Louise Szpindel, Richard Anconina et Stéphanie Sokolinski.

Richard Anconina saluait la ferveur et la maîtrise de sa réalisatrice qui a réussi à imposer son univers, malgré les contraintes d’un budget restreint. Cinéphile, elle parle avec ferveur de « Fat city » de John Huston et de « Nous avons gagné ce soir », deux des plus beaux films sur ce sport. Elle concilie son amour du cinéma, à sa connaissance remarquable de la boxe, toute sa famille venant de ce milieu. Elle fait exister la cité, elle filme la banlieue sans clichés – ici Vitry-sur-seine -, malgré certains refus de tournage de quelques municipalités. Elle a réussi avec des lieux de tournage composites, à faire exister un cadre, évoquant un cadre social avec beaucoup de subtilité. Les combats de boxes, sont également superbement mis en scène, évoluant en fonction des états d’âmes du personnage d’Angie. Elle passe d’un réalisme âpre à un combat empreint d’onirisme. La distribution est probante de Richard Anconina, à l’aise dans la maturité, son personnage mettant beaucoup de pression sur les épaules des jeunes filles. Il défendait le film avec ardeur, même s’il me semblait un peu dans la distance avec le public, surtout quand un cinéphile lui ressortait la comparaison hasardeuse de l’ineffable Jean Tulard,  avec Marcel Mouloudji acteur – réponse du comédien mais je vais signer les autographes Adamo, alors -. Louise Szindel – remarquée par la réalisatrice dans un téléfilm « Des épaules solides » où elle incarnait également une sportive – a donné une très grande force à son personnage et Stéphanie Sokolinski, enthousiaste de faire découvrir ce film à sa famille bordelaise, faisait preuve d’un grand charme, elle était tout étonnée que je la reconnaisse après l’avoir vue en jolie maîtresse de François Cluzet dans « Ma place au soleil » d’Éric de Montalier à l’affiche en ce  moment également. Elles évoquaient l’entraînement et la chorégraphie apprise pour incarner ces boxeuses avec beaucoup de modestie. Maria de Medeiros donne une belle épaisseur à son personnage de femme meurtrie, Bruno Putzulu est très attachant en boxeur, remontant sur le ring après des années d’absence, et les comédiens non-professionnels sont tous remarquables. Saluons le trop rare Jean-Pierre Kalfon – qui revient enfin plus régulièrement à l’écran, il y a 5 films tournés en 2006 dans son CV – compose avec son habituel côté dandy, un saisissant arbitre de boxe, attendri par les difficultés du personnage de Joseph. Touché par l’univers de la boxe, il a selon la réalisatrice réalisé un documentaire à l’issue du film. C’est toujours une belle émotion que de découvrir les premiers plans d’un premier film et de découvrir la naissance d’une artiste. C’est le cas avec ce film ci, alternant lyrisme et une approche documentaire. Ce n’est pas si fréquent en ce moment dans le cinéma français.

