Bon on digère un peu le traumatisme du 21 avril 2002 avec les résultats d’hier soir, avec la petite satisfaction de voir l’échec – relatif – d’un vieux cabotin d’extrême droite qui a peut être mené son combat de trop. “Le candidat”, premier film de Niels Arestrup tombe donc à point nommé, même si son auteur de défend d’avoir voulu coller avec l’actualité dans ce projet vieux de 4 ans. Michel Dedieu – non n’insistez pas je ne ferai pas de jeu de mots ! -, est un homme politique influent dans un pays que l’on arrive pas définir. Il est incarné par un Yvan Attal formidable de justesse, montrant avec sobriété les états d’âmes de son personnage. Il remplace au débotté, aux élections présidentielles, le candidat titulaire, obligé de se retirer pour des raisons de santé. Il s’isole dans son luxueux château, pour préparer le débat télévisé du second tour, avec une équipe de spécialistes, faisant partie des apparatchiks de son parti. L’équipe a fort à faire, car Dedieu a une image négative et austère auprès de l’opinion publique. Eric Carson son opposant – Thierry Hancisse dans une excellente composition – est lui beaucoup plus convivial et à l’aise dans ce joyeux monde, il est le favori dans les sondages… Michel s’applique à bien faire, mais doit également gérer son couple qui bat de l’aile, une crise internationale qui se prépare, et la suffisance de la petite équipe qui l’entoure. Le chef du parti – Niels Arestrup en personne qui “brando-ise” – avec brio, semble surveiller tout ce petit monde avec condescendance. L’atmosphère est lourde, cette réunion est la dernière chance de Michel d’éviter le désastre. Même s’il y a une distanciation, dans cette observation de ces petits arrangements avec la politique, on finit inévitablement par faire des recoupements avec notre campagne électorale actuelle. Ainsi le staff de Michel Dedieu donne comme excuse de l’absence du candidat dans un important meeting… un retard de son avion. Ce qui, rétrospectivement ne manque pas que piquant, quand Nicolas S, invoque cette raison pour annuler la visite d’un quartier lyonnais, alors qu’il était attendu par des manifestants hostiles à sa venue. L’ineffable Renaud Bertrand avait d’ailleurs déclaré : “Est-ce qu’on voulait y aller? La réponse est non parce qu’on n’a pas vocation à mettre en valeur la gauche et l’extrême gauche qui n’attendaient que ça“. Source : NouvelObs.com. Le film privilégie l’épure en se servant des liens parfois étroits entre politique et théâtre – Jean-François Balmer et Jacques Weber rejouant actuellement avec succès les débats télévisés entre Valery Giscard d’Estaing et François Mitterrand -“.
Yvan Attal
On suit le destin presque désincarné de Michel, au bord de l’épuisement. Le film montre avec subtilité, la manière de corriger ses insuffisance – ce qui ne manque pas de sel quand on voit l’importance de l’image dans cette campagne -. Le candidat est ici déshumanisé, modelé pour coller au mieux avec l’idée d’un grand homme d’état. Le protocole est éprouvant, une nouvelle venue est même sérieusement réprimandée car elle donne son avis, qui est d’ailleurs plein de bon sens. Arestrup nous montre des politiques coupés du monde, qui vivent en microcosmes, s’épient, attendent le moindre signe de faiblesse pour affirmer une autorité qui n’est qu’un leurre. Le metteur en scène s’entoure de comédiens remarquable, pour incarner cette équipe peu sympathique. Yvan Attal impressionne dans son incarnation subtile d’un angoissé, dans sa manière de portraitisé les doutes et les réactions de son personnage pour évoluer selon sa conscience. Autour de lui, outre Thierry Hancisse, deux autres sociétaires de la Comédie Française excelle, la trop rare Clotilde Bayser en conseillère désabusée et Guillaume Galllienne monstrueux d’arrogance. Laurent Grévill, en homme fidèle à son parti, Isabelle Le Nouvel en nouvelle venue fragile, devant subir l’arrogance des autres, Cyril Couton – révélé chez Stéphane Brizé – est amusant en rédacteur de discours, toujours affamé. Luc Thuillier en chauffeur énigmatique et Sophie Broustal en femme bafouée sont au diapason. L’actrice italienne Stefania Rocca joue la femme de Michel avec les failles de son personnages, faisant exister son personnage dans l’effacement et le prodigieux Maurice Bénichou nous livre une composition remarquable en mentor charismatique. Sans viser au réalisme – on suit le film sans trop réfléchir aux invraisemblance du scénario – autour du personnage d’Alain Doutey, excellent d’ailleurs ici, c’est normal on n’est pas ici chez Eric-Emmanuel Schmitt -, la vision distanciée du petit monde politique amène à la réflexion. L’écueil de la caricature et du « tous pourri » est ici plutôt évité, pour voir la manipulation générale, dans ce petit jeu des apparence. Arestrup ayant signé le scénario seul, le résultat final est assez convaincant. La manière de voir comment des individus peuvent abandonner ce en quoi il croient pour suivre une sorte d’intérêt général lénifiant me semble probante. L’idée de privilégier l’arrière-plan, l’anti-spectaculaire, la préparation aux meetings et au débats, nous donne une idée de correspondre parfaitement à l’envers du décors. Niels Arestrup a donc réussi son entrée dans la mise en scène, en nous livrant l’acuité de son regard. C’est une proposition de cinéma salutaire dans ce monde charmant en évolution sur les coulisses d’un monde qui nous échappe.




