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MORT DE LISE DELAMARE

Un nouveau décès à déplorer celui de Lise Delamare, célèbre Marie-Antoinette dans le film de Jean Renoir “La marseillaise” en 1937. Déplorons le relatif silence à la mort de cette comédienne. Yvan Foucart lui avait rendu un bel hommage de son vivant dans le site des Gens du cinéma, où l’on retrouve une bio-filmo.  On peut aussi retrouver un entretien avec elle dans l’excellent “Le cinéma des années 30 par ceux qui l’ont fait” (Christian Gilles, L’Harmattan, 2000). Avec l’amusante évocation de la fameuse scène de “Fer rouge” dans “Forfaiture (Marcel L’Herbier, 1937) avec Sessue Hawakaya qu’elle n’appréciait guère : “Elle n’était pas du tout simulée, le fer était vraiment rouge ! Au moment où je devais être marquée, un machiniste accroupi par terre me glissait sur l’épaule un morceau de veau sur lequel, ensuite, Hayakawa appuyait de toutes ses forces (Je sentais d’ailleurs la chaleur à travers une chaleur tiède)…”. Elle se faisait rare au cinéma, préférant privilégier un parcours théâtral exemplaire, voir sa biographie dans le site de “La Comédie Française“. Mais Yves Robert qui l’appréciait beaucoup l’avait dirigé dans deux films “Clérambard” (1969) et “Salut l’artiste” (1973). Dans “La carpate” (Gérard Oury, 1978), elle était une grande bourgeoise, épouse de Jean-Pierre Darras, malmènée lors des évenements de mai 1968.  Elle était étonnante en propriétaire étouffante d’un bull-terrier inquiétant dans le singulier “Baxter” (Jérôme Boivin, 1988). Elle était la soeur de la comédienne Roselyne Delamare.

Filmographie : 1933  Georges et Georgette (Reinhold Schünzel & Roger Le Bon) – 1934  Les précieuses ridicules (Léonce Perret, CM) – Pension Mimosas (Jacques Feyder) – Un soir à la Comédie Française (Léonce Perret, CM documentaire) – 1936  Notre-Dame d’amour (Pierre Caron) – 1937  La Marseillaise (Jean Renoir) – Forfaiture (Marcel L’Herbier) – 1941  Péchés de jeunesse (Maurice Tourneur) – Le destin de Désirée Clary (Sacha Guitry) – La symphonie fantastique (Christian-Jaque) – La duchesse de Langeais (Jacques de Baroncelli) – 1942  Le comte de Monte-Cristo (Robert Vernay) – La fausse maîtresse (André Cayatte) – 1943  Graine au vent (Maurice Gleize) – La valse blanche (Jean Stelli) – 1944  Farandole (André Zwobada) – Lunegarde (Marc Allégret) – Le père Goriot (Robert Vernay) – 1945  Le Capitan (Robert Vernay) – Rabiolot (Jacques Daroy) – 1947  Monsieur Vincent (Maurice Cloche) – 1949  Un certain Monsieur (Yves Ciampi) – 1950  Le roi du bla-bla-bla (Maurice Labro) – 1955  Les grandes manoeuvres (René Clair) – Lola Montes (Max Ophuls) – 1957  Escapade (Ralph Habib) – Nathalie (Christian-Jaque) – 1960  Le Capitan (André Hunebelle) – L’ennemi dans l’ombre (Charles Gérard) – Il suffit d’aimer (Robert Darène) – Vive Henri IV, vive l’amour (Claude Autant-Lara) – 1961  Les démons de minuit (Marc Allégret é Charles Gérard) – 1969  Clérambard (Yves Robert) – 1973  Salut l’artiste (Yves Robert) – 1988  Baxter (Jérôme Boivin).

©   Le coin du cinéphage (reproduction strictement interdite, textes déposés)

MORT DE MAKO

Annonce de la mort de Mako, figure familière du cinéma américain, le 21 juillet dernier, des suites d’un cancer. Il faisait partie de ce type de comédiens comme Philip Ahn, Keye Luke ou James Hong, distribué dans tous les rôles asiatiques possibles et imaginables par Hollywood, dans trop de discernements parfois. Ce Japonais né à Kobe en 1933, de son vrai nom Makoto Iwamatsu, avait suivi ses parents partis aux USA en 1941, travailler pour l’Office of War. Il rejoint l’armée des États Unis au début des années 50, puis fut naturalisé citoyen américain en 1956. Formé au “Pasadena Playhouse”, il joua de nombreux spectacles sur Broadway. En 1965, il crée la “East West Players”, une prestigieuse troupe orientale. Son rôle le plus connu reste celui du jeune coolie Poo-Han, qui se fait lyncher par les siens pour être suspecté de collaboration avec les Américains, performance qui lui vaut d’ailleurs une nomination à l’oscar du meilleur second rôle en 1966 et une autre aux Golden Globes en 1967. Robert Wise l’avait découvert lors d’une représentation de Rashomon. En 1966 il rencontre Bruce Lee pour l’un des épisodes du “Frelon vert”, qui connu en 1974 une diffusion dans les salles de cinéma. Karatéka doué, il participe souvent à des films d’arts martiaux, souvent avec Chuck Norris qui l’appréciait beaucoup, il joue d’ailleurs de grand maître de Jackie Chan dans “Le Chinois” (Robert Clouse, 1981). Il a beaucoup de télévision à son actif, il apparaît régulièrement en “guest star” dans des séries comme “Colombo”, “Hawaïï, police d’état”, etc… Il prête aussi sa voix dans des jeux vidéos ou des dessins-animés. On se souvient aussi de son rôle impressionnant de sorcier dans “Conan le barbare” (John Milius, 1982) et sa suite. On l’avait revu dernièrement dans le rôle de l’amiral Yamamoto dans l’affligeant “Pearl Harbour” de l’ineffable Michael Bay en 2001 et cette année dans un court rôle dans l’académique “Mémoires d’une Geisha”.. A noter qu’il a son étoile dans la mythique “Walk of fame”.

Filmographie : 1959  Never so few (La proie des vautours) (John Sturges) – 1966  The Sand Pebbles (La canonnière du Yang-Tsé ) (Robert Wise) – The ugly dachsand (Quatre bassets pour un danois) (Norman Tokar) – 1968  The private navy of Sgt. O’Farrel (La marine en folie) (Frank Tashlin) – 1969  The great bank robbery (Le plus grand des hold-up) (Hy Averback) – 1970  Fools (Tom Gries) – The Hawaiians / Master of the islands (Le maître des îles) (Tom Gries) – 1971  Chinmoku (Silence) (Masahiro Shinoda) – 1972  Yokohama Mama (Gerry Chiniquy, animation, CM, voix) – 1974  The island at the top of the world (L’île sur le toit du monde) (Robert Stevenson) – 1975  Prisoners / Physical assault (William H. Bushnell) – The killer elite (Tueur d’élite) (Sam Peckinpah) – 1980 The big brawl (Le Chinois) (Robert Clouse) – 1981  The Bushido blade (Shusei Kotani) – An eye for an eye (Dent pour dent) (Steve Carver) – Under the rainbow (Steve Rash) – 1982  Conan the barbarian (Conan le barbare) (John Milius) – 1983  Testament (Le dernier testament) (Lynne Littman) – Conan the destroyer (Richard Fleischer) – 1985  Behing enemy lines / P.O.W. the escape (Dans les bras de l’enfer) (Gideon Amir) – 1986 The Jade Jungle / Armed response (Armés pour répondre) (Fred Olen Ray) – 1987  Silent assassins (Doo-yong Lee & Scott Thomas) – 1988  The Wash (Michael Toshiyuki Uno) – Tucker : The man and his dream (Tucker) (Francis Ford Coppola) – Fatal mission (George Rowe) – 1989  An unremarkable life (Amin Q. Chaudhri) – 1990  Pacific Heights (Fenêtre sur Pacifique) (John Schlesinger) – Taking care of Business / Filofax (Arthur Hiller) –Sutoroberi rodo / Strawberry road (Koreyoshi Kurahara) – 1991 The perfect weapon (L’arme parfaite) (Mark DiSalle) – My samurai (Fred H. Dresch) – Nightingale (Michael Sporn, voix) – Sidekicks (Aaron Norris) – 1992  RoboCop 3 (Fred Dekker) – 1993  Red sun rising (Francis Megahy) – Rising sun (Soleil levant) (Philip Kaufman) – 1994  Crying Freeman (Id) (Christophe Gans) – Cultivating Charlie (Alex Georges) – Highlander III : The sorcerer (Highlander 3) (Andrew Morahan) – Midnight Man (John Weidner) – 1995  A dangerous place / No surrender (Jerry P. Jacobs) – 1996  Balance of power / Hidden tiger (Rick Bennett) – Seven years in Tibet (Sept ans au Tibet) (Jean-Jacques Annaud) – Sworn to justice / Blonde justice (Paul Maslak) – 1998  Alegria (Franco Dragone) – Chûgoku no chôjin (Bird people in China) (Takashi Miike) – 1999  Fukuro no shiro (Masahiro Shinoda) – Kyohansha (Kazuhiro Kiuchi) – 2000  Talk to Taka (Richard K. Kim) – Conscience and the constitution (Frank Abe, MM, voix) –  The Rugrats in Paris – The movie (Les Razmokets à Paris, le film) (Stig Bergqvist & Paul Demeyer, animation, voix) – 2001  Pearl Harbor (Pearl Harbor) (Michael Bay) – She said I love you / Cruel game / Deception / Twists and turns (Masashi Nagadoi) – 2002  Bulleproof monk (Le gardien du manuscrit sacré ) (Paul Hunter) – 2005  Cages (Graham Streeter) – Memoirs of a Geisha (Mémoires d’une geisha) (Rob Marshall) – Rise (Sebastian Gutierrez) – 2006  The slanted screen (Jeff Adachi, documentaire).

