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LES FILMS QUI RENDENT SCROGNEUGNEU : MADAME IRMA

« Madame Irma », vu en novembre en avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux de en présence de Yves Fajnberg, Didier Bourdon et Pascal Légitimus. Ce film a reçu le grand prix du festival de Sarlat, ce qui est finalement le seul gag marrant de cette histoire… Deux cas de figures à envisager, ou bien les délibérations découlent d’une soirée particulièrement arrosée, tendance flirt avec le coma éthylique, ou bien c’est typique d’un courant d’humour en Dordogne, qui bien que natif du sud-ouest m’échappe un peu. L’histoire, Francis, un cadre supérieur, quadragénaire pétant plus haut que son cul, vit avec une jeune femme, Inès -Arly Jover, un joli minois qui fronce sourcils, rescapée du cornichonesque « Empire des loups », si elle a du talent, elle devra en faire preuve dans l’avenir -. Il dépend d’un siège social aux États-Unis, et hélas pour lui, il perd son emploi, suite à une restructuration. Désemparé, il nous rejoue une parodie de « L’emploi du temps » de Laurent Cantet. Lâche, il refuse de dire la vérité à sa jeune femme, qui voit comme vénale. Par hasard, il va voir une voyante dans une roulotte – Julie Ferrier, jubilatoire et qui nous livre une excellente composition, nous sortant un peu de notre torpeur -. Il voit en cette activité une manne très lucrative. Aidé de son ami de toujours, Ludovic, un généraliste blasé, il décide de se déguiser en voyante façon Mme Doubtfire. Il s’installe dans une caravane, s’attifant comme Michèle Alliot-Marie et attend les gogos. Bon, le Bourdon cavalier seul pouvait être drôle, que celui lui qui n’a jamais rit à son rôle de psychopathe dans « La machine » de François Dupeyron me jette la première pierre.

Jean-Pierre Lazzerini & Didier Bourdon, le charme discret des sanisettes

Il semble simplement ici souffrir d’un manque patent d’inspiration, à l’entendre roder le pas lourd près du public pour entendre le résultat – il rit, il faut bien le dire, se forçant un peu, il est venu pour ça -. Il y a une anxiété chez lui visible, mais le résultat même s’il se veut soigné – Yves Fajnberg, comme réalisateur, auteur de l’honnête Vive la vie. Il y a aussi soin dans la distribution de seconds rôles, comme souvent chez Bourdon, mais ils sont tous sous utilisés, de l’étonnant Jacques Herlin, acteur à la filmographie particulièrement brillante – en veuf éploré, Jean-Pierre Lazzerini – pas gâté d’ailleurs – et Farida Ouchani en cafetiers un peu rustres, Claire Nadeau en ex-femme désabusée – elle semble avoir fait toutes ses scènes le même jour, Gérard Caillaud, qui amène un peu de fantaisie dans son éloge du boulon, ou Jo Prestia, déjà évoqué ici, dont il ne se sert que de son incroyable présence – il faut entendre les réactions du public quand il paraît -. Le tout est curieusement assez misogyne, mollasson, aussi épais que la silhouette du comédien désormais. La rencontre avec l’équipe du film fut à l’image du film… Le trio se déclarant dévouer au public, n’a pas daigné lui laisser poser des questions, et a ensuite filé à l’anglaise… Le commentaire d’après débat fut de courte durée, ils ont juste évoqué l’idée originale – sic – apportée par le scénariste Frédéric Petitjean, avant de surligner le côté social et ancré dans la réalité du film – re-sic ! -. Pascal Légitimus s’est mis ensuite à dénigrer allégrement sur Catherine Mouchet, qui semble vivre dans « son monde » et jouer seule. Elle n’a pas dû lui plaire, à notre Pascal, jalousant en public son ami Didier d’avoir choisi comme femme une gravure de mode. Pourtant sa singularité est parfaitement bienvenue dans ce film franchouillard. Pas de mention « Coin du nanar », car il n’y a pas de grand plaisir narquois pris ici tant l’entreprise est pataude.. Au final, on repart avec la désagréable impression de voir deux artistes qui dilapident allégrement leur capital de sympathie. Et de se lamenter – overdose de comédies -, sur l’état actuel du cinéma de divertissement.

C’EST BEAU UNE VILLE LA NUIT

C’était le début 1994, je croise le chemin de Richard Bohringer, venu accompagner le cinéaste Charles Matton et le chef opérateur Jean-Jacques Flori, venus présenter l’avant-première de « La lumière des étoiles mortes » au cinéma L’Arlequin à Paris. La semaine suivante, était présenté « L’Italien des roses », grand premier rôle du flamboyant Richard, signé Matton également, l’occasion de retrouver sa grande flamme dès le début de sa carrière. L’homme est très plaisant, accessible, il est sorti un petit peu avant, peu très sensible au débat d’après film. Je me retrouve à discuter avec lui, ainsi qu’une autre personne. Il nous parle de la mort tragique du cinéaste Maroun Bagdadi, et de l’impossibilité pour lui de lui rendre hommage, dans l’indifférence des médias. Tout naturellement, il parle de son projet de film adapté de son beau roman « C’est beau une ville la nuit », et des divers refus des réseaux de production. Il cite l’institution de « L’avance sur recettes » qui le boude, « Je suis ennemi des intelligents ! », déclarait t’il. A voir sa ferveur, je me mettais à avoir des images du film dans ma tête, et quand on croise un homme comme ce grand comédien, il reste une trace indélébile devant sa passion. Près de 13 ans plus tard, c’est l’avant-première de ce film enfin, à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux, organisé en sa présence, que je découvre enfin ce film. Et ça valait le coup d’attendre toutes ces années pour retrouver son énergie, fort de son expérience de réalisateur à la télévision, avec « Les coquelicots sont revenus » et « Poil de carotte ». Dès les premiers plans, la tendresse est au rendez-vous, avec le petit monde du  » bar de la dernière chance », où chacun refait le monde. Il était conscient de devoir ne pas rater cette scène. C’est le quartier général des amoureux de la nuit, et le point de ralliement des amis. La scène a son dynamisme, tout ce petit monde est embarqué dans la folie ambiante.  Avec le budget d’un téléfilm, et l’absence des régions au financement, Bohringer a réussi enfin à faire son adaptation en trouvant de belles fulgurances, co-écrites avec Gabor Rassov. Il nous montre sa chaleur sur les hommes, et sur ses compagnons de routes, au dénominateur commun d’avoir une âme blessée. Il sublime, la poésie des zincs, la rumeur des villes, il a tourné en France, au Canada et au Sénégal – Il a, on le sait, adopté la double nationalité franco-sénégalaise -. Conciliant 50% d’écritures, et 50% de spontanéité, il nous dresse le portrait de Richard, homme blessé, mais à l’enthousiasme intact. Autour de lui, gravitent ses compagnons de beuveries. Chanteur, il suit ses tournées musicales autour de la France, peu aidé par un manager excentrique – belle folie de Jacques Spiesser -, avec ses fidèles musiciens. Il se sert de ses souvenirs et de ses écrits, pour les récréer, en tirer des essences de vie. Il nous racontait avoir débuté d’ailleurs, en première partie de Vince Taylor, sous le nom, trouvé par ce fameux manager… de Richard Blues ! Le personnage hilarant du cycliste sous amphétamines – joué par Nicolas Tronc -, est aussi un personnage réel.

