Avant-première à l’UGC-Ciné Bordeaux le 23 mars dernier, du premier long métrage de Magaly Richard-Serrano, en sa présence et celle des comédiens Richard Anconina, Louise Szpindel et Stéphanie Sokolinski. Après le premier film de Carine Tardieu, c’est à nouveau une excellente surprise – on était plus habitué à la mode assez laborieuse des premières réalisations de « pipoles » ces derniers temps -. La réalisatrice met en scène le milieu de la boxe française, loin des stéréotypes habituels de ces types de films – le chant du cygne de Sylvester Sallone dans son curieux retour aux sources dans « Rocky Balboa », flirtant avec le hautement improbable -. A la voir ainsi charmante, enceinte de 8 mois, la grossesse rayonnante, on ne se douterait pas qu’elle fut deux fois championne de France de ce noble art dans son adolescence. Elle a bien connu le parcours des deux jeunes héroïnes de son film. L’histoire, Joseph vivote en affrontant les difficultés économiques d’un petit club de boxe qu’il dirige en région parisienne. Il entraîne avec sévérité sa fille Angie – Louise Szindel, étonnante de colère rentrée – et sa nièce Sandra – Stéphanie Sokolinski, un joli tempérament frondeur -, pour les prochains championnats de France. Elles sont complices, même si une petite rivalité sourde existe entre elle, les deux comédiennes font d’ailleurs preuve de beaucoup de justesse. Joseph ignore souvent sa femme Térésa – Maria de Medeiros, surprenante en blonde -, dont la sœur décédée était la mère de Sandra, elle tente de s’échapper de sa condition en se confiant parfois à une animatrice radio – la voix de Macha Béranger -. Le jour de la finale arrive, Angie semble être submergée par le trac… A l’évocation du film, on s’attend de voir une variation sur « Million dollar baby ». En fait le scénario est écrit avant la sortie du film, la réalisatrice ayant eu des difficultés à monter son film. Mais bien qu’ayant adoré le film de Clint Eastwood, l’approche n’est pas du tout la même, personnellement je n’ai plus du tout pensé à son auguste prédécesseur en voyant l’univers de Magaly Richard-Serrano.
Louise Szpindel, Richard Anconina et Stéphanie Sokolinski.
Richard Anconina saluait la ferveur et la maîtrise de sa réalisatrice qui a réussi à imposer son univers, malgré les contraintes d’un budget restreint. Cinéphile, elle parle avec ferveur de « Fat city » de John Huston et de « Nous avons gagné ce soir », deux des plus beaux films sur ce sport. Elle concilie son amour du cinéma, à sa connaissance remarquable de la boxe, toute sa famille venant de ce milieu. Elle fait exister la cité, elle filme la banlieue sans clichés – ici Vitry-sur-seine -, malgré certains refus de tournage de quelques municipalités. Elle a réussi avec des lieux de tournage composites, à faire exister un cadre, évoquant un cadre social avec beaucoup de subtilité. Les combats de boxes, sont également superbement mis en scène, évoluant en fonction des états d’âmes du personnage d’Angie. Elle passe d’un réalisme âpre à un combat empreint d’onirisme. La distribution est probante de Richard Anconina, à l’aise dans la maturité, son personnage mettant beaucoup de pression sur les épaules des jeunes filles. Il défendait le film avec ardeur, même s’il me semblait un peu dans la distance avec le public, surtout quand un cinéphile lui ressortait la comparaison hasardeuse de l’ineffable Jean Tulard, avec Marcel Mouloudji acteur – réponse du comédien mais je vais signer les autographes Adamo, alors -. Louise Szindel – remarquée par la réalisatrice dans un téléfilm « Des épaules solides » où elle incarnait également une sportive – a donné une très grande force à son personnage et Stéphanie Sokolinski, enthousiaste de faire découvrir ce film à sa famille bordelaise, faisait preuve d’un grand charme, elle était tout étonnée que je la reconnaisse après l’avoir vue en jolie maîtresse de François Cluzet dans « Ma place au soleil » d’Éric de Montalier à l’affiche en ce moment également. Elles évoquaient l’entraînement et la chorégraphie apprise pour incarner ces boxeuses avec beaucoup de modestie. Maria de Medeiros donne une belle épaisseur à son personnage de femme meurtrie, Bruno Putzulu est très attachant en boxeur, remontant sur le ring après des années d’absence, et les comédiens non-professionnels sont tous remarquables. Saluons le trop rare Jean-Pierre Kalfon – qui revient enfin plus régulièrement à l’écran, il y a 5 films tournés en 2006 dans son CV – compose avec son habituel côté dandy, un saisissant arbitre de boxe, attendri par les difficultés du personnage de Joseph. Touché par l’univers de la boxe, il a selon la réalisatrice réalisé un documentaire à l’issue du film. C’est toujours une belle émotion que de découvrir les premiers plans d’un premier film et de découvrir la naissance d’une artiste. C’est le cas avec ce film ci, alternant lyrisme et une approche documentaire. Ce n’est pas si fréquent en ce moment dans le cinéma français.