Avant-première, hier soir du film de Jean-Pierre et Luc Dardenne, « L’enfant », en leur présence à l’UGC-Cité Ciné pour présenter le film, et pour un débat à l’ « L’utopia », ces Belges célèbres étant les parrains de cette salle d’art et essai – il me semble que l’on soit assez veinards dans cette ville, en comparaison de beaucoup d’autres…-. J’étais présent à l’UGC, ce qui est frappant c’est l’humour et la modestie des deux frères, pratiquant la décontraction et l’autodérision, se présentant comme une seule personne dans leur travail, parlant de leur ville d’origine avec chaleur, en déplorant l’évolution d’une ville florissante, devenue très précaire. Ils continuent leur sillon, avec méthode – beaucoup de répétitions -, privilégiant les comédiens et les techniciens de leur Belgique natale, on retrouve Jérémie Rénier, et même Olivier Gourmet – inoubliable dans « Le fils », venu ici le temps d’une courte scène, on retrouve aussi des visages désormais familier, pour l’anecdote dans un rôle de truand, une figure familière, Frédéric Bodson, l’un des « Pit et Rik » de notre enfance chez Stéphane Collaro. Deux nouveaux venus intègre l’univers des Dardenne, Déborah François, une vulnérabilité attachante, choisie après 200 autres jeunes femmes filmées aux essai – elle avait alors 17 ans, et le jeune Jérémie Ségard, buté mais qui reste un enfant.

Jérémie Rénier

Le film parle d’un jeune couple, Sonia – Déborah François – qui vient d’avoir un nourrisson, Jimmy et Bruno – Jérémie Rénier, une présence stupéfiante et une grande vitalité dans une sorte de retour aux sources -. Ce dernier vie de combine, flambe l’argent qu’il trouve par des petits trafics pour s’acheter un blouson ou un landau. Tout semble se monnayer pour lui, y compris l’appartement de Sonia. Sans le réaliser vraiment, mais il va jusque dans l’abjection accomplir un acte inqualifiable. La force de ce film est la réalisation, sans fioritures, avec un grand réalisme, un climat parfois joyeux, mais avec l’obligation de se livrer à un combat permanent, mais si Bruno y trouve une sorte de satisfaction. Les événements vont faire qu’il va réussir une sorte de rédemption et se découvrir une âme de père, dont il prend conscience qu’assez tard, même quand il doit signer dans ce rôle un document. Son raisonnement ne l’ayant conduire qu’à penser au jour le jour, il ne voit son fils que de manière abstraite, voire la terrible phrase qu’il prononce pour consoler Sonia à un moment critique – On ne va pas épiloguer sur le sujet, même si la bande-annonce n’en fait pas mystère -. Les Dardenne ont une empathie incroyable avec les personnages du film, le film suivant le personnage de Bruno que l’on suit finalement avec intérêt. Il n’y a ici aucune compromission, la musique provient de la radio, rien de vient interférer dans le réel, et le résultat est absolument magistral. La seconde palme d’or  – après « Rosetta » obtenue par les frères lors du 58ème festival de Cannes, a occasionné quelques polémiques, mais ils le méritent, ils se renouvellent à chaque fois – le ton semble plus assagi -, tout en gardant leurs lignes. Du grand art pour ce film qui prend aux tripes et ne laisse pas indemne.