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Jack Warden

 Série noire aux États-Unis, après la disparition des comédiens June Allyson, Red Buttons, Mako et du réalisateur Hubert Cornfield – je vais tâcher d’y revenir avec celle du réalisateur Fabian Bielinsky -, Jack Warden nous quitte le 19 juillet dernier des suite d’u problème cardiaque. à l’âge de 85 ans. Woody Allen de dirigea a trois reprises dans “September” (1987), “Coups de feu à Broadway” (1994) et “Maudite aphrodite” (1995). Le physique athlétique, de son vrai nom John H. Lebzelte, il fait partie des derniers acteurs américains dans le style “Bigger than life”, de sa carrière de boxeur professionnel de sa participation comme marin à la seconde guerre mondiale, en 1942. Blessé à la jambe durant le débarquement en Normandie en 1944, il prend des cours de comédie, avant de se faire remarquer à Broadway. On se souvient de lui comme le septième juré, un modeste représentant, de “12 hommes en colère” (Sidney Lumet, 1957), du rédacteur en chef des “Hommes du président” (Alan J. Pakula, 1975), du juge routinier dans “Justice pour tous” (Norman Jewison, 1979) à l’ancien associé de Paul Newman qui souhaite aider son ami avocat alcoolique dans “Verdict” (Sidney Lumet, 1982). Il avait eu deux nominations aux oscars dans deux films auprès de son grand ami Warren Beatty “Shampoo” (Hal Ashby, 1975) et “Le ciel peut attendre” (Warren Beatty & Buck Henry, 1978), curieux remake du célèbre film d’Ernst Lubisch. Dernièrement, l était très émouvant dans le méconnu “L’étoile de Robinson” (Soren Kragh-Jacobsen, 1996), en grand oncle protecteur d’un enfant rêveur dans le ghetto de Varsovie. Même dans des personnages faisant preuve d’une grande dureté, il y avait chez lui toujours une grande humanité. C’est une belle page de l’histoire du cinéma américain qui part avec lui.

Bibliographie “Quinlan’s Character Stars” par David Quinlam (Éditions Raynolds & Hearn Ltd, 2004).

Jack Warden dans “Les hommes du Président”

Filmographie :

1950  The Asphalte Jungle (Quand la ville dort) (John Huston, figuration) – -You’re in the navy now ! / U.S.S. Teakettle (La marine est dans le lac) (Henry Hathaway) – 1951  The man with my face (Edward Montaigne) – The frogmen (Les hommes-grenouilles/ Commandos sous-marins) (Lloyd Bacon) – 1952  Red Ball Express (Les conducteurs du diable) (Budd Boetticher) – 1953  From here to eternity (Tant qu’il y aura des hommes) (Fred Zinnemann) – 1957  Edge of the city / A man is ten feet tall (L’homme qui tua la peur) (Martin Ritt) –  Twelve angry men (Douze hommes en colère) (Sidney Lumet) – The bachelor party (La nuit des maris) (Delbert Mann) – 1958  Darby’s rangers (Les commandos passent à l’attaque) (William A. Wellman) – Run silent run deep (L’odyssée du sous-marin Nerka) (Robert Wise) – 1959  The sound and the fury (Le bruit et la fureur) (Martin Ritt) – That kind of woman (Une espèce de garce) (Sidney Lumet) – 1960  Wake me when it’s over (L’île sans-soucis) (Mervyn Le Roy) – Escape from Zahrain (Les fuyards de Zahrain) (Ronald Neame) – 1962  Donovan’s reef (La taverne de l’Irlandais (La taverne de l’Irlandais) (John Ford) – Flashing spikes (John Ford, téléfilm parfois diffusé en salles) – 1963  The fin red line (L’attaque dura sept jours) (Andrew Marton) – 1964  Blindfold (Les yeux bandés) (Philip Dunne) – 1968  Bye bye Baverman (Sidney Lumet) – 1970  The sporting club (Larry Peerce) – Welcome to the club (Walter Shenson) – 1971  Summertree (Anthony Newley) – Who is Harry Kellerman and why is he saying those terrible things about me ? (Qui est Harry Kellerman ?) (Ulu Grosbard) 1972  Dig (John Hubley, CM) – 1973  The man who loved Cat Dancing (Le fantôme de Cat Dancing) (Richard C. Sarafian) – Billy two hats (Un colt pour une corde) (Ted Kotcheff) – 1974  The apprenticeship of Duddy Kravitz (L’apprentissage de Duddy Kravitz) (Ted Kotcheff) – 1975  Shampoo (Id) (Al Ashby) –1976  Raid on Entebe (Raid sur Entebbe) (Irvin Kerschner) – All the President’s men (Les hommes du président) Alan J. Pakula) – Voyage of the Damned (Le voyage des damnés) (Stuart Rosenberg, rôle coupé au montage) – 1977  The white buffalo (Le bison blanc) (J. Lee Thompson) – Heaven can wait (Le ciel peut attendre) (Warren Beatty & Buck Henry) – Death on the Nile (La mort sur le Nil) (John Guillermin) – 1978  The champ (Le champion) (Franco Zeffirelli) – Beyound the Poseidon adventure (Le dernier secret du Poseïdon) (Irwin Allen) – Dreamer (Noel Nosseck) – 1979  …And justice for all (Justice pour tous) (Norman Jewison) – Being there (Bienvenue mister Chance) (Al Ashby) – Used cars (La grosse magouille)  (Robert Zemeckis) – 1980  Carbon copy (Michael Schultz) – So fine (Les fesses à l’air) (Andrew Bergman) – 1981  The great Muppet caper (Jim Henson) – Chu Chu and the Philly Flash (David Lowell Rich) – 1982   The verdict (Verdict) (Sidney Lumet) – Crackers (Vidéo : Effraction avec préméditation) (Louis Malle) – 1984  The aviator (George Miller) – 1986  The cosmic eye (Faith Hubley & John Hubley, animation, voix) – 1987  September (Id) (Woody Allen) – 1988  The Presidio (Presidio, base militaire, San Francisco) (Peter Hyams) – Everybody wins (Chacun sa chance) (Karel Reisz) – 1989  Problem child (Junior le terrible) (Dennis Dugan) – 1991  Problem child II (Brian Levant) – Toys (Id) (Barry Levinson) – 1992  Passed away (Charlie Peters) – Night and the city (Les forbans de la nuit) (Irwin Winkler) – 1993  Guilty as sin (L’avocat du dibale) (Sidney Lumet) – Bullets over Broadway (Coups de feu sur Broadway) (Woody Allen) – While you were sleeping (L’amour à tout prix) (Jon Turtleltaub) –  1995  Mighty Aphrodite (Maudite Aphrodite) Woody Allen) – Things to do in Denver when you’re dead (Dernières heures à Denver) (Gary Fielder) – 1996  Ed (Bill Couturie) – The island on Bird Street (L’étoile de Robinson) (Soren Kragh-Jacobsen) – 1997  Diry work (Bob Saget) – Chairman of the board (Alex Zamm) – 1998  Bullworth (Id) (Warren Beatty) – 1999  A dog of Flanders (Nello et le chien des Flandres) (Kevin Brodie) – The replacements (Les remplaçants) (Howard Deutch).