Richard Bohringer

Il y a beaucoup d’humour, du musicien amoureux trahi qui ne cesse de vouloir se supprimer, aux concerts parfois miteux dans quelques campagnes, tel la répétition organisées dans un local, royaume des poules. L’écriture tourmentée de Richard Bohringer trouve ici un écrin dans ce film. Sa manière de filmer les lumières des cités et de ses murmures lointains, son ode amoureux au Sénégal, aux paumés du petit matin chers à Jacques Brel, nous électrise tant son humanité éclate. Il parle de ses dérives, de sa jeunesse meurtrie broyée par le démon de la drogue, mais émaillée de rencontres spectaculaires, comme une prostituée, junkie un musicien noir, un policier désabusé mais humain – Daniel Duval d’une grande justesse – ou l’amour de sa grand-mère – Annie Cordy dont il a salué l’énergie et sa vitalité dans ses improbables tenues de scènes -. Sa fille est aussi présente – lumineuse Romane Bohringer -, présente à ses côtés quand l’alcool lui fait tutoyer les anges, et qui nous donne sa vision du métier d’actrice. Robinson Stévenin personnifie très bien le Paulo, avec sa machine à écrirede la marque « Underwood », une véritable antiquité qui ne serait pas indigne d’un Chester Himes. Les périodes, les livres, les films se télescopent pour cette machine à vivre, si bien personnalisée par ce comédien. Il y a aussi une belle idée d’utiliser quelques mal-aimés du cinéma français, souvent réputés ingérables, suivant quelques échos nous parvenant du petit monde du cinéma français. Le réalisateur dénote n’avoir eu aucun problèmes avec eux, il les utilise avec chaleur, citons Farid Chopel en berbère aveugle, Luc Thuillier en cafetier enthousiaste ou Rémi Martin en ami perdu de vue. François Négret incarne parfaitement Bohringer jeune, apportant avec lui ses propres blessures. Il est ici très touchant, curieux parcours pour ce comédien prometteur, qui se retrouvait, il y a peu, simple figurant dans une scène d’ascenseur dans « Caché » de Michael Haneke. On retrouve aussi Annie Girardot, dans une brève apparition – on la préfère ainsi qu’aux mains de sinistres charognards style « Paris Match » -, Sonia Rolland dans un rôle inattendu, ou une Gabrielle Lazure amusée. On retrouve ici l’univers de « La blonde » et de « Paulo » cher à Bohringer. Il trouve dans une économie de moyens, aidé au financement par l’ex-rugbyman Denis Charvet, présent également avec ses deux musiciens. Le réalisateur tient à défendre son film – il venait de faire le jour même une interview pour RTL -. Il fallait le voir parler des techniciens, avec lesquels ce n’était pas « Une lune de miel », et mimer celui qui désigne sa montre lors de la pause déjeuner. « Mais les poètes n’ont jamais faim ! » -. L’enthousiasme du comédien, inentamé dans ce voyage initiatique, renouait ce soir là avec son public. Si vous aimez cet acteur, nous ne pouvez qu’aimer son film… 

LES FRAGMENTS D’ANTONIN

Avant-première le lundi 23 octobre, du premier long-métrage de Gabriel Le Bonin, en sa présence, celle de la productrice Alexandra Lederman et du comédien Grégory Dérangère. Le film commence sur des images d’archives, d’une grande force, comme intactes et préservées par le temps. Des grands traumatisés de la première guerre mondiale, sont filmés par les psychiatres soignants de l’armée. Ils sont secoués de tics, et montrés nus pour bien montrer que leurs attitudes ne proviennent pas de blessures physiques. Intervient ensuite le personnage d’Antonin, qui alterne cinq gestes de manière obsessionnelle. Antonin est joué par Grégory Dérangère, et il passe aisément le test impitoyable de jouer ses scènes après des archives à fort pouvoir émotionnel. C’est au travers de son regard que l’on va suite les conséquences de la guerre. Il est un colombier, un peu en retrait face aux atrocités des étrangers, mais vite rattrapé par les dures réalités. Il ne trouve de consolation qu’à retrouver l’accorte Madeleine Oberstein – la trop rare Anouk Grinberg, une humanité blessée et un charme fou -, infirmière blessée par la vie, qui doit faire au mieux dans un hôpital de fortune dirigé cyniquement par le professeur Lantier – impressionnant Niels Arestrup -. Il termine pourtant, très traumatisé dans le service du professeur Labrousse – Aurélien Recoing égal à lui-même -, pionnier de la psychiatrie, qui cherche à décoder ses tics nerveux, et refaire surgir l’homme derrière la souffrance, quitte à lui faire revivre des moments limites. Grande est la satisfaction de découvrir un film sans rien connaître de son sujet, et de découvrir une indéniable maîtrise de mise en scène. Le film doit le jour grâce à la ferveur de la productrice Alexandra Lederman, qui séduite par le talent de Gabriel Le Bomin, en ayant vu ses courts-métrages, a souhaité développer un sujet avec lui. La recherche et la documentation, font de ce film, une œuvre originale, d’une grande probité, il est vrai que le metteur en scène avait pour modèle le méconnu « Les hommes contre » de Francesco Rosi – film assez rare, bien que parfois diffusé par Patrick Brion -. La genèse du film, n’a pas été simple, les divers partenaires télévisuels et les maisons de productions furent particulièrement rétive devant ce sujet. C’est donc dans une économie de moyens – difficilement visible tant le film est réussi -, et l’enthousiasme de ses divers participants, que ce film a réussit à voir le jour. Les scènes de guerres sont ici véristes, loin des aspects carton-pâtes de certains films français récents. La vision des tranchées est saisissante, on se souviendra longtemps du lieutenant poussant ses troupes au casse-pipe – formidable Pascal Demolon -, quitte à fustiger les siens.

Grégori Dérangère & Anouk Grinberg

Chaque scène a sa cohérence, le réalisateur décortiquant habilement les mécanismes de l’armée à l’instar du grand comédien Yann Collette, figurant un capitaine pris en contradiction entre ses devoirs de meneurs, et l’absurdité de la guerre. Collette avec son histoire amène une authenticité, une force considérable, et une bel analyse des combats à mener, il a une mission à tenir, il passe outre de ses états d’âmes. On passe aisément des moments douloureux, des choix à tenir, l’ennemi n’étant pas forcément l’Allemand, à l’exemple de la belle scène avec Laure Duthilleul et Richard Sammel. Tout manichéisme est évité avec intelligence. L’émotion est présente, des mains qui se frôlent entre Madeleine et Antonin, ont une sensualité exacerbée. Le débat fut passionnant, Gabriel Le Bonin, parlant admirablement de son travail, de son regard sur la guerre, de ses recherches. Avec une grande force de conviction, il a réussi à faire tenir des propos louangeurs de la part de hauts-militaires présents – il n’y a rien à en dire, venir au cinéma avec la légion d’honneur, ça le fait !, quitte à faire déguerpir quelques pécores venus malencontreusement s’installer à côté d’eux. Il est vrai que de voir un premier film aussi abouti devient extrêmement rare. C’était plaisant de découvrir aussi l’énergie de sa productrice – une jeune femme au lumineux regard -, voulant retrouver la force de films comme « Midnight express » et « Voyage au bout de l’enfer ». Autre force du film, l’interprétation de Grégori Dérangère, qui dégage une grande force, sans que l’on sente aucunement un effort de composition. Il est conscient que c’est un rôle payant, l’Antonin d’avant le traumatisme n’étant pas le même homme en 1919, mais il transcende son personnage. Il a dû commencer par les scènes de l’hôpital – il se mettait en retrait de ses partenaires -, avant de jouer les scènes intimes avec Anouk Grinberg, avant de finir sur les scènes de carnages. Ce comédien est véritablement l’un des meilleurs comédiens actuels, comme le confirme sa superbe incarnation d’un paysan secret, mouvance Gabin première manière dans « Le passager de l’été ». Il reste formidablement modeste, attribuant tous les mérites à son metteur en scène, alors qu’il incarne un homme blessé à la perfection, avec beaucoup de vérisme et de force. Le film ne devant pas avoir beaucoup de couvertures médiatiques, vu son petit budget, il est important de ne pas le rater. Contribuons donc à un « bouche-à-oreille » enthousiaste, car on ne voit que très peu de films de cette qualité. Vous ne le regretterez pas. Sortie le 8 novembre.