LA TETE DE MAMAN

Il y avait eu une avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux du premier long-métrage de Carine Tardieu, « La tête de maman », le 9 février dernier, en sa présence et celle de sa jeune interprète Chloé Coulloub. Le souvenir du film sorti ce 28 mars, est resté vivace, ce qui n’est pas si fréquent. Lulu, 15 ans, vit dans une région tranquille de la France, avec son père Antoine, un ingénieur souvent absent – Pascal Elbé – et sa mère, Juliette, une hypocondriaque patentée – Karine Viard dans une étonnante composition de l’éditrice survoltée dans « Les ambitieux » de Catherine Corsini, traînant une éternelle langueur. Cette dernière est plus à l’écoute de ses embarras gastriques que sa fille. Sa fille, éternelle révoltée, est bagarreuse et n’hésite pas à partager des coups de poing, avec son copain de classe Simon et ne ménage pas beaucoup sa grand-mère – Suzy Falk, formidable comédienne belge -. Elle s’invente une mère de substitution, qu’elle fantasme en la présence de Jane Birkin – excellentes interventions de Jane, jouant avec délectation l’imagination de la réalisatrice. Un jour Lulu, tombe sur un film super-8, où adolescente, elle avait un grand sourire, elle était amoureuse d’un certain Jacques Charlot. Lulu tente de retrouver ce dernier vingt ans après, histoire de comprendre pourquoi le sourire de sa mère s’est volatilisé. L’histoire de ce film, provient d’un coup de cœur du producteur Christophe Rossignon – qui fait son habituelle apparition dans les films qu’il produit, ici en patron de café dépenaillé – pour les deux premiers courts-métrages de la réalisatrice – « Les baisers des autres » (2002) , « L’aîné de mes soucis » (2004) -. En effet, il l’avait rencontrée dans un festival, et avait accepté de visualiser ses films sur un lecteur DVD, tout en déclarant ne plus vouloir du tout produire de premiers films. Mais emballé par le résultat, il lui commande son premier long, alors qu’elle n’avait pas de projets particuliers. Elle écrit donc ce film, avec Michel Leclerc rencontré lors de l’écriture d’une série sur France 2 : « L’âge sensible » éphémère série abandonnée rapidement par la chaîne, alors que Martin Winckler la défendait avec enthousiasme. Le tandem Michel Leclerc – qui avait réalisé « J’invente rien », un film décalé très drôle avec Elsa Zylberstein et déjà Kad Merad, apportant un humour proverbial, et Carine Tardieu, plus dans la gravité et la rêverie, donne un étonnant cocktail doux amer.

Chloé Coulloub & Karine Viard

Ce premier film est une très bonne surprise, Chloé Coulloub vu vite après dans le téléfilm d’Alain Tasma, « La surprise » où elle jouait la fille peu compréhensive de Mireille Perrier, a un tempérament étonnant. La jeune comédienne a d’ailleurs un sacré aplomb, qui lui a permis de décrocher presque immédiatement le rôle lors des castings. Elle a dû juste prendre un peu de poids pour ne pas donner trop d’assurances dans sa composition. Elle déclare d’ailleurs avoir abandonné l’école à 16 ans, et sans faire la fausse modeste, se déclare assurée de réussir dans ce métier. Pourquoi pas finalement, car c’est une nature qui devrait visiblement exister au cinéma. Ce film est un hommage de Carine Tardieu, à sa mère, dont le destin a été – sans vouloir déflorer l’histoire du film – le même que celui du personnage de Juliette. Le film est poétique, onirique et décalé, du personnage de Pascal Elbé poétisant un travail que l’on imagine austère, au personnage joué par Kad Merad – celui de Jacques, qui déçoit de prime abord la jeune Lulu « … Qu’est-ce qu’il a pris dans la gueule en 20 ans ! », dit-elle en commentaire. On s’attache rapidement aux personnages, pour savoir ce qui se passe dans « la tête de Maman ». La mise en scène est d’une inventivité constante, aussi bien dans la forme que dans la narration. Dans un cadre suranné, elle arrive aisément à faire naître l’émotion. Tous les comédiens sont d’ailleurs excellent, Chloé Coulloub, donc en ado effrontée, Karine Viard en mère éthérée, Kad Merad qui en vétérinaire dans un zoo, continue à nous prouver son grand talent et Pascal Elbé – dans un personnage en retrait, ce dont il semblait un peu souffrir selon sa réalisatrice, par ses interventions souvent ponctuelles. A noter quelques personnages secondaires juste, comme une Lisa Lamétrie envahissante rendant visité à Juliette, ou Jérôme Kircher, compagnon de route de Juliette adolescente. Carine Tardieu a une grande conviction comme réalisatrice, c’était un régal de l’écouter, dans ses choix de mise en scène, ou dans ses évocations d’instants imprévus, comme le léopard, tétanisant Karine Viard, d’où une scène où elle regarde dans le vague avec Kad Merad, la réalisatrice ayant oublié au couple de sourire. L’univers de cette cinéaste est donc à suivre assurément.

