La désormais régulière sortie de l’œuvre de Jean-Pierre Mocky en DVD est aussi l’occasion de découvrir ses films les plus méconnus. Ces derniers temps, ses films sortent uniquement dans son cinéma “Le Brady”, ou restent inédits comme “Touristes, oh yes” film “tatiesque” et muet sur un groupe de touristes hollandais. Le réalisateur finissait plus par être connu par ses coups de gueules et ses provocations que par ses films propres. J’ai ainsi le souvenir de lui signant son livre “Mister Flash” dans le Virgin de Bordeaux, et déclarant que les pédophiles ont pour raison première de vouloir, par cette perversion vouloir, éviter d’être contaminer par le sida ! On aimerait pouvoir tordre le coup à sa réputation de bâcler ses films. Elle n’est finalement que très peu fondée, s’il tourne vite, il soigne quand même ses effets. Il aime bien, on le sait, tirer à boulets rouges sur les institutions. Prenons comme exemple le film « Les araignées de la nuit » diffusé en 2002 et toujours inédit à télévision. Il prend pour cible le financement des hommes politiques en campagne électorale, avec une sorte de pré-science, vu les mauvaises surprises au premier tour en 2002 -. Dans le film des 5 candidats à la Présidence – du nombre de 5, “Dugland, Dupont, Durand, Dubois,…” -, aucun ne se distingue véritablement pour gagner les élections. Un mystérieux groupuscule “Les araignées de la nuit”, tente d’en supprimer certains par la force… Certes les coutures sont un peu lâches, on a vite fait de deviner par la voix et la silhouette de qui se cache derrière le masque à gaz de la mystérieuse araignée, chef de cette organisation maffieuse. Le film souffre d’un manque de moyens évidents, de par sa post-synchronisation un peu schématique. Reste que Mocky a un incroyable talent pour installer un climat, trouver des lieux de tournages originaux, et dénonce à sa manière, même si c’est un peu à l’emporte-pièce le cynisme ambiant. Le scénario tient plutôt la route, il est cosigné par l’excellent André Ruellan. On suit donc ce jeu de massacre avec un plaisir évident. Il y a bien sûr de nombreuses invraisemblances, comme les membres de la société secrète ont même un tatouage d’araignée comme signe de distinction, ce qui n’est pas idéal, convenons-en pour rester discret.

Jean-Pierre Mocky & Patricia Barzyk
Mocky puise dans l’esthétique de la série B, avec un plaisir renouvelé et une certaine désinvolture. On retrouve aussi avec plaisir le Mocky Circus, qui hélas s’amenuise un peu avec les années, malgré de nouveaux venus – Jackie Berroyer pour une simple apparition en légiste en grève, Rodolphe Pauly azimuté, Ludovic Schoendoerffer en journaliste, etc… -. Les habitués se livrent à des numéros réjouissants, d’Hervé Pauchon, tueur débrouillard et bondissant, Dominique Zardi, homme politique suffisant et coiffé d’une improbable perruque, Michel Bertay politicard infatué de lui-même, François Toumarkine excellent en policier cauteleux et corrompu, Jean Abeillé en préfet de police indolent, les étonnantes Nadia Vasil et Evelyne Harter, en respectivement femme et sœur possessives d’hommes politiques, Maurice Vallier, perdu de vu ces derniers temps en homme blasé, etc… Mocky lui-même se réserve le rôle principal dans un registre proche d’ “Un linceul n’a pas de poches”, en électron libre revanchard, il réserve à son actuelle compagne Patricia Barzyk, un rôle complexe d’où se dégage son charme habituel. Les bonus sont hélas de plus en plus léger, deux entretiens assez mal sonorisé avec Patricia Barzyk et Mocky lui-même. Mais on peut retrouver une curiosité, avec, assurément, la bande-annonce la plus cheap de tous les temps… Sur une image vidéo de mauvaise qualité on retrouve la course de fond de quelques candidats… nus. Le film étant mal distribué, Mocky l’a donc élaboré avec les moyens du bord. Même sur le mode mineur, Mocky reste Mocky et déploie souvent des trésors d’inventions, même avec un tout petit budget. Saluons encore une fois, son mordant, sa drôlerie, son irrévérence et son originalité constantes.