LADY CHATTERLEY

Avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux de « Lady Chatterley », en présence de Pascale Ferran et de Jean-Louis Coulloc’h. La célèbre œuvre de D.H. Lawrence a été adaptée à plusieurs reprises, citons « L’amant de Lady Chatterley » de Marc Allégret, avec Danielle Darrieux en 1955 – que l’on imagine bien édulcoré -, l’érotico-soft film de Just Jaeckin, avec Sylvia Kristel en 1981, deux obscurs « Young Lady Chatterley », une préquel ? signé Alan Roberts en 1977 puis 85,  et un téléfilm, « Lady Chatterley » de 1993 de Ken Russel, qui semble légitime pour le réalisateur du célèbre « Love » en 1969, autre adaptation culte de l’écrivain. Personnellement, j’avais été fortement impressionné par la maîtrise de ses « Petits arrangements avec les morts », en 1993, l’un des meilleurs films français des années 90. L’annonce d’une nouvelle version de l’œuvre de D.H. Lawrence pouvait surprendre dans le cliché que l’on pouvait avoir sur cette œuvre, sans l’avoir lue. Le silence de Pascale Ferran pouvait surprendre, depuis « L’âge des possibles » réalisé pour Arte en 1995. Elle répond avec franchise, qu’elle s’était totalement investi dans son premier film, et qu’elle manquait d’inspiration pour d’autres œuvres. La créativité revenue, elle n’a pas hélas réussi à obtenir un budget conséquent pour un film d’auteur ambitieux : « Paratonnerre ». Elle a fait beaucoup de travaux d’écritures, de la version française « Eyes Wide Shut » de Stanley Kubrick, et a était scénariste sur « La sentinelle » ou « Mange ta soupe », ce qui l’a aidé pour l’écriture du film, avec Pierre Trividic. La réalisatrice a utilisé la troisième version écrite de l’œuvre « Lady Chatterley et l’homme des bois ». Elle a eu un véritable coup de cœur pour cette œuvre éditée chez Gallimard, et qui est sensiblement différente de l’œuvre la plus connue. L’adaptation est originale, même si les conditions ne furent pas optimales ce soir là. Ca a commencé par une adepte de « La dame aux camélias », qui jalouse de voir une de ses rivales sur l’écran, s’est mise à cracher ses miasmes durant tout le film, avec la dernière énergie. Crachant tripes et âme, la « tubarde » doit avoir contaminé la moitié de la ville désormais. Jamais on aura vu autant de ferveur à élaborer une toux inédite, entre le brame du cerf et le marteau piqueur. N’importe qui serait mort à sa place… d’épuisement. En plus, le film a carrément cassé à deux reprises, dont durant une jolie et sensuelle scène florale, résultat une partie du public, panurgiste se mit à sortir, devant penser que c’était une audace de mise en scène de terminer un film d’une manière aussi abrupte… Si le film est parfois inégal, trop riche peut être et souffrant peut-être d’un trop plein filmique – le personnage de Bernard Verley, dans le rôle du père de Constance, doit se contenter d’une simple apparition, mais on devrait retrouver sous peu, une version feuilleton TV sur Arte, plus complète sous le titre éponyme « Lady Chatterley et l’homme des bois ».

Marina Hands & Jean-Louis Coullog’h

Pascale Ferran évite tout académisme – à déplorer par exemple chez Jean-Daniel Verhaeghe, qui a signé une adaptation trop classique du « Grand Meaulnes », alors qu’il est beaucoup plus probant sur le petit écran -.En effet, loin des clichés attendus, on redécouvre l’œuvre originelle d’une grande sensibilité. Constance – étonnante et superbe Marina Hands, déjà sensible dans « Sur le bout des doigts » d’Yves Angelo, se fane littéralement d’ennui dans le château des Chatterley. Son mari Clifford – Hippolyte Girardot, rarement aussi bon, sauf chez Arnaud Desplechin -, handicapé physique, a du mal à la comprendre. Il dispose de sa domination sociale, et a une fierté avec son handicap le raidissant encore plus – confère la scène très drôle de la petite voiture qui refuse d’avancer -. Elle ne peut que se distraire qu’écouter ses conversations avec ses anciens amis militaires ou recevoir les rares visites d’Hilda, sa sœur – Hélène Fillières, étonnante en « garçonne » -. Les convenances la pèsent, et elle finit par tomber malade, mais la rencontre avec le garde-chasse Wragby, fruste et mutique – Jean-Louis Coullog’h, sorte d’amalgame entre Nicolas Silberg et Daniel Mesguich, avec une fragilité derrière un aspect « brut de décoffrage » -. Le désir physique naît entre ces deux personnes. Ils finissent par se découvrir, avec sensualité au fil de la relation, chacun donnant de l’énergie à l’autre, et s’obligeant à se transcender contre les conventions du voisinage. Le cinéma a rarement montré aussi justement l’amour fusionnel et une intimité fragile dans un couple. Ils transgressent une époque rigoriste sans obscénité, l’amour est un dénominateur commun pour ceux que tout oppose. Loin de l’agitation « gymastiquatoire » d’un Just Jaeckin – sans avoir vu son film cependant -, Pascale Ferran s’approche de l’essence charnelle des êtres. Le débat était passionnant, de découvrir le comédien Jean-Louis Coullog’h, très intuitif et au parcours singulier – de la cuisine au théâtre exigeant de Claude Régy -, timide, semblant à l’aise avec les scènes physiques, mais beaucoup moins dans les scènes de dialogue, il pulvérise par une grande sensibilité son personnage. La rencontre avec Pascale Ferran fut magnifique, rarement on peut retrouver dans le cinéma français une grande richesse, un investissement de tous les instants, une attention aux moindres détails. D’une œuvre de fiction, elle en fait un projet personnel, réussit à recréer une Angleterre puritaine mais fantasmée, à partir des superbes paysages du Limousin. Elle montre le passage des saisons, et l’évolution de la nature selon les périodes, elle la domestique, la recrée, en replantant des fleurs par exemples, pour magnifier les sens et cette histoire d’amour. Pascale Ferran livre une eau forte absolument originale, souhaitons que nous n’attendions pas 10 ans pour retrouver cet univers si riche, à l’écran.