J’ATTENDS QUELQU’UN

Avant-première à Bordeaux du film de Jérôme Bonnell, le 16 mars dernier à l’UGC-Ciné cité en présence de son réalisateur et de la comédienne Florence Loiret-Caille, en clôture d’un festival de courts-métrages. Louis – Jean-Pierre Darroussin, toujours aussi formidable -, est patron d’un café dans une petite ville de la banlieue parisienne. Il a un fils dont il ne s’occupe guère, et rend régulièrement visite à une prostituée occasionnelle un peu perdue, Sabine, il semble d’ailleurs être très attaché à elle. Il a instauré un rite en la retrouvant souvent dans un hôtel. Il va voir régulièrement sa mère – Mireille Franchino, très juste –, hospitalisée car elle semble perdre la mémoire, avec sa sœur Agnès– Emmanuelle Devos, épatante et solaire -, avec laquelle il a une grande complicité. Agnès, qui est institutrice, vit en couple avec Jean-Philippe – Éric Caravaca, défendant superbement son rôle -, professeur assez timoré. Le couple est assez solide, même s’il souffre de ne pas avoir d’enfants. Arrive le jeune Stéphane – Sylvain Dieudaide, sans doutes LE regard le plus triste du cinéma français -, qui fut d’ailleurs élève d’Agnès et qui revient dans la région après une longue absence. Il se lie d’amitié avec Tony – Yannick Choirat, très juste également -, chômeur sympathique et qui vit avec Farida – Sabrina Ouazani, un tempérament -. Ce petit monde triste se construit pourtant de petits moments de bonheur. Le film confirme le talent de Jérôme Bonnell – fils de René Bonnell pour la petite histoire – après le très probant « Les yeux clairs », je n’ai hélas pas vu son premier film « Le chignon d’Olga » -. C’est un cinéma qui privilégie ses personnages, prend le temps de le suivre. Il y a chez lui un grand sens de l’observation, une manière très personnelle de capter les émotions.

Florence Loiret-Caille & Jean-Pierre Darroussin

Le cinéaste est très habile pour faire alterner des moments cocasses et pour faire naître des émotions à travers plusieurs portraits de personnes partageant la même mélancolie. Tous les personnages existent, comme la mystérieuse femme aux chiens blancs, passante énigmatique – il m’aura fallu lire le générique pour percuter et enfin reconnaître l’excellente Nathalie Boutefeu, pourtant l’une des meilleures comédiennes de sa génération. C’est une idée ludique, pour celle qui fut présente dans « Le chignon d’Olga » et qui fut attachante dans « Les yeux clairs ». On s’attache à tous les personnages, comme celui de Marc Citti, comédien scandaleusement sous-estimé irrésistible en papetier amateur de bananes – il faut le voir manger sa banane avec un couteau, évoquant l’un des meilleurs épisodes de la série « Seinfeld », celui de la barre chocolatée mangée avec des couverts. Le quotidien est ici rendu avec une étonnante sensibilité, la caméra accompagne les acteurs qui rivalisent de justesse. Il traque l’insolite, les petits riens, à l’exemple d’un chien confié par une zonarde dans un parc. Il s’attendrit sur la lourdeur que démontrent parfois les êtres, à l’image de Louis ayant des gestes déplacés avec son employée. Il y a un lien et une unité dans les caractères, ce qui manquait au pourtant estimable « Ma place au soleil », film choral d’Éric de Montalier. Jérôme Bonnell ressemble à ses films, déterminé, avisé. Il évoquait l’écriture du film, débutant sur les personnages de Louis et de Sabine, avant de faire appel à d’autres personnages coexistant avec ce couple de départ.  Florence Loiret-Caille, une nature révélée dans « Une aventure » notamment, est ici bouleversante dans ce personnage à la fois fort et fragile. La comédienne présente donc au débat était d’une grande timidité, préférant visiblement parler du grand talent d’un Jean-Pierre Darroussin plutôt que de parler de son métier. Jérôme Bonnell est assurément un cinéaste à suivre de très près. Un excellent cinéma qui oscille entre le charme et la gravité.