LE VOYAGE EN ARMÉNIE

Changement de ton dans l’œuvre de Robert Guédiguian, avec ce “Voyage en Arménie”, sur le thème du retour aux sources, après la rupture du film “Le promeneur du champ de Mars”, magnifié par la superbe interprétation de Michel Bouquet. Robert Guédiguian quitte le quartier de l’Estaque, pour un voyage initiatique autour du thème des origines. Il s’adjoint au scénario Ariane Ascaride et la romancière Marie Desplechin. Ariane Ascaride dans le rôle d’Anna, rayonne dans ce rôle très fort. Déplorons sa sous-utilisation ces derniers temps, son statut d’égérie de Robert Guédiguian, semblant freiner les autres metteurs en scène. Anna cardilogue réputée de Marseille, examine son père Barsam, malade du cœur – joué avec malice par Marcel Bluwal, compagnon de longue route des Guédiguian -. Barsam, buté et déterminé, qui a jadis fait souffrir la mère d’Anna par son tempérament, décide de disparaître pour éviter une opération qui est pourtant de toute urgence. Anna peste contre lui, et se rend avec son mari – le fidèle Jean-Pierre Darroussin, dans un petit rôle -, dans la maison paternelle. Il y a des indices flagrants, trop visibles pour ne pas être une invitation à le rechercher, de son départ en Arménie. Il est parti dans les hautes montagnes du Caucase, lieu de ses origines. Anna ignore totalement ses racines, alors que sa fille – jouée par sa propre fille Madeleine – renoue avec la tradition en faisant de la danse folklorique. Elle décide donc de partir le retrouver, sur la base d’une vieille photo. La petite communauté des Arméniens de Marseille, recommande à Anna, de se faire accompagner par un homme d’affaires assez retord, Sarkis Arabian, – Simon Abkarian, apportant une ambiguïté à son personnage, et comédien toujours aussi probant -. Arrivée en Arménie, Anna est finalement livrée à elle-même, elle finit par accepter de suivre le vieux Manouk – formidable présence de Romen Avinian, qui se propose comme chevalier servant avec sa petite voiture. Elle va faire plusieurs rencontres dans son périple, de la jeune Schaké – épatante Chorik Grigorian -, jeune coiffeuse débrouillarde, Yervanth – Gérard Meylan très crédible dans la veine picaresque – ancien petit truand en exil français qui est devenu une figure locale -, Simon – Jalil Lespert, convaincant – jeune médecin sans frontières assez désabusé, ou Vanig – étonnant Serge Avedikian -, ancien militaire. Tous vont apporter une aide pour qu’elle puisse retrouver son père, même si Anna se trouve mêlée dans quelques déboires, en raison de petits trafics de Sarkis. Le regard d’Anna suite à ce séjour d’Erevan, va ébranler ses certitudes. La générosité de Robert Guédiguian, est toujours présente, il concilie l’humour – la voiture de Manouk tombant en morceaux -, la réflexion sur la perte des illusions politiques – Sarkis parlant du confort d’être communiste quand on vient d’un pays privilégié, face à Anna qui défend ses idées -, le marasme économique de l’Arménie – trafics, débrouillardise, maffia locale, plutôt biens vus etc…-.

Gérard Meylan, Simon Abkarian & Ariane Ascaride

On évite ici le côté office du tourisme, car les paysages sont superbes, pour faire ici preuve de tolérance, de compréhension dans un monde en construction, qui semble échapper à notre petit confort. L’évocation de la notion d’identité est subtile, à l’instar de la vision du “Mont Ararat”, regardé avec tendresse par le vieux Manouk qui souhaite qu’il retrouve un jour son identité arménienne. La découverte de ses racines n’est pas ici repli communautaire, mais une manière au contraire de s’ouvrir au monde, de confronter la richesse de cultures différentes. Une petite solidarité finit par naître de personnages aux mentalités différentes. Anna est acceptée très vite par les Arméniens comme l’un des leurs, elle finit par comprendre cette culture – belle métaphore du “berceau du monde chrétien”. Elle s’adapte très vite par la langue, la vie locale, son énergie généreuse et sa capacité à vouloir comprendre un monde inconnu pour elle et pourtant si proche. Robert Guédiguian, prend  son temps, laisse naître les émotions et décrit ses personnages avec une formidable empathie. Ses réflexions sont toujours salutaires de la manière de disposer de sa vie et de sa santé pour le père d’Anna, ou sa vision d’une ancienne république soviétique et ses contradictions. La découverte de son œuvre par “À la vie, à la mort”, fut pour moi une formidable rencontre, et la découverte de ses films suivants, et précédents via les DVD, furent pour moi la rencontre avec un univers fort, parfois naïf, mais généreux, enthousiaste, ne sombrant jamais dans la carte postale. D’années en années, le réalisateur confirme la richesse de son œuvre, dans la continuité comme dans la rupture. Il a un regard sincère sur le monde, tout en évitant un sentimentalisme outré. Il a une belle croyance en l’homme avec sa petite troupe qui ne cesse de s’agrandir. Il est important de dire combien ce cinéaste compte dans le cinéma, aussi bien comme artiste que comme homme. Son regard singulier nous manquerait vraiment, s’il n’existait pas…

LE COIN DU NANAR : LA MORT DU CHINOIS

La mort du Chinois” est un film réalisé en 1997, troisième film de Jean-Louis Benoît, après “Les poings fermés” (1984), et “Dédé” (1989), un CV théâtral à tomber. Le problème à l’issue de ce film, c’est que l’on se pose des questions sur sa santé mentale. Je vais essayer de vous raconter l’histoire du film, “Hellzapoppin” c’est du Bernanos en comparaison… 0 minute, zéro seconde, le générique débute sous fond de hard rock tonitruant, apparaît le titre “La mort du Chinois” en jaune sous fond noir, ça dépote, je me jette sur la télécommande, il convient de baisser un peu…1 minute 25 secondes, on entend un râle dans un appartement en bordel – deux figurines de cochons en plein coït, un plateau repas renversé, une vieille paire de basket -, ça pannote jusqu’à deux pieds remuants, on aperçoit une paire de ciseau, Denis Podalydès (de la Comédie Française) téléphone, “Allô Michel, Françoise m’a coupé les couilles !”. 2 minutes, zéro seconde, José Garcia en complet blanc et chemise rouge, fonce furieusement la civière de son ami Podalydès au grand dame d’un infirmier – Eriq Ebouaney, énervé également -. Il est collant le Garcia, Podalydès hurle à la mort en crachant des cachets multicolores, Ebouaney furibard vitupère “Qu’est-ce que c’est que ses dingues”. Podalydès se met à gueuler, il vient de se faire esmaculer ce qui n’est pas idéal, il doit interpréter Don Juan au théâtre, et le faire sans couilles ce n’est pas très sérieux, on peut en convenir. Il veut donc qu’on les lui recouse. Trois membres du personnel médical arrivent à neutraliser le Garcia, période surcharge pondérale. 2 minutes 46, Garcia prend l’ascenseur, rencontre un malade sous perf qui lui demande des nouvelles. Il est au bout du rouleau, et son couple bat de l’aile. Pas facile de vivre à deux, mais pas “facile de vivre tout seul”, lui rétorque le malade. – Ca c’est ben vrai, ça -.3 minutes 45, Garcia remonte chez lui, et pousse un cri… Il y a un Asiatique, une culotte de sa femme à ma main, qui lui parle des malheurs de son pote. Garcia demande qu’il est, ce à quoi notre intrus répond obligeamment qu’il se nomme Tong et vient récupérer les affaires de la femme adultère. Désabusé de voir que sa femme le quitte et qu’il est cocu en prime, il répond “elle me quitte pour un homme qui à un nom de pantoufle” – c’est très subtil comme jeu de mots, d’autant plus qu’en 98, les “tongs” ne bénéficiaient pas de l’effet “Camping” -. Il demande depuis quand le Tong connaît sa femme – qui attend dans une camionnette -, depuis que “tu un con”. Tong part une guitare sous le bras, ergotant sur les rapports du couple “trop de dissonances…. 6 minutes 10, Garcia demande un délai à son employeur, François Morel, qui tente de le rassurer en mimant des oreilles de lapins, c’est normal il édite des livres pour enfants et Michel écrit pour eux.