NE LE DIS A PERSONNE

Avant-première mardi 13 octobre à l’UGC-Cité Ciné Bordeaux en l’absence de Marie-Josée Croze – las ! – et de François Berléand – mais il a un alibi, quand je l’ai eu au téléphone il embarquait pour Lyon pour les derniers jours de tournage du prochain Chabrol – annoncés, mais en présence de Guillaume Canet, Gilles Lelllouche, Philippe Lefebvre et du producteur du film, Alain Attal. Arrive également une célébrité locale, Joël Dupuch – qui fait dans le film du panouille -, adulé par Guillaume Canet, qui ne manque pas de chanter ses louanges à chacun de ses passages. C’est un ostréiculteur côté, je vous vois venir… non, ce n’est pas le tueur du film, puisque son pote a survécu à une forte consommation de mollusques bivalves durant tout l’été… Il fallait le voir monter et tituber sur scène, « beurré », comme il se doit… comme une huître ! Difficile de parler du film sans le déflorer, disons qu’Alexandre Beck – François Cluzet, un de nos meilleurs comédiens -, ressassent le souvenir de sa femme Margot, enlevée dans la forêt de Fontainebleau et assassinée de manière violente par un tueur en série. Mais ce dernier arrêté depuis a avoué tous ses crimes, mais a toujours nié avoir assassiné cette femme. La découverte de deux corps de 2 hommes, près du lieu du crime, détermine la réouverture de l’enquête. Alex qui a désormais voué sa vie à son métier de pédiatre, reçoit un jour un e-mail anonyme, dont le libellé du titre rappelle à son souvenir, les entailles laissés par le couple, gravées dans l’écorce d’un arbre. C’est un signe évocateur que seule Margot pouvait connaître… Guillaume Canet et Philippe Lefebvre séduits par le roman éponyme d’Harlan Coben, gros succès de libraire souhaitaient l’adapter de longue date. Mais le cinéaste Michael Apted avait déjà une option sur le livre, et avait déjà en Keenu Reeves, l’interprète principal. Mais le projet s’avérant décevant est annulé, et Guillaume Canet a eu la chance de prendre connaissance de l’annulation du projet de la bouche des intéressés aux États-Unis, avant de foncer contacter Alain Attal, pour relancer le projet avec l’accord de Michael Apted et de l’écrivain séduit par la vision de « Mon idole » sur DVD. L’intelligence du réalisateur de ce brillant premier film – un coup d’essai, un coup de maître – et co-scénariste est de donner un point de départ fort, sans laisser tomber la tension dramatique. La mise en scène nerveuse, au service d’une brillante distribution – le moindre rôle est tenu par un solide comédien -. Marie-Josée Croze donne dans ce rôle bref mais marquant une interprétation sensuelle – à l’instar de son rôle sur « Ordo » -, mais aussi elle confère à son rôle un mystère, elle est idéale pour donner crédit aux zones d’ombres de son personnage. D’André Dussollier et Martine Chevallier, en parents déchirés mais rassurants, Kristin Scott-Thomas en confidente amoureuse de Marina Hands et Nathalie Baye en avocate réputée et efficace. François Berléand touchant en flic compatissant et un peu maniaque – il faut le voir rabrouer Philippe Lefebvre qui joue son partenaire, pour le tri des déchets, vérifier sa gazinière avant de prendre congé de sa mère joué par l’excellente Françoise Bertin -. Son talent fut loué par la petite équipe, sa capacité à jouer des rôles peu valorisant, seul Guillaume Canet déplorait sa boulimie, le privant de grands rôles, à l’évocation du claquage de son épaule dans la scène de l’aéroport. Philippe Lefebvre un peu trop en retrait hélas lors du débat, reste très sympathique et modeste – il était étonné de voir que c’était un internaute, en l’occurrence mézigue, qui avait fait le distinguo entre lui et son homonyme réalisateur sur IMDB -. On retrouve aussi Jean Rochefort, dans un bref rôle de patriarche propriétaire d’un haras – il joue le père de Guillaume Canet, dont la présence sur la fiche laisse augurer qu’il a son importance dans l’histoire -. C’est une digne filiation pour ces deux amoureux des chevaux, et qui étaient déjà partenaires sur « Barracuda » (Philippe Haïm, 1997).

Gilles Lellouche & François Cluzet

Gilles Lellouche – fort capital de sympathie – présent sur la scène, nous livre aussi une interprétation subtile de loubard balieuesard au grand cœur, loin des poncifs habituels, il a une palette de jeu très large comme on a pu le constater de « Ma vie au grand air » à « On va s’aimer ». Il devrait diriger son premier film seul en 2007, et vient de tourner « Ma vie avec Meg Ryan ». On retrouve la folie habituelle de Florence Thomassin, Brigitte Catillon en capitaine efficace, Eric Naggar en avocat miteux, Olivier Marchal en mystérieux homme de main, Jalil Lespert en gros bras, Jean-Pierre Lorit en adjudant-chef précautionneux, Éric Savin en procureur suffisant, Sarah Martins qui a une forte présence dans un rôle muet, pour ne citer que quelques noms. Il est rare de retrouver un tel effort dans la distribution dans notre joyeux cinéma, rétif à chérir nos chers seconds rôles. Mais le meilleur du film reste la composition de François Cluzet, éblouissant et humain, dans un rôle très physique. Alain Attal, me confiait en aparté son osmose avec Guillaume Canet, son investissement y compris dans les scènes spectaculaires. Il a exécuté lui-même les scènes au bord du lac et de courses-poursuites, laissant le pourtant trentenaire Philippe Lefebvre complètement essoufflé-. S’il reçoit ici un rôle à la mesure de son talent, il aura pourtant fallu à l’équipe du film se battre pour l’imposer ici, certaines chaînes de télé, comme TF1, lui préférant un nom plus « bankable ». Autant d’absence de discernement chez ces lessiviers peut surprendre – d’où un « casting » béton autour de Cluzet –  quand on voit l’explosion de son talent. On comprend mieux la régulière livraison de produits manufacturés de secondes zones. La sous-utilisation de François Cluzet ces derniers temps reste un mystère pour les spectateurs. Guillaume Canet, particulièrement disert, a parlé brillamment de sa mise en scène, de l’emploi de la courte focale, et de la revanche du cerf par rapport à « Mon idole » – vous comprendrez ce fait en voyant le film… -. Le choix de la B.O. est aussi très convaincant et la musique de M effectuée en live, et arrivé au pied levé après la démission d’un musicien préférant partir pour comme le disait son réalisateur – faire un petit court-métrage pour un metteur en scène nommé Oliver Stone -. Petit bémol cependant, si le film est d’une excellente facture, je ne sais finalement pas quoi penser du résultat final. Si l’on comprend parfaitement l’histoire pourtant très complexe, le film pâtit peut-être de son montage – l’intérêt baisse un peu quand on ne voit plus François Cluzet -, mais la première version faisait 160 minutes, et peut être bizarrement de trop de maîtrise et de morceaux de bravoures. Il reprend une idée, déjà traitée dans « Stage fright / Le grand alibi » d’Hitchcock (1950), pour le « twist » – mot désormais à la mode pour retournement de situation – final, idée reprise par Brian Singer, pour ses « Usuals suspects », mais qui ici jette une sorte de distance dans la narration dans la révélation finale, pourtant traitée avec beaucoup de sobriété. Mais tout cela est finalement très relatif quand on voit le résultat à la hauteur de l’ambition initiale, servi par une admirable photographie de Christophe Offenstein. On retrouve un polar, enfin sans la roublardise de certains films de genres et la confirmation d’un grand talent de cinéaste pour Guillaume Canet.