ENTRE ADULTES

 Avant première du film « Entre adultes », le lundi 12 février, à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux, en présence de son réalisateur Stéphane Brizé, de Simon Lelouche – fils de Claude – son distributeur et de la comédienne Jeanne Ferron. Surprise son troisième long-métrage, après « Le bleu des villes » et « Je ne suis pas là pour être aimé », est en fait son second… Le cinéaste vivotait avec divers travaux publicitaires, il accepte donc en 2004, une commande en région Centre-Val-de-Loire,  filmer des comédiens de théâtre pour qu’ils découvrent et se familiarisent avec la caméra en 4 jours seulement. Il écrit donc 12 rôles, pour 6 couples, et décide de prendre l’idée de la construction de la  « Ronde » d’Arthur Schitzler, qui a donné un chef d’œuvre absolu au cinéma avec le film de Max Ophuls. La technique de tournage avec deux DV est ultra-rapide, les comédiens qui ont appris à se connaître en amont, n’ont qu’une heure parfois pour apprendre et mémoriser le texte, ce qui donne une impression très forte de vécu. Stéphane Brizé avait évoquait la liberté que cette méthode pouvait lui apporter dans son tournage suivant, en évitant de trop répéter les situations – outre d’avoir découvert Cyril Couton dans ce film qui devait ensuite tenir le rôle du fils de Patrick Chesnais -. Le regard confondant de naturel, et sans tabous, sur le couple est assez désabusé, le mâle étant assez veule. Ce parti-pris offre un naturel, des petites médiocrités dans un couple, des dissimulations, sur les petits mensonges et arrangements qui permettent d’avancer dans les faux-semblants. Il n’y a pas de jugements sur ses personnages désabusés, parfois couard, mais vivants. Ces couples adultères ou légitimes, vivent émoussements des rapports amoureux mais sont assez dignes à l’encontre de la misère sexuelle d’un petit chéfaillon d’un magasin qui fait un chantage affectif avec une prostituée occasionnelle et abuse de sa situation devant une demandeuse d’emploi. 

Les comédiens du film

Les comédiens sont tous particulièrement remarquable, et il était impressionnant de voir la vraie nature de la comédienne Jeanne Ferron, qui a une très forte nature comique, qui tourne beaucoup en province dans des spectacles comiques, bien que devant jouer dans l’avenir Shakespeare, « Macbeth » , seule en scène ! Elle est dans la lignée de Zouc si on tente un peu de la définir, ce qu’on ne pouvait présumer à la vision du film, elle joue une femme trompée qui fait un entretien d’embauche et doit subir une humiliation de la part de son futur employer qui manque de la harceler. Facétieuse, et rieuse elle était irrésistible. Ce film n’avait pas pour but d’être diffusé en salle, mais en 2005, Stéphane Brizé avait montré ce film à son ami Simon Lelouche – une nature visiblement passionnée -, qui lui a montré rapidement son envie de le sortir en salle. Il a convaincu son père Claude, également enthousiaste, de le sortir en salles – à noter l’affiche un peu racoleuse -, il est vrai qu’il y a une similitude dans le traitement, de la spontanéité que pouvait avoir avec des films comme « Smic, Smac, Smoc », ce qui constitue à mes yeux le meilleur du cinéma de Lelouch, loin de ses fresques pachydermiques – C’était un bonheur de retrouver sur le câble « Toute une vie », ratage et naufrage quasi-total si on excepte la présence de l’excellent Charles Denner. Loin d’être anecdotique et une simple expérience de « laboratoire », le film confirme le grand talent de Stéphane Brizé, quelque soit le support, son regard acerbe sur ses contemporains. Le film donne de l’espoir, quand on sait l’époque que traverse le cinéma français, Pascale Ferran démontrant parfaitement l’écart grandissant des budget entre les petits films d’auteurs fauchés et les grosses productions, les films entre ses deux financements disparaissant peu à peu, car il démontre que l’on peut faire une œuvre à peu de frais. Le générique de fin est d’ailleurs disproportionné avec la liste de la petite équipe du tournage, que de ceux ayant travaillé le format VHS pour la sortie du film. Une bouffée d’air frais dans notre cinéma français national qui flirte dangereusement avec la sclérose ses derniers temps.