Avant-première à l’UGC-Cité-Ciné Bordeaux, le 27 mars dernier du film de Michel Spinosa, en sa présence et celle toujours aussi chaleureuse d’Isabelle Carré. Anna – Isabelle Carré saisissante -, vit avec sa mère joué par Geneviève Mnich, toute en subtilité dans un personnage retenant ses émotions. Pour la petite histoire elle qui fut aussi sa partenaire au théâtre -. Elle restaure avec minutie les vieux livres de la Bibliothèque nationale. Un soir de désespoir, elle se jette sous les roues d’une voiture. Hospitalisée, elle est soignée par le docteur Zanevsky. Ce dernier est joué par le toujours impeccable Gilbert Melki dans un rôle voisin de celui qu’il tenait dans “Ca brûle”, étonnant film de Claire Simon -. Elle focalise totalement son attention sur lui, malgré la distance qu’il installe en tant que soignant… Michel Spinosa a mis 5 ans à réussir à faire ce film. Il voulait raconter une histoire d’amour fou, dont le modèle était “L’histoire d’Adèle H” – voir l’allusion dans le titre -. Le scénario ne laisse rien au hasard, la narration est au service du personnage d’Anna, de son évolution et dans l’élaboration contruite de sa pathologie – voir l’évocation du “Cantique des cantiques”. On rentre dans son mode de pensée, ses priorités – les personnages de son entourage existent surtout selon qu’ils peuvent la servir dans son délire psychologique. Les personnages secondaires sont donc souvent dans l’ellipse, comme Anne Consigny probante en épouse dépassée par les événements, Samir Guesmi irrésistible en réceptionniste d’hôtel – grand moment d’humour, Eric Savin en papa de fillettes – elles sont dans des situations parfois fortes, mais sont restée dans l’amusement pour les jouer -, Francis Renaud en paumé ou Gaëlle Bona en bonne copine attentive -. Le personnage joué par Melki, est une victime désabusée, souffrant de la manipulation d’Anna et réduit au silence par les circonstances – voir le personnage dubitatif de l’inspecteur joué par le toujours étonnant Pascal Bongard. Il dresse le constat du problème de l’érotomanie – difficilement curable dit-il -, mais en évitant le côté clinique. La grande idée est d’avoir pris ici, d’avoir pris Isabelle Carré pour incarner Anna. Elle apporte une grande empathie à son personnage, même quand il est difficilement défendable. Le personnage joué par Catherine Deneuve dans le génial “Répulsion” de Polanski, était vu par exemple, au travers d’un prisme assez froid. Michel Spinoza assume ses nombreuses références cinématographiques et picturales, mais en ajoutant une observation baroque… On évite les roublardises de ce type de scénario, se limitant souvent qu’à une vaine manipulation du public en vu d’un twist final, les exemples sont légions, y compris dans le cinéma français – citons “A la folie… pas du tout” de Laetitia Colombani, avec déjà Isabelle Carré dans un rôle secondaire – .
Avant-première à l’UGC-Ciné Bordeaux le 23 mars dernier, du premier long métrage de Magaly Richard-Serrano, en sa présence et celle des comédiens Richard Anconina, Louise Szpindel et Stéphanie Sokolinski. Après le premier film de Carine Tardieu, c’est à nouveau une excellente surprise – on était plus habitué à la mode assez laborieuse des premières réalisations de “pipoles” ces derniers temps -. La réalisatrice met en scène le milieu de la boxe française, loin des stéréotypes habituels de ces types de films – le chant du cygne de Sylvester Sallone dans son curieux retour aux sources dans “Rocky Balboa”, flirtant avec le hautement improbable -. A la voir ainsi charmante, enceinte de 8 mois, la grossesse rayonnante, on ne se douterait pas qu’elle fut deux fois championne de France de ce noble art dans son adolescence. Elle a bien connu le parcours des deux jeunes héroïnes de son film. L’histoire, Joseph vivote en affrontant les difficultés économiques d’un petit club de boxe qu’il dirige en région parisienne. Il entraîne avec sévérité sa fille Angie – Louise Szindel, étonnante de colère rentrée – et sa nièce Sandra – Stéphanie Sokolinski, un joli tempérament frondeur -, pour les prochains championnats de France. Elles sont complices, même si une petite rivalité sourde existe entre elle, les deux comédiennes font d’ailleurs preuve de beaucoup de justesse. Joseph ignore souvent sa femme Térésa – Maria de Medeiros, surprenante en blonde -, dont la sœur décédée était la mère de Sandra, elle tente de s’échapper de sa condition en se confiant parfois à une animatrice radio – la voix de Macha Béranger -. Le jour de la finale arrive, Angie semble être submergée par le trac… A l’évocation du film, on s’attend de voir une variation sur “Million dollar baby”. En fait le scénario est écrit avant la sortie du film, la réalisatrice ayant eu des difficultés à monter son film. Mais bien qu’ayant adoré le film de Clint Eastwood, l’approche n’est pas du tout la même, personnellement je n’ai plus du tout pensé à son auguste prédécesseur en voyant l’univers de Magaly Richard-Serrano. 