NOUVELLE CHANCE

Avant-première lundi 16 octobre, à l’UGC-Cité Ciné, du nouveau film d’Anne Fontaine « Nouvelle chance » et troisième film de la trilogie autour du personnage d’Augustin Dos Santos, interprété par son frère le singulier Jean-Chrétien Sibertin-Blanc. On retrouve ce corps comique avec grand plaisir, ses trajets en vélos – son accessoire privilégié, l’équivalent du parapluie pour M. Hulot », sa famille japonaise – la véritable famille du comédien d’ailleurs -, et son incroyable manière de donner une légèreté aux situations les plus improbables. On le retrouve à la fois comme metteur en scène de théâtre, et homme à tout faire dans une piscine de luxe à l’hôtel Ritz, lieu échappé d’un péplum hollywoodien. Il rencontre Odette Saint-Gilles – , ancienne chanteuse d’opérette – Danielle Darrieux simplement magnifique -, une grande dame dynamique et ne sombrant pas dans la nostalgie, malgré quelques souvenirs épars – on reconnaît d’ailleurs en passant une photo d’ « Occupe-toi d’Amélie » de Claude Autant-Lara, avec Grégoire Aslan -. Augustin monte des spectacles pour les comités d’entreprise. Il a un spectacle très rodé, où il campe une Geisha, mais il ne correspond pas au goût de l’un de ses commanditaires, qui souhaite choyer ses clients suédois. Odette, qui a beaucoup aimé son spectacle, lui parle d’une pièce de théâtre qu’elle adore, « Les salons », contant les rapports entre deux femmes du XVIIIème siècle, Mme du Deffand et Julie Lespinasse, élaboré à partir de la correspondance entre des deux femmes d’esprits. Augustin rencontre une actrice de télévision, Bettina Flescher, utilisée dans des œuvres médiocres – en illustration on a droit à un extrait du cornichonesque Milady de Josée Dayan ! qui joue d’ailleurs ici son propre rôle -. L’actrice est suffisamment excentrique pour s’embarquer dans cette aventure. Un ami comédien d’Augustin, à la virilité encombrante – Christophe Vandevelde, un nom à retenir, Anne Fontaine l’avait découvert dans le film de Jacques Audiard : « Sur mes lèvres », va jouer le rôle du diaphane amant de Julie de Lespinasse, mais Bettina, lui préférera Raphaël, un gracile et ambigu jeune homme – joué par Andy Gilet -. L’œuvre finira par avoir une curieuse influence sur le destin de cette curieuse petite troupe… Si vous avez aimé « Augustin » (1995) et « Augustin, roi du kung-fu » (1999), vous connaissez l’originalité du personnage d’Augustin, lunaire, un peu obsessionnel, porté par la forte personnalité de Jean-Chrétien Sibertin-Blanc. Son travail avec sa sœur, la réalisatrice nous précisait qu’elle fait beaucoup de répétitions avec lui -, a pour résultat l’un des personnages les plus drôles – mais il peut en irriter certains – et les plus originaux du cinéma français. J’ai parlé avec Anne Fontaine, de la même émotion que j’avais en voyant Claude Melki débouler dans l’univers de Jean-Daniel Pollet – idée partagée avec une autre personne, qu’elle a rencontré lors d’une avant-première -.

Arielle Dombasle, Danielle Darrieux & Jean-Chrétien Sibertin-Blanc

Il est à la fois touchant, imprévisible, d’une cocasserie inouïe, nous amène dans une sorte de fantastique du quotidien.. Quand on demande à sa sœur, le manque d’intérêt des autres réalisateurs à son sujet, elle répond que l’homme semble aussi particulier, ne souhaite pas tourner pour tourner s’il n’est pas à l’aise avec l’univers d’un metteur en scène – Mais il a tourné tout de même chez Alain Resnais, je me souviens de lui poursuivant Juliette Binoche dans un « Tour de manège », une nuit de pleine lune, et il a intéressé Godard.  Il faut le voir discuter pilosité avec Christophe Valverde, avoir une rencontre hors du commun dans un vernissage avec un ex-futur candidat aux Présidentielles pour paraphraser Al Gore – je vous en laisse la surprise -, ou découvrir une scène de répétition, impromptue  dans une chapelle. Autre petit miracle du film, le retour en grâce et dans un premier rôle de Danielle Darrieux. Son bagou, son charme superbe malgré son âge, sa capacité d’émotion – moment d’émotion où ses yeux se rougissent soudainement -, et son improbable rencontre avec une vedette – Arielle Dombasle, actrice sous-utilisée, appréciée par la réalisatrice chez Rohmer -, prête à casser ses codes et son emploi de bimbo comme elle dit elle-même. Belle rencontre avec Anne Fontaine, qui a beaucoup de charme, d’aplomb et de lucidité. Elle répond avec franchise, de son joyeux surnom de Leni Riefenstahl par Benoît Poelvoorde, évoquant avec l’humour qu’on lui connaît sa direction d’acteur, de l’insatisfaction de son parcours de comédienne. Elle évoque l’homme politique cité précédemment, dont la femme précise qu’il devrait faire l’acteur, et les rapports entre Danielle Darrieux et Arielle Dombasle, polis mais sans « atomes crochus », l’aînée évoquant à propos de sa partenaire « La petite jeune », l’idée d’une moitié de femmes. Danielle Darrieux rayonne ici – elle demandait, elle était âgée de 88 ans lors du tournage, avec humour à la réalisatrice de se dépêcher, car elle pouvait mourir à tout instant ! -. Sa palette incroyable de jeu est utilisée au mieux, son dynamisme, sa séduction et ses dons de chanteuses – sa mère était professeur de chants -, elle nous livre d’ailleurs une version d’anthologie de la chanson de Charles Trenet « La folle complainte ». Saluons l’audace habituelle – on connaît son brillant et original parcours – d’Anne Fontaine, rebondissant à partir d’une commande de ses amis Bernard Minoret et Claude Arnaud, de faire un film à partir des « Salons », avec Isabelle Huppert et Danielle Darrieux. Elle en fait un en fait un projet personnel, trouvant une habile correspondance entre les « salons » et la société du spectacle. Elle nous livre ici un spectacle comique d’une grande finesse, tout en donnant un superbe rôle à l’une de nos plus prestigieuses actrices. Une liberté de ton salutaire.