ARRÊTES DE RAMER, T’ATTAQUES LE VIEUX PORT

Restons dans l’acrimonie sur le cinéma français, malgré la bouffée d’air frais de la déclaration de Pascale Ferran dans la cérémonie des Césars. On le sait bien que l’on ne doit pas compter sur un Besson – que ce soit Eric et Luc -, mais prenons donc des nouvelles du maquignon du cinéma français. Ce Besson là, dépense beaucoup plus d’énergie à parfaire son image de vieux gamin sincère et citoyen – il est aussi convainquant que Nicolas Dupont-Aignan, quand il essaie de nous faire croire qu’il se sent concerné par la banlieue ou l’écologie -. On attend donc qu’il nous déclare qu’il ne « va pas révolutionner » le cinéma français mais « l’amender » et « l’améliorer » sur un certain nombre de points… On ne peut pas dire qu’il est passé à la quatrième vitesse avec ce « T4XI », en nous livrant sa dernière séquelle. Le seul gag probant du film est la mention du générique « scénario de Luc Besson » ! Il nous annonce que c’est le dernier opus de la série, mais doit-on le croire quand on a vu la fin ouverte de son fadasse « Arthur et les minimoys », quand il annonçait arrêter la réalisation, c’est cruel de nous faire de fausses joies… On retrouve donc l’équipe habituelle des crétins bessonniens, sans Marion Cotillard, heureusement pour elle. Le commissaire Gilbert – Pauvre Bernard Farcy brassant beaucoup d’air, mais on n’a pas tous les jours l’occasion de jouer le rôle de Charles De Gaulle -, doit recevoir à Marseille un grand truand belge pour qu’il soit jugé au Congo… Passons sur le cas de Samy Naceri, qui défraye souvent la chronique et qui n’a d’ailleurs pas grand chose à faire ici, et qui me fait penser à la déclaration du personnage joué par Peter Ustinov dans « Lola Montès » de Max Ophuls : « Si le récit de vos scandales ne suffit pas à emplir une soirée, on en inventera d’autres ». Frédéric Diefenthal, Edouard Montoute doivent meubler comme ils peuvent. Il a aussi deux gamins et Emma Sjöbert-Wyklund, créature bessonnante par excellence qui se partagent les vacuités du scénario. Quant à Jean-Christophe Bouvet en général déjanté, alors qu’il nous avait arraché un sourire ou deux dans les autres versions, est même ici carrément pathétique. Luc Besson qui a abandonné tout espoir de créativité ce dernier temps, nous sert un synopsis proche du vide abyssal. 

François Damiens, Jean-Luc Couchard & Mourade Zeguendi, où comment sauver les meubles

