Anne Fontaine confirme avec ce film la singularité de son univers, dans ce « thriller intime » selon sa propre expression, adapté du roman de Dominique Barbéris « Les kangourous ». Ce film est très habile à installer un climat, comme une aspiration dans le vide, pour les deux personnages de Claire et Laurent, incarnés magnifiquement par Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde. La réalisatrice est très à l’aise dans l’intime, et traduire sans ficelles, un climat pesant, tout en rendant hommage à la magnifique lumière d’une ville du Nord – le chef opérateur est Denis Lenoir -. Claire, mène une vie sans histoires, entre son travail dans une assurance dans une équipe assez pressurisée par son directeur – Bernard Bloch entre rectitude et affabilité -, son mari – Jonathan Zaccaï , très juste dans un rôle en retrait – et sa petite fille. Elle rencontre Laurent, un vétérinaire, pour un problème de dégâts des eaux. Hâbleur et séducteur, il entre dans la vie rangée de la jeune femme, de manière inattendue, animée par une attraction-répulsion. Cyclothymique, l’attitude de Laurent intrigue Claire, d’autant plus qu’un tueur en série rode dans le département. A nouveau Anne Fontaine est à l’aise dans l’intime, l’indicible d’un quotidien morne, évitant les scènes à esbrouffes et exacerbant les sentiments. Elle ne joue pas sur les codes du polar, mais elle nous livre une observation ténue, description au scalpel de deux personnages luttant contre leurs démons. Tout est ici dans des tons feutrés, elle décèle habillement les manques et les malaises, voir les fêtes de famille habilement rendues, et les rapports de Laurent avec sa mère –  Véronique Nordey, ancienne Mme Mocky, dont c’est le retour -. 

Benoît Poelvoorde

Isabelle Carré continue à nous surprendre, avec ce mélange de force et de grâce, avec ce personnage en rupture, elle  nous livre une composition saisissante. Et Benoît Poelvoorde est simplement marquant et très crédible en vétérinaire avec une économie de jeu, il traduit parfaitement les troubles de son personnage, sa performance est très juste, il nous offre une nouvelle face de son talent, dans un nouveau registre, on attend avec intérêt son prochain film « Selon Charlie », signé par Nicole Garcia. Valérie Donzelli, dans le rôle de la bonne copine « cœur d’artichaut » brille par sa vivacité, et Jonathan Zaccaï nous prouve une nouvelle fois son grand talent, son personnage sent que quelque chose lui échappe, artiste photographe il essaie de vivre de son art, mais accepte de s’investir dans un petit boulot, par fierté, par ce que sa femme gagne plus d’argent que lui. La toujours très juste Martine Chevallier joue la mère de Claire et Jean-Chrétien Sibertin-Blanc – inoubliable « Augustin » et propre frère de la réalisatrice – complètent la distribution. L’œuvre d’Anne Fontaine est une des plus marquantes du cinéma français actuel.