SI TU ES GAY, RIS DONC…

Avant-première le 3 octobre à l’UGC cité-ciné Bordeaux de « Poltergay » en présence de l’équipe du film. C’était une belle consolation pour mézigue, pour avoir raté dans ce lieu, des rencontres au mois de septembre avec excusez du peu, Jamel Debbouze, Bernard Blancan, Rachid Bouchareb, Emmanuel Bourdieu, Jean-Pierre Darroussin, Asia Argento, Tony Gatlif et Bruno Dumont. Éric Lavaine très en verve – il a participé à l’écriture des « Guignols » et de la série « H », et avait réalisé « Le 17 » -, éphémère sitcom  avec Jean Benguigui et Jean-Paul Rouve, tenait à présenter le film. Il a commencé par nous faire peur, en nous précisant que des fantômes existent à Bordeaux… En effet il nous citait l’exemple d’un individu ayant disparu pendant un an, et qui circulerait beaucoup en ce moment pour retrouver ses anciennes responsabilités… Renseignement pris, c’est même un ancien collègue blogueur, mais son blog, bien que non hébergé chez 20six, fabrique ectoplasmique, mord désormais, lui les pissenlits par les racines. Je crois que le réalisateur a raison, je dois témoigner aussi de phénomènes inexpliqués et paranormaux dans cette fille. En effet, j’arpente chaque jour la même rue, et je vois la bobine de l’ancien spectre en question sur des affiches électorales, salués par quelques citadins inscrivant quelques noms d’oiseaux sur la relative honnêteté du susdit candidat. Comme par miracle, les affiches redeviennent immaculées chaque matin ! Dans le petit matin blême, l’effroi est saisissant. Si ce n’est pas un phénomène à la « X-files » !. Il y a matière à un débat à la con chez feu Stéphane Bern, chez (F)rance 2, dirigé par aussi un esprit frappeur n’ayant pas survécu d’être le biographe officiel de Bernadette C. Après ses digressions cinquièmedimensionesques sans aucun intérêt,  venons au sujet du film. Marc – Clovis Cornillac, remarquable comme à l’accoutumée -, s’installe avec l’amour de sa vie – Julie Depardieu -, dans une grande maison isolée. Comme il est chef de chantier, il rénove ce bâtiment, abandonné depuis 30 ans. Mais ce lui, est une ancienne boîte de nuit homosexuelle, « L’ambigu », lieu d’un incendie accidentel en 1979. 5 ectoplasmes « gay » sont prisonniers du lieu depuis ce drame. Esseulés, et confinés dans la cave, ils sont émoustillés par le corps d’athlète de Marc – Clovis Cornillac, s’étant entraîné de manière spectaculaire pour interpréter un champion de boxe-thaï -…

Julie Depardieu & Clovis Cornillac

Taquins, narquois, versions discos d’Albin Mougeotte, ils ne cessent d’importuner Marc, et bien évidemment Emma, ne voit rien. Il demande conseil à son meilleur ami, David, médecin de nuit cocufié par la belle Anne Caillon – non, elle n’est pas coupée au montage cette fois… Je devine déjà vos sarcasmes -.  pensant que de fantasmes à fantômes il n’y a qu’un pas, y voit un symptôme d’homosexualité refoulée pour Marc… L’idée de base, qui en vaut bien une autre, on se demandait si ce divertissement pouvait tenir la route… Porté par de formidables comédiens, cette comédie enlevée se révèle finalement très probante, proposant en passant une petite ode sur la tolérance. Éric Lavaine, joue avec les poncifs, avec la formidable idée de prendre des comédiens inattendus et excentriques pour jouer des stéréotypes de « folles furieuses ». Il faut voir Lionel Abelanski – voir note d’hier -, Gilles Gaston-Dreyfus inconditionnel du repassage coiffé d’une improbable perruque blonde, Jean-Michel Lahmi, en timide en quête de son identité, Philippe Duquesne destroy, brodant partout des symboles phalliques et qui nous livre un véritable morceau d’anthologie dans son plaidoyer de l’hétérosexuel landa, sans oublier le nouveau venu Georges Gay (sic), grand échalas survolté. Les voir danser au son de « Rasputin » vaut son pesant de cacahuètes, ils arrivent à glisser chacun une émotion alors que l’on pouvait présager une lourde caricature. Le quintet est absolument remarquable. C’est la première rencontre à l’écran de Clovis Cornillac et Julie Depardieu – ils partageaient l’affiche de « Un long dimanche de fiançailles », mais ils n’avaient pas de scènes ensemble -. Ils montrent à nouveau leurs grands talents, car il faut arriver à exister face à 5 voleurs de scènes spectraux particulièrement redoutables. Ils ont d’ailleurs fait des suggestions sur le film, comme la belle scène de la pomme, proposée par Cornillac, à la réécriture du rôle féminin qui n’existait pas véritablement dans la première version du scénario. Julie Depardieu, à nouveau subtile – chantant joliment « Born to be alive » -est idéale pour jouer un contrepoint inquiet à cette farce, aidant à la crédibilité de la situation.

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Lionel Abelanski, Philippe Duquesne, Georges Gay, Clovis Cornillac, Gilles Gaston-Dreyfus & Jean-Michel Lahmi.

Les autres comédiens sont à l’unisson, dont Michel Duchaussoy décalé en médium amateur de McDonald’s, Christian Pereira en beau-père bougon appréciant modérément son gendre, Thierry Heckendorn en patron vindicatif, Gérard Loussine en flic sarcastique, Christophe Guybet en dragueur d’hétéros ou Michel Modo en cafetier sensible, plus quelques surprises, comme le retour de Stefano Cassetti ou l’invité surprise du dernier plan. Le débat d’après film, fut absolument jubilatoire, en effet outre la venue de Clovis Cornillac et Julie Depardieu, nous avons eu la surprise de découvrir une chorégraphie hilarante de nos cinq fantômes au complet, porté par un Jean-Michel Lahmi virevoltant, avec un numéro halluciné rodé sans doute chez Édouard Baer, et ponctué par les traits d’esprits d’un Lionel Abelanski en grande forme. Grande et joyeuse animation, une petite fille posant une question sur le chat, on a eu confirmation après « La nuit américaine », de faire tourner des chats dans un film. Il disparaît du film, même avec des doublures, l’animal reste rétif à jouer son rôle. Pour la petite histoire, Marc-Antoine Beldent, ingénieur du son présent ce soir là, a révélé un de ses secrets… Pour obtenir les cris d’un chat apeuré, il a dû écraser les testicules d’un félidé de l’Europe de l’Est ! – mais que fait Brigitte ! -. Jolie rencontre ensuite avec les membres du film, de Julie Depardieu d’une grande franchise, et très critique envers elle même, Clovis Cornillac, toujours aussi disponible et généreux, Lionel Abelanski et Jean-Michel Lahmi rivalisant de sympathie, et Gilles Gaston-Dreyfus et Philippe Duquesne, plus calmes mais avec de la malice. Au final ce film, même s’il n’est pas sans défauts, finit par se distinguer dans le tout venant de la comédie française particulièrement en méforme ces derniers temps.