De plus il pille sans vergogne, un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaîîîtttreuuuu, tel « Les ripoux » (1984), – le coup de l’annuaire, les délires d’un commissaire après une prise de coke involontaire, gag que sublimait le génial Julien Guiomar -. Il nous ressert aussi l’idée des « Fugitifs » de Francis Veber, avec le grand Jean Carmet, où un vétérinaire voulant soigner le commissaire Gilbert, s’étant administré un calmant pour grands fauves, trouve qu’il a la truffe un peu chaude (mort de rire !). On connaissait son côté plagiaire, voilà qu’il assume ici sans états d’âmes. On a droit a deux guest stars Djibril Cissé et Patrick Poivre d’Arvor -co-prod avec TF1 oblige -, qui semblent se demander ce qui font là. Ses attaques contre Nicolas S., qui devraient nous être sympathique ne volent pas très haut, Bernard Farcy évoquant le « karcher », un gros sac sur lequel il est écrit « Ministère de l’Intérieur », servant à capturer une femme de ménage, sont plats et très loin d’être corrosives. C’est à la fois démagogue et ridicule. En prime, il fait parler ses silhouettes – car il n’y a aucun second rôle, Frédérique Tirmont ou Marc Andréoni, ne faisant que passer -… avec l’accent méridional, alors que l’on sait à la vision de la série de France 3 « Plus belle la vie », que plus personne ne parle de cette manière à Marseille… à part Michel Cordes bien sûr ! La seule bonne idée du film, est d’avoir repris les interprètes du réjouissant « Dikkenek », produit par « Europacorp » d’ailleurs, de manière assez opportuniste. Jean-Luc Couchard et François Damiens en grands méchants belges ont beaucoup de talent pour nous amuser ici, avec des situations aussi minimalistes, voir la pitoyable parodie du « Scarface » version De Palma.  Ils doivent avoir un talent certain d’improvisation… Retour donc à ses premières amours pour le sieur Besson, qui ne l’oublions pas était assistant réalisateur sur « Les bidasses aux grandes manœuvres » de Raphaël Delpard en 1981. Mais notre « mogulet » roublard et français a finalement raison, à quoi bon faire preuve de dignité quand on méprise son public, puisque cela marche. De la fumisterie hissée jusqu’au niveau des beaux-arts… Mais qui nous en débarrassera ? Passons charitablement sur le rôle de yes-man de Gérard Krawczyk – qui apparaît ici dans la salle des coffres d’une banque de Monaco -. On sait qu’il a beaucoup de talent, voir son film précédent La vie est à nous. Souhaitons qu’il revienne à une veine un peu plus personnel, que son prochain film, remake de « L’auberge rouge ».

LE COIN DU NANAR : ODETTE TOULEMONDE

Tout fout le camp, mon brave M. E.E. Schmitt, François Berléand vire à droite et soutient François Bayrou, après avoir évoqué son « charisme de nouille »… dans « Voici » ! – il est vrai « Politic circus » confine au grotesque ces derniers temps, mais tout de même… – le couple Chazal/Torreton bat de l’aile, Patrick Le Lay quitte TF1 – mais qui va nous vendre désormais du cerveau disponible ? -, Maurice Papon même mort, continue à être indigne, Jean-Luc Delarue mord un steward – encore un mythe qui s’effondre -. Bref, le moral général est en berne comme dit l’insupportable publicité « Ikéa » – que celui qui a réalisé cette pub, se dénonce -, pourquoi ne pas tenter une overdose de rose, un petit bain rafraîchissant de cuculterie, que vous nous proposez avec ce « film »,  « Odette Toulemonde » ! Il est tout même élu « Coup de foudre du public » (sic), comme vous l’annoncez avec grande modestie dans votre site officiel. A l’instar des ineffables « écrivains » Alexandre Jardin avec « Fanfan » et Didier Van Cauwelaert avec « Les amis de ma femme », passés à la réalisation, tout en atteignant des sommets dans le style des films gravissimes, on attendait donc beaucoup de vous comme réalisateur. De plus, un auteur qui a massacré l’œuvre de Dumas pour Josée Dayan, ne peut que ravir les amateurs de nanars, dont je suis. Attendant, la fin de la séance précédente, je commence à m’inquiéter, le public est content, trouve le film… rafraîchissant… Hein ? Le naufrage annoncé serait-il évité, le film convenable, j’en frémis d’avance…  Je suis très vite rassuré, c’est bien un naveton : Odette Toulemonde – Catherine Frot qui reprend son personnage d’ »Un air de famille », en plus gnangnan -, est une vendeuse modeste d’un grand magasin en Belgique. Mais elle semble avoir le don du bonheur, ce qui l’aide à subsister dans la « mornitude » comme dirait Ségolène, en compagnie de sa fille, une adolescente ingrate flanquée d’un jeune beauf aux pieds sales et son fils, un coiffeur homosexuel. Elle doit son optimisme béat à la lecture d’un écrivain populaire qui n’aspire qu’à la reconnaissance critique, – Albert Dupontel qui fait ici le grand écart, qui d’autre peut se targuer de passer d’ »Irréversible » de Gaspar Noé à ce type de film ? -. Odette est une fan maladroite, qui perd ses moyens à la vue de son idole. L’écrivain qui tente de se suicider après bien des malheurs – il s’appelle Balhazar Balsan, ce qui du meilleur goût quand on pense au suicide du producteur Humbert Balsan -. Il trouve du réconfort auprès d’Odette, après bien des péripéties ineptes. Le film est porté par ses deux interprètes, qui n’ont pas l’air d’y croire beaucoup, et les décors de Belgique – pour cause de co-prod – apportent une consistance, face à une absence de scénario et d’idées.