Vous suivez toujours ? 6 minutes 55, Michel essaie d’écrire sous fond de musique, dans sa bibliothèque figure un livre de Pierre Desporges, “Marcel le poulet, roi des châtaignes” qu’il a écrit – il s’appelle Passepont en prime, prédestiné aux malheurs, pov’ gars -, et “Un homme sans qualité” de Robert Musil – C’est le livre préféré de Jean-Pierre Bacri, bon d’accord je digresse en plus, ça n’aide pas beaucoup à la compréhension. Son texte – “ne sois pas triste, grosse bête ! Je vais aller trouver le rhinocéros il d’aidera à retrouver tes…”. Il écrit couilles au lieu des oreilles – c’est une histoire de lapin -. Sonnerie de téléphone, Gérard Podalydès – de la Comédie Française – au téléphone, José Passepont lui demande “t’es où ?”, “où tu veux que je sois connard, à l’hosto !” – il est encore sous l’émotion du limogeage de Marcel Bozonnet, le Denis, euh non je mélange, Bozonnet c’est en 2006, le film c’est 98. On reprend. 7 minutes 57, Poda lui demande – à Garcia pas à Bozonnet – de le faire porter pale vis à vis de ces camarades de jeux. 8 minutes 04, la troupe théâtrale est baba, Passepont les informes d’une opération de l’appendicite pour le futur Don Juan – le temps que ça cicatrise -, Garcia raconte ses malheurs, mais Podalydès devrait pouvoir venir le lendemain. Le metteur en scène pète les plombs, et François Toumarkine plus hagard que jamais et fumant la pipe se propose de jouer le Don. Un jaloux déclare qu’il est trop jeune. Garcia saute comme un cabri devant ses énergumènes. 9 minutes 22, le Podalydès sort de l’hôpital, pas très assuré, disons que sa démarche peut se décrire entre le pas d’une oie et Yvette Horner jouant de l’accordéon, il est plus mal en point qu’un footballeur tatoué italien qui reçoit un coup de boule d’une icône nationale qui aime beaucoup sa mère. Podalydès en marre, et prend un taxi. Garcia tout en petit déjeunant – pub clandestine pour “Candia” et les “Confitures bonne maman”, en passant -, reprend ses malheurs, et là grande discussion si l’amant est Chinois ou Vietnamien. A bout d’arguments Garcia rétorque, et là c’est à noter dans vos tablettes les soirs de grand spleen : “Qu’est que ça change, elle se serait barré avec un Auvergnat que je me serais retrouvé seul comme une huître”. Avec gravité, Passepont décide de tuer l’amant, et comme chantait Brel “Comment tuer l’amant de sa femme…”. 11 minutes 24, première de “Don Juan”, Podalydès emperruqué marche comme Saturnin, le canard, surprise, il y a Isabelle Carré qui surgit brusquement dans le rôle de Lise, frisottée blonde, coiffure rasta – si, si Isabelle Carré -, avec une sorte de poulpe sur la tête comme disait Benoît Poelvoorde dans “Podium”. Elle gueule à le voir ainsi marcher, en plein spectacle, abandonnant sa distinction habituelle, “Mais qu’est-ce que tu as dans la culotte, connard !”. Bisbille avec l’habilleuse, Gérard a trouvé le pantalon trop serré dans l’entrejambe, elle fulmine et lui promet un pantalon de zouave, la prochaine fois. Poda est en “convalo”, il veut que son théâtre communiste (?) le sache…12 heures 42, Poda se met à rouspéter, la Carré lui a fait, de rage, péter les “sutures aux olives”. Bon, nous en sommes qu’à 13 minutes du film…. On est pas rendu… Vous saurez presque tout au prochain épisode. A suivre ! Euh, non, je renonce ! Regardez le film…

François Berléand m’avait expliqué – il est formidable en policier décalé -, qu’en fait les personnages étaient dans le scénario original sous l’emprise de drogues, ayant fumés des pétards. Il ne reste plus de trace de ces faits dans le film, ce qui pouvait expliquer le ton général du film.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Jean Luisi

 

L’ami Christophe Bier nous informe de la mort de Jean Luisi, à l’âge de 79 ans, des suites d’un cancer. C’était une figure familière du cinéma français, il l’était l’acteur fétiche de Georges Lautner. Ce dernier disait de lui : “…dans mes films, il incarne souvent un imbécile borné au rire stupide, mais dans l’a vie c’est un gentil, sensible, cultivé, mais qui a toujours son rire « stupide ». Si tous les méchants lui ressemblaient la vie serait plus facile. Vous l’avez compris notre « méchant » Luisi, nous l’aimons” (1) Il avait prévu d’être juriste, mais après trois ans de cours Simon, il se lance dans le cinéma. Corse d’origine il ne manque pas de jouer des personnages issus de ce département, en truand le plus souvent, notamment chez Lautner depuis “L’oeil du monocle”. On le remarque notamment en petit truand dans les mythiques “Tontons flingueurs” (1963), et en chauffeur de taxi malmené dans les rues niçoises par Michel Constantin dans “Il était une fois un flic” (1971).  Durant les années 60, on le cantonne comme Corse de service à l’image de l’inspecteur soucieux de l’honneur corse face à la vindicte de Noël Roquevert “Le diable et les dix commandements” (Julien Duvivier, 1962). Il compose souvent des personnages pas très malins, à l’instar de son rôle d’agent en faction devant une chambre hôpital psychiatrique dans un épisode de la série TV des “Cinq dernières minutes” : “L’eau qui dort” (Claude Loursais, 1963). A le voir complètement hébété face à l’inspecteur Dupuy (excellent Jean Daurand), on comprend aisément la disparition du personnage de Monique Mélinand. Puis il devient grand copain de Jacques Dutronc, on le voit même figurer en diable rigolard dans “Salut sex !” un documentaire de Jean-Marie Périer. Il forme un tandem décalé avec Henri Guybet dans “O.K. Patron” (Claude Vital, 1973), film où il doit protéger un “cave” innocent joué par Jacques Dutronc, qui ne néglige pas de le faire participer à ses films, même pour une apparition non créditée, comme dans “Les victimes” (Patrick Grandperret, 1995). Il devient très vite un second couteau très présent, il figure même dans des scènes marseillaises du “French connection” (William Friedkin, 1971), où il se fait trucider par Marcel Bozzuffi… la baguette sous le bras.  Ricaneur permanent, tueur ou pilier de comptoir, on le retrouve aussi souvent dans des films érotiques – Je vous laisse apprécier les titres à la lire dans sa filmo ci-dessous, c’est un vaste programme… -. Il s’en amuse d’ailleurs dans “On aura tout vu” de Georges Lautner, en acteur de porno, choquant la chaste Sabine Azéma par son empressement. Stéphane Collaro l’a aussi souvent engagé dans ses émissions de télévision. Laurent Baffie l’utilise avec intelligence dans ses sous-estimées “Clefs de Bagnole”, et il retrouve la nationalité corse, avec un personnage typique, surnommé “Fritella”, dans “Le cadeau d’Éléna” (Frédéric Graziani, 2003). En malfrat ou en gendarme, il est une des figures les plus amusées du cinéma français, apportant toujours en prime, une petite touche d’humour bienvenue.

