On reprend ! Face à l’overdose de comédies françaises ces derniers temps, c’est un grand plaisir de retrouver un ton particulier, celui du cinéma d’Emmanuel Mouret, présent le 14 juin à l’avant-première de son film « Changement d’adresse » à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux. C’est un rire intelligent comme le disait Pierrot dans son blog. Présenté avec succès à la quinzaine des Réalisateurs à Cannes, ce film confirme l’originalité du travail d’Emmanuel Mouret après « Laissons Lucie Faire » et « Vénus et Fleur ». Paul – Emmanuel Mouret en personne – est un musicien provincial timide, il emménage par le hasard d’une rencontre avec la volubile Anne – Frédérique Bel -, histoire de partager les frais au vu des difficultés croissantes pour se loger à Paris et dont il devient le confident. Il tombe amoureux d’une de ses élèves, la discrète Julia, après avoir répondu à la demande de sa mère – petite participation d’Ariane Ascaride, en grande bourgeoise -. Il finit par la séduire, avant que n’intervienne Julien, homme d’affaires qui promène une certaine assurance.  La distribution est atypique et très inventive. Frédérique Bel dans un flot verbal qui serait loin d’être indigne d’un  est étonnante à des années lumière de son personnage de « La minute blonde » – un des rares exemples de drôlerie dans un Canal + sinistré -, elle se retrouvait évidemment ric Rohmer, il faut la voir « attaquer » une bouteille. Souvent cantonnée à des rôles de blondes nunuches à l’image de son désolant personnage dans le très surfait « Camping », ou son rôle de Miss France, limite figuration intelligente, dans « Un ticket dans l’espace », plus inventif que le précédent, elle prouve ici son grand talent. Fanny Valette, rivalise avec elle de charme, en jeune femme un peu renfermée, qui se cherche un peu, performance d’autant plus louable que son personnage est assez mutique au début du film, elle confirme après « La petite Jérusalem » ses capacités d’actrices, montrant les contradictions de son personnage entre maladresses et incertitudes, elle habite le film avec une très belle présence. Autre bonne surprise, c’est de retrouver Dany Brillant, séducteur frondeur qui se révèle très convaincant comme comédien après quelques apparitions sur le grand écran. Le réalisateur a eu l’idée de le choisir en le voyant dans la retransmission TV de l’élection de Miss France ! – encore elle… -.


Dans le rôle de Paul, entre tempérament fleur bleue et désenchantement, Mouret a trouvé une manière habile et décalée de camper son personnage, une silhouette, une manière de jouer avec ses vêtements. Il joue adroitement des situations, mémorable scène où il paye dans un café avec de la petite monnaie, scène digne d’un burlesque muet américain, et les mots, à l’exemple de son instrument Il un sens particulier des lieux, retrace les incertitudes de ses personnages, les hésitations et les difficultés avec la vie, le cor idéal pour quelqu’un qui trouve son corps encombrant, ce n’est jamais gratuit. On s’attache à son personnage et on a même envie de le « secouer » quand il s’efface derrière son rival amoureux. Quand j’ai évoqué le souvenir de la présence de François Truffaut comme comédien de ses films, il m’a rappelé son aphorisme, jouer dans son film, c’est la même chose que d’écrire une lettre à la main, contre taper un texte à machine si on utilise un comédien. Son jeu parfois irritant dénote pourtant d’un univers poétique. La mise en scène, bien que peu spectaculaire, est très élaborée, de la manière de mettre en valeur les hésitations et les échanges des personnages dans ce marivaudage léger. C’est amusant d’écouter les commentaires d’Emmanuel Mouret après le film, jouant de modestie, de ses origines marseillaises, avec une bonne dose d’autodérision. Il provoquait même des réactions singulières des spectateurs. Le retrouver, c’était une manière finalement de rencontrer son personnage de Paul comme tombé du film. En prenant connaissance du faible temps entre l’écriture, le tournage en début d’année et la post-production, on ne peut être qu’admiratif du résultat final. Une bouffée d’air frais fantaisiste dans le tout venant de la comédie à la franchouille, que l’on finit par ne plus trop supporter même quand on est comme moi, plutôt grand public.