Saluons la bonne idée de Tristan Carné, dans cette production de Claudie Ossard, de reprendre le principe du film à sketches de “Paris vu par” (signés par Chabrol, Jean , Jean-Luc Godard, Jean Rouch, Éric Rohmer et Jean-Daniel Pollet) qui avait déjà fait objet d’un remake en 1984, “Paris vu par… vingt ans après” signé par certains dignes héritiers de la nouvelle vague (Garrel, Mitterrand, Akerman, etc. L’idée intéressante était cette fois de privilégier le regard de cinéastes étranges, histoire de vérifier si notre réputation de peuple inhospitalier et arrogant pouvait ce vérifier par le biais de la fiction. Les réalisateurs ont eu comme contrainte, un temps très court de tournage – 2 jours et deux nuits – et une durée de 5 minutes. Le résultat est forcément inégal comme tout film à sketches, mais après l’épouvantable meringue de Luc Besson sur la ville Lumière on ne craint plus rien… L’idée initiale étant de faire un épisode par arrondissement, soit 20 au total. C’est évidemment les réalisateurs les moins connus qui voient leur résultat rester sur la table de montage – Christoffer Boe – “Le 8 à 8 d’Angelina Jolie” avec Jonathan Zaccaï, Camille Japy et Éric Poulain, et celui de Raphaël Nadjari dont il subsiste quelques plans avec Eric Caravaca à la fin du film. On engage le yes man habituel de Gérard Depardieu, le tâcheron Frédéric Auburtin pour “créer une fluidité dans le récit” (sic), c’est dommage de ne pas voir ces deux courts ne prennent que 10 minutes sacrifiés ainsi sur l’autel de la rentabilité, il est évident que la production a pensé uniquement au nombre de séances. Le projet a été mouvementé, le tournage ayant commencé en 2002 avec l’épisode signé Tom Tykwer, avec Nathalie Portman, pas le meilleur du film d’ailleurs. Le parti pris d’éviter la carte postale – les frères Coen tournant dans le métro, Walter Salles utilisant Paris et sa banlieue comme une ville anonyme – est plaisant, tout comme celle de retrouver un Paris méconnu. Le film commence agréablement par le segment de Bruno Podalydès, “Montmartre”, rendant hommage à Pierre Étaix avec l’idée de l’automobiliste qui n’arrive pas à se garder dans le XIIIème, avant qu’il ne rencontre une jeune femme qui a un malaise.
On reprend ! Face à l’overdose de comédies françaises ces derniers temps, c’est un grand plaisir de retrouver un ton particulier, celui du cinéma d’Emmanuel Mouret, présent le 14 juin à l’avant-première de son film “Changement d’adresse” à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux. C’est un rire intelligent comme le disait Pierrot dans son
Ce film fait suite à “Wesh Wesh, qu’est ce qui se passe” (2001), qui se passait dans une banlieue française . On retrouve Rabah Ameur-Zaïmeche, à la fois comme interprète et comme réalisateur. On découvre une ville algérienne par un long travelling, puis par le regard de Kamel. A la suite de la double peine, il est y renvoyé de France après avoir purgé une peine de prison, sans que l’on sache trop pour quelle raison. Kamel est joué par le réalisateur comme dans son film précédent. C’est à la fois un chant d’amour et d’incompréhension pour son pays – les montagnes du Nord-Est de l’Algérie -. Il y a une lucidité sans jugement moral sur son propre pays d’origine, que l’on ne comprendrait plus après avoir trop longtemps séjourné en France. Sans parler de désamour, il se retrouve un peu décalé, arrivant difficilement à se faire comprendre même si ces voisins parlent français. Il se voit contraint de rester sur place. Il observe l’évolution de son pays natal et la stagnation d’un pays qui finit par le dérouter. Les contradictions de l’Algérie, sont ici dépeintes avec subtilité. Il prend soin de styliser certains problèmes, appelant certains personnages, que l’on identifie aisément comme fanatiques religieux, des desperados. Le pays est tiraillé entre tradition – saisissant abattage ritualisé d’un taureau -, évolution technologique, avec la présence de la parabole, drogues douces ou des violences conjugales. L’Algérie est montrée de manière charnelle, loin des clichés, la joie de vivre éclate dans les fêtes locales, pour mieux oublier les problèmes existants. Tout n’est pas véritablement démontré, Rabah Ameur-Zaïmeche, ne se donne pas le meilleur rôle, il est plus en retrait, accompagne notre regard. Il privilégie deux personnages, Louisa et Bouzid. Louisa – Meriem Serba, touchante – est une jeune femme, qui ne rêve que de chanter – elle finira par l’exaucer de manière inattendue -. Elle est en froid avec son mari – Ramzy Bedia, sans Éric Judor, excellent rajoutant une note d’humour à un personnage assez déplaisant, conclusion séparons les comiques ! -. 