(1) “On aura tout vu” par Georges Lautner & Jean-Louis Bocquet (Éditions Flammarion 2005)

Jean Luisi dans "Les cinq dernières minutes", épisode "Un mort sur le carreau"

Jean Luisi dans “Les cinq dernières minutes”, épisode “Un mort sur le carreau”

 

 

 

 

 

 

 

 

Filmographie : Établie avec Armel de Lorme & Christophe Bier

1958  Du rififi chez les femmes (Alex Joffé ) – 1959  Le trou (Jacques Becker) – 1960  Une aussi longue absence (Henri Colpi) – Boulevard (Julien Duvivier) – 1961  Le dernier quart d’heure (Roger Saltel) – Le Bluffeur (Sergio Gobbi), Horace 62 (André Versini) – Un nommé La Rocca (Jean Becker) – 1962  L’œil du monocle (Georges Lautner) – Le diable et les dix commandements [sketch “Bien d’autrui ne prendras”] (Julien Duvivier) – 1963  L’assassin connaît la musique (Pierre Chenal) – Les tontons flingueurs (Georges Lautner) – OSS 117 se déchaîne (André Hunebelle) – 1967  Fleur d’oseille (Georges Lautner) – Le pacha (Georges Lautner) – 1968  Delphine (Éric Le Hung) – Ho ! (Robert Enrico) – Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages (Michel Audiard) – 1969  Une drôle de bourrique / L’âne de Zigliara (Jean Canolle) – Les patates (Claude Autant-Lara) – 1970  Laisse aller… c’est une valse (Georges Lautner) – 1971  La part des lions (Jean Larriaga) – Le saut de l’ange (Yves Boisset) – The Fench connection (French connection) (William Friedkin) – Il était une fois un flic (Georges Lautner) – 1972  Les hommes (Daniel Vigne) – Sans sommation (Bruno Gantillon) – Quelques messieurs trop tranquilles (Georges Lautner) – Profession : aventuriers (Claude Mulot) – Érotisme à l’étude / Dossier érotique d’un notaire (Jean-Marie Pallardy) – 1973  O.K. patron (Claude Vital) – La valise (Georges Lautner) – La rage au poing (Éric Le Hung) – L’Amour aux trousses (Jean-Marie Pallardy) – Le journal érotique d’un bûcheron (Jean-Marie Pallardy) – 1974 Les seins de glace (Georges Lautner) – L’Amour chez les poids lourds/Convoi spécial (Jean-Marie Pallardy) – L’arrière-train sifflera trois fois (Jean-Marie Pallardy) – Comment se divertir quand on est cocu mais… intelligent (Pierre-Claude Garnier/Charles Lecoq) – La donneuse (Jean-Marie Pallardy) – Pleins feux sur un voyeur (Pierre-Claude Garnier/Charles Lecoq) – Règlements de comptes à O.Q. Corral/ Règlements de femmes à O.Q. Corral /Les sept partouzards de l’Ouest (titre de la version hard) (Jean-Marie Pallardy) – Le journal érotique d’un bûcheron (Jean-Marie Pallardy) –  La donneuse (Jean-Marie Pallardy) – Pas de problème ! (Georges Lautner) – 1975  Le gitan (José Giovanni) – Les vécés étaient fermés de l’intérieur (Patrice Leconte) – Le bon et les méchants (Claude Lelouch) – Porn’s Girls / Libre service spécial (Guy Maria) – Belalı tatil / Le ricain  (Jean-Marie Pallardy) –  1976  Le chasseur de chez Maxim’s (Claude Vital) – On aura tout vu ! (Georges Lautner) – Les demoiselles de pensionnat (Patrick Aubin/Jean-Claude Roy) – Un amour de sable (Christian Lara) – Gorges profondes ou il était une fois deux gorges profondes (André Koob) – 1977  La nuit tous les chats sont gris (Gérard Zingg) – L’amour chez les poids lourds (Jean-Marie Pallardy) – 1978  Le temps des vacances (Claude Vital) – Les égouts du paradis (José Giovanni) – Bactron 317 ou l’espionne qui venait du show (Jean-Claude Stromme & Bruno Zincone, + co-scénario) – Ils sont fous ces sorciers (Georges Lautner) – L’amour chez les poids lourds (Jean-Marie Pallardy) – Prends-moi…. de force ! (Boris Pradley / Jean-Marie Pallardy) – 1979  Le mors aux dents (Laurent Heynemann) – Le mouton noir (Jean-Pierre Moscardo) – Les Charlots en délire (Alain Basnier) – L’œil du maître (Stéphane Kurc) – Le guignolo (Georges Lautner) – 1980  Une robe noire pour un tueur (José Giovanni) – Le journal érotique d’une thaïlandaise (Jean-Marie Pallardy) – Charlie Bravo (Claude Bernard-Aubert) – Une merveilleuse journée (Claude Vital) – Est-ce bien raisonnable ? (Georges Lautner) – 1981  Les brigades roses (Jean-Claude Stromme) – Le cadeau (Michel Lang) – 1982  L’été de nos quinze ans (Marcel Jullian) – Si elle dit oui… je ne dis pas non ! (Claude Vital) – 1983  Attention une femme peut en cacher une autre ! (Georges Lautner) – Les parents ne sont pas simples cette année (Marcel Jullian) – 1984  Le cow-boy (Georges Lautner) – 1986  La vie dissolue de Gérard Floque (Georges Lautner) –  1988  Mon ami le traître (José Giovanni) – 1989  Docteur Petiot (Christian de Chalonge) – 1990  Le moustique (Olivier Cozic, CM) – 1991  Nous deux (Henri Graziani) – L. 627 (Bertrand Tavernier) – Riens du tout (Cédric Kapisch) – 1992  Le moulin de Daudet (Samy Pavel) – 1995  Mister Fourmi (Sébastien Burnet, CM) – Les victimes (Patrick Grandperret) – 1997  Luis et Margot (Chantal Richard, CM) – 1998  Innocent (Costa Natsis) – 1998  Noël d’urgences (Patrick Chamare, CM) – 2002  Les clefs de bagnole (Laurent Baffie) – 2003  Le cadeau d’Elena (Frédéric Graziani) – 2004  Lily et et le baobab (Chantal Richard). nota : A confirmer : Le Rallye des joyeuses (Serge Korber).

Jean Luisi dans “Brigade des maléfices”

Télévision (notamment) : 1963  Conte de la vieille France : La poule savante (Abder Isker, CM) – Les cinq dernières minutes : L’eau qui dort (Claude Loursais) – 1964  L’abonné de la ligne U (Yannick Andréi) – Détenu (Michel Mitrani) – 1967  La robe poignardée (Jean Vernier) – Les cinq dernières minutes  : Un mort sur le carreau (Roland-Bernard) – Max le débonnaire : Le point d’honneur (Jacques Deray) – 1969  Le boeuf clandestin (Jacques Pierre) – Le huguenot récalcitrant (Jean L’Hôte) – 1970  La brigade des maléfices : Les dents d’Alexis (Claude Guillemot) – Les dossiers du professeur Morgan : La mort au pied du mur (Jacques Audoir) –  L’écureuil (Arlen Papazian) – 1971  Madame êtes-vous libre ? : Une famille dispersée (Jean-Paul Le Chanois) – La belle aventure (Jean Vernier) – 1972  Mycènes, celui qui vient du futur (François Chatel) – Rue de Buci (Gérald Duduyer) – La bonne nouvelle (Guy Lessertisseur) – Les habits neufs du Grand Duc (Jean Canolle) – 1973  La regrettable absence de Terry Monaghan (Pierre Viallet) – 1974  L’or et la fleur (Philippe Ducrest) – Quai n°1 voie A (Jean Faurez) – 1975  La mer à boire (Philippe Ducrest) – 1977  La foire (Roland Vincent) – Les enquêtes du commissaire Maigret : Maigret, Lognon et les gangsters (Jean Kerchbron) –  – 1978  Les pirates de la mer : La marée blonde (Jean Kerchbron) – La main coupée (Jean Kerchbron) – 1981  Les dossiers de l’écran : Les avocats du diable (André Cayatte) – 1982  Jacques Dutronc, la nuit d’un rêveur (Pierre Desfons, documentaire) – 1991  Maxime et Wanda : Les belles ordures (Claude Vital) – 1992  Aldo tous risques : Direct au coeur (Claude Vital) – 1993  Commissaire Dumas d’Orgheuil (Philippe Setbon) – 1996  La nouvelle tribu (Roger Vadim) – 2000  Salut Sex ! (Jean-Marie Périer, documentaire) – 2002  Jacques Dutronc, l’ère de rien (Richard Valverde, divertissement).