Catherine Frot, il faut que tu lévites ? non, il faut que tu l’évites !

Il faut voir Catherine Frot léviter à la moindre émotion, et voir comment vous répétez à l’envi la moindre de vous « trouvailles » – Pôôôvre personnage de Jésus -. Vous assumez vos clichés, mais on n’est pas obligé de vous suivre dans le premier degré. Grande première, Jacques Weber s’échappe du film de Catherine Corsini, « Les ambitieux » pour atterrir chez vous. Est-ce un effet secondaire d’abus de Danacol, mais il retrouve exactement le même rôle de critique infatué de lui-même – un rôle de composition de toute évidence… -. Mais bonne nouvelle, il ne fait que passer, vous avez eu pitié de nous… Vous transformez la pétulante et trop rare Camille Japy en nunuche intégrale, ce qui tient de l’exploit. Le sympathique Alain Doutey est réduit à l’état d’ectoplasme et les autres comédiens font ce qu’ils peuvent. On attend un peu d’ironie, mais il est en rien, vous essayez de faire rire avec le cancer du sein, de manière irresponsable, mais n’est pas Pierre Desproges qui veut. Vous lorgnez allégrement sur l’œuvre de Jacques Demy ou de Jaco Van Dormael, mais « roséifier » un film ne signifie pas avoir leurs talents. Nicolas Piovani fait ce qu’il peut pour sauver les meubles avec son talent habituel de musicien. Il faut saluer aussi votre exploit de transformer la légèreté de Joséphine Baker en balourdise absolue. Il faut vous concéder que vous osez aller ici, très loin dans la mièvrerie, sans peur du ridicule, ce qui est courageux. Mais même le lénifiant « Pretty woman », c’est du Zola en comparaison…. On attend une « unhappy ending », qui semble venir et qui sauverait l’ensemble, mais non ! vous sombrez sans états d’âmes dans la guimauve. Il faut voir comment vous essayer de contrer les critiques du film, en mettant le public dans « votre poche ». Votre film est idéal pour nous refourguer du cerveau disponible. La mémoire de Patrick Le Lay perdure, je prends rendez-vous pour me faire une lobotomie générale, mes congénères spectateurs ayant « la banane », mon côté pisse-froid ne va pas me permettre de survivre ici-bas… J’abandonne toute espérance, me désolant de ne voir rien de propant à cette nouvelle mode de films de peoples… Je cours voir Taxi 4, histoire de me donner le coup de grâce…