CHACUN SA NUIT

Il y a avait eu une avant-première le 31 août, à l’UGC cité-Ciné, de « Chacun sa nuit » en présence de Pascal Arnold, Jean-Marc Barr, Lizzie Brocheré et Arthur Dupont. Le débat d’après film fut passionnant, Pascal Arnold présentant avec ardeur son film, Jean-Marc Barr se faisant plus discret, il filmait le débat pour un site internet, Lizzie Brocheré semblait un peu timide, mais Artur Dupont très énergique défendait avec superbe son rôle, avec une abnégation assez rare pour un si jeune comédien. La petite appréhension acquise par la vision d’une bande-annonce baignée par une lumière assez sombre – il y avait en fait un problème d’étalonnage sur ce format -, a très vite disparue. Pierre – Arthur Dupont – et Lucie –Lizzie Broccheré -sont frère et sœur, et vivent une adolescence insouciante formant une sorte de club fermé avec trois copains garçons. Assez libres, font de la musique rock, ils vivent sans tabous, croisant leurs histoires d’amours. Mais un jour Pierre, qui est un peu l’âme de ce groupe, ne rentre pas chez lui. Sa mère – Valérie Mairesse, à l’aise dans le registre dramatique on le sait depuis Bernard Favre et Tarkovsky -, une femme laissant un peu ses enfants autonomes -, et Lucie s’inquiètent… Même si le film n’est pas sans défaut, c’est une œuvre libre et riche, à découvrir donc au sein de notre cinéma qui en ce moment nous livre jours après jours des œuvres aseptisées. C’est un film fait à l’arraché, suite à la défection des capitaux américains pour un précédent projet de film en anglais avec Kathleen Turner et Geraldine Chaplin qui restera inabouti. En réaction, Pascal Arnold, trouve ce sujet d’après un fait divers réel, sur quelques-uns de ces « enfants terribles » chers à Cocteau, tous formidables – dont Pierre Perrier vut dans « Douches froides » -. Ce drame qui peut sembler difficilement compréhensible à  l’issue de la révélation finale. Arnold et Jean-Marc Barr qui a signé l’image à bout de bras à l’aide d’une caméra DV – il avait en main ce soir là d’ailleurs -, ont fait ce film avec la dernière énergie. Ils trouvent dans l’improvisation selon les conditions de tournage, à l’instar une certaine lumière donnant naissance à la formidable idée du générique des ombres des jeunes danseurs. Ces contraintes fut nombreuses comme celle de  trouver un comédien de dernière minute pour le rôle du jeune voyeur, suite à une désaffection d’un autre plus confirmé inquiet de cette méhode de tournage, qui semble a un curieux un mimétisme avec Barr. Citons aussi la chanson jouée à la guitarepar Arthur Dupont – décidément très doué, il est aussi chanteur et musicien -, de Georges Brassens, « Je me suis fait tout petit », superbe  moment du film, l’équipe ne savait même pas s’ils pouvaient avoir les droits de la chanson. Ils ont réalisé ce film avec énergie.

Arthur Dupont & Lizzie Brocheré

La situation est parfois confuse, ce qui est compréhensible il y avait un premier montage de 2h40. Mais ils n’ont pas hésité pas à couper le trop plein d’un montage inital de 2h40, quitte supprimer complétement le rôle de Jean-Marc Barr. Il jouait un des personnages de l’enquête -. Anecdote significative, son personnage s’appelant Philippe, Pascal Arnold lui avait proposé de coupé son rôle. La réponse du comédien fut « mais qui est Philippe ? », montrant la simplicité de l’homme. Les scènes sont alertes, les pièges d’un voyeurisme de quadragénaires sur des jeunes sont évités, il n’y a pas de complaisance. Ils aident à comprendre ses personnages, donnent parfois des pistes – l’idée du kamikaze -, mais ne surlignent et n’explique  jamais, nous laissant dans le vague, à chacun de se forger sa propre vision de l’histoire. Le réalisme ici de certaines scènes est remarquable – sans vouloir déflorer l’histoire, les scènes de la reconstitution ou de la crémation sont prenantes, et même plus impressionnantes que si on avait vu les véritables scènes du drame. L’insouciance du sexe – autre vision du sexe après « Too much flesh », face à ces jeunes n’est parfois qu’une façade face au charisme de Pierre, mais il y a ici une empathie avec les personnages. On peut prendre pour preuve le personnage de Jean-Christophe Bouvet, homosexuel partouzard et porté sur les jeunes éphèbes. Il y a toujours chez lui une perversité patente, et peut être à cause du souvenir de « La machine » de Paul Vecchiali (1977), où il jouait un pédophile, on finit par craindre son apparition au milieu du petit groupe. Mais il finit par gagner une profondeur, il faut le voir parler avec indulgence à la jeune Lucie, du piège ourdi par son ex-femme, il finit par donner une grande dignité à son personnage. A noter que Jean-Marc Barr et lui se connaissent depuis 1980. L’après débat dans le hall de l’UGC fut très intéressant en retrouvant la modestie de Lizzie Brocheré, l’enthousiasme d’Arthur Dupont, l’énergie de Pascal Arnold. C’était très plaisant de converser ensuite avec Jean-Marc Barr, alros plus disert. On peut retrouver une absence patente d’ego, une volonté de ne pas tomber dans les pièges de la starification. C’était passionnant de l’entendre, toujours souriant, sur les États-Unis, il est en fait très déçu par son pays natal, même s’il va retrouver son père souvent. Il fallait l’entendre parler du projet inachevé de Lars Von Trier tourné sur 6 ans – le tournage du film devait se dérouler sur plusieurs années, belle idée… – tout en rendant hommage à son mentor-. Loin de se cantonner dans l’idée du dogme du premier film de Jean-Marc Barr « Lovers », la collaboration de Pascal Arnold et Barr, après « Too mush flesh » et « Being light » se révèlent cohérente, exigeante, inventive et salutaire. Une sincérité à saluer.

JE VAIS BIEN, NE T’EN FAIS PAS

Avant-première le lundi 21 août dernier, du dernier film de Philippe Lioret, en sa présence et celles de Mélanie Laurent, Julien Boisselier et Kad Mérad. C’est l’adaptation du roman éponyme d’Olivier Adam, qui avait déjà fait l’objet d’une autre adaptation très réussie « Poids léger » de Jean-Pierre Améris. Il a co-signé l’adaptation avec le romancier, pour la petite histoire, c’est une émission de radio où l’auteur parlait de son livre, qui lui a donné l’idée d’adapter cette œuvre. Lili – Mélanie Laurent absolument remarquable -, rendre d’un séjour d’un mois en Espagne, avec son amie – Aïssa Maïga excellente -, accompagnée de son compagnon – Julien Boisselier, renouvelant son emploi habituel d’amoureux trentenaire -. Quand ses parents – Isabelle Renauld et Kad Mérad, probants -, viennent la chercher, elle sent rapidement que quelque chose ne va pas à la mine attristée de ses parents. Son frère jumeau Loïc, vient de fuguer sans donner de nouvelle. Il est coutumier de violentes disputes avec son père, mais cette fois là ils semblent avoir atteint un point de non-retour. Lili, très proche de son frère s’étonne de son silence, et s’inquiète, puis s’insurge devant la résignation et la passivité de ses parents devant cette disparition. Déstabilisée, par la situation dont elle n’a aucune responsabilité, elle sombre dans l’anorexie… Le réalisateur a trouvé la juste mesure entre le drame et l’émotion, sans une once de pathos. Après un parcours exemplaire comme ingénieur du son, il a réussit à faire une œuvre marquante en 5 films, en étant aussi bien à l’aise dans la comédie que dans le romanesque,  Lioret a un grand sens des non-dits, il instille une humanité à ses personnages. Avec sobriété et sans esbroufe, il nous tient en haleine, évitant ce qui pourrait être chez d’autres la simple exploitation de ficelles scénaristiques.

Mélanie Laurent & Philippe Lioret

Mélanie Laurent rayonne dans son rôle de jeune femme meurtrie, dépassée par sa souffrance, qui cherche des raisons d’exister avec la perte de son alter-ego, Loïc, musicien chanteur doué dont personne n’arrive à expliquer son comportement. C’est une étude de mœurs faite avec beaucoup de rigueur, sur la difficulté de communiquer au sein d’une famille – voir l’idée d’une émission TV animée par Patrick Sébastien, meublant ce vide affectif -. L’évocation de l’anorexie est faite avec beaucoup de respect et sans voyeurisme. Sentant la difficulté d’en parler dans une chambre d’hôpital. Mélanie Laurent a tourné ces scènes un mois après la fin des autres scènes, en devant respecter un régime très strict. Là où Philippe Lioret est remarquable, c’est par l’utilisation d’une comédienne conseillée par une assistante qui avait connu une jeune femme anorexique lors d’un tournage de court-métrage. L’acuité de son regard – elle partage la chambre de Lili – est simplement inoubliable, car il y a ici une véritable interprétation et ce fait il n’y a pas de misérabilisme dans ce personnage mutique.