Mise à jour du 10/12/2009

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Gérard Oury

Annonce de la mort ce jour de Gérard Oury à Saint-Tropez dans le Var, ce jour, à l’âge de 87 ans. Max Gérard Oury est né le 24 avril 1919. Il débute comme comédien après avoir suivi les cours de René Simon. Il fut pensionnaire à la Comédie Française, avant de se réfugier en Suisse durant la seconde guerre mondiale. Il revient en France en 1945, avant de se lancer dans le cinéma. On le reconnaît en passant dragueur dans “Antoine et Antoinette” (1948) de Jacques Becker. Sa carrière de comédien fut finalement très honorable, de son rôle de chirurgien esthétique opérant Michèle Morgan – qui partagera sa vie après le décès d’Henri Vidal – dans “Le miroir à deux faces” (1958) d’André Cayatte, et surtout l’excellent polar d’Édouard Molinaro, “Le dos au mur” (1958), dont il partageait la vedette avec Jeanne Moreau. Il avait même joué Napoléon dans “La belle espionne” de Raoul Walsh, en 1953. Assez déçu par ses propositions comme acteur, ll s’essaie au scénario avec “Le miroir à deux faces”, donc qui fit l’objet d’un remake de la part de Barbara Streisand (“Leçons de séduction”, 1996), et “Babette s’en va t’en guerre” (Christian-Jacque, 1959), réjouissante comédie avec un Francis Blanche au sommet de son art. Il débute au cinéma, avec quelques œuvres honorables comme “La main chaude” (1959), “La menace” (1960) et “Le crime ne paie pas” (1961) adaptation d’une populaire bande-dessinée de Paul Gordeaux, cédant à la mode des films à sketches, où l’on retrouve un jubilatoire Louis de Funès en barman excentrique, ce qui lui avait donné des avants-goûts de comédie. Et il connaît le succès faramineux que l’on sait en opposant Bourvil et De Funès dans “Le corniaud” (1964 et “La grande vadrouile” (1966), co-écrit avec Marcel Jullian. Sa propre fille Danièle Thompson  accompagne son œuvre comme scénariste à partir de “La grande vadrouille”. Suivent “Le cerveau” (1968), avec Bourvil, Jean-Paul Belmondo, David Niven et Elie Wallach, et “La folie des grandeurs” (1971), réjouissante parodie de “Ruy Blas”, où l’on devait retrouver le tandem De Funès-Bourvil, mais c’est Yves Montand qui reprend le rôle du valet au pied levé à la mort de ce dernier. Sa meilleure comédie reste “Les aventures de Rabbi Jacob” en 1973, où il réussit à nouveau à faire une réjouissante comédie dans un contexte dramatique, Louis de Funès confine au génie, et personne n’oubliera sa célèbre réplique à Henry Guybet “Salomon, vous êtes Juif !”. Il devait retrouver ensuite de Funès dans “Le crocodile” où il devait jouer un dictateur d’opérette, mais le projet est annulé suite aux problèmes cardiaques de ce dernier. S’il cède parfois à la facilité, Marcel Dalio déclarait dans ses mémoires qu’on le surnommait “The thief of Bad Gags” – comprendre le voleur de mauvais gags -, ces comédies participent à celles qui donnent leurs lettres de noblesse à la comédie en France. Pierre Richard s’intègre ensuite parfaitement à son univers avec “La carapate” (1978) et “Le coup du parapluie” (1980). Mais les succès records de son cinéma, finissent par irriter la critique, l’on se souvient de la polémique assez vaine, attribuant l’échec de fréquentation d’ “Une chambre en ville” de Jacques Demy, aux entrées de “L’as des as” en 1982, avec un Belmondo, en pleine forme. Restent que ces films suivants deviennent de plus en plus décevants, avec “La vengeance du serpent à plumes” (1984), avec Coluche, “Lévy et Goliath” (1986) avec Richard Anconina et Michel Boujenah, et “Vanille Fraise” (1989) s’amusant de l’affaire des époux Turange, avec Pierre Arditi, Sabine Azéma et Isaach de Bankolé. Ces trois derniers films sont d’ailleurs assez peu mémorable, Christian Clavier cabotine allégrement dans “La soif de l’or” (1992), Philippe Noiret et Gérard Jugnot en fantômes peinent à animer le poussif “Fantôme avec chauffeur” (1995), et Smaïn n’arrive pas à nous faire oublier Fernandel dans l’inutile remake du beau film de Marcel Pagnol, “Le schpountz” en 1999. Mais le bilan est très positif, nombre de scènes des films de Gérard Oury, sont inscrits dans notre inconscient collectif, et il a prouvait que l’on peut très bien être populaire en faisant de la qualité. On lui devait un livre de mémoire “Mémoires d’éléphant” paru en 1988 et il avait reçu un César d’honneur en 1993. Saluons donc ce grand monsieur en souvenir de très nombreux rires. Signalons qu’en hommage France 3 popose ce soir “La carapate” à 20h55 et “Le miroir à deux faces” à 23h10.

Filmographie : Comme acteur : 1941  Les petits riens (Raymond Leboursier) – 1942  Le médecin des neiges (Marcel Ichac, CM) – 1946  Antoine et Antoinette (Jacques Becker) – Du Guesclin (Bernard de Latour) – Jo la romance (Gilles Grangier) – 1949  La belle que voilà (Jean-Paul Le Chanois) – La souricière (Henri Calef) – 1950  Garou-Garou, le passe-muraille (Jean Boyer) – Sans laisser d’adresse (Jean-Paul Le Chanois) – 1951  La nuit est mon royaume (Georges Lacombe) – 1952  The sword and the rose (La rose et l’épée) (Ken Annakin) Sea devils (La belle espionne) (Raoul Walsh) – 1953  The heart of the matter (Le fond du problème) (George More O’Gerrall) – Father Brown (Détective du bon Dieu) (Robert Hamer) – 1954  L’eterna femmina / L’amanti di Paride (Marc Allégret & Edgar G. Umer) – La donna del fiume (La fille du fleuve) (Mario Soldati) – They who dare (Commando sur Rhodes) (Lewis Milestone) – 1955  Les héros sont fatigués (Yves Ciampi) – La meilleure part (Yves Allégret) – 1956  House of secrets (La maison des secrets) (Guy Green) – 1957  Le dos au mur (Édouard Molinaro) – Méfiez-vous fillettes (Yves Allégret) – Le 7ème ciel (Raymond Bernard) – 1958  Le miroir à deux faces (André Cayatte, + co-scénario) – The journey (Le voyage) (Anatole Litvak) – 1961  Amours célèbres (Michel Boisrond) – 1963  À couteaux tirés (Charles Gérard) – The prize (Pas de lauries pour les tueurs) (Mark Robson) – 1985  Un homme et une femme : vingt ans déjà (Claude Lelouch, cameo) – 2001  Là-haut, un roi au dessus des nuages (Pierre Schoendoerffer). Télévision : 1954  Maison de poupée (Claude Loursais) – La galerie des glaces (Jean-Paul Carrère) – 1955  En votre âme et conscience : L’affaire Roux (Claude Barma) – 1956  Virage dangereux (Stellio Lorenzi). Voxographie : 1951  Le costaud des Batignolles (Guy Lacourt, voix seulement) – 1952  Horizons sans fin (Jean Dréville, voix seulement) – 1956  Le ciel des hommes (Yvonne Dornes, CM, voix du récitant) – 1957  Les marines (François Reichenbach, CM, voix du récitant) – 1964  Le vrai visage de Thérèse de Lisieux (Philippe Agostini, CM, voix du récitant). Comme réalisateur : 1959  La main chaude (+ co-scénario) – 1960  La menace (+ adaptation) – 1961  Le crime ne paie pas (+ scénario)  – 1964  Le corniaud (+ scénario) – 1966  La grande vadrouille (+ co-scénario) – 1971  La folie est grandeurs (+ scénario) – 1973  Les aventures de Rabbi Jacob (+ scénario) – 1978  La carapate (+ scénario) – 1980  Le coup du parapluie (+ scénario) – 1982  L’as des as (+ scénario) – 1984  La vengeance du serpent à plumes (+ scénario) – 1989  Vanille-fraise (+ scénario) – 1992  La soif de l’or (+scénario) – 1995  Fantôme avec chauffeur (+scénario) –  1999 Le schpountz (+ adaptation). Scénario seulement : 1959   Un témoin dans la ville (Édouard Molinaro) – Voulez-vous danser avec moi (Michel Boisrond, adaptation).