JE CROIS QUE JE L’AIME

Avant-première, jeudi 8 février à l’UGC-Cité Ciné, du film de Pierre Jolivet « Je crois que je l’aime » en sa présence et celle de Vincent Lindon. On peut remarquer de plus en plus de comédies « auteuristes », comme par exemple Catherine Corsini, qui vient d’en alterner deux, faute de pouvoir sans doute alterner les genres. Pierre Jolivet avait signé un film plus personnel avec « Zim & co » qui n’a hélas pas eu le succès escompté. Il s’entoure donc ici de fidèle, comme avec François Berléand – c’est leur neuvième signe ensemble -, Albert Dray et donc Vincent Lindon. Le scénario co-écrit avec Simon Michaël est habile. Un riche et suspicieux industriel, tombe amoureux d’Elsa, une céramiste au caractère bien trempé, qui réalise une fresque dans le hall de son entreprise. Lucas est très blasé depuis sa dernière rupture sentimentale. Il lutte contre son ancienne femme partie aux États-Unis, pour récupérer la garde de son fils. L’entourage de Lucas – un œil sur les actions de la société – ne souhaite pas retrouver ce type de situation, car ils ont beaucoup à perdre en cas de déprime. Sa société peut péricliter très vite si le propriétaire des lieux se laisse envahir par la morosité qui le neutralise complètement. Lucas décide alors de faire suivre la jeune femme par son responsable de la sécurité, Roland Christin joué par François Berléand. Il est excellent comme à l’accoutumée, je pense ne plus trop être objectif, mais les rires du public qu’il déclenche couvrent même certaines répliques du film. Christin, tendance pervers-pépère, a un système d’écoute très perfectionné, Simon Michaël ayant appartenu aux Renseignements généraux, a dû se servir de son expérience, pour l’écriture de ce personnage. Le moindre détail est ainsi décortiqué, par cet espion qui se vante d’avoir fait ses armes sous François Mitterrand – allusion des Irlandais de Vincennes, un cadre de l’ancien président est sous son bureau -. Pierre Jolivet signe ici une charmante comédie, montrant très justement la rencontre de deux êtres et la peur de tomber amoureux très dans l’air du temps. Il égratigne les arcanes du pouvoir, et la tendance au repli sur soi bien dans l’air du temps. Sandrine Bonnaire rayonne particulièrement, il est vrai que mis à part « Mademoiselle » de Philippe Lioret, on  ne l’a que très peu vue dans le registre de la comédie. Il y a une évidence que son talent et son tempérament sont idéals pour s’épanouir dans ce type de films. Lindon au jeu inquiet arrive à nous rendre son personnage, peu sympathique, finalement attachant.

Sandrine Bonnaire & Vincent Lindon

Kad Mérad – qui forme un couple très probant quoi qu’inattendu avec la belle Hélène de Saint-Père -, en ami confident est toujours aussi réjouissant. On retrouve aussi quelques seconds rôles, comme le fidèle Albert Dray, chauffeur – alors qu’il ne lui reste que 3 points – particulièrement dévoué et observateur, Mar Sodupe et Guilaine Londez sont excellentes en employées dévouées de Lucas et succombant à son charme. Le vétéran Venantino Venantini dans le rôle de « Della Ponte », en créateur amoureux de son art de la céramique, nous offre aussi un joli moment de sensibilité, loin de ses rôles habituels. Liane Foly est assez inattendue en garce à l’accent du Canada, Pierre Diot en conseiller et Brian Bigg en sumotori apportent également un décalage proverbial. Le débat était intéressant, retrouver Pierre Jolivet et son humour perpétuel, était passionnant et passionné, parlant de son amour pour écrire pour ses fidèles interprètes. Il fallait l’entendre évoquer sa rencontre avec un assureur – sa confrérie ayant été égratigné dans « Ma petite entreprise » -, venant après le cambriolage de son logis, lui reprocher dans ce film, qu’un des personnages casse la fenêtre de gauche, alors que tous les professionnels savent bien que c’est bien celle de droite qu’il faut fracasser pour tout types de forfaits. Vincent Lindon, toujours un peu sur la défensive, semblait cependant plus détendu que lors de l’avant-première du « Fils du guerrier » par exemple -, mais il continue à parfaire son petit côté écorché vif, tout en étant très enthousiasme. Il est plus détendu, quand je l’ai félicité ensuite directement, sur ces choix et sa manière de défendre des rôles sortant du tout venant du cinéma français – « Chaos », « La moustache » -. La rencontre entre Sandrine Bonnaire et Vincent Lindon – des retrouvailles après le film de Claude Sautet, « Quelques jours avec moi » -, elle solaire et indépendante, lui plus fébrile, fonctionne parfaitement. Le premier titre « Irrésistible » du film, non retenu finalement, correspond assez bien à la vision de cette charmante comédie. Saluons le talent de Pierre Jolivet, qui semble toujours faire un film en se démarquant du précédent.