Isabelle Renauld, Kad Merad & Mélanie Laurent

Isabelle Renauld et Kad Merad, en parents impuissants, sont remarquables de subtilité et de pudeur. Le reste de l’interprétation est à l’avenant, comme toujours chez Lioret, citons Jean-Yves Gautier saisissant en psychiatre déterminé, Blandine Pélissier en employée d’hôtel d’un abord réfrigérant ou Martine Chevallier en infirmière revêche. Le débat d’après film prolongeait le plaisir du film. Mélanie Laurent lumineuse porte le film avec une grande force. Philippe Lioret parlait avec une grande chaleur de son travail, Julien Boisselier lui a rendu un hommage particulièrement émouvant, en parlant de ses qualités de directeur d’acteurs et Kad Merad fidèle à lui-même faisait preuve de son humour habituel – en disant mais c’est un public polonais, il n’est donc pas nécessaire de lui parler -. Par un hasard de calendrier, on a découvert cette année la très riche palette de Merad, passant de la farce « Un ticket pour l’espace », « Essaye-moi », il était particulièrement émouvant dans « Les irréductibles » digne d’être dans la tradition des « grands excentriques du cinéma français », et dans son rôle de glandeur sympathique dans J’invente rien. Il prouve encore ici son grand talent de comédien, instillant de l’humour mais avec retenue, à l’exemple du moment où il manque de faire brûler sa viande. Il est assez difficile de parler du film, qualifié avec justesse de thriller social par son auteur, afin de le préserver, rendez-vous donc ce 6 septembre.

LA TOURNEUSE DE PAGES

Avant-première le jeudi 3 août, du quatrième film de Denis Dercourt, déjà bien accueilli à Cannes 2006, dans la sélection « Un certain Regard ». Hormis le très abouti « Lise et André » sur la rencontre d’une mère – trop sous exploité Isabelle Candelier – dont le fils est malade, qui se confit à un prêtre – formidable Michel Duchaussoy – en 2000, ses trois autres films parlent du milieu de la musique et des concertistes. Le réalisateur concilie à la fois ses cours de musique de chambre au conservatoire de Strasbourg, et sa carrière très originale au cinéma. Après « Les cachetonneurs » (1998) retraçant la difficulté de musiciens itinérants, et le très maîtrisé « Mes enfants ne sont pas comme les autres » (2003) sur un père – Richard Berry – trop exigeant sur les performances musicales de ses enfants. Comme dans ses autres films, il faut saluer la grande crédibilité de ses interprètes lors des morceaux musicaux. Dercourt connaît les écueils à éviter, il est aidé ici par les connaissances de Catherine Frot, qui a fait du piano jusqu’à l’âge de 12 ans, et connais très bien « La marche turque » de Mozart, Xavier de Guillebon qui pratique la clarinette et Clotilde Mollet, musicienne émérite, qui a déjà plusieurs films à son actif. Rarement, on aura vu une représentation de la musique aussi probante. Il est parfois difficile de ne pas ricaner devant des mouvements inconsidérés sur quelques touches de piano, dans certains films confondant agitation et mélomanie. Difficile de parler du film sans parler du thème principal, n’allez pas plus loin si vous voulez préserver le plaisir du film… Disons que le thème pouvait être celui d’un thriller, c’est plus ici un cinéma psychologique proche d’un Claude Chabrol, nom souvent cité lors du débat d’après film. Il y a une tension palpable mise en valeur par une réalisation intelligente qui revisite le thème un peu éculé de la vengeance. François Truffaut se disait gêné par cette utilisation, quand il avait fait « La mariée était en noir », loin d’être d’ailleurs l’une de ses œuvres les plus réussies. Une jeune enfant douée, Mélanie dont les parents sont bouchers – Christine Citti et Jacques Bonnaffé qui arrivent à faire exister leurs personnages en peu de mots -, décide d’abandonner sa pratique du piano, si elle échoue son concours d’entrée au conservatoire. Ariane Fouchécourt, brillante artiste mais bourgeoise assez hautaine, va avoir une attitude assez inconsidérée dans ce moment de grand stress. Ariane c’est Catherine Frot, de plus en plus rayonnante depuis son rôle dans « Le passager de l’été », elle révèle à nouveau ici une certaine séduction et une grande sensualité. Son personnage va d’ailleurs évoluer durant le film. Le destin de Mélanie est ainsi scellé de la manière que je vous laisse découvrir, on peut voir ensuite son effroi assez inconsidéré. Loin de planifier toute idée de représailles, Mélanie adulte – Déborah François, qui confirme ici de son grand talent découvert chez les frères Dardenne dans « L’enfant », se sert en fait des hasards de la vie pour retrouver cette grande pianiste qui a brisé son destin.

Catherine Frot & Déborah François

Le grand talent du réalisateur est qu’il laisse volontairement des zones d’ombres, offre des pistes – l’accident de voiture -, sans que l’on sache le rôle de la jeune Mélanie dans ces évènements. Elle va donc se retrouver dans un grand cabinet d’avocats tenu par une secrétaire zélée – Martine Chevallier excellente -, qui est dirigé par M. Fouchécourt – Pascal Greggory arrivant à concilier ferveur et réserve -. Mélanie va tout faire pour se montrer indispensable en devenant la baby sitter de leur fils Tristan pianiste en herbe très talentueux. Elle va gagner la confiance de toute la famille, et va retrouver la célèbre pianiste en pleine crise artistique. Elle va devenir sa tourneuse de pages – rôle prépondérant pour une grande pianiste -, va installer une certaine intimité, voire amitié amoureuse avec elle, et attendre que le sort lui soit favorable pour accomplir son méfait. Seule l’amie musicienne d’Ariane – Clotilde Mollet donc, une personnalité attachante -, va se méfier. Elle et son mari – Xavier de Guillebon – essaie de monter un trio de concertistes avec Ariane. La pression est grande, le trio est un peu en perte de vitesse, et il faut convaincre un agent artistique important – André Marcon, toujours à la présence aussi forte – et éviter… les fausses notes. La villa luxueuse des Fouchécourt a aussi une grande importance en étant faussement rassurante. C’est en fait un lieu existant nous avait évoqué Denis Dercourt, et si l’on pense inévitablement au superbe « Cat People / La féline » de Jacques Tourneur dans la scène de la piscine, son réalisateur n’a en fait jamais vu le film et a juste utilisé cet élément présent dans cette narration. Si la fin pêche un peu, son réalisateur est le premier à le reconnaître en déclarant avoir été trahi par son scénariste… c’est à dire lui-même -. Il arrive cependant à montrer une fois le petit microcosme musical, ses exigences, ses petites lâchetés ou cruautés, et installe un climat très original. Pour avoir déjà conversé avec lui lors de son précédent film, j’ai retrouvé ce soir là sa grande exigence – il sait ce qu’il veut et peut demander beaucoup -, son grand humour et sa volonté de faire partager ses deux passions la musique et le cinéma, toujours au service de ses interprètes. Il nous confirme une fois de plus sa singularité dans le cinéma français. Déplorons seulement qu’un petit côté mécanique du scénario, nous empêche de faire éclater une ambiguïté étouffante.