©   Le coin du cinéphage (reproduction strictement interdite, textes déposés)

VOL 93

  Le cinéma a comme art certaines limites, comme dans la représentation de faits atroces. Aucun film ne pourrait avoir, par exemple, la force du livre de Robert Antelme, “L’espèce humaine”, sur le récit de la vie dans un camp de concentration. On finit par songer au fameux article de Jacques Rivette dans “Les cahiers du cinéma”, “Le travelling de Kapo”, qui avait si fortement impressionnée Serge Daney. Il qualifiait d’abject le cinéma de Gillo Pontecorvo dans “Kapo” film de 1959. Rivette vilipendait le travelling suivant Emmanuelle Riva qui court se jeter sur les barrières électrifiées d’un camp nazi pour ce suicider. En reprenant l’idée godardienne que le travelling est affaire de morale, il avait trouvé particulièrement abject cette mise en scène. Les événements du 11 septembre 2001, marque le traumatisme majeur de nos sociétés contemporaines. Évidemment on attendait de voir qui pouvait dépasser le tabou de sa représentation, en livrant une version cinématographique, le choix des Américains étant de ne pas montrer ses images d’horreurs à chaud. C’est un Paul Greengrass, pontifiant allégrement et posant dans les médias, à l’occasion de la présentation de son film “United 93”, en compétition à Cannes, avec ces faux airs d’Albert Algoud, qui précède Oliver Stone avec son blockbuster “Word Trade Center”, que l’on appréhende fortement d’ailleurs. Greengrass se veut légitime et honnête pour relater ce drame. Il évoque le “Vol 93”, l’un des 4 vols détournés ce jour là et le seul a ne pas avoir pas atteint sa cible. La critique est dithyrambique, devant ce procédé de représentation docu-fiction, mélange des genres ici pourtant assez peu convaincant à mon avis. Le souvenir de la réflexion de Jacques Rivette, peut donc ici se révéler salutaire. Il y a certes une honnêteté foncière, dans l’évocation du grand désarroi chez les aiguilleurs d’une tour de contrôle, une volonté de ne pas glorifier le côté patriotique dans le courage des passagers. La confusion générale face à ce nouveau mode de terrorisme, profitant des failles, l’indécision de certains responsables face à cette situation de crise, paraissent assez justes. Mais il a aussi aussi une grande roublardise.

Le côté image tremblotante, caméra à l’épaule n’est qu’un procédé très maniériste. Loin de renforcer le côté pris sur le vif – c’était déjà à déplorer dans “Bloody Sunday”, sur le début de la guerre civile en Irlande en 1972 -, ne finit que par montrer l’artifice de l’ensemble et de surligner un semblant de roublardise. Résultat on finit par être pris d’un certain mal des transports – préparez la “Nautamine” ! -, et on a le sentiment pénible de voir les rouages de ce curieux film hybride. La caméra adopte la simple position du voyeur, nous apportant une sorte de distance assez malvenue. Les images de la destruction du “Word Trade Center”, composant un affect assez facile, nous ramènant à notre propre découverte de ces images traumatisantes. On revit doncl’incompréhension qui pouvait nous accompagner alors. S’il évite l’abjection, et manichéisme grâce à une véracité des faits – les hésitations et les maladresses des terroristes -, le réalisateur finit presque par nous donner une sorte de pré générique d’un épisode de “24 heures”. Il ne réussit qu’à surligner ici les limites de son cinéma. Le style film catastrophe finit même par poindre son nez, avec l’inévitable personnalisation des futures victimes, dont on évoque l’intimité. Il y a une certaine indécence à vouloir dramatiser, des propos tenus réellement par les passagers, par téléphone à des proches. L’interprétation, sil elle est visiblement convaincue, nous fait pourtant penser à une sorte de filage théâtral – à vouloir être sobre -, d’une répétition générale. On ne peut s’empêcher de penser, que malgré le regroupement des sources d’informations fiables, la réalité pouvait être très différente. Le réalisateur nous impose sa vision des faits, qu’il voudrait presque définitive. Sans vergogne et sans états d’âmes, il exploite les acteurs véritables du drame – il nous avait fait déjà le coup avec “Bloody Sunday” -, en utilisant par exemple dans son propre rôle, le directeur du centre de surveillance de l’espace aérien des USA. C’est un procédé douteux, sorte de caution morale écran, pour en arriver à un résultat bâtard. Souhaitons au moins qu’il n’y ait pas un certain opportunisme planquée derrière une probité de façade. Reste que même si le film semble convaincre la majorité de ses spectateurs, on peut se poser la question sur la viabilité d’un tel film.

LA RAISON DU FAIBLE

Avant-première mercredi 12 juillet à l’UGC-Cité-Ciné Bordeaux du film “La raison du plus faible” en présence de Lucas Belvaux. Grand bonheur, car j’avais un excellent souvenir suite à sa rencontre, avec la présentation d’un de ses films de sa trilogie, “Cavale” en 2002. L’homme est disert, il évoque son travail avec modestie et ferveur. On attendait beaucoup de son dernier film, présenté en compétition à Cannes, d’autant plus qu’il avait mis la barre très haute, après la superbe réussite de ces trois derniers films “Un couple épatant”, “Cavale”, “Après la vie”, ces trois films formant un ensemble cohérent, singulier, maîtrisé et montrant l’exigence aboutie de son réalisateur. La vision de son téléfilm sur France 3 “Nature contre Nature”, nous confirmait à nouveau son grand talent de son metteur en scène depuis l’épatant “Parfois trop d’amour” réalisé en 1991. Pour la petite histoire cette oeuvre, diffusé le 3 juin dernie, l’a été deux après la Belgique, en fait France 3 attend, précisait Belvaux, les dernières limites de contrat de diffusion pour diffuser certains films. C’est une brillante comédie utopiste, où Lucas Belvaux jouait un psychanalyste s’installant dans un coin désert de la Creuse, finissant par se faire payer… en dindons et en denrées agricoles. Il s’attaque ici au fondamentaux du film noir, en se présentant comme porte-voix de ceux qui n’ont jamais la parole.  Bien dans la tradition d’un Jules Dassin ou d’un Abraham Polonsky, le réalisateur montre, en utilisant ce genre avec réalisme, un constat social, un peu amer, d’un petit groupe de personnes qui vivent à Liège. Ils sont résignés comme Jean-Pierre, paralysé sans être aigri – le Belge Patrick Descamps déjà vu dans la trilogie à l’étonnante présence, son compatriote Robert – Claude Semal, acteur belge également franc-tireur qui a une importante carrière au théâtre, également très probant -, et Patrick – Éric Cavaca discret et toujours aussi excellent -, qui n’arrive pas à trouver un emploi alors qu’il est bardé de diplômes. Tous les trois, sans emplois subsistent tant bien que mal trouvant des petits moments de joie dans un café, en jouant aux cartes avec un barfly local – truculent Théo Hebrans, qui ne joue au théâtre qu’en langue wallone, et qui campe un personnage très original, clope au bec, alors que l’acteur se savait ni jouer aux cartes et de plus n’avait jamais fumé. Patrick a une femme charmante, Carole qui s’échine dans une blanchisserie. Ils ont un enfant, et le simple fait de la grande difficulté d’acheter une mobylette, pour qu’elle ne perde pas des heures à se rendre à se travail, finit par être le catalyseur de la suite du film. Arrive Marc qui sort de prison pour braquage, il tente une approche avec ce petit groupe, et de se faire accepter pour trouver une chaleur dans cette petite communauté. Un policier jovial mais pas très fin – quoi qu’excellent professionnel… – le suit régulièrement car il est assigné à résidence, et ne cesse de lui rappeler avec une bonhomie un peu roublarde, qu’il n’y a pas de réhabilitation possible. Marc travaille dure dans une usine d’embouteillage. Lui qui a avoué ses méfaits au petit groupe, finit par donner de mauvaises idées à ces gens perdus, mais qui veulent garder une dignité, et lutter contre une résignation très prévisible. Son personnage se veut responsable, à l’image de la scène remarquable et d’une très grande force, où il dissuade le personnage de Claude Semal, en lui demandant de fermer les yeux.

