Inauguration hier, 3 octobre du 7ème festival du cinéma au féminin à Bordeaux, festival original présentant des longs et courts-métrages, gratuits et des rencontres. Camille Japy, présidente du jury de courts-métrages, a déclaré la cérémonie ouverte. Le festival a commencé a l’UGC Cité-Ciné, avec la diffusion en avant-première du film de Coline Serreau, « Saint-Jacques… la Mecque », en présence de la réalisatrice, Muriel Robin, Pascal légitimus et Artus de Penguern. L’équipe du festival semblait un peu contrariée de commencer ces festivités dans ce complexe cinématographique – le producteur en étant UGC, avec Charles Gassot, d’ailleurs présent mais en retrait -. Les films ce déroulant habituellement – et gratuitement – au théâtre « Fémina » et au cinéma le « Jean Vigo » – salle d’art et essai, animée par des passionnés -. D’où l’empressement cavalier d’une partie des organisateurs pour reconduire, tout le petit monde des invités, ce qui est un peu frustrant et pas franchement convivial, loin de l’habituelle hospitalité du directeur de l’UGC, Pierre Bénard.

Avec ce nouveau film, on retrouve le grand talent de Coline Serreau, après les déceptions de « La belle verte » et « 18 ans après ». La cinéaste retrouve la veine de ses films utopistes, comme « Pourquoi pas »,, analysant les travers de son temps et nos petites lâchetés comme dans « Chaos ». Un notaire – Olivier Claverie, décidément indispensable -, réunit Clara, une enseignante un peu aigrie – Muriel Robin -, Pierre, homme d’affaire survolté – Artus de Penguern -, et Claude, alcoolique désœuvré – Jean-Pierre Darroussin -, frères et soeur fâchés depuis longtemps, à la lecture du testament de leur mère qui vient de mourir. C’est l’idée de base de bien des comédies, subir, pour toucher à l’héritage, une épreuve qui risque évidemment de rapprocher tout ce petit monde. Il faut ici parcourir en pèlerinage à pied, l’itinéraire partant du Puy-en-Velay à Saint Jacques de Compostelle, sous l’œil d’un guide patenté – Pascal Légitimus, humain et désabusé -. Ils partent avec un groupe hétérogène composé de Mathilde, une femme discrète – Marie Bunel -, et quatre jeunes adultes, Saïd – Nicolas Cazalé, mettant en émoi toute la gente féminine -, son cousin naïf Ramzi – Aymen Saïdi – et deux amies Camille, camarade de classe de Saïd et Elsa – Marie Kremer et Florence Vannier Moreau -.

Artus de Penguern, Pascal Légitimus & Muriel Robin

Tout ce petit monde est dirigé avec maestria par la cinéaste – qui fait beaucoup de répétitions -, d’Artus de Penguern jubilatoire en P.D.G. survolté, son rôle a été refusé par plusieurs comédiens – voir la scène d’anthologie de son énervement devant le notaire – impuissant devant l’alcoolisme de sa femme, Muriel Robin retrouvant son sillage de son personnage dans « Mari-Line » (Mehdi Charef, 1999), amenant une grande humanité, Marie Bunel – lumineuse – et Aymen Saïdi, sont les personnages les plus attachants du film, Nicolas Cazalé, Marie Kremer et Florence Vannier-Moreau sont très justes, Pascal Légitimus temporise les humeurs, blessé d’être loin de ses proches et Jean-Pierre Darroussin touchant en alcoolique désinvolte… Quelques clichés, certes, mais avec beaucoup d’énergie.

Marie Bunel & Jean-Pierre Darroussin

Coline Serreau joue avec les clichés, elle privilégie la liberté d’une image en DV – à souligner les progrès réalisés avec ce support -, l’abondance de son matériel donne cependant un côté dispersé, le montage devant être plus délicat que le support 35 mn. Pourtant il faut souligner le rythme, l’abattage des personnages, la réalisatrice se montrant plus convaincante dans la méchanceté, que dans l’affabilité et l’évolution un peu brusque des personnages. Elle a un sens unique de la comédie, retrouvant ici des moments de grâce de « La crise » (1992) – pour moi ce film est une grande réussite. Elle nous dresse une critique assez réjouissante de la religion catholique – ce qui va sans doutes déplaire, à l’image des personnages de religieuses joués avec mordant Hélène Vincent et Michèle Simonnet édulcorant les prières écrites par les pèlerins dans la cathédrale du Puy – en fait tourné à Rouen suite à un refus des autorités ecclésiastiques -, ou le curé espagnol raciste. Ce film surprend, n’est pas immédiatement aimable, Coline Serreau prenant des risques – les scènes oniriques originales mais mal perçues par une partie du public. Dans les seconds rôles on retrouve également Stéphane de Groodt en curé sympathique à Navarrenx et Michel Lagueyrie en curé peu hospitalier, Pierre Ausset en chauffeur servile. J’ai rajouté quelques noms sur la fiche IMDB, mais n’ayant trouvés que très peu outre ceux de l’affiche sur le web, merci de me signaler des compléments si vous en trouvez. Plaisant, parfois naïf et singulier, ce film prouve que Coline Serreau n’a rien perdu de son talent, malgré un ton parfois lénifiant.