“Charles Vanel a quatre-vingts ans, Michel Simon soixante-dix-huit, Pierre Brasseur soixante-huit et moi soixante-dix. Je calcule que nous totalisons près de trois cents ans à nous quatre, et qu’en nous mettant les uns au bout des autres, on pourrait assister à la mort de Molière dans “Le malade imaginaire”, en 1673.” Claude Dauphin, “Les derniers trombones” (Éditions Jean-Claude Simoën, 1979). Ce livre est le récit d’un tournage à Brunico, de 1972, celui de “La plus belle soirée de ma vie / La più bella serata della mia vit”, diffusé tardivement en France en mars 1979. La plume de Claude Dauphin est alerte, mordante, riches en anecdotes, imaginez les quatre trombones – les Italiens nomment ainsi nos “Monstres sacrés” -, face à Alberto Sordi, endeuillé par la mort de sa sœur qu’il adorait, entre le calme habituel de Charles Vanel, et les délires du couple Simon-Brasseur. Il raconte également la triste de mort de Pierre Brasseur, sur le tournage même, il ne lui manquait juste à tourner que la scène du cauchemar. C’est un livre formidable, sans doute épuisé, mais l’un des meilleurs témoignages de tournage de film. Le film réalisé par Ettore Scola qui est actuellement diffusé sur TPS sous le titre “La panne”, est à voir absolument. C’est la livre adaptation de la nouvelle de Friedrich Dürrenmatt “La panne” . L’adaptation est habile, le co-scénariste en étant Sergio Amedéi. Moins tragique que le roman, et baignant dans un climat fantastique, le film élude le suicide du personnage principal, qui se pend pris de remord. C’est ici Alfredo Rossi campé par un magistral Alberto Sordi, j’ai privilégié la version italienne pour goûter la richesse de son jeu. Curieusement retrouver les quatre comédiens français doublés en Italien, gêne assez peu, on se prend au jeu de découvrir ses chimères. Rossi se fait appeler abusivement Dottore, une tradition italienne donnant ce titre ronflant aux gens important. Dès les premières scènes, on découvre sa veulerie, râlant dans un embouteillage. Il est en Suisse pour aller chercher quelques fonds secrets – la somme est évaluée au poids ! -, qu’il va chercher dans une épicerie de façade. Mais la banque est fermée, il va suivre une blonde sculpturale habillée en motarde, comme un ange noir échappé de chez Jean Cocteau. Il la course dans sa rutilante et ronflante voiture rouge, avant de se retrouver mystérieusement en panne. Il se retrouve dans un château, celui du comte de La Brunetière – très émouvant, on voit en lui “La mort au travail” comme disait – encore lui – Cocteau.
C’est un hôte très sympathique, il présente à Alberto, ses quatre compagnons deux juges à la retraite comme lui, Zorn et Lutz – Michel Simon, jubilatoire et en très grande forme et Charles Vanel impassible comme à l’accoutumé -. Un ancien greffier les accompagne, appétit d’autruche et mémoire d’éléphant – Claude Dauphin qui ne démérite pas de ses illustres partenaires. Alberto cherche à partir, mais il découvre une grande et belle blonde – Janet Agren, vedette des seventies -. Il accepte d’entre dans le délire des quatre hommes, qui adorent pour tromper l’ennui refaire les grands procès de Jeanne D’Arc à Philippe Pétain. Mais ils préfèrent avoir un personnage vivant, et décident de jouer à le très exubérant italien. Un repas somptueux et très arrosé, est le cadre de ce procès, Alberto est moyennement rassuré car il y a en plus Pilet, un serviteur muet, patibulaire… et ancien bourreau. Le jeu est féroce, d’autant plus que Rossi vient d’un milieu modeste, et compense la grande érudition de ses hôtes, avec une vivacité de chaque instant. De La Brunetière, joue l’avocat de la défense, et est absolument désolé car l’Italien, un arriviste forcené, trouve normal sa réussite, qui provient de quelques combines avec les Américains, dans l’immédiate après-guerre. Assez odieux, combinard, il est la cible de choix pour ces magistrats, d’autant plus que la personne dont il occupe la place est mort d’une crise cardiaque. La folie du film, son déroulement est habilement mis en scène par Ettore Scola qui digère ainsi le cabotinage de ses comédiens. L’idée de confronter l’un des plus grands acteurs italiens, Sordi est absolument incroyable ici, ne ménage pas son image, et finit par devenir attachant de part la modestie de ses origines, face au cynisme de notables qui se livrent à un petit jeu cruel. Tout ici est drôlatique, de Sordi dormant dans le petit lit de Napoléon – les nobles dormaient assis pour avoir meilleure peau – aux altercations passionnées de Brasseur et Simon. C’est un jeu de massacre irrésistible, le fruste face aux raffinés, montre aussi la situation économique de l’Italie d’alors. Ce grand moment de cinéma, nous démontre à nouveau l’âge d’or du cinéma italien de ces années là, difficile de retrouver une équivalence désormais.
Vendredi c’est Panini ! le compte à rebours de la coupe du monde a commencé. Certains vont souffrir, si vous avez comme moi une case non irriguée du cerveau ne vous permettant pas de goûter aux charmes du football. Comment surmonter une incompréhension totale pour suivre quelques pérégrinations de milliardaires en short ou des commentaires passionnés qui vous laissent absolument de marbre ? Les dérives du football sont nombreuses, la haine étant souvent un moteur pour les passionnés, un exutoire montrant les pires dérives racistes – cris de singes sur certains joueurs jusqu’à l’imitation du Zyklon B -. Le parti pris est ici de découvrir ce petit monde hooliganiste, au travers du regard de Matt Buckner, un jeune américain – Elijah Wood, qui est excellent dans l’évolution de son personnage – . Il nous convie à suivre son regard extérieur face à des supporters anglais, avant d’y adhérer sans réserves. Il se retrouve en Angleterre pour retrouver sa sœur, car il vient d’être renvoyé de l’université d’Harvard où il devait achever des études de journalisme. Il s’est montrait complaisant en acceptant d’être désigné comme dealer de drogues, en échange de quelques argents, en endossant la responsabilité d’un jeune fils à papa, dont le père a une grande influence. Dépité, il se retrouve en Europe, il n’a pas informé son père grand reporter, constamment absent, qu’il ne peut joindre que par répondeur. Il trouve refuge chez sa sœur – Claire Forlani, incarnation de la sagesse -, bourgeoisement installée, elle vit désormais avec son mari et son enfant. Matt y rencontre Pete Dunham, le frère de son beau-frère – Charlie Hunnam, apportant un charisme certain -. Cette rencontre est assez tumultueuse, mais Pete finit par le prendre en sympathie. Batailleur et violent, il lui fait rencontrer sa bande de hooligans dont il est le leader. Ces membres finissent par l’accepter hormis Bovver qui voit d’un sale œil cette nouvelle recrue. Ce dernier est interprété par Leo Gregory, étonnant acteur ayant une forte présence, avec un physique tourmenté à la Klaus Kinski, nous livrant un curieux mélange de sensibilité et de sauvagerie. Matt remplit de rage suite à l’injustice dont il est victime, finit par trouver avec eux un expiatoire à sa lâcheté, en se faisant une place dans chez eux. Le groupe est haineux, raciste – optique abandonnée très vite dans le film cependant -. Même s’ils réfutent l’appellation de gang, ils se livrent à des bagarres sanglantes contre d’autres groupes en se désinhibant allégrement à la bière. Lexi Alexander, une cinéaste allemande, montre donc l’utra-violence de ces fanatiques. 
Avant-première, ce jeudi 1 Juin, à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux d’ “Avril” premier long-métrage du réalisateur Gérald Hustache-Mathieu, en sa présence, et celles de Sophie Quinton, Clément Sibony et de la productrice Isabelle Madelaine. Le film est une bouffée d’air frais dans le tout venant du cinéma français. Avril est une jeune novice, qui s’apprête à prononcer ses vœux dans un austère couvent. Enfant trouvée, elle avait été confiée à une petite communauté rigoriste de religieuses. Sœur Dominique – Miou-Miou remarquable, quittant une résignation subir pour se rebeller sans heurts – qui a remarqué son talent de peintre. Avril dessine dans des missels, elle blanchit les pages avant d’y faire de petits tableaux. Elle n’a connu que ce mode monacal, quasi carcéral, dominée par la personnalité de Mère Marie-Joseph. C’est l’étonnante Geneviève Casile, qui dès son premier plan où elle rattache ses cheveux, campe habilement son personnage. C’est un, mélange d’autorité, aigreur, et autoritarisme. Le petit monde du couvent semble hors du temps, malgré l’égide de son austère mère supérieure. Elles sont toutes solidaires et humaines comme Sœur Céleste, attachante vieille religieuse – Monique Mélinand faisant preuve d’émotion et d’intelligence, son réalisateur l’avait remarquée dans “Le coup de la girafe” -. Avril doit subir un isolement de quinze jours dans une petite chapelle frigorifiante, avant de devenir “ad vitam eternam” religieuse. Sœur Dominique qui instille quelques idées de liberté – à l’image de la fleur “qui ne connaît que son verre d’eau”. Elle a une grande révélation à faire à Avril, avant qu’elle ne fasse son choix… Filmé avec un aplomb et une sensibilité rares dans notre joyeux cinéma hexagonal, plus prompt au formatage ces derniers temps que de faire preuve d’une véritable invention. Son réalisateur Gérald Hustache-Mathieu s’impose dès les premiers plans. J’avais le souvenir d’un ton original dans son court-métrage “Peau de vache”, sans avoir vu son autre court “La chatte andalouse”, tous deux avec Sophie Quinton récompensée à Clermont-Ferrand, avec un prix d’interprétation pour ce dernier. Elle est pour son auteur une muse, elle ici toujours aussi remarquables après ses prestations ténues dans “La nourrice” ou “Qui a tué Bambi”, ou “Poids léger” où elle était la sœur de Nicolas Duvauchelle. On devrait d’ailleurs la retrouver en prostituée dans le prochain film de son réalisateur qui déclare vouloir jouer avec d’autres clichés. Avril va vouloir sortir de son couvent suite à la révélation de son aînée, sans vouloir trop déflorer l’histoire – l’avantage de voir le film en avant-première, car la bande-annonce dévoile beaucoup de l’intrigue -.
Évidemment, si vous avez vu comme moi le “Marie-Antoinette”, made in – qualité – France, de Jean Delannoy (1955), avec Michèle Morgan dans le rôle titre qui semblait sortir d’une lobotomie, vous ne craignez pas le pire quand vous entrez voir cette nouvelle version. Sofia Coppola se révèle en trois films, être la cinéaste de l’insatisfaction, regard blasé de ceux dont la découverte d’une ville comme Tokyo laissent de marbre – “Lost in translation” (2004) -. C’est une vision pas très aimable des choses, à contre-courant, et on finit pourtant par s’attacher à ses personnages – Kirsten Dunst, Bill Murray, pour ses deux premiers films -. On droit donc ici à la quasi-intégralité de la famille Coppola, le cousin Jason Schwartzman, pourtant très inspiré chez Wes Anderson, qui nous livre un Louis XVI apathique, le père Francis comme producteur exécutif, et même le frère Roman – qui prouve comme réalisateur du sinistre CQ en 2001, que le talent n’est pas forcément héréditaire -, comme réalisateur de seconde équipes. Sofia Coppola, c’est un petit peu le syndrome de la pôôôvre petite fille riche, blasée le gendre, mais il serait stupide de ne pas reconnaître son grand talent comme cinéaste en raison de son pedigree écrasant. On pouvait craindre la vision d’une Marie-Antoinette – Kristen Dunst à nouveau naïve et désinvolte –parishiltonisée, car le film est non conventionel, on retrouve des anachronismes assumés à l’instar de fameuse paire de “Converse” mauve ! Mais comme disait Dumas “Il est permis de violer l’histoire à condition de lui faire un bel enfant.”, bon, ici il a une drôle de bouille, mais au moins il tient sur ses jambes. La reconstitution peine un peu, nous ne sommes ni dans la subtilité d’un Milos Forman, ni dans les délires baroques d’un Ken Russel – une des références de la cinéaste, de même que… David Hamilton ! -. La reconstitution est assez stylisée, elle utilise au mieux le talent de la costumière Milena Canonero – son travail dans le “Barry Lindon” de Kubrick était prodigieux, qui a superbement mélangé les époques et les influences. Reste qu’elle est habile à traduire pour traduire, le déracinement, les rites très lourd de la court, menés par une Judy Davis – d’origine… australienne -,surprenante comtesse de Noailles. Le ridicule de ces cérémonies d’initiations est bien traduit. La théâtralité d’un protocole étouffant est habilement mise en scène, de la manière pour Marie-Antoinette de devoir se défaire de son vécu autrichien dans un passage symbolique entre deux frontières, à la manière d’une transfuge dans un film d’espionnage. Mais la réalisatrice semble ensuite trop confiante de son art, elle laisse les redites s’installer, c’est un peu le portrait d’une Madame Bovary qui pourrait assumer ses fantasmes, mais qui continuerait à végéter cependant. S’il y a quelque chose que l’on puisse partager avec elle, c’est bien un certain ennui, devant quelques scènes conventionnelles bousculées cependant par quelques anachronismes et quelques fulgurances. 
Nouvelle ode charnel à la mère pour Pedro Almodóvar après “Tout sur ma mère”, au travers de quatre générations de femmes d’une même famille. On connaît son goût pour dynamiter le mélo, et les télé-novellas qu’appréciais d’ailleurs sa propre mère. Même si le film laisse poindre un petit essoufflement de même que pour “La mauvaise éducation”, un manque de tension dans l’histoire, il montre cependant la grande constance du talent de son réalisateur. Truculentes, combatives, luttant contre le machisme de leurs hommes, elles sont solidaires entre elle. Les malheurs semblent glisser sur elles, comme le pluie sur les plumes d’un canard. Les quartiers populaires bigarrés, sont décris avec beaucoup de chaleur et d’humanité, de même sur le voisinage, de la voisine allant chercher le pain, de la lutte constante contre les petites avanies du quotidien, comme dans les grands drames, ou les traumatismes les plus cruels, pour la vieille tante de Pénélope Cruz, cette dernière campant Raimonda, étant le chef de ce petit clan. Dans un quartier de populaire d’une petite ville de la Manche, Raimonda mène une vie assez morne, avec un mari d’une beaufitude assumée. Elle est mère d’une adolescente, est très liée avec sa sœur Sole, coiffeuse à domicile – Lola Dueñas – depuis la mort de ses parents dans un tragique incendie, elle va traverser une période de crise, entre ceux qui partent, et… ceux qui reviennent. Le film commence superbement par le ballet des femmes, nettoyant les tombes, pour la Toussaint, retraçant ainsi l’intimité qu’elles ont avec la mort, d’où la presque normalité de retrouver un personnage revenu de chez les morts. Le vent incessant et malicieux, semble être un signe avant coureur de changements, installant un climat onirique. Si le scénario est original – le prix du meilleur scénario à Cannes semble assez excessif malgré son côté tortueux, mais ne semble que traduire la déception, sur la mine boudeuse d’Almodóvar de ne pas avoir la palme d’or -. 
Et voici le phénomène canadien “C.R.A.Z.Y.”, ce qui me laisse un peu dubitatif – c’est grave docteur ? -, une petite déception étant au rendez-vous face à un bouche à oreille presque unanimement enthousiaste. On retrouve donc une saga familiale, chère au cinéma canadien, si l’on se souvient de la famille “Les Plouffe” dans les années 80. Si le fond peut s’avérer touchant, la forme, faussement virtuose, me semble être loin de la poésie et de l’inventivité d’un Jean-Claude Lauzon si l’on pense au beau “Léolo”, Jean-Marc Vallée nous servant une esbrouffe de mise en scène certes efficace, qui semble toucher beaucoup de personnes, mais m’a personnellement laissé un peu à la porte. Il me semble un peu recycler les effets modes actuels, pompant sans vergogne par exemple “Six feet under”, série novatrice, en faisant visualiser les fantasmes des personnages, comme scènes de la messe, où pour tromper son ennuie Zachary s’imagine léviter au milieu des fidèles avant de faire un numéro musical au son de “Sympathy for the Devil” des Rolling Stones. Le film finit par perdre son rythme dans ces effets divers. Reste le portrait en creux de la société canadienne, sur trois décennies, est lui plutôt réussit – le scénario s’inspire de la propre vie du co-scénariste François Boulay. Le portrait de cette famille est attachant, et évite la caricature. Le personnage central est celui Zachary Beaulieu – belle révélation de Marc-André Grondin, promis à une carrière internationale -, né le 25 décembre 1960, donc déjà un peu à part, dont la sensibilité va être malmenée – il est le quatrième de 4 garçons, figures stéréotypées de rigueur : “L’intello”, “le sportif”… -, et dont l’homosexualité va rebuter son père, réactionnaire bourru et psychorigide. L’évocation des années 70, – les indispensables “pattes d’éph”, notamment aidant allégrement à traverser le temps -, le charme discret du vinyle, rien ne manquant à l’appel, la reconstitution est alerte et crédible. L’étouffement ressenti dans une société catholique, ponctué par l’ennui probant d’une messe, est habilement figurée. 