Éric Caravaca, Claude Semal, Elie Belvaux, Patrick Descamps & Lucas Belvaux 

On retrouve la maîtrise habituelle de Lucas Belvaux, metteur en scène, il mélange tension dramatique et humour – les amis ont un côté “Pieds Nickelés”. L’interprétation est véritablement exceptionnelle, au service d’un texte particulièrement ciselé. Tous les personnages ont une grande noblesse dans leurs malheurs. Ils sont solidaires, à l’exemple de Robert amenant sur son dos, Jean-Pierre coincé régulièrement dans son appartement par l’habituelle panne d’ascenseur dans un lieu pourtant réservé aux handicapés, mais qui est évidemment oublié de tous. Belvaux lutte contre l’idée que certains mal aimés de la sociétés profiteraient du système et seraient assistés, raisonnement que l’on entend de plus en plus. Ils veulent s’en sortir, à l’image de Patrick, qui passe son temps dans son jardin d’ouvrier, parcelle allouée par la ville. Il ne comprend pas dans son comportement un peu machiste, hérité de son entourage, alors que le père de Carole offre à sa fille une mobylette, que sa femme ne comprenne pas qu’il se sente humilié par cette offre pourtant providentielle pour la jeune femme. Avec réalisme et chaleurs, les personnages sont décris avec chaleur. On ressent une grande empathie avec eux, et on finit par s’inquiéter quand ils ont certains desseins pour tirer un avantage d’un ferrailleur margoulin – Gilbert Melki, qui quasiment sans dialogues, tire son épingle du jeu dans cette participation amicale, dans un rôle particulièrement inquiétant -. Le film est profondément honnête avec des agissements qui ne peuvent qu’amener qu’à souffrir d’une réalité inéducable. Lucas Belvaux filme admirablement – c’est suffisamment rare pour le signaler -, le monde du travail à l’instar de son personnage qui travaille à la chaîne dans le conditionnement de bouteilles, ou avec le personnage de Natacha Régnier. Il montre la dureté absolue de ces automatismes – il a en fait filmé ces scènes en intégrant réellement le cadre du travail -. Il montre le drame que constituer un désœuvrement sans l’aide du “Tripalium”, et comment le travail donne même dans sa difficulté, une assise dans l’existence. Liège est admirablement filmé, notamment dans les dernières scènes, il montre l’évolution de la société de manière engagée, il oppose l’harmonie née d’une entraide face à un mode de plus en plus brutal. Le débat d’après film était passionnant, Lucas Belvaux parlant magnifiquement de son travail. C’était curieux de reprendre une conversation avec lui, par sa grande disponibilité, et d’évoquer ces choix citoyens – rappelons que le film est produit par Agat Films, société de production de Robert Guédiguian – et artistiques, la compétition du film à Cannes, en mai dernier, mais aussi son tournage dans “Joyeux Noël” où il disait avoir compris ce que pouvait ressentir les poilus de la guerre de 14. Il continue une œuvre très cohérente et très forte avec ce film, une des grandes surprises de cette année. Le film est très riche, en situations, analyses et émotions, à conseiller vivement…

LES ARAIGNÉES DE LA NUIT

La désormais régulière sortie de l’œuvre de Jean-Pierre Mocky en DVD est aussi l’occasion de découvrir ses films les plus méconnus. Ces derniers temps, ses films sortent uniquement dans son cinéma “Le Brady”, ou restent inédits comme “Touristes, oh yes” film “tatiesque” et muet sur un groupe de touristes hollandais. Le réalisateur finissait plus par être connu par ses coups de gueules et ses provocations que par ses films propres. J’ai ainsi le souvenir de lui signant son livre “Mister Flash” dans le Virgin de Bordeaux, et déclarant que les pédophiles ont pour raison première de vouloir, par cette perversion vouloir, éviter d’être contaminer par le sida ! On aimerait pouvoir tordre le coup à sa réputation de bâcler ses films. Elle n’est finalement que très peu fondée, s’il tourne vite, il soigne quand même ses effets. Il aime bien, on le sait, tirer à boulets rouges sur les institutions. Prenons comme exemple le film « Les araignées de la nuit » diffusé en 2002 et toujours inédit à télévision. Il prend pour cible le financement des hommes politiques en campagne électorale, avec une sorte de pré-science, vu les mauvaises surprises au premier tour en 2002 -. Dans le film des 5 candidats à la Présidence – du nombre de 5, “Dugland, Dupont, Durand, Dubois,…” -, aucun ne se distingue véritablement pour gagner les élections. Un mystérieux groupuscule “Les araignées de la nuit”, tente d’en supprimer certains par la force… Certes les coutures sont un peu lâches, on a vite fait de deviner par la voix et la silhouette de qui se cache derrière le masque à gaz de la mystérieuse araignée, chef de cette organisation maffieuse. Le film souffre d’un manque de moyens évidents, de par sa post-synchronisation un peu schématique. Reste que Mocky a un incroyable talent pour installer un climat, trouver des lieux de tournages originaux, et dénonce à sa manière, même si c’est un peu à l’emporte-pièce le cynisme ambiant. Le scénario tient plutôt la route, il est cosigné par l’excellent André Ruellan. On suit donc ce jeu de massacre avec un plaisir évident. Il y a bien sûr de nombreuses invraisemblances, comme les membres de la société secrète ont même un tatouage d’araignée comme signe de distinction, ce qui n’est pas idéal, convenons-en pour rester discret.  

Jean-Pierre Mocky & Patricia Barzyk

Mocky puise dans l’esthétique de la série B, avec un plaisir renouvelé et une certaine désinvolture. On retrouve aussi avec plaisir le Mocky Circus, qui hélas s’amenuise un peu avec les années, malgré de nouveaux venus – Jackie Berroyer pour une simple apparition en légiste en grève, Rodolphe Pauly azimuté, Ludovic Schoendoerffer en journaliste, etc… -. Les habitués se livrent à des numéros réjouissants, d’Hervé Pauchon, tueur débrouillard et bondissant, Dominique Zardi, homme politique suffisant et coiffé d’une improbable perruque, Michel Bertay politicard infatué de lui-même, François Toumarkine excellent en policier cauteleux et corrompu, Jean Abeillé en préfet de police indolent, les étonnantes Nadia Vasil et Evelyne Harter, en respectivement femme et sœur possessives d’hommes politiques, Maurice Vallier, perdu de vu ces derniers temps en homme blasé, etc… Mocky lui-même se réserve le rôle principal dans un registre proche d’ “Un linceul n’a pas de poches”, en électron libre revanchard, il réserve à son actuelle compagne Patricia Barzyk, un rôle complexe d’où se dégage son charme habituel. Les bonus sont hélas de plus en plus léger, deux entretiens assez mal sonorisé avec Patricia Barzyk et Mocky lui-même. Mais on peut retrouver une curiosité, avec, assurément, la bande-annonce la plus cheap de tous les temps… Sur une image vidéo de mauvaise qualité on retrouve la course de fond de quelques candidats… nus. Le film étant mal distribué, Mocky l’a donc élaboré avec les moyens du bord. Même sur le mode mineur, Mocky reste Mocky et déploie souvent des trésors d’inventions, même avec un tout petit budget. Saluons encore une fois, son mordant, sa drôlerie, son irrévérence et son